Chapitre 1
Le groupe juridique du collectif pour le triangle de Gonesse
Gagner du temps et dissuader les promoteurs
p. 243-268
Texte intégral
1Comment un collectif citoyen mobilisé contre un projet considéré comme inutile et imposé2 utilise-t-il le droit pour attaquer les décisions administratives d’aménagement ? Plutôt qu’une analyse de doctrine ou des contentieux, je me penche sur l’usage du droit par le Collectif Pour le Triangle de Gonesse (ci-après le Collectif ou CPTG), comme l’un des moyens de son répertoire d’action3 à disposition pour stopper le projet de centre commercial et de loisirs Europacity dans la périphérie de Paris et empêcher l’artificialisation des terres agricoles. Autrement dit, comment le Collectif mobilise-t-il « l’arme du droit », pour reprendre le titre d’un ouvrage fondateur de Liora Israël4 ? Quels sont ses avantages et ses difficultés ? Israël pointe deux défis pour les collectifs en lutte contre les décisions gouvernementales. Le premier tient à une forme d’autonomie du droit comme un domaine social réservé aux juristes, mais néanmoins indispensable. Cette caractéristique tend à déposséder les collectifs de leur lutte dans la sphère juridique, et va même parfois jusqu’à transformer la définition de la cause initiale par un processus de reformulation du problème par la justice. Le deuxième tient à la reconnaissance automatique du droit que l’on conteste par le simple fait de se plier à ses protocoles et à son langage. Comment faire évoluer le droit dans le sens d’une plus grande prise en compte des questions écologiques tout en s’appuyant sur des codes (de l’urbanisme, de l’environnement, de justice administrative) conçus depuis leur avènement comme les outils du développement économique5 ? Enfin, je rajoute à ces deux difficultés celle du financement des recours. Bien que peu discutée, cette limite est importante, car les sommes engagées montent vite à des niveaux peu accessibles à l’autofinancement.
2Le Collectif a répondu à ces défis par la mise en place d’un groupe juridique constitué de juristes (dont des avocats) et de militants et par un appel à dons publics en ligne. Le groupe est un lieu d’apprentissage du droit par les militants et d’élaboration d’une expertise mixte, citoyenne, politique et professionnelle. Il permet de replacer les recours juridiques dans la mobilisation en établissant des ponts avec les réunions de l’association où les membres du groupe juridique présentent régulièrement l’état des procédures en cours et des stratégies juridiques. L’appel à dons, grâce aux connaissances juridiques et politiques des militants permet de toucher un public large en distinguant dans le droit deux régimes de justification : le développement économique et la protection de l’environnement. Or, le deuxième régime dispose, dans la situation du Triangle, d’une légitimité publique supérieure à l’autre. Elle est l’arme mobilisée par le groupe pour surmonter les obstacles.
3Dans ce chapitre, nous verrons d’abord comment le groupe juridique se constitue avec une double casquette experte et militante (I) avant de s’élargir par une distribution des recours entre les avocats (II). L’examen des recours contre la révision du Plan Local d’Urbanisme de Gonesse et contre l’arrêté de création de la ZAC, depuis le tribunal administratif jusqu’au Conseil d’État, montre les relations d’interdépendance entre action militante, arguments juridiques et légitimité politique (III). Enfin, une analyse de l’ensemble du contentieux dans la durée permet d’en mesurer les effets, en termes de construction d’une forme d’incertitude qui dissuade les investisseurs, et d’en évaluer les coûts, dont les montants importants sont néanmoins couverts par l’appel à dons (IV). En conclusion, le groupe juridique évite certains obstacles inhérents au recours au droit. S’il ne mène pas nécessairement à l’annulation des projets, il a gagné du temps et repoussé l’intérêt des promoteurs.
I. Trouver les experts. La fabrique du groupe juridique
4La constitution du groupe juridique. « C’est mon cabinet depuis un an. Ils sont bien. Ils sont sympas. Ça me va très bien ». C’est ainsi qu’Étienne Ambroselli nous accueille au 4e étage d’un immeuble bourgeois du début du xxe siècle, dans le quartier Saint-Lazare, le 21 septembre 2018, pour ma première réunion du groupe juridique du CPTG. Il nous dirige vers une pièce, couverte d’une toile de fond murale, en moulures et corniches, avec double-fenêtre sur cour. Nous sommes quatre autour de la grande table rectangulaire : Étienne l’avocat, Bernard Loup, président du CPTG, Giri, un jeune homme d’une vingtaine d’années et moi. La réunion commence sans formalités.
Bernard : Tu as eu Louis Cofflard ?
Étienne : Je ne l’ai pas eu. J’ai eu Sébastien. C’est top ! Tu n’as pas eu le message ? Il est emballé. […] Il est à disposition. Il a travaillé sur NDDL. Ce que j’aime beaucoup, c’est qu’il connaît très bien FNE. Il est mieux intégré dans le réseau associatif que moi. J’ai toujours du mal à rentrer dans les rapports de pouvoir et tendances. Je suis un peu étiqueté zadiste, trop électron libre, prenant des risques inconsidérés. C’est une maison vénérable et sur le nucléaire, c’est tellement chaud qu’il faut les encourager. Sur Europacity, ils sentent qu’il y a un coup à jouer et si on a Sébastien, ça les rassurerait.
5Étienne Ambroselli, un avocat militant recruté à la confiance. À l’automne 2018, l’activité juridique autour du Triangle de Gonesse s’emballe. Le Collectif a gagné en première instance l’annulation de l’arrêté préfectoral de création de la ZAC du Triangle de Gonesse, mais le préfet a fait appel. Étienne a aussi déposé un recours contre la révision du PLU de Gonesse et doit maintenant répondre au mémoire en défense de la commune avant la clôture de l’instruction. Enfin, l’avocat est aussi chargé de la défense du Collectif dans le procès au civil sur l’évacuation du terrain qui lui sert de potager et de site de rassemblement6. Par ailleurs, le préfet a aussi validé la déclaration d’utilité publique de la ZAC, celle de l’autorisation environnementale de la ligne 17N du Grand Paris Express, et accordé le permis de construire pour sa gare dans les champs du Triangle. Bernard et Étienne pensent qu’il faut attaquer ces nouveaux actes administratifs, mais le temps et les moyens humains manquent.
6Lors de cette réunion, ils cherchent à élargir le groupe. Bernard a contacté l’avocat principal de l’association Les Amis de la Terre, Louis Cofflard, qui est intéressé, mais ne peut s’impliquer. Par contre Étienne a réussi à enrôler Sébastien Le Briéro, un avocat qui semble bien implanté auprès de l’association France Nature Environnement. Ils sont en train de rechercher le soutien de ces grandes organisations largement reconnues par les tribunaux administratifs7. Par contraste, Étienne se présente comme un « électron libre », « étiqueté zadiste ». En suivant Liora Israël8, on pourrait dire que c’est un « avocat engagé » qui pratique le « cause lawyering » ou la mise à disposition de ses compétences juridiques au service de la cause défendue par le CPTG. Bernard dit d’ailleurs de lui qu’il est un « avocat militant. » Il est très content de l’avoir trouvé. Avant 2016, le Collectif avait déjà porté un recours contre le projet d’aménagement auprès de la Commission des pétitions de l’Union européenne avec un avocat qui n’était pas engagé pour la cause. Il facturait des honoraires élevés tout en limitant les possibilités de discussion.
« Les avocats habituels, c’était « maître ». À partir du moment où tu tutoies les avocats, ça change tout. On ne travaille pas de la même façon. Les avocats militants sont des spécialistes du droit qui font partie de notre association de fait. Ils travaillent comme des militants. Les rapports qu’Étienne a avec nous le motivent vraiment. Ce n’est pas simplement faire du droit. »
7De fait, le contact avec Étienne Ambroselli est facile. Même s’il regarde les autres de haut à cause de sa grande taille, son sourire désarmant et ses éclats de rire neutralisent toute hiérarchie possible. Lors d’une conférence organisée par France Nature Environnement, il revient sur son histoire :
« L’origine de mon engagement, c’est parti plutôt sur le nucléaire parce que j’ai une espèce de stress nucléaire. Une prise de conscience de sa dangerosité. J’avais abandonné le métier et quand j’ai eu cette révélation, je me suis dit que c’était idiot de ne pas mettre cet outil au service de cette lutte. J’ai repris un master et je suis devenu avocat. »
8Engagé contre l’industrie nucléaire, il s’est impliqué dans la défense des opposants au centre Cigéo d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure dans la Meuse. Proche d’elles et eux, il a été soupçonné d’être membre d’une association de malfaiteurs dans une procédure pénale qui l’a cité comme témoin assisté et a perquisitionné son domicile. Avec le Collectif pour le Triangle de Gonesse, Étienne a une relation un peu moins soutenue, mais néanmoins forte. Il raconte ainsi à NG, une artiste un temps engagée dans la mobilisation, une des raisons qui l’ont retenu :
« — Ce que j’aime bien avec les personnes avec qui j’ai lié des amitiés dans ces luttes, c’est l’impression d’avoir des gens entiers. Ils ne sont pas là militants. Ils sont là et c’est tout. Ils n’ont pas une petite case militant dans leur emploi du temps.
— Là tu parles surtout de Bure ?
