Introduction

1Une Nation devient pleinement ce qu’elle doit être lorsqu’elle protège les plus faibles des siens. La protection par l’État des plus pauvres, en réalité des plus démunis, est l’expression de sa maturité. La vulnérabilité, les situations de fragilité se démultiplient en prenant le visage des minorités sociales, celui des exclus, des rejetés, des laissés pour compte, des gens du voyage, mais aussi des personnes souffrant d’un handicap, des sans-emploi, des prisonniers. Ces approches d’une humanité blessée ne sont, malheureusement, pas exclusives l’une de l’autre, accentuant le phénomène de « mise à part » observé par ceux qui sont bien portants, les nantis, les intégrés, les socialement reconnus.

2Si le visage buriné d’un ancien émeut dans tous les signes du tourment de la vie qu’y peuvent s’y lire, le visage de l’enfance rejoint, hors de toute temporalité, celui-là même que la vie aura marqué, parce qu’au cœur du visage juvénile transparaît le cri muet et rugissant d’un appel à la tendresse justifié par la même humanité1. L’enfance, le handicap, la vieillesse, le chômage, l’immigration sont autant de situations où la recherche de sens devient plus poignante. La dignité de la personne y est première. La fondamentalité des droits et libertés est la technique du nouveau siècle qui voudrait dresser un rempart de protection contre tout ce qui altère cette dignité.

3La protection de la personne, de ses droits et libertés, au moyen de la question prioritaire de constitutionnalité, est l’écho de ce mouvement général en faveur des plus faibles. Le secours d’autres instruments juridiques justifie, plus particulièrement s’agissant de l’enfance, sinon une articulation de la protection constitutionnelle avec celle de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), spécialement en son article 20, et celle de la Cour européenne des droits de l’homme, du moins une mise en perspective de l’avancée des droits et libertés.

4Le Conseil constitutionnel français, par les différentes décisions prises sur des questions prioritaires de constitutionnalité, montre une volonté ferme de défendre, par le fait même de la minorité, l’enfant (I), au moyen d’un régime de protection constitutionnelle (II).

I. La constitutionnalisation de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant

5Pour fonder une protection, encore faut-il délimiter son objet. L’enfance est appréhendée à partir du concept juridique de la minorité (A), laquelle a donné lieu, pour les mineurs non accompagnés, antérieurement désignés par l’expression mineurs isolés étrangers, à la constitution d’un fichier Appui à l’évaluation de la minorité (B).

A. La délimitation d’un domaine de protection : la minorité

1. L’enfant en tant que mineur

6L’enfance justifie une protection en tant que situation de vulnérabilité d’une personne dont la croissance n’est pas achevée, entendue de sa capacité à un plein usage de ses facultés volitives et intellectuelles lui permettant de poser à l’issue d’un processus délibératif une décision pleinement consciente l’engageant à l’égard de lui-même et des autres. Pourtant le droit calque le régime de protection non sur la personne et sa capacité d’accès à l’autonomie par rapport à un discernement naturel, mais sur l’appréhension par le droit de la pleine capacité juridique du sujet de droit. Or, le droit fixe à dix-huit ans la majorité des personnes qui leur confère, sauf altération de leurs facultés personnelles justifiant des mesures de protection propres aux majeurs, cette pleine capacité juridique.

7L’article 414 du code civil dispose : « La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance ». Par différence, l’article 388, alinéa premier du même code énonce : « Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis ».

8Pourtant, ce n’est pas l’intérêt supérieur du mineur qui est protégé constitutionnellement, mais l’intérêt supérieur de l’enfant.

2. L’intérêt supérieur de l’enfant

9Par une décision aussi importante que remarquée, le Conseil constitutionnel a, le 21 mars 20192, reconnu la valeur constitutionnelle de l’intérêt supérieur de l’enfant en le rattachant au préambule de la Constitution de 1946 : « 5. Aux termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : “La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. – Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs”. 6. Il en résulte une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette exigence impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures ». Ce faisant le Conseil constitutionnel emploie l’expression en usage par les conventions internationales de protection des droits de l’homme et affermit ainsi le principe protégé.

