Avant-propos

1Parmi les collections riches et variées que conserve le Cabinet des médailles, celle des pierres gravées occupe une place particulière. C’est en effet l’une des plus importantes au monde, à la fois par la quantité des pierres qui s’y trouve préservée (environ 10 000), par la variété des civilisations représentées (de l’Orient ancien au xx^e siècle occidental), mais surtout par la qualité exceptionnelle d’un grand nombre de ces objets, dont il serait actuellement impossible de trouver l’équivalent sur le marché de l’art. Ces pièces maîtresses, gravées pour des princes durant l’Antiquité, nous furent transmises par les rois de France, et ce depuis le Moyen-Âge. Le souvenir de l’intérêt que les souverains portaient à leurs collections demeure tangible au travers des montures d’or décorées de pierres précieuses ou d’émaux que ces grands personnages (tels Charles le Chauve, Charles V, François I^er et Louis XIV) commandaient à des orfèvres renommés.

2Le Cabinet des médailles a entrepris depuis 1978, à l’initiative de Georges Le Rider, la publication systématique des collections de pierres gravées (islamiques, sassanides, ouest-sémitiques, et, en préparation, les sceaux-cylindres). C’est dans cette série que prend place le premier volume des portraits du Cabinet des médailles, consacré à la période hellénistique ; ce tome initial sera suivi d’un second, qui traitera de la période romaine.

3Connue comme la plus grande spécialiste de glyptique mais aussi historienne, numismate, helléniste, latiniste, Marie-Louise Vollenweider a envisagé la publication des collections de pierres d’époques grecque et romaine d’une façon nouvelle. Elle a sélectionné pour ce premier tome 283 camées et intailles dans la collection du Cabinet des médailles. Les figures qui s’y trouvent gravées étaient, la plupart du temps, considérées comme des personnifications idéalisées de héros et de divinités classiques. Notre collègue y a reconnu des portraits de princes hellénistiques et de philosophes. Ses identifications audacieuses d’Alexandre le Grand, de souverains ptolémaïques, séleucides, pontiques, cappadociens apparaissent très vraisemblables, eu égard à la finesse du travail de gravure, aux dimensions comme à la beauté des pierres employées (sardonyx, améthyste, saphir, grenat, cristal de roche, cornaline). Seuls des personnages de haut rang ont pu commander et posséder ces œuvres d’art miniaturisées. Une diffusion plus large et populaire d’intailles, à format très réduit et facture moins achevée, fabriquées à partir de matériaux d’un travail plus facile, comme le jaspe, diffusion aussi de camées en pâte de verre, se développe pendant la seconde moitié du II^e siècle et au I^er siècle av. J.-C. On en trouvera ici de nombreux exemples.

4Nous devons aussi à Marie-Louise Vollenweider certaines attributions inédites dont la plus novatrice est celle d’un camée d’Alexandre le Grand au graveur Pyrgoteles, connu par le témoignage de Pline l’Ancien (Hist. Nat. VII, 125) : « Un décret de cet empereur (Alexandre) interdit à tout autre qu’à Apelle de peindre son portrait, à tout autre qu’à Pyrgoteles de le graver, à tout autre qu’à Lysippe de le couler en bronze. » Or, jusqu’à présent, aucune œuvre de cet artiste, si célèbre dans l’antiquité, et à qui l’on doit une conception tout à fait nouvelle du portrait en pierres dures, n’avait été identifiée. D’autres pierres sont sorties de l’obscurité. Ainsi une intaille d’expression intense pourrait être un portrait de Plaute, portrait exécuté selon l’interprétation personnelle et puissante du graveur de l’empereur Auguste, Dioscouride.

5Ces quelques mots montreront à quel point l’ouvrage est riche de nouveautés, d’autant qu’il est accompagné de remarquables photographies dues à l’auteur ; elles sont complémentaires de la description textuelle, précise et vivante qui ressuscite à notre intention ces personnages d’un passé fort lointain. L’œuvre de Marie-Louise Vollenweider demeure (pour les archéologues, numismates, historiens) source de débats profonds, de réflexions fécondes.