— Non, non, je parle de tout. Je parle même des luttes qu’on dirait plus citoyennistes, comme Europacity. […] Bien sûr, on pourrait de l’extérieur les ranger comme des retraités, légalistes, citoyennistes et puis en fait, quand tu discutes avec eux et que tu vois leur engagement, tu te rends compte qu’ils ne sont vraiment plus là-dedans. Ils ont un engagement qui d’abord a perdu pas mal de ces canevas où on se regarde un peu en chiens de faïence en disant, toi t’es pas comme moi, tu vas pas militer, t’es pas dans la même philosophie politique, je ne sais pas quoi… En fait, ils sont très ouverts, je trouve, sur différentes formes de lutte et ils se donnent à fond. Parfois ça me donne la pêche. Parfois, ils ne sont pas en très bonne santé. On sent que ça fait des années de lutte. Et puis c’est aussi des gens très discrets et très efficaces. Ils font un boulot un peu invisible, en plus fatigant, souvent pas pratique. Mais c’est des gens qui ont souvent un passif militant qui remonte à 68, parfois des anciens Mao. Donc ils ont fait tout un cheminement post situationniste qui les a fait mûrir dans une pensée par rapport au monde actuel. Et je trouve qu’ils n’imposent absolument pas, voire même n’en parlent pas. Mais ils font. Ils sont dans une sorte d’action à leur mesure, mais pour concrètement obtenir des résultats dans un certain but, c’est-à-dire en empêchant un projet. Et ils se donnent tous les moyens possibles. J’ai pas mal d’admiration, j’ai même énormément d’admiration, pour ceux que je croise et j’essaye d’être à la hauteur de la confiance qu’ils m’accordent. »
9Comme l’explique bien Louis Quéré9, la confiance oblige. Elle place en l’autre des attentes normatives fortes. Étienne est sensible à cette attitude chargée d’affects interpersonnels, mais aussi empreinte d’un partage de valeurs qui fondent une vision commune de la société rejetée et souhaitée. Il l’explicite lors de la réunion.
« Il y a des centres Amazon qui ne marchent qu’avec des robots. Comment ça va marcher ? Auchan dit : “On ne va pas faire comme ça. On va faire ensemble !” Ils essaient de prévoir le cauchemar et de l’intégrer dans une poche mondialement reconnue comme la fête du capitalisme mondial. “On va absorber la critique et démontrer qu’on peut tenir tous les bouts : favoriser la biodiversité, des fermes, des fleurs, et retrouver l’histoire de cette zone”. Ils sont très forts. Il faut trouver les solutions pour continuer en prétendant sauver la planète. »
10Étienne a ainsi bien identifié, comme les membres du CPTG, une forme de fuite en avant néolibérale, basée sur la technologie et le rêve, contre laquelle il s’indigne. Il s’est investi personnellement dans un premier recours contre la déclaration d’utilité publique de la ligne 17N. Mais le Conseil d’État a annulé la requête sur un obscur vice de procédure. Bernard s’en souvient :
« On s’est fait avoir sur la ligne 17. Étienne a eu le tort de dire qu’il y aurait des éléments complémentaires. Il fallait les rendre dans les trois mois et il a oublié. Le Conseil d’État a considéré que c’était un désistement. Étienne était mal (Étienne sourit). »
11Mais Bernard ne lui en veut pas et il lui a renouvelé sa confiance. À l’hiver 2018, le recours contre l’arrêté de création de la ZAC du Triangle de Gonesse a prospéré. Le tribunal administratif de Cergy a annulé l’arrêté pour trois motifs directement liés à l’écologie et au climat : la décision estime que l’étude d’impact de la ZAC ne tient pas compte des émissions de gaz à effet de serre causées par les futurs usagers de la zone, notamment les touristes qui viendraient en avion pour visiter le complexe Europacity. Elle juge que le promoteur du centre de loisirs, avec sa piste de ski et son centre aquatique, n’a pas prévu les sources d’approvisionnement énergétique nécessaires à son fonctionnement. Elle décide enfin que l’étude d’impact de la ZAC a négligé de cumuler ses impacts avec ceux de la ligne 17N du futur métro prévu pour desservir la zone. Cette décision du tribunal est largement reprise par les médias qui y voient le début de la fin pour Europacity. Christian Huglo10, un avocat connu dans ce domaine, écrit dans la revue Actu-Environnement qu’il s’agit d’un « jugement plus qu’important pour le droit de l’environnement », car le climat entre enfin dans les études d’impact11. Enfin, cette annulation permet aussi de faire connaître le contentieux auprès des associations environnementalistes et de leurs services juridiques.
12Technicité du droit et coût d’entrée dans le groupe juridique. Lors de cette première réunion, Giri, un jeune homme au style décontracté est aussi présent. Il était venu à la dernière réunion de la convergence où il a appris qu’Étienne, qu’il connaissait par la lutte antinucléaire, était l’avocat du Collectif.
« — J’ai une licence de droit et je suis en master de droit social. J’ai fait un peu de droit administratif. Je peux donner un coup de main.
— Étienne : On apprend. À Bure, j’ai fait du droit forestier et du droit rural. On apprend tout le temps. Si tu as le temps, tu connais le fonctionnement du droit. Il n’y a pas de raisons que tu ne puisses pas trouver ta place. Ce n’est pas évident de trouver sa place. »
13Comment trouver sa place dans le groupe juridique du Collectif ? De fait, au cours des quatre années de terrain, plusieurs personnes lors des réunions de la convergence ou des rencontres sur le triangle, ont signifié leur intérêt. Mais le coût d’entrée est élevé. Le langage du droit est complexe, les documents officiels sont nombreux et roboratifs et le partage des tâches est difficile. Lors de cette première réunion, j’ai par exemple découvert le mot « moyen », si important pour les juristes.
14Ainsi pour le recours contre le PLU de Gonesse, Étienne déclare :
« Il faut répondre moyen par moyen. C’est long et il faut le faire. Il faut surtout être sûr de ne pas oublier un moyen.
Il appelle alors un de ses collègues au téléphone pour le consulter. Il le met sur haut-parleur :
— Comment vas-tu ? Je suis en réunion avec un certain nombre de personnes avec Bernard Loup. On a fait un boulot sur le PLU, un bricolage. Mais toi tu sais faire les choses bien.
— Arrête de me passer de la crème !
— On a une clôture de moyens à rendre.
— Il y a un moyen sur l’évaluation environnementale du PLU. Est-ce qu’elle a été faite ? Est-ce qu’elle présente bien les impacts cumulés ?
— Oui, il y a eu une évaluation. C’est un avis de l’Autorité environnementale d’avril 2017 sur le PLU de Gonesse.
— Est-ce qu’il est critique ?
— Évidemment, le commissaire enquêteur en a tenu compte.
— Il faut en tirer parti à fond. Les juges les suivent. Autrement, comme moyen de procédure, je ne vois pas grand-chose à la mode en ce moment. Ah si, la cohérence du PLU. Très à la mode. Elle s’apprécie à l’échelle du PLU. »
15Après avoir raccroché, Étienne nous explique que son collègue est très fort, car « pour chaque moyen, il s’appuie sur une jurisprudence à jour. Il prend les arrêts du Conseil d’État, ce qui rassure les juges du tribunal administratif. »
16Je sors de cette réunion avec le sentiment de ne pas avoir tout compris. Heureusement que j’ai tout noté. Je découvre en ligne qu’un « moyen » est un argument juridique, appuyé sur un texte de loi ou une jurisprudence, présenté au juge afin de faire annuler un acte administratif. Chaque moyen est indépendant, comme autant de causes possibles d’annulation. Ainsi dans le cas de la ZAC, le tribunal a retenu trois moyens présentés par les requérants. Mais ces derniers en avaient invoqué bien plus dans leur mémoire en requête. Le problème est qu’on ne peut savoir lesquels seront validés par le juge. C’est pourquoi Étienne insiste sur la liste des moyens. Il faut pouvoir invoquer le plus d’incompatibilités possibles de l’arrêté avec le droit afin qu’au moins l’une d’entre elle soit retenue. Pour cela, il faut être au courant des dernières évolutions du droit et de la jurisprudence. C’est pourquoi le coût d’entrée est important. Mais il y a plus. Le partage des tâches ajoute encore une difficulté.
II. Élargissement du groupe juridique et distribution des recours
17Le recours contre l’autorisation environnementale de la ligne 17N. Lors de la quatrième réunion du groupe juridique à laquelle j’assiste, le 23 janvier 2019, celui-ci s’est bien agrandi. Nous sommes une douzaine. En suivant le tour de la grande table autour de laquelle nous sommes assis, voyons quelle place ces personnes ont trouvée en fonction de leurs envies et compétences. Étienne Ambroselli, avocat : « J’ai l’impression que les prochains jours vont être importants. C’est bien qu’on soit de plus en plus nombreux ».
18Il attend alors d’un moment à l’autre les conclusions du rapporteur public du tribunal administratif de Cergy sur la requête en annulation du PLU de Gonesse dont l’audience est fixée cinq jours plus tard. Nous reviendrons dessus.
19Vient ensuite le groupe des trois femmes, deux étudiantes en master et leur professeure de droit de l’Université de Nanterre. Elles m’ont sollicité en tant que collègues de la même université, pour offrir leur aide dans le cadre d’une clinique juridique, un exercice pratique au service d’une cause.
Daniela : « Je suis étudiante en droits de l’homme à Nanterre. J’ai fait un master 2 de droit et économie à Assas. J’ai fait un stage à la 6e chambre du Conseil d’État.
Étienne : Tu étais en stage au moment où on a eu cette décision catastrophique sur la DUP de la ligne 17 ? »
20Comme elle acquiesce, il s’exclame : « C’est extraordinaire ! » en frappant du poing sur la table, se surprenant lui-même de la force de sa réaction. Cet épisode l’a visiblement affecté.