10Il inscrit cette constitutionnalisation dans un processus de reconnaissance progressif. Déjà, la décision DC n° 2013-669 du 17 mai 2013 à propos du mariage entre personnes de même sexe avait jugé à propos de l’adoption d’un enfant : « que ces dispositions (CC, art. 353), applicables que les adoptants soient de même sexe ou de sexe différent, mettent en œuvre l’exigence résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon laquelle l’adoption ne peut être prononcée que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant » (n° 54). Et c’est encore à l’alinéa 10 du Préambule de 1946 que le Conseil s’est référé pour apprécier le respect de la protection de l’intérêt de l’enfant à propos de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dite J21, autorisant à compter du 1^er janvier 2017 le divorce par acte d’avocats3.

11Si l’on peut se réjouir de la constitutionnalisation de l’exigence de la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, sans entrer pour l’instant sur la question du contenu de cette protection ou des modalités de son appréciation, on doit cependant souligner que cette protection reste « la protection légale attachée à leur âge », ce qui réduit considérablement le domaine de la protection.

12À l’initiative d’une réflexion menée notamment par le Professeur Adeline Gouttenoire, la protection mise en place par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant dépasse le clapet des plus de 18 ans ou moins de 18 ans. Ceci est particulièrement perceptible et doit être salué dans les nouvelles dispositions du code de l’action sociale et des familles où la situation des « jeunes majeurs » est aussi prise en compte4. L’article L  112-3, al. 1^er CASF après avoir posé que « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits », précise en son alinéa 4, que les interventions de l’aide sociale « peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». C’est encore ainsi que l’article L  222-5-2 CASF permet la mise en place d’un protocole destiné à faciliter l’accès à l’autonomie des jeunes, étant précisé que ce » protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources ».

13Le seuil de la vulnérabilité ne saurait s’arrêter à la frontière d’un âge calendaire. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait aussi être dans le refus d’une délimitation exclusivement juridique lors d’une appréciation in concreto, en acceptant que certaines dispositions protectrices du droit des mineurs puissent s’appliquer aux jeunes majeurs. Pour l’heure, cette protection constitutionnelle est réservée au seul mineur, ce qui fonde l’importance de la détermination de l’âge de l’enfant.

3. Un intérêt réservé au seul mineur

14L’appréhension par le Conseil constitutionnel de l’enfance est en réalité une protection constitutionnelle du mineur, autrement dit de l’enfant de moins de dix-huit ans. Le couperet est donc fixé dans le temps, avant dix-huit ans et après dix-huit ans, la personne ne sera pas soumise aux mêmes dispositions juridiques au regard de son comportement qu’il s’agisse des mesures de protection, de sa défense pénale, des questions d’immigration.

15La décision du 21 mars 2019 du Conseil constitutionnel affirme la constitutionnalité de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant pour justifier le recours aux tests osseux dans la détermination de l’âge de la personne tel que prévu aux articles 388, al. 2 et al. 3 du code civil disposant : « Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé (al. 2). Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé (al. 3) ».

16La présomption de minorité joue en faveur du mineur en ce sens qu’en cas de doute résultant des analyses médicales, la personne bénéficie des mesures bienveillantes du droit des mineurs. Au demeurant, elle ne jouera qu’autant que l’examen médical aura été pratiqué5. Pour généraliser la protection et obtenir le rejet de la main levée du placement du mineur étranger à l’ASE suite au rapport d’analyse documentaire de la police à la frontière, un avocat alléguait que le doute profite au mineur lorsque l’âge de ce dernier n’est pas établi avec certitude. L’argument a été rejeté par la Cour de cassation. Le principe ne vaut que si un examen osseux a été ordonné, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. L’étendue de la protection du mineur et avec elle de l’intérêt de l’enfant à partir du doute qui lui profite ne sont-elles pas mises en cause par le fait que seul le juge judiciaire apprécie l’opportunité du recours à cet examen ?

17Au-delà c’est bien la protection même de l’intérêt supérieur de l’enfant qui est en cause, réduisant la majorité juridique à la détermination exclusivement physique de l’âge d’une personne, d’une part, à l’absence de prise en considération de sa maturité psychique et sociale, d’autre part6. La synonymie entre enfant et mineur au stade d’une protection des droits et libertés fondamentaux est sans doute en elle-même attentatoire au fondement même de l’exigence de protection.

18Si le seuil de la minorité est dépassé, sans aucun sas ou temps de transition, l’enfant est projeté dans l’univers juridique de la majorité bien plus rude. La détermination de l’âge devient alors prépondérante et avec elle la nécessité de distinguer ceux qui peuvent bénéficier de dispositions juridiques plus clémentes de ceux qui ne le peuvent plus. Ceci est particulièrement flagrant à l’examen de la toute dernière décision du Conseil constitutionnel relative aux mineurs non accompagnés.

B. L’appui à l’évaluation de la minorité : le fichier des mineurs non accompagnés (MNA)

19L’intérêt de la minorité tient dans la protection renforcée de la personne jugée vulnérable par le droit. Ceci, en matière d’immigration, conduit à des solutions d’accueil des mineurs qui bénéficient d’un ensemble de dispositions dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et du Code de l’action sociale et des familles (CASF) au titre des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance en tant que privés temporairement ou définitivement de leur famille7.

20Cette protection est assurée par des droits fondamentaux constitutionnellement protégés, mais aussi conventionnellement. La France a ainsi été condamnée pour avoir laissé à lui-même dans un bidonville à Calais un mineur étranger8.

21Afin de renforcer la mise en place de la protection des mineurs non accompagnés et faciliter leur prise en charge, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, en son article 51, a intégré au CESEDA un nouvel article L. 611-6-1 dont l’alinéa 1 dispose : « Afin de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ».

22La constitution de ce fichier des mineurs non accompagnés a été effectuée par le décret d’application n° 2019-57 du 30 janvier 2019 intitulé « Appui à l’évaluation de la minorité » (AEM). Il est précisé à l’article L  616-6-1, alinéa 3 précité que : « Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle ». Le décret est venu intégrer une nouvelle sous-section 3 intitulée « Appui à l’évaluation de la minorité », dans la section 4 consacrée aux « Conditions d’accueil et d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ». Aux termes du nouvel article R  221-15-6 CASF : « Les données sont effacées du traitement mentionné à l’article R  221-15-1 au terme d’un délai maximal d’un an à compter de la notification au préfet de département et, à Paris, au préfet de police de la date à laquelle l’évaluation de la situation de la personne a pris fin (al. 1). Lorsque le président du conseil départemental n’a pas procédé à la notification mentionnée au précédent alinéa, les données sont effacées au terme d’un délai de dix-huit mois à compter de leur enregistrement (al. 2) ».

23Ce « fichage » des mineurs étrangers a donné lieu à saisine du Conseil constitutionnel par question prioritaire de constitutionnalité par « les associations Unicef France, Convention nationale des associations de protection de l’enfance, Défense des enfants international – France, Médecins du monde, Médecins sans frontières, le Secours catholique, Fédération des acteurs de la solidarité, Cimade, Gisti, Fédération des associations de solidarité avec tous les immigrés, Ligue des droits de l’homme, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, Fédération de l’entraide protestante, Association nationale des assistants de service social et Avocats pour la défense des droits des étrangers, pour la fondation de l’Armée du salut et pour le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et l’union syndicale Solidaires »9.

24Pour affirmer la conformité de la disposition du CESEDA à la Constitution, le Conseil rejette successivement les arguments tirés de l’intérêt supérieur de l’enfant, en particulier l’absence de sécurité résultant de l’expression « personnes reconnues mineures », l’objet d’un traitement automatisé non limité à la seule protection de l’enfance, pouvant être utilisé dans la lutte contre l’entrée et les séjours irréguliers des étrangers en France, le refus de tirer toutes les conséquences d’un refus de recueil des données par la personne, et enfin le fait que le recours contre la décision déclarant la personne majeure n’exclut pas la mesure d’éloignement du territoire national.

25La décision s’appuie d’une part sur l’intérêt supérieur de l’enfant tel que défini dans la décision QPC du 21 mars 2019 précitée relative à la détermination de l’âge par le recours à des tests osseux, d’autre part sur la question du respect du droit à la vie privée du mineur, dès lors qu’il « appartient au législateur d’assurer la conciliation entre l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre public, objectif de valeur constitutionnelle, et le droit au respect de la vie privée » (n° 5).