21Je me présente ensuite comme sociologue et chercheur, membre du Collectif. Je suis suivi par Pierre Toulouse, un ingénieur transfuge12 :
Militant du CPTG. « Je suis à trois jours de la retraite. J’ai passé ma carrière à faire passer des projets d’autoroute contre les environnementalistes qui heureusement ne connaissent pas bien les dossiers. J’ai la conviction qu’un gros caillou dans la chaussure du projet est les accès routiers. On organise une congestion routière. Il y a un vrai vide sur ce sujet-là. Sans compter un échangeur fantôme qui n’est pas chiffré, ni même forcément faisable. Les chiffres sont faux. J’ai passé la journée d’hier à calculer, mais l’expérience nous a montré que les juges s’en foutent. Il faudrait que l’Autorité environnementale en parle. »
22Entre Pierre et moi, Maxime est arrivé en retard et n’a pas le temps de se présenter. Je reprends ses paroles d’une réunion précédente.
Tout nouveau juriste à FNE Île-de-France. « J’ai un grand intérêt à apporter mon aide sur le contentieux en cours et à connecter avec le réseau juridique national. »
23Maxime a été chargé par Étienne du recours contre l’autorisation environnementale de la ligne 17N du Grand Paris Express. C’est un gros dossier que je ne traite pas ici. Après un stage de fin de master, il vient d’être embauché comme juriste par FNE Île-de-France et n’a pas encore beaucoup d’expérience du contentieux. Pour l’aider, Pierre et moi nous sommes proposés. Nous avons aussi reçu l’aide des étudiantes de la clinique juridique qui ont travaillé sur une comparaison des études d’impact. C’est le troisième recours qui doit être très prochainement déposé au tribunal administratif de Montreuil13. C’est aussi le seul qui n’est pas porté par un avocat et pour lequel des non-juristes comme Pierre et moi écrirons des passages du mémoire. Dans ce cas, le groupe juridique autorise et même sollicite une participation militante au travail du droit. C’est l’un des avantages notés par Liora Israël14 : il réduit les barrières à l’accès au droit.
24Les soutiens juristes et militants : stratégie, archivage et connaissance du terrain. Trois autres personnages apportent leur soutien et expertises.
25Le premier est Bernard Loup, président du Collectif. Il s’assure du suivi des dossiers du côté militant et tient le groupe informé des derniers développements politiques.
26Le deuxième est juriste. Lucien Chabasson. Chercheur à l’IDRI et juriste à ses heures sur les questions maritimes, le droit de l’urbanisme et de l’environnement. Lucien est modeste dans cette présentation. Retraité d’une longue carrière de haut-fonctionnaire et conseiller politique, directeur de programmes au ministère de l’environnement et à l’ONU, il reste très investi comme conseiller d’un think tank qui défend la protection de l’environnement dans le droit national et international. Lors d’une réunion précédente, il nous a raconté qu’il avait été impliqué dans l’écriture de plusieurs articles du code de l’urbanisme, notamment ceux qui tentent d’y introduire un souci pour l’environnement (comme la loi littoral). Lucien est arrivé dans le groupe par l’intermédiaire de son ami l’urbaniste Robert S. qui mène le groupe qui travaille sur le projet alternatif à l’urbanisation CARMA, un autre moyen du répertoire d’action de la mobilisation. Il apporte au groupe juridique une fine connaissance des rouages de l’État et de ses administrations. En tant que juriste non-avocat, il ne porte pas de recours, mais il prodigue des conseils.
27Le troisième est ouvrier à la retraite et militant politique. Claude Loup, « je m’occupe du site web du CPTG et de la bibliothèque juridique, avec un peu de retard ». Claude, qui est aussi le frère de Bernard, est un ouvrier de l’aéronautique à la retraite. Maoïste dans sa jeunesse, il correspond bien au portrait précédemment dressé par Étienne des militants engagés de longue date. Il est membre du CA du Collectif. Comme il le dit, il s’occupe surtout de l’entretien du site web et sert d’archiviste à la mobilisation. En 2018, il a mis en place un site de stockage en ligne (Dropbox) sur lequel il met à disposition du groupe tous les documents juridiques et autres pièces pertinentes. Malheureusement, en 2019, sa femme tombe très gravement malade et il quitte le groupe pour s’occuper d’elle.
28Lucien, Claude et Bernard sont titulaires d’expertises distinctes qui justifient leur présence dans le groupe. Lucien a une fine connaissance de la loi, des rouages de l’administration et de ses réponses aux demandes environnementales. Ses conseils sont teintés de diplomatie. Claude et Bernard ont une excellente connaissance du terrain local, de sa géographie physique et politique. Ils sont capables d’étayer les arguments de droit sur des faits qui vont dans leur sens, ou mieux encore, d’exposer les problèmes qu’ils perçoivent afin que les juristes trouvent les arguments juridiques pour les soutenir. Par ailleurs, Bernard est une des rares personnes qui a une vision d’ensemble du contentieux, y compris ses échéances légales et politiques. C’est vers lui que se tourne Étienne pour suivre l’ordre du jour de la réunion.
29Sébastien Le Briéro et le permis de construire de la gare du Triangle de Gonesse. Deux nouveaux avocats ont alors rejoint le groupe. Ils ont chacun leur recours.
Sébastien le Briéro, « je suis également avocat militant. Je suis un associatif pur jus. Étudiant et passionné d’environnement, je me suis mis à donner un coup de main à une association en Bretagne sur le contentieux contre les porcheries industrielles. Je suis devenu administrateur d’Eau et rivières. Il y a eu l’Erika et FNE m’a demandé d’être administrateur national. Je me suis formé dans le cabinet de Corinne Lepage et Christian Huglo pendant sept ans dans le domaine de l’eau. Je suis à mon compte depuis 2008, spécialiste de l’eau et des espèces protégées. J’ai travaillé sur Notre-Dame-des-Landes. On a fait un groupe juridique, comme toi Étienne, et ça a très bien fonctionné. Aujourd’hui, pour le CPTG, J’ai fait le volet sur le PC de la gare ».
30Sébastien Le Briéro porte donc le recours contre le permis de construire de la gare du Triangle de Gonesse. Mais sa présence au groupe juridique aide aussi le Collectif à obtenir le soutien de France Nature Environnement National, qui, en partie grâce à sa caution et au soutien de Bernard Loup, aussi président de Val d’Oise Environnement, la branche départementale de FNE, a accepté de confier à son jeune juriste le recours contre l’autorisation environnementale de la ligne 17N.
31Pierre Heddi et la modification partielle du PLU.
« Je suis avocat. Je suis en charge du recours contre la modification du PLU. »
32Le recours gracieux a été rejeté par décision implicite du 8 janvier. Le 10 mars, c’est la date limite pour le déposer. La modification consiste à autoriser le PC de la gare sans opération d’ensemble. Les moyens d’illégalité externes sont sur la communication au public. Les moyens internes sont sur le manque de connexion au reste de la ZAC qui est annulée. Pierre Heddi est le dernier avocat du groupe. Diplômé depuis 2017, il est plus jeune que les deux autres. Il avait déjà essayé d’aider le Collectif, mais il n’avait pas trouvé sa place, épisode qu’il a rappelé à la réunion précédente :
« — J’ai rejoint le groupe juridique il y a deux ans pour le recours sur la création de la ZAC (qui a été annulée par le TA de Cergy à l’hiver 2018). J’apporte de l’aide quand j’ai le temps. Je peux trouver du temps une fois qu’on est organisé.
— Étienne : Je suis de plus en plus convaincu qu’il faut qu’on sache qui fait quoi. Chaque avocat pourrait être le référent sur un contentieux. Pour le moment tu n’as pas vraiment trouvé ta place.
— Pierre : Oui, mais tu étais référent sur tous les dossiers.
— Étienne : Oui, ce sont des reproches que je m’auto-fais. Mais les échanges de paragraphes, ça ne marche pas bien. Avec Giri, on s’est vus il y a deux jours pour des éléments de l’étude d’impact. Il faut que quelqu’un cherche dans toutes les pages. Le fait que Giri vienne chez moi m’aide dans ce travail de bénédictin. Mais avec toi, c’est plus simple que chaque avocat ait son cas. Pour se donner l’énergie de faire ce travail, il faut être chargé du dossier. »
33Sébastien et Pierre sont deux avocats du barreau de Paris spécialisés en droit de l’environnement. Il leur est difficile de rédiger les mémoires à plusieurs ce qui introduit une forme de hiérarchie entre collègues qu’ils ne souhaitent pas. Leurs difficultés d’entrée dans le groupe ont été résolues par la croissance du volume contentieux qui a permis une distribution des écritures. Chaque avocat porte son recours, ce qui leur permet d’être indépendants et de facturer séparément. Ils partagent cependant toutes leurs écritures et font circuler des brouillons de leurs mémoires par e-mail au sein du groupe juridique. Les avocats discutent ainsi les moyens tandis que les non-juristes tentent de les nourrir par des informations tirées des documents administratifs comme les études d’impact, les avis de l’Autorité environnementale, des annonces ministérielles, etc.
34Composition du groupe juridique. En janvier 2019, le groupe juridique du CPTG est donc composé de trois avocats « engagés » au barreau de Paris, deux juristes professionnels, une professeure de droit et ses deux étudiantes en master de droits de l’homme, un étudiant en master de droit social, et quatre membres du Collectif dont Bernard, le président, Claude son frère et membre du CA, Pierre, un ingénieur voirie à la retraite et moi-même, ethnographe au CNRS, aussi diplômé en urbanisme. À part Claude et Bernard, tous ces membres sont professionnellement qualifiés en droit ou dans un domaine adjacent comme l’urbanisme et l’aménagement. Le groupe est donc plutôt qualifié, plutôt masculin et plutôt d’âge mûr. C’est une différence notable par rapport à d’autres groupes comme Notre Affaire à Tous, plus jeune et plus féminin15. Il évoluera un peu par la suite avec l’arrivée de Michèle en remplacement de Claude.