26Or, l’objectif du fichier est de permettre à l’autorité de vérifier si l’âge du mineur n’a pas déjà été évalué, dont d’assurer un traitement plus rapide dans la mise en place de la protection, sans que le refus du recueil des données par la personne ne laisse présumer sa majorité : « À cet égard, la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci » (n° 7). Il est relevé que la pluralité de fins poursuivies par le fichier n’est pas en soi prohibée, il s’agit tout à la fois pour le législateur de « mettre en œuvre l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l’immigration irrégulière » (n° 8).

27La constitutionnalisation de l’intérêt supérieur de l’enfant, à ce jour limité aux seuls mineurs, permet la mise en œuvre d’une protection constitutionnelle des droits et libertés fondamentaux du mineur.

II. La protection constitutionnelle des droits et libertés fondamentaux du mineur

28Sur un total de 17 décisions QPC relatives aux mineurs, l’étude de ces décisions a révélé principalement deux axes prioritaires de protection, l’une d’entre elles concernant de façon plus globale la question du financement de la protection de l’enfance par les départements10. Le premier tend à protéger le mineur dans sa personne et sa famille (A)11, le second vise à assurer une justice des mineurs, plus spécifiquement la défense pénale du mineur (B)12.

A. La personne du mineur protégée constitutionnellement

29Les thèmes évoqués autour du mineur concernent le mineur en tant que personne, sa vie et sa santé, son insertion dans une famille, l’éducation à laquelle il a droit, mais aussi et de façon particulièrement intéressante s’agissant du mode d’appréciation de la violation d’un droit, le respect de la vie privée à l’occasion du contrôle mené sur la constitutionnalité du fichier d’aide à l’évaluation de la minorité dans la décision du 26 juillet 2019 précitée.

1. La vie et la santé du mineur

30Après qu’ait été mis en place le nouveau contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois, la troisième décision rendue par le Conseil constitutionnel, le 11 juin 2010, a porté sur l’article 1^er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, encore connue par la désignation « loi anti-perruche » par référence à la décision de justice rendue par la Cour de cassation13, et la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en son article 2. Pour déclarer conforme l’article L  114-5 du CASF, et rejeté la requête de la mère estimant que « l’interdiction faite à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du fait de sa naissance porterait atteinte au principe selon lequel nul n’ayant le droit de nuire à autrui, un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que cette interdiction, qui prive du droit d’agir en responsabilité l’enfant né handicapé à la suite d’une erreur de diagnostic prénatal, alors que ce droit peut être exercé par un enfant dont le handicap a été directement causé par la faute médicale, entraînerait une différence de traitement contraire à la Constitution », le Conseil a établi la non-violation du principe d’égalité face à la loi fondé sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

31La non-conformité partielle a résulté de l’application dans le temps de la nouvelle disposition : « Les dispositions de l’article L  114-5 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation ».

32Au visa de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil rappelle par visa de principe « que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie » (n° 22), pour conclure que à la non-conformité s’agissant de l’application dans le temps de la nouvelle disposition (n° 23).

33Dans une décision n° 2015-458 QPC du 20 mars 2015 relative au caractère obligatoire des vaccinations, le Conseil va directement protéger la santé du mineur en reconnaissant la constitutionnalité des articles L  3111-2 et L. 3111-3 du code de la santé publique faisant obligation aux titulaires de l’autorité parentale de vacciner le mineur pour les infections précisées par ces textes. Selon les requérants, « en imposant une obligation vaccinale contre certaines maladies alors que les vaccins ainsi rendus obligatoires peuvent présenter un risque pour la santé, les dispositions contestées portent atteinte au droit à la santé garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que ce risque serait particulièrement élevé pour les jeunes enfants ; que les maladies pour lesquelles ces vaccins sont obligatoires ont cessé de provoquer un nombre important de victimes en raison de l’amélioration des conditions de vie ; que la loi ne prévoit pas d’examen médical préalable permettant de déceler les contre-indications médicales que la personne peut ignorer » (n° 6).

34Au visa du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère […] la protection de la santé », le Conseil conclut à la constitutionnalité des dispositions, par un raisonnement en deux temps, primo : « le législateur a imposé des obligations de vaccination antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique aux enfants mineurs, sous la responsabilité de leurs parents ; qu’il a ainsi entendu lutter contre trois maladies très graves et contagieuses ou insusceptibles d’être éradiquées ; qu’il a confié au ministre chargé de la santé le soin de définir et mettre en œuvre la politique de vaccination après avoir recueilli l’avis du haut conseil de la santé publique ; que le législateur lui a également donné le pouvoir de suspendre par décret chacune de ces obligations de vaccination, pour tout ou partie de la population, afin de tenir compte de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques ; qu’il a enfin précisé que chacune de ces obligations de vaccination ne s’impose que sous la réserve d’une contre-indication médicale reconnue », secundo : « qu’il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu’il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques ; que, toutefois, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé » (n° 10).