Qualité | Nom | Mission | Recours | Âge |
Président du CPTG | Bernard Loup | Suivi de l’ensemble du contentieux | 72 | |
Avocat | Étienne Ambroselli | Dépôt de recours | Recours contre la ZAC et le PLU | 45 |
Avocat | Sébastien Le Briéro | Dépôt de recours | Recours contre le PC de la gare | 50 |
Avocat | Pierre Heddi | Dépôt de recours | Recours contre la modification partielle du PLU | 33 |
Juriste IDRI | Lucien Chabasson | Conseil | PLU et ZAC | 65 |
Membre du CA du CPTG | Claude Loup | Archivage et communication | Tous | 75 |
Juriste pour FNE IDF | Maxime Colin | Dépôt de recours | Recours contre l’autorisation de la ligne 17N | 35 |
Ingénieur transport | Pierre Toulouse | Soutien | ligne 17, PC gare | 65 |
Juriste droit du travail | Giri | Aide Étienne A. | PLU | 30 |
Chercheur CNRS | Stéphane Tonnelat | Soutien | ligne 17, PC Gare | 46 |
Professeure de droit | Aurore Chaigneau | Soutien clinique du droit | Ligne 17 et ZAC | 40 |
Étudiante en droit | Daniela | Clinique du droit | Ligne 17 et ZAC | 23 |
Étudiante en droit | Karine | Clinique du droit | Ligne 17 et ZAC | 23 |
35Le groupe a cependant réussi à établir une forme d’égalité de parole entre ses membres, notamment en distribuant les rôles de façon à la fois formelle, pour les recours, et informelle, pour les non-juristes en organisant des tours de table systématiques à chaque réunion. Cette alliance, entre les représentants des militants d’un côté et les juristes de l’autre, permet d’appuyer les écritures sur la mobilisation. Ainsi, le recours contre le PLU repose sur l’avis défavorable du commissaire enquêteur que le Collectif a réussi à arracher en 2017. Voyons le parcours juridique de ce contentieux.
III. De l’annulation au Tribunal administratif à la non-admission en cassation devant le Conseil d’État : victoire, espoir et déception
36L’annulation du PLU au TA de Cergy : victoire de la protection sur le développement. L’audience au tribunal administratif de Cergy pour l’examen du recours contre le PLU de la ville de Gonesse se tient le 28 janvier 2018, quelques jours après cette réunion du groupe juridique et juste avant une fête à la salle Olympes de Gouges à Paris qui a attiré plus de 1 500 personnes et de nombreux médias. Le recours avait été déposé à l’automne 2017, soit un peu plus d’un an plus tôt.
37Deux jours avant l’audience, Étienne nous a appris que le rapporteur public allait demander l’annulation du PLU. La justice administrative est ainsi étrange pour un novice comme moi. Il existe un site internet appelé Sagace sur lequel les avocats et ceux avec qui ils partagent les codes d’accès, comme dans le groupe juridique, peuvent suivre l’avancement de la procédure. Deux ou trois jours avant l’audience, le rapporteur public y indique le « sens de ses conclusions » en quelques mots lapidaires. Ici, les mots sont « Annulation totale ou partielle ». Ils réjouissent bien sûr les membres du groupe, mais ils ne sont qu’indicatifs. Tout d’abord, ces bribes n’indiquent pas les fondements sur lesquels le rapporteur va demander l’annulation, ni si celle-ci serait totale ou partielle. Mais surtout, le rapporteur, bien que magistrat du tribunal, n’a pas de voix au jugement. Il propose une lecture du contentieux, résultant de l’instruction, et une résolution que la formation de jugement (en général un juge et deux assesseurs) n’est pas tenue de suivre, même si c’est généralement l’usage. Le suspense reste donc grand jusqu’à la lecture de la décision. Mais il permet à l’avocat de se préparer un minimum, par exemple pour insister sur une annulation totale plutôt que partielle.
38Le jour de l’audience, nous sommes une quinzaine devant le tribunal administratif de Cergy, un bâtiment moderne sans qualité sur un boulevard typique des entrées de ville, non loin de la station de RER. Claude a apporté la grande banderole qui arbore un « Non à Europacity.com » de 8 mètres de large. Quelques militants restent à l’extérieur pour la tenir tandis que les autres assistent à l’audience. Sur le rôle – la feuille affichée à l’entrée de la salle sur laquelle les affaires sont inscrites –, je suis surpris de voir que le Collectif et les associations amies ne sont pas seuls requérants. Michel Quentin, un agriculteur de Gonesse, la Capade, une association de commerçants de la ville voisine d’Aulnay-Sous-Bois, et le centre commercial Aéroville ont chacun déposé un recours. Je suis surtout étonné par le dernier, car ce centre commercial contient un supermarché Auchan. Or ce groupe est le promoteur, par l’intermédiaire de sa filiale Immochan, du projet Europacity. Il conteste donc la concurrence d’Auchan par Auchan…
39Quand notre affaire commence, le rapporteur réduit immédiatement le suspense. Il annonce demander une annulation totale du PLU. Non seulement, il semble d’accord avec les critiques du commissaire enquêteur, mais il ne mâche pas ses mots. Il lui semble que :
« La commune de Gonesse illustre parfaitement la volonté qui caractérise hélas bien des communes d’Île-de-France d’un toujours plus d’urbanisation et de développement économique au détriment des zones naturelles et des espaces de biodiversité sans que soient clairement identifiés les impacts bénéfiques de ce développement qui se fera nécessairement au détriment d’autres zones, qui deviendront alors sous-qualifiées, notamment d’autres zones commerciales. La bétonneuse folle s’emballe sans qu’on ait vraiment justifié pourquoi ni savoir où elle s’arrêtera. »
40Il expose ensuite les motifs dans un long et détaillé exposé d’une heure. Je les reprends ici pour montrer le type de « moyens » retenus. En premier lieu, le rapporteur défend l’insuffisance alléguée du rapport de présentation et de son évaluation environnementale qui ne permet pas au public de se faire une opinion. Notamment, le rapport n’explique pas la rentabilité économique du projet. Avec 800 000 m2 de bureaux alors que la vacance alentour est avérée, avec de nombreux commerces alors que les centres commerciaux voisins déjà nombreux s’inquiètent de la concurrence, il ressort que l’analyse des besoins de ce projet n’est pas étayée. À ce propos, il annonce :
« Le projet du PLU de Gonesse ressemble à un canard sans tête qui poursuit sa route quoi qu’il arrive sans comprendre pourquoi ni savoir pour où, l’essentiel étant d’urbaniser à tout prix un territoire dont on a décidé qu’il devait l’être. »
41Par ailleurs, le rapport de présentation ne justifie pas le choix du triangle de Gonesse au regard des solutions de substitution raisonnables. Il n’examine pas de possibilité alternative sérieuse alors que les requérants mentionnent la friche industrielle de PSA juste de l’autre côté de l’autoroute.
42En deuxième lieu, le PLU souffrirait d’une erreur manifeste d’appréciation de la loi L.101-2 du code de l’urbanisme. Cette dernière prévoit un objectif d’équilibre entre le développement urbain et la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’erreur manifeste découle de la consommation excessive et irréversible de terres agricoles que ne contrebalance pas la création d’emploi qui, selon le commissaire enquêteur, est largement surestimée. Elle découle aussi de l’absence de prise en compte des équipements dans les communes limitrophes en matière de centres commerciaux, de centre d’affaires et de centre de loisirs. L’erreur manifeste se justifie également en regard de l’absence de justification économique au projet soulevée par les quatre requérants. Enfin, elle se manifeste eu égard à l’exposition au bruit des avions des futures populations travaillant sur le triangle.
43Enfin, dernier moyen, le PLU ne serait pas compatible avec le SDRIF qui demande que 400 ha de terres agricoles soient préservés dans la partie nord du triangle en cas d’urbanisation de sa partie sud. Le rapport de l’Autorité environnementale (AE) fait état de seulement 368 ha de terres agricoles préservées. De plus, la lisière agricole de 23 ha avancée par la commune ne peut pas être considérée comme à vocation agricole, mais plutôt comme une zone transitionnelle, à l’intérieur du périmètre de la ZAC, qui sera en partie accessible au public pour de l’évènementiel. Après cela, le rapporteur écarte la recevabilité d’une trentaine d’autres moyens invoqués par les requérants.
44Maître Ambroselli, l’avocat du CPTG, prend la parole pour rappeler les dimensions régionales, voire nationales, du projet d’aménagement qui auraient dû pousser la commune à échanger avec ses voisines, même en l’absence de SCOT. Il rappelle que selon l’article L101-2 du code de l’urbanisme invoqué par le rapporteur public, les objectifs d’équilibre devraient aussi être évalués au regard des objectifs chiffrés de réduction des gaz à effets de serre affichés par le gouvernement. La ville parle en effet de cet aménagement comme d’un « corridor aéroportuaire » et il est bien évident qu’une partie significative des visiteurs de la ZAC et d’Europacity y viendraient en avion. Ce motif, selon l’avocat, est tout aussi important que la destruction des terres agricoles, même si son invocation semble n’avoir que peu d’effets juridiques.
45En réponse, l’avocat de la commune de Gonesse explique que « les insuffisances du rapport ne sont pas juridiques, mais politiques ». En somme, la commune, pour des raisons politiques, était alors incapable de le compléter, car elle n’avait d’autre possibilité que de localiser le projet sur le triangle. Il explique aussi que la commune a « pris en compte » les avis de l’Autorité environnementale et du commissaire enquêteur qui ne sont que consultatifs et n’ont pas de valeur juridique. À propos des hectares manquants du carré agricole, l’avocat explique que lorsque la commune a appris le sens des recommandations du rapporteur vendredi dernier (le 25 janvier), elle a tout de suite fait appel à un géomètre expert, d’ailleurs président de l’ordre national des géomètres, pour faire une nouvelle estimation. Il a trouvé que le carré contiendrait 300 ha agricoles sur la commune de Gonesse et 188 hectares sur celle de Roissy. En retirant les routes, cela ferait encore 469 hectares. Il verse cette nouvelle pièce au dossier, bien que l’instruction soit close depuis le 5 décembre 2018. Il développe ensuite une théorie complexe selon laquelle il y aurait une incompatibilité entre le SDRIF, le PLU et le code de l’urbanisme, plutôt difficile à suivre. « Je ne suis pas dans le syllogisme total, mais je vous le soumets » conclut-il avant de demander une annulation conditionnelle et différée dans le temps qui permettrait à la commune de compléter son rapport afin de se mettre en conformité sans annuler le PLU pour le moment. Bref, on dirait bien que la balance penche de notre côté.
46La lecture de la décision, c’est-à-dire sa communication aux parties, est annoncée pour le 22 février, soit juste après l’événement prévu par le Collectif à Paris. Elle arrivera finalement le 12 mars et sera en tout point conforme aux conclusions du rapporteur public. La décision va même plus loin, puisqu’elle fait droit aux demandes d’Étienne Ambroselli lors de l’audience en retenant l’argument des émissions de gaz à effet de serre qui seraient disproportionnées par rapport à la taille du projet. Cependant, comme le souligne Marine Fleury16 dans une analyse juridique fine, l’argument climatique n’est que secondaire dans l’argumentaire. Le plus important reste le déséquilibre économique, pointé par le commissaire enquêteur, et le déséquilibre entre la consommation et la préservation de terres agricoles, pointé par l’avis négatif de la CDPNAF (Commission départementale pour la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers). Ces deux avis sont le résultat direct du travail des membres du Collectif, et notamment pour le deuxième, de Bernard Loup. En tant que président de l’association Val d’Oise Environnement, il a siégé à la réunion de cette commission et a réussi à convaincre les représentants de la Chambre d’agriculture de voter contre. C’est ainsi qu’on peut voir combien le travail militant nourrit les recours.
47Cette annulation est saluée par les médias avant même son annonce suite à un communiqué de presse envoyé par Claude. Le Canard Enchaîné reprend l’image du « canard sans tête », tandis que Grégoire Allix se demande dans Le Monde pourquoi l’État n’affiche pas plus de soutien au projet Europacity. Dès l’annonce du délibéré, Libération, Le Parisien, L’Obs, Médiapart, Reporterre, Paris Match, Le Moniteur et d’autres encore relaient la nouvelle. L’avenir semble s’assombrir pour le projet d’aménagement. Le groupe juridique, mêlant expertise légale et activisme local, a marqué des points décisifs qui contribueront certainement à l’abandon d’Europacity quelques mois plus tard.
48Pourtant, le camp des aménageurs ne baisse pas les bras. La mairie fait appel de la décision, nouvelle rapportée par le Journal du Grand Paris, voix des aménageurs en Île-de-France.
49L’audience en appel sur l’annulation de la ZAC : un espoir inquiet. L’appel contre l’annulation de la création de la ZAC du Triangle de Gonesse arrive assez rapidement après cette deuxième victoire juridique du Collectif. L’audience est annoncée pour le 7 juin 2019. Et cette fois encore, les conclusions du rapporteur public qui indiquent laconiquement le « rejet au fond » de l’appel du ministère semblent favorables au Collectif. Cependant, les conclusions pour l’appel de l’aménageur sont plus floues, sous le terme « Autre » avec l’explication suivante : « Annulation du jugement du 6 mars 2018 pour irrégularité (omission à statuer sur la fin de non-recevoir). Annulation de l’arrêté du 21 septembre 2016 du préfet du Val-d’Oise (insuffisance de l’étude d’impact en tant qu’elle ne précise pas de quelle façon l’apport d’énergie nécessaire, évalué de 29 à 82 GWh/an, sera obtenu). »
50Pourtant, le jour de l’audience à la Cour Administrative de Versailles, la surprise est grande. Si le rapporteur demande le rejet de l’appel, ses conclusions me laissent une impression très différente de celles exposées au tribunal administratif. Elles sont bien plus courtes et beaucoup moins étayées. En bref, le rapporteur rejette l’appel en validant l’insuffisance de l’étude d’impact à propos de l’estimation des moyens de production énergétique nécessaires à la consommation des futurs équipements de la ZAC. Par contre, il rejette l’insuffisance de l’étude d’impact concernant l’estimation des gaz à effets de serre qui seraient émis par les visiteurs du centre commercial Europacity ainsi que le défaut de cumul des impacts de la ZAC avec les projets connexes. Il ne reste plus qu’un moyen sur les trois.
51Étienne Ambroselli lui-même est choqué par la manière dont le rapporteur balaye le jugement de première instance sur les GES et sur le cumul des effets. « Vous avez vu ça ? », nous dit-il, dans la salle des pas perdus.
« Il n’a même pas pris la peine de donner des détails en disant par exemple page tant de l’étude d’impact, vous voyez que, puis page tant, etc. Il a juste dit que c’était suffisant ! À la limite, ajoute-t-il, c’est mieux pour nous. Comme il n’a pas argumenté, la cour pourra éventuellement considérer que sa proposition n’est pas solide. »
52Cette remarque d’Étienne me fait penser que ce procès nous paraît plus politique que juridique, comme si un accord avait été trouvé entre le rapporteur et le ministère pour accepter l’annulation sur le seul motif des insuffisances d’information du public sur le volet énergétique. Étienne est d’accord. Nous en avions déjà discuté avant l’audience et nous avions convenu que cela constituerait une jurisprudence bien moins intéressante que sur les thèmes des gaz à effet de serre et du cumul des impacts. Mais il y a plus. Quand je lui soumets l’hypothèse que l’argument énergétique est le moins solide juridiquement, Étienne répond, « C’est exactement ça ! » Il n’est pas sûr que la cour le retienne. Il est donc inquiet, mais néanmoins content de la demande de rejet. Il faut dire que la juriste du ministère s’est abstenue de plaider, se contentant de la formule consacrée « Je m’en tiens à mes écritures », alors que son dernier mémoire n’a même pas été communiqué. Il a en effet été transmis trop tard, le jour même de la clôture de l’instruction. Cela plaiderait dans le sens d’une annulation. En revanche, l’avocat de l’aménageur public Grand Paris Aménagement (GPA), dont le mémoire n’a pas non plus été communiqué, s’est fendu d’une tirade virulente : « Lorsqu’on achète un appareil électroménager, on ne se pose pas la question de la prise où on va le brancher ! » Bref, le suspense est grand, mais Bernard reste confiant. Pour lui, nous allons gagner l’appel et le risque est que le ministère se pourvoie en cassation. Le lendemain, quand je vois l’importante couverture de presse (Libération, Médiapart, le Parisien et Le Monde) et le succès du post Facebook du Collectif annonçant la demande de rejet (plus de 7 000 vues), je me dis que ce sera difficile pour la Cour de ne pas suivre son rapporteur.
53Une justice politique ? Un conflit de légitimité. Le 11 juillet, la décision de la CAA de Versailles est une douche froide pour les militants. La décision rejette tous les arguments du tribunal administratif, y compris le moyen sur l’insuffisance de l’étude d’impact au regard des besoins énergétiques de la future ZAC, pourtant demandé par le rapporteur public. La cour d’appel réduit ainsi drastiquement le périmètre des « effets directs et indirects » causés par le projet en ne considérant que les effets causés par les travaux de construction. Elle exclut les effets liés à l’usage des bâtiments construits, notamment la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Cette jurisprudence refuse l’entrée des questions climatiques dans le droit de l’environnement. D’après Étienne Ambroselli, contacté par l’AFP, « cette décision est totalement contraire au droit de l’environnement ». Cependant, elle n’est peut-être pas si déterminante pour les futurs contentieux, car elle s’appuie sur une ordonnance du code de l’environnement (R122-5) qui remonte à la date de l’arrêté de déclaration de ZAC en 2016, et qui a été révisée depuis. Je vois sur l’arrêt que celui-ci est noté C+ au recueil Lebon, ce qui signifie qu’il ne sera pas publié comme une jurisprudence importante. Comme l’analyse bien Marine Fleury, la question de la climatisation des études d’impact ne s’éteint pas avec ce jugement. Elle sera d’ailleurs reprise par une décision du TA de Marseille contre Total à propos de l’usine de la Mède de production de biocarburants à partir d’huiles de palmes importées17.
54Néanmoins, cet arrêt est un coup dur pour la mobilisation. Elle force les opposants à se remobiliser tout en érodant la confiance qu’ils et elles pouvaient placer dans la justice. Le lendemain de la publication de l’arrêt, je reçois un coup de téléphone de Thérèse, une membre de la convergence d’une cinquantaine d’années, professeur de langue, qui me dit :
« C’est horrible. Je me sens déprimée et naïve d’avoir pu croire que les citoyens pouvaient faire cause avec l’État. Les monstres ont enlevé leur masque. »
55Il faut dire que la Cour a décalé la date de rendu de son arrêt d’au moins quinze jours et qu’entretemps, des travaux préparatoires au chantier de la gare du Triangle ont débuté. Les militants ont tenté à plusieurs reprises, mais sans trop de succès, de les bloquer. La presse s’en est fait l’écho, rapportant l’argument de l’illégitimité des travaux alors que la ZAC était annulée et que nous attendions le jugement en appel.