2. La proportion dans la conciliation des droits

35Prudemment, le Conseil constitutionnel vérifie l’adéquation des moyens au but sans vérifier la pertinence des moyens par rapport à d’autres. Lorsqu’il opère la pesée entre deux droits fondamentaux, il essaie de vérifier si le législateur a concilié les impératifs contradictoires, mais refuse de se substituer à ce dernier. Il vérifie l’absence de disproportion entre les moyens et la fin. Le considérant est usuel ainsi libellé : « qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l’enfant ; que les dispositions contestées n’ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu’elles n’ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ». Ainsi dans le contrôle de constitutionnalité des articles L  147-6 et L  222-6 du code de l’action sociale et des familles articulant pour ce dernier le droit de la mère d’accoucher dans le secret, et pour le premier de lever le secret lié à l’identité sous réserve de l’accord de la mère (Déc. QPC n° 2012-248 du 16 mai 2012). Le contrôle reste précautionneux, encore éloigné de la technique du contrôle de proportionnalité propre au contrôle de conventionnalité des lois opéré par la Cour européenne des droits de l’homme, même s’il s’opère sous le prisme de cette Cour. S’agissant de l’accès aux origines, l’arrêt Odièvre c/ France avait estimé que la loi du 22 janvier 2002 tendait à assurer une proportion, entendue d’une conciliation, entre deux impératifs contradictoires relevant de la marge d’appréciation des États14.

36Ce n’est que lorsqu’il y a violation manifeste d’un droit fondamental, sans justification, que le Conseil censure. On songe notamment à l’abrogation différée, par la décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012, de l’article L. 224-8 du CAF qui, tout en permettant le recours contre l’arrêté de placement d’un mineur en qualité de pupille de l’État, excluait son effectivité faute de publicité ou notification.

37Dans la décision QPC n° 2019-797 du 26 juillet 201915, le Conseil constitutionnel recherche le caractère disproportionné ou non de la conciliation entre deux droits fondamentaux : « 11. Il résulte de ce qui précède que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a opéré entre la sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée une conciliation qui n’est pas disproportionnée ». Il se livre directement à un contrôle de proportionnalité, même si on observe que l’adjectif disproportionnée qualifie la conciliation opérée par le législateur, et non pas aux effets de l’atteinte pour le requérant.

38Si le Conseil constitutionnel a eu, dans des décisions de contrôle a priori, à examiner la proportionnalité, il ne le fait qu’au regard de l’adéquation du moyen par rapport à l’objectif poursuivi. Le commentaire en ligne de la décision QPC relève que : « dans l’exercice de ce contrôle de proportionnalité, il ressort de l’examen de la jurisprudence du Conseil que ce dernier tient compte du nombre de personnes susceptibles de relever du fichier informatique en cause, de la sensibilité particulière des données personnelles recueillies, des garanties techniques ou juridiques prévues par le législateur et des finalités d’utilisation ou de consultation du fichier »16.

39À terme, le contrôle de proportionnalité constituera le mode de réalisation commun à tout examen de la fondamentalité des droits. Sa généralisation est en cours auprès de toutes les juridictions constituées, implicitement17 ou explicitement en Cours suprêmes.

B. La défense pénale du mineur protégée constitutionnellement

40L’analyse des décisions QPC relatives aux mineurs révèle la construction d’une justice pénale des mineurs sur fondement constitutionnel. L’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (dont la partie règlementaire est en attente) s’inspire du fondement constitutionnel de la protection pénale des mineurs dans un titre préliminaire : Des principes généraux de la justice pénale des mineurs.