56Le lendemain de l’annonce de la décision, le 13 juillet, une manifestation est organisée sur le Triangle. J’en profite pour faire un rapide sondage de la réaction au jugement de la cour d’appel. Claude est le premier à qui je parle :
« Comme tout le monde, j’ai d’abord été surpris. Ça faisait beaucoup de temps qu’on attendait ce jugement. J’ai compris qu’il y a eu des interventions politiques, très fortes. Mais cela ne doit pas nous décourager, parce que le même jour sur Radio Classique, la secrétaire d’État au développement durable, Emmanuelle Wargon a annoncé que Gonesse était sélectionné pour le plan Action Cœur de Ville. Cela veut dire qu’on ne peut pas sauver le commerce de centre-ville et construire un centre commercial dans le Triangle. »
57Dans ce commentaire, Claude questionne l’indépendance des juges. Mais il n’est pas découragé, car il pense que la solution est avant tout politique. Giri, le jeune juriste aussi membre du groupe juridique doute aussi de l’indépendance des juges, mais il en a une interprétation différente :
« Ça ne m’a pas surpris, même si le rapporteur public était en faveur du maintien du premier jugement. Ça s’est déjà passé avec Notre-Dame-Des-Landes. J’en parlais avec Étienne qui me disait que c’est quelque chose d’assez rare d’avoir un jugement qui va à l’encontre du rapporteur public, mais là, étant donné les enjeux et les pressions potentielles que les juges peuvent subir de la part du gouvernement… C’est un juge administratif qui est beaucoup moins indépendant que le juge judiciaire. […] Ça m’a mis en colère parce que ce n’est pas possible d’avoir encore des décisions qui vont dans ce sens-là. Je veux dire, au-delà du droit, il y a quand même une décision politique derrière tout cela. Ce n’est pas qu’une étude d’impact où on étudie le caractère suffisant et proportionné. Est-ce qu’on fait un projet de cette ampleur alors qu’on connaît les problématiques écologiques actuelles ? Et donc les juges qui prennent ces décisions pour moi, ce sont des gens qui sont, criminels ce serait un grand mot, c’est des gens qui ne sont pas responsables. Peut-être qu’ils ne se rendent pas compte. Ils baignent certainement dans un univers où on fait primer les grands projets, où on parle de rentabilité à court et long terme, mais clairement ce sont des gens qui ne sont pas dans le même monde que moi. »
58Pour lui, il y a peut-être eu des pressions, mais le plus important est que le sentiment de solidarité de classe a joué, ou plutôt, que le milieu de vie des juges est de plus en plus imperméable aux questions écologiques au fur et à mesure que l’on monte en juridiction. Le droit serait donc perméable à la politique non pas seulement parce qu’il serait soumis à des pressions, mais surtout parce que les juges eux-mêmes font de la politique sous couvert de droit. Mais cela ne signifie pas pour autant que les recours sont inutiles.
« — Et par rapport à ton engagement comme juriste et futur avocat, qu’est-ce que cela te fait penser ?
— Que les juges sont des humains comme les autres. Plus on monte dans les échelons au niveau de la justice administrative et plus il y a une connivence avec le pouvoir. Ce sont des gens qui appartiennent au même groupe social. Personne ne s’attendait à ce que ces recours soient un avantage conséquent et jusqu’ici ça a quand même été l’avantage principal des opposants au projet. Même Bernard, je me rappelle lors des premières réunions, qui disait que le volet juridique, qui avait été sous-estimé, était quand même important. […] Ce genre de lutte, on ne s’attend pas à ce que l’un ou l’autre dise, “On renonce, allez-y, faites ce que vous voulez”. Le but c’est de gagner du temps et d’épuiser l’autre. Chaque année gagnée c’est une petite victoire. »
59Ces remarques inscrivent fermement le recours au droit dans un répertoire d’actions plus large duquel il est dépendant. Bernard ajoute l’idée que les recours influencent la mobilisation.
Stéphane : Quelle a été ta réaction à l’annonce du jugement ?
Bernard : Je l’ai appris par l’AFP qui m’a appelé. […] Par rapport à la conduite des actions, c’est sûr que ça change complètement la donne. Si ça avait été gagné, on était sûrs de gagner aussi sur le PLU. Maintenant, l’appel sur le PLU est incertain. C’est le même tribunal. Sur le terrain, on peut espérer que ça aura l’effet inverse et que ça remobilisera. Chaque fois qu’on a eu des décisions favorables en première instance, ça a eu des effets de démobilisation. Là on peut espérer que ça va remobiliser.
60Cette réaction de Bernard est inattendue. Selon lui, les jugements favorables aux opposants à Europacity démobilisent, car les sympathisants, entraînés par les titres de la presse, pensent que la bataille est gagnée. À l’inverse, si le jugement est défavorable, cela montre bien que la lutte n’est pas finie et qu’il faut continuer à se mobiliser. Bernard est un éternel optimiste. Il ne voit dans ce jugement que son potentiel d’indignation et ne conçoit pas que pour certains, l’arrêt pourrait signifier une défaite non seulement juridique, mais aussi plus générale dans l’opinion publique. Deux autres personnes que j’ai interrogées, ce jour même, ont des réactions contrastées.
61Marie, secrétaire du CPTG :
« — J’ai été vraiment stupéfaite ! Je crois que j’ai été trop optimiste, moi qui suis pessimiste de nature. On croyait à l’optimisme d’Étienne. C’est incompréhensible. On va vraiment droit dans le mur avec ce genre de décision de justice.
— Et pour la lutte ?
— J’envisage le pire ! Le projet va se faire. »
62Par contre Thierry, un militant plus enclin à l’action directe, semble du même avis que Bernard.
« J’ai été très étonné par rapport au rapporteur public. On était plutôt partis pour avoir une décision dans notre sens. Mais comme tout ce genre de choses, il faut essayer de le retourner contre eux. Ça nous permet d’avoir des arguments supplémentaires pour mobiliser à nouveau des gens. Étonné, frustré, mais pas abattu. Ça m’a redonné au final un peu plus de peps ! »
63Si les opinions sont diverses à propos des conséquences de ce jugement d’appel, un point commun des commentaires est l’absence totale de légitimité accordée au jugement. Celui-ci paraît avant tout comme politique. L’autre accord est la dépendance des recours par rapport aux autres moyens d’action de la mobilisation. Une victoire en appel aurait certes facilité les choses, mais elle n’aurait en aucun cas suffi à gagner contre l’artificialisation des terres. L’analyse du recours au droit à partir du terrain des opposants permet ainsi de relativiser son importance, mais aussi de le socialiser en réduisant son autonomie par rapport aux autres sphères de l’action militante.
64Répétition du motif pour le PLU en appel et non-admission des pourvois en cassation. En 2020, la Cour d’Administrative d’Appel de Versailles annulera, à nouveau contre l’avis de son rapporteur public, le jugement d’annulation du PLU de Gonesse. Cette fois, c’est l’interprétation de l’article L. 110-2 sur l’équilibre du développement urbain face aux autres considérations comme la sauvegarde des terres agricoles, la préservation de la qualité de l’air et la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui verrouille toute avancée des considérations environnementales dans le droit de l’urbanisme18.
65Le Collectif se pourvoira dans les deux cas en cassation devant le Conseil d’État en recourant pour cela à des avocats au conseil spécialement habilités. Ils feront payer cher leur travail et ne rencontreront jamais le groupe juridique, n’échangeant brièvement qu’avec l’avocat porteur du recours en CAA. À ce niveau de juridiction, le groupe est dépossédé du contentieux qui mène une existence indépendante de la mobilisation. Insatisfait de cette relation distante et formelle, le groupe changera d’avocat au conseil pour chaque pourvoi, espérant trouver un interlocuteur plus accessible. De plus, dans les deux cas cités ici, le pourvoi ne passera pas la barrière de l’admission. Cependant, pour la mobilisation, ces arrêts passeront relativement inaperçus, car ils seront prononcés après l’annulation du centre commercial et de loisir Europacity. C’est ainsi qu’on doit comprendre que le recours au droit est dépendant des effets de contexte social et politique qui lui donnent une plus ou moins grande visibilité.
66Toujours est-il qu’un motif commence à se dégager : les tribunaux administratifs semblent plus sensibles aux arguments en faveur de l’environnement que les cours d’appel et le Conseil d’État. Il n’y aurait donc pas un seul droit, mais au moins deux, soutenus par des échelons différents de la justice, ou plus probablement, par des juges aux opinions différentes, certains plus conservateurs et d’autres plus réformistes : un droit pro développement et un droit pro environnement.
IV. Un contentieux prolifique et « payant »
67Volume et dynamique du contentieux : construire une insécurité juridique. Au total, entre 2016 et 2021, le groupe juridique a déposé neuf recours portés par les trois avocats et le juriste de FNE au nom du CPTG et des associations alliées.

68Sur cette frise, on peut d’abord observer qu’aucun recours ne porte directement sur le projet Europacity. Quatre d’entre eux, au-dessus de la ligne de temps, portent sur des documents d’urbanisme, comme le PLU, la ZAC, et le SCOT. Deux autres, en dessous de cette ligne, portent sur la ligne de métro 17 Nord, contre son autorisation environnementale et le permis de construire de sa gare du Triangle de Gonesse. Enfin, un dernier recours a été déposé contre la Zone Agricole Protégée (ZAP) du Triangle de Gonesse, car elle ne contient pas les 400 hectares requis par le Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF).
69En 2023, sur les neuf, seulement trois contentieux sont arrivés à terme avec un rejet au Conseil d’État : le recours contre l’arrêté de création de la ZAC, celui contre l’approbation du PLU de Gonesse et celui sur l’autorisation environnementale de la ligne 17 Nord. L’action portant sur ces trois contentieux a duré à peu près le même temps, soit environ quatre ans. Ils ont suivi le même parcours avec une annulation ou une suspension en première instance au tribunal administratif (TA), un appel des aménageurs et du ministère en cour administrative d’appel (CAA) qui a cassé le jugement du TA et un pourvoi en Conseil d’État qui a confirmé le rejet. Dans les trois cas, la formation de jugement de la CAA s’est prononcée contre son rapporteur public qui recommandait de maintenir l’annulation, alors que celle du TA a suivi son rapporteur. Ces contentieux vont dans le sens d’une administration judiciaire divisée, mais encore dominée par le conservatisme.