41Cette justice pénale a donné lieu à des QPC pour les mineurs auteurs d’infraction, mais il n’y a pas de décision relative au mineur victime. Les décisions s’inscrivent ici dans le sillage de l’application des dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945 dont la réforme est en cours de réalisation par le législateur. S’agissant de la peine, elles concernent les modalités de son exécution, on doit alors veiller à contrôler les solutions du Conseil en matière d’application des peines y compris des majeurs18. Il y a lieu de rappeler également que l’étude des QPC mineurs suppose également d’assurer une veille sur les délits plus larges qui peut les toucher indirectement, on songe à l’embrigadement des mineurs par le terrorisme et les départs dans certains pays du Moyen-Orient19.

42La protection différenciée des mineurs en défense pénale reste un principe reconnu par les lois de la République justifiant la spécificité de la justice des mineurs (1), ce qui n’exclut pas, au cas particulier des mineurs, le respect générique des droits fondamentaux de la procédure (2).

1. La justice des mineurs protégée au titre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

43Deux décisions QPC sont venues rappeler la nécessité de la défense pénale du mineur par un avocat. La première décision du 8 février 2019 (n° 2018-762)20 est relative à l’audition libre du mineur. Alors que le mineur placé en garde à vue doit obligatoirement être assisté par un avocat, le mineur convoqué au commissariat ou à la gendarmerie est entendu en audition libre conformément à l’article 61-1 CPPén., dans la rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, ce texte n’établissant aucune distinction avec les majeurs : « toutefois, l’audition libre se déroule selon ces mêmes modalités lorsque la personne entendue est mineure et ce, quel que soit son âge. Or, les garanties précitées ne suffisent pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l’audition libre ni à éviter qu’il opère des choix contraires à ses intérêts. Dès lors, en ne prévoyant pas de procédures appropriées de nature à garantir l’effectivité de l’exercice de ses droits par le mineur dans le cadre d’une enquête pénale, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs » (n° 5).

44La justice des mineurs fait ainsi l’objet d’une protection constitutionnelle au titre d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République : « atténuation de la responsabilité pénale et nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants »21. La finalité propre de la justice des mineurs qui tend à permettre la réinsertion des jeunes après leur réhabilitation confère au système juridictionnel qui leur est applicable une spécificité reconnue par ces principes.

45Il convient de souligner qu’en l’espèce l’abrogation sèche aurait eu pour effet d’interdire toute audition libre de mineurs le temps de l’adoption de la nouvelle disposition. Aussi est-il décidé par le Conseil : « 8. En l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer les garanties légales encadrant l’audition libre de toutes les personnes soupçonnées, majeures ou mineures. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1^er janvier 2020 la date de l’abrogation des dispositions contestées ». La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 est venu, en son article 55, modifier l’article 61-1 CPPén. qui désormais dispose à l’ouverture du texte : « Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs […] », et par suite la défense pénale par un avocat.

46Afin de protéger le mineur, en particulier par la présence d’un avocat, la décision n° 2018-744 QPC du 16 novembre 2018 était déjà intervenue s’agissant du régime de garde à vue des mineurs, le Conseil concluant à l’inconstitutionnalité après avoir constaté « que les dispositions contestées permettaient que tout mineur soit placé en garde à vue pour une durée de vingt-quatre heures renouvelable avec comme seul droit celui d’obtenir un examen médical en cas de prolongation de la mesure. Dès lors, d’une part, le législateur, qui n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d’infractions et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, a alors méconnu les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789. D’autre part, il a alors contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ». Le droit à être assisté d’un avocat est une garantie du respect des droits de la défense du mineur. Le fondement de la protection a pour racine la fragilité du mineur, comme la vulnérabilité d’un majeur protégé justifie l’adaptation de la garde à vue auquel on le soumet22.

47Le Conseil constitutionnel rappelle ensuite et de façon désormais habituelle que « L’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle. Ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante. Toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives. En particulier, les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartent pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluent pas, en cas de nécessité, que soient prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention. Telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs »23.