70Les autres recours sont toujours en instruction au TA, certains après des renvois au Conseil d’État pour incompétence et ou des rejets de référés pour absence de début de travaux. En 2023, le recours contre la modification simplifiée du PLU ainsi que celui sur la DUP de la ZAC durent déjà depuis 4 ans et sont toujours en instruction. Le recours contre le PC de la gare a été rejeté par le TA après trois ans et demi d’instruction. Il est en appel après un détour par le Conseil d’État19 et dure depuis presque cinq ans. Si on considère le contentieux dans son ensemble, il débute en novembre 2016 et n’est toujours pas terminé en 2023. Cela fait donc plus de 7 ans que le CPTG ferraille en justice.
71Enfin, l’annulation du projet Europacity par le gouvernement intervient en novembre 2019, soit trois ans après le départ du contentieux et bien avant sa fin. Elle intervient à un moment ou le PLU ainsi que les travaux de la ligne 17 sont annulés, tandis que l’arrêté de création de la ZAC a été revalidé par la CAA de Versailles. Depuis 2019 et l’annulation d’Europacity, tous les contentieux d’urbanisme en première instance sont bloqués au niveau de l’instruction au TA, comme si la justice attendait une décision du gouvernement quant à l’avenir de la zone avant de se prononcer. En revanche, le contentieux sur la ligne 17N est arrivé à son terme, laissant les travaux se dérouler. Le recours contre le permis de construire de la gare du Triangle de Gonesse a aussi été rejeté par le TA. Cette frise révèle ainsi une stratégie de la part du gouvernement qui consiste à bâtir d’abord la ligne et sa gare en attendant de déterminer la nature des constructions à venir de la zone. Paradoxalement, l’annulation du projet Europacity et l’absence des travaux dans la zone n’ont donc aucune influence sur les recours.
72Cela s’explique, car les six recours toujours en instruction placent le projet d’aménagement dans une situation d’insécurité juridique forte. Pour l’aggraver encore, le Collectif a engagé en novembre 2021 un nouveau recours contre la ZAC et sa DUP en vertu d’un changement de circonstances en saisissant le tribunal administratif de Cergy contre le refus du préfet d’abroger ces documents d’urbanisme suite à l’abandon du projet Europacity. Ce volume contentieux expliquerait que les investisseurs potentiels ne se pressent pas pour proposer des projets. J’ai ainsi parlé, lors d’une journée sur le triangle en 2021 en opposition aux travaux de la gare, du « Triangle des Bermudes de l’urbanisme », une formule reprise par le journal Reporterre20. La vision longitudinale des recours permet ainsi d’identifier un autre effet de l’usage du droit par le Collectif. Il augmente la probabilité de recours et d’annulation des projets et dissuade les investisseurs privés de s’engager dans la zone d’aménagement tant que les recours ne sont pas purgés.
73Le financement des recours : des sommes conséquentes, mais facilement récoltées. Au fil des ans, le collectif a dépensé une importante somme de plus de 50 000 euros en recours juridiques. Ce montant représente une dépense d’environ 10 000 euros par an depuis 2018. Afin de la financer, le Collectif a recours à un appel à dons en ligne qui fonctionne d’autant mieux que la mobilisation est connue dans l’opinion publique comme une lutte légitime. Les rentrées d’argent dépendent donc fortement de la notoriété de la cause qui à son tour dépend beaucoup des recours juridiques dont les médias sont assez friands. Plus la presse s’intéresse aux recours contentieux, et plus l’argent afflue pour les nourrir. Cette manne financière est collectée par une association alliée, les Amis de la Terre, ce qui permet aux donateurs de déduire les sommes de leur revenu imposable. Le succès de l’appel a souvent fait dire à Bernard, lors des réunions du groupe juridique, que le CPTG assurait les dépenses et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. De fait, l’argent n’a jamais été une limite aux actions juridiques. Celle-ci est bien plus entravée par le manque de moyens humains.
Année | Fonds collectés | Dépenses totales | Dépenses juridiques |
2014 | 1667 | 816 | 0 |
2015 | 1495 | 1326 | 0 |
2016 | 6 833 | 7 158 | ? |
2017 | 15 693 | 10 388 | 6 000 |
2018 | 22 352 | 14 024 | ? |
2019 | 25 800 | 27 745 | 10 328 |
2020 | ? | ? | 11 900 |
2021 | 28 318 | 24 776 | 10 200 |
2022 | 15 053 | 13 588 | 10 552 |
74La répartition des dépenses par recours, montre des différences assez significatives. Elles sont dues à plusieurs facteurs. Le premier est la durée et la complexité du contentieux. Les avocats facturent aussi des tarifs légèrement différents. Enfin, le passage par le Conseil d’État ajoute systématiquement un montant important. Il faut aussi remarquer que le Collectif, malgré les nombreuses défaites juridiques, n’a pas eu à payer de pénalités aux parties adverses.
Recours | TA | CAA | CE | Total |
ZAC | 1 000 | 1 000 | 4 200 | 6 200 |
PLU | 2 000 | 2 000 | 4 800 | 8 800 |
Modif. PLU | 2 400 | - | 1 800 | 4 200 |
DUP | 2 000 | - | - | 2 000 |
PC Gare | 3 024 | 3 456 | 4 800 | 11 280 |
Ligne 17 | 0 | 2 000 | 4 800 | 6 800 |
ZAP | 1 800 | - | - | 1 800 |
SCOT | 1 140 | - | - | 2 100 |
Abrog. ZAC | 1 000 | 1 000 | ||
Total | 17 820 | 5 000 | 20 400 | 44 180 |
75Le tableau ci-dessus montre la répartition des coûts par recours et par niveau de juridiction. Suivant les avocats, le premier recours coûte entre 1 000 et 2 000 euros. Cette somme peut doubler si le recours s’accompagne d’un référé suspension, comme dans le cas du recours contre le permis de construire de la gare (PC Gare). Cependant, cette somme n’incombe pas au Collectif lorsque le recours est porté par un juriste employé par une association comme France Nature Environnement IDF, comme c’est le cas pour la ligne 17N qui a aussi fait l’objet d’un référé suspension. Le recours en appel coûte à peu près la même somme, soit entre 1 000 et 2000 euros. Enfin, le pourvoi en cassation coûte entre 4 200 et 4 800 euros suivant les avocats au conseil, sauf dans le cas de la modification simplifiée du PLU, pour lequel le dossier a été déposé par l’avocat du groupe juridique en charge du recours et n’a coûté que 1 800 euros. Le recours le plus onéreux est celui contre le permis de construire de la gare, alors qu’il est seulement en appel au niveau de la cour administrative d’appel. La somme de 11 280 euros s’explique par un détour juridique lorsque la cour d’Appel s’est déclarée incompétente et a renvoyé le dossier au Conseil d’État au moyen d’une ordonnance. Celui-ci a déjugé la cour d’appel et lui a renvoyé le recours. Ce circuit a ajouté la somme de 4 800 euros au contentieux et a forcé l’avocat en charge à reprendre son mémoire en appel. Paradoxalement, le recours le plus complexe n’est pas le plus cher. Il s’agit de la requête contre l’autorisation environnementale de la ligne 17N. Nous avons déjà vu que les coûts de première instance avaient été réduits grâce au travail du juriste employé par France Nature Environnement qui a donc supporté une partie des frais. Par ailleurs, les coûts d’appel, malgré un circuit complexe qui a l’a vu passer de la Cour d’Appel de Versailles à celle de Paris, sont limités à 2000 euros, facturés par Étienne Ambroselli. Cette somme est modeste, car cet avocat a considéré qu’une partie du travail avait déjà été fait en première instance.
76Les trois avocats pratiquent ainsi des honoraires comparables en deçà du niveau du marché, ce qui fait partie de leur engagement militant. Ils ne facturent que la rédaction d’écritures contentieuses tandis que les prestations de conseil comme les échanges mail sur des points de droit et la participation aux réunions ne sont pas comptées21. Les différences de facturation sont faibles. Elles semblent surtout dues au fait que deux avocats fonctionnent au forfait, tandis que l’autre facture à l’heure, ce qui augmente légèrement les frais. Enfin, Étienne Ambroselli n’a pas facturé ses services pour sa défense du Collectif contre la demande d’expulsion du petit terrain de jardinage et de rassemblement auprès du tribunal de Grande Instance. Il s’est contenté de l’aide juridictionnelle de 700 euros22.
77Malgré ces tarifs réduits, l’examen des coûts des recours montre que la mobilisation contre Europacity et contre l’artificialisation des terres agricoles a consacré des sommes importantes aux recours. Bien que les avocats ne facturent pas tout leur temps et pratiquent des prix réduits, les sommes sont assez conséquentes, autour de 2000 euros en première instance, 2 000 euros en appel et 5 000 en cassation. Mais surtout, cette analyse montre que la mobilisation est suffisamment légitime dans les médias et au sein d’une frange mobilisée de la population pour récolter les sommes nécessaires aux recours. Cette observation renforce l’idée d’une légitimité publique de la protection de l’environnement face à celle du développement.
***
78Le groupe juridique du Collectif pour le Triangle de Gonesse a mené depuis 2016 une activité contentieuse remarquablement nourrie avec des succès notables en première instance, mais des rejets systématiques en appel et en cassation. Malgré ces déconvenues, il a réussi à gagner du temps (dans le cas du recours contre l’autorisation environnementale de la ligne 17N) et à installer une épée de Damoclès juridique durable qui pèse sur les aménageurs et handicape leur recherche d’investisseurs et donc de rentabilité. Il a aussi contribué à la diffusion de la mobilisation et de ses arguments dans la presse régionale et nationale. Ces recours ont ainsi certainement contribué à l’abandon du projet Europacity, annoncé en novembre 2019.
79Pour arriver à ces résultats, le Collectif et le groupe juridique ont mis en place une organisation qui leur a permis de dépasser les obstacles identifiés par Liora Israël lorsque des militants recourent à la justice. Tout d’abord, le groupe juridique a permis aux militants non-juristes de participer à l’élaboration des recours et d’acquérir du même coup une culture juridique grâce à laquelle ils servent de relais pour exposer ce moyen d’action aux autres membres. Les recours se sont ainsi inscrits comme un des moyens du répertoire d’action. Si le droit contribue à influencer la lutte, il s’en nourrit aussi. L’arme du droit a été mise à disposition du Collectif plutôt que l’inverse.
80De façon plus intéressante encore, le groupe juridique et sa communication avec le reste des militants et avec la presse ont permis aux membres de concevoir le droit comme un champ disputé de la légitimité politique et morale. Ainsi plutôt qu’une adéquation entre légalité et légitimité telle que pouvait la concevoir Weber23, les membres du groupe juridique voient plutôt des formes concurrentes de légalité et de légitimité dans le droit même. Le travail des avocats consiste alors à trouver les passes du droit24 audibles par les juges pour faire pencher la balance du côté de la protection de l’environnement plutôt que du côté du développement immobilier. Par ce mouvement, la légitimité se déplace pour passer du champ juridique au champ politique, non pas au sens d’une légitimité des élus, qui rapprocherait légitimité et élections, mais d’une légitimité de l’opinion publique éclairée, au sens de la construction des publics de John Dewey25. Si la protection de l’environnement est supérieure au développement dans le cas du Triangle de Gonesse, c’est parce que les militants ont mené une enquête, y compris légale, suite à laquelle l’opinion publique leur a pour l’essentiel donné raison. Cette arme de la publicité permet ainsi au groupe juridique de s’engager en contentieux sans craindre de parler le langage du droit. D’ailleurs, comme le dit Liora Israël, inspirée par le travail de Patrick Durand26, légitimité médiatique et juridique vont de pair.
« Les mouvements qui font usage du droit peuvent symétriquement gagner en légitimité par ce biais : en apparaissant comme des interlocuteurs sérieux, en accédant à une tribune inespérée permettant éventuellement de sensibiliser un public via le relais médiatique, en obtenant des victoires qui, même partielles sur le plan juridique, peuvent faire vaciller le pouvoir en place. Alors que, d’un point de vue étymologique, légalité et légitimité sont des synonymes qui désignent la conformité avec la loi, le paradigme wébérien suggérant également la superposition de l’une et de l’autre dans les sociétés libérales, les usages contestataires du droit sont des exemples dans lesquels, de manière paradoxale, la légitimité du pouvoir est contestée au nom de la légalité27. »
81Il reste cependant quelques risques. Tout d’abord, le groupe n’est pas accessible à toutes et tous, pour des raisons de technicité et de disponibilité. Il est probable que certain·e·s membres de la mobilisation s’en soient senti·e·s exclu·e·s, ce qui montrerait que le droit est encore en partie autonome de la mobilisation. L’écriture des recours par les avocats est malgré tout encore très solitaire, même s’ils font circuler leurs brouillons. Ensuite, les arrêts des cours d’appel et du Conseil d’État contre les recours du Collectif risquent de faire jurisprudence et ainsi de renforcer le côté bâtisseur du droit, plus que de le rendre plus sensible à la protection de l’environnement. Par ailleurs, si l’appel à dons du Collectif a jusqu’ici bien fonctionné, sa dépendance de la légitimité publique de la cause promue par les médias n’en garantit pas le succès à long terme, ni pour toutes les mobilisations. Le coût important des recours reste une barrière à franchir, notamment pour les mobilisations locales à faible écho médiatique. Cependant, le travail de juriste salarié par une association de défense de l’environnement peut contribuer à socialiser ces coûts plus largement et à économiser des frais pour les groupes locaux mobilisés.
82Malgré ces difficultés, le travail du groupe juridique du Collectif pour le Triangle de Gonesse montre que le droit peut constituer un moyen d’action efficace, à la condition de l’inclure dans un groupe et une mobilisation plus large qui cultive une légitimité publique forte. Celle-ci permet non seulement de financer le travail des avocats engagés, mais aussi de peser sur le droit lui-même en faisant passer les valeurs des militants jusque dans les mémoires, renforçant ainsi des lectures des codes juridiques plus soucieuses de la protection de l’environnement que de la construction d’infrastructures et de bâtiments contestés.
Notes de bas de page
2Des plumes dans le goudron, Résister aux grands projets inutiles et imposés : De Notre-Dame-des-Landes à Bure (Textuel, 2018).
3C. Tilly, « Les origines du répertoire de l’action collective contemporaine en France et en Grande-Bretagne », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 4 (1984), p. 89‑108.
4L. Israël, L’arme du droit, 2e éd., Contester, Paris, Presses de Sciences Po, 2020.
5F. Graber, Inutilité publique. Histoire d’une culture politique française, Éditions Amsterdam, 2022.
6S. Tonnelat, « Un contentieux microclimatique : ethnographie d’un référé sur l’occupation de terres agricoles en voie d’urbanisation », Droit et société 110, no 1 (2022), p. 151‑70.
7Depuis la loi de protection de l’environnement de 1976, une loi de 1995 renforce la présomption d’intérêt à agir des associations agréées : R. Léost, « L’agrément des associations de protection de l’environnement », Revue juridique de l’Environnement 20, no 2, 1995, p. 265‑85. La convention d’Aarhus a encore renforcé cette légitimité en imposant une possibilité de recours contre tout projet. Communication de Céline Le Phat Vinh, juriste de l’association Notre Affaire à Tous, séminaire du projet PROCLIMEX, 23 mai 2023.
8L. Israël, « Chapitre 2. Les avocats, défenseurs des libertés ? », in L’arme du droit, 2e éd., Contester, Paris, Presses de Sciences Po, 2020, p. 41‑65.
9« La structure cognitive et normative de la confiance », Réseaux 108, no 2001/4, p. 125‑52.
10« Europacity : un jugement plus qu’important pour le droit de l’environnement », Actu-Environnement, 21 mars 2018, [https://www.actu-environnement.com/ae/news/chronique-christian-huglo-europacity-climat-etude-impact-30892.php4].
11Chr. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Aix-en-Provence, DICE Éditions, Confluence des droits [en ligne], 2020, 676 p.
12R.-M. Lagrave, Se ressaisir : enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe, La Découverte, 2021.
13Car il a été signé par le préfet de la Seine Saint Denis ou démarre la ligne 17N.
14L. Israël, L’arme du droit, 2e éd., op. cit., p. 87.
15Chr. Cournil, P. Mougeolle, A. Le Dylio, « Notre affaire à tous et autres c. l’État français (2019) », in Les grandes affaires climatiques, DICE Éditions, 2020, en ligne [https://hal.science/hal-02952760/document].
16M. Fleury, « 23 | Affaires du Triangle de Gonesse (2019) : Le climat est dans le pré – À propos des affaires du Triangle de Gonesse », in Chr. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Aix-en-Provence, DICE Éditions, Confluence des droits [en ligne], 2022, p. 379‑86, en ligne : [https://doi.org/10.4000/books.dice.11238].
17Tribunal administratif de Marseille, « TERF-Bioraffinerie de la Mède, jugement 1805238 » (2022), jugement en ligne : [http://marseille.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Vie-du-tribunal/TERF-Bioraffinerie-de-la-Mede-Publication-du-jugement-1805238-du-13-juillet-2022].
18M. Fleury, op. cit.
19Dans les deux cas, le tribunal s’est déclaré incompétent en vertu de la loi d’exemption olympique qui réduit les possibilités de contentieux à un recours direct devant la cour administrative de Paris. Ces renvois ont été rejetés par le Conseil d’État qui a considéré que les projets n’étaient pas nécessaires aux Jeux.
20N. Cadoret, « » Cette gare n’a aucun sens » : à Gonesse, le chantier détruit les terres agricoles », Reporterre, le média de l’écologie, 7 juin 2021, [https://reporterre.net/Cette-gare-n-a-aucun-sens-a-Gonesse-le-chantier-detruit-les-terres-agricoles].
21Les trois avocats essaient de trouver d’autres clients à qui ils peuvent facturer aux prix conventionnels afin d’équilibrer leurs finances.
22S. Tonnelat, « Un contentieux microclimatique : ethnographie d’un référé sur l’occupation de terres agricoles en voie d’urbanisation », op. cit.
23M. Weber, Le savant et le politique, Paris, Union générale d’éditions, 1963.
24P. Lascoumes, J.-P. Le Bourhis, « Des « passe-droits » aux passes du droit. La mise en œuvre socio-juridique de l’action publique », Droit et Société 32, no 1 (1996), 51‑73.
25John Dewey, Le public et ses problèmes [1927], trad. par Joëlle Zask, Folio essais, Paris, Gallimard, 2010).
26Patrice Duran, « Légitimité », in Encyclopédie philosophique universelle, tome 2, Les Notions philosophiques, éd. par André Jacob, PUF, Paris, 1990.
27Israël, L’arme du droit, 2e éd., 111.
Auteur
Chargé de recherche au CNRS, UMR LAVUE, Université Paris Nanterre

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