48Dans cette affaire, le délinquant mineur était moins bien traité que le majeur l’article 22 de l’ordonnance portant atteinte, ainsi que le relevait la QPC, à l’égalité de traitement des justiciables : « l’article 22 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui permet au juge des enfants et au tribunal pour enfants d’ordonner l’exécution provisoire de leurs décisions nonobstant opposition ou appel, y compris lorsqu’une peine d’emprisonnement est prononcée, institue une différence de traitement en défaveur des mineurs dès lors qu’en application de l’article 465 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel ne peut décerner mandat de dépôt à l’encontre d’un majeur, décision qui entraîne son incarcération immédiate, que s’il prononce une peine d’emprisonnement ferme d’au moins un an ». Le Conseil constitutionnel fonde l’abrogation du texte non sur l’article 6 DDHC mais en relevant de façon opportune : « en permettant l’exécution provisoire de toute condamnation à une peine d’emprisonnement prononcée par un tribunal pour enfants, quel que soit son quantum et alors même que le mineur ne fait pas déjà l’objet au moment de sa condamnation d’une mesure de détention dans le cadre de l’affaire pour laquelle il est jugé ou pour une autre cause, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs ».

2. Le respect des droits fondamentaux de la procédure au-delà de la protection pénale différenciée des mineurs

49Si la justice pénale des mineurs fait l’objet d’une protection renforcée des droits en raison de la minorité des auteurs, elle bénéficie également de tous les droits fondamentaux de la procédure indépendamment de la question de minorité.

50C’est ainsi que l’abrogation de l’article 706-71 CPPén. par la décision n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 intéresse aussi les mineurs. Rappelons que ce texte ouvrant le titre XXIII – De l’utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure – du Livre IV : « fixe les conditions de recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle dans le cadre d’une procédure pénale. Son troisième alinéa prévoit : » Ces dispositions sont également applicables à l’audition ou à l’interrogatoire par un juge d’instruction d’une personne détenue, au débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d’une personne détenue pour une autre cause, au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, aux audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l’instruction ou la juridiction de jugement, à l’interrogatoire de l’accusé par le président de la cour d’assises en application de l’article 272, à la comparution d’une personne à l’audience au cours de laquelle est rendu un jugement ou un arrêt qui avait été mis en délibéré ou au cours de laquelle il est statué sur les seuls intérêts civils, à l’interrogatoire par le procureur ou le procureur général d’une personne arrêtée en vertu d’un mandat d’amener, d’un mandat d’arrêt, d’un mandat d’arrêt européen, d’une demande d’arrestation provisoire, d’une demande d’extradition ou d’une demande d’arrestation aux fins de remise, à la présentation au juge des libertés et de la détention, au premier président de la cour d’appel ou au magistrat désigné par lui en application des articles 627-5, 695-28, 696-11 et 696-23 si la personne est détenue pour une autre cause, ou à l’interrogatoire du prévenu devant le tribunal de police si celui-ci est détenu pour une autre cause. Lorsqu’il s’agit d’une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu’elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion ».

51Le Conseil constitutionnel se livre à un contrôle de proportionnalité entre l’intérêt d’une bonne administration de la justice, notamment par l’économie du coût budgétaire réalisée par la non-extraction du détenu, par la réduction du risque d’évasion, et la possibilité d’une comparution physique. L’inconstitutionnalité est constatée au motif que « par exception, en matière criminelle, en application de l’article 145-2 du code de procédure pénale, la première prolongation de la détention provisoire peut n’intervenir qu’à l’issue d’une durée d’une année. Il en résulte qu’une personne placée en détention provisoire pourrait se voir privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire. Pour ce motif, eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire et en l’état des conditions dans lesquelles s’exerce le recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense » (n° 13).

52On songe, de façon plus ancienne, à la décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 à l’occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l’article L  251-3 du Code de l’organisation judiciaire conférant la présidence du tribunal pour enfants au juge des enfants pour atteinte à l’impartialité de la juridiction : « Considérant que le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l’article L  251-3 du code de l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution » (n° 11).

53Le principe d’interprétation des droits du mineur doit enfin se faire à la lecture du procès équitable. La chambre criminelle a notamment refusé la transmission d’une QPC en déduisant des articles 24 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, 186 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme que l’ordonnance renvoyant un mineur pour crime, soit devant la cour d’assises des mineurs, soit devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle, pouvait être frappée d’appel dans les mêmes conditions qu’une ordonnance renvoyant un majeur devant une cour d’assises24.

54À l’issue de l’étude des décisions du Conseil constitutionnel sur question prioritaire de constitutionnalité, il est apparu que la protection de l’enfance est une priorité en termes de fondamentalité des droits, même si la limite tenant à la minorité réduit, de façon somme toute artificielle, une protection directement fondée sur la vulnérabilité de ceux qui en sont l’objet.