Chapitre 1
Réflexions sur l’interface sciences-droit et la mobilisation de la recherche dans les procès climatiques
p. 27-47
Texte intégral
1L’expertise scientifique joue un rôle central dans les contentieux climatiques, appelé à se renforcer dans le futur. Dans cet article, nous revenons sur l’apport de différents champs de recherche (économie, climatologie, etc.) dont les conclusions sont mobilisées dans les procès, ou ont le potentiel de l’être. Pour certaines d’entre elles, il est légitime de s’interroger sur la pertinence de leur mobilisation dans le cadre de contentieux. Nous abordons en particulier le rôle des sciences du climat dans la définition des responsabilités des changements climatiques et de l’ingénierie et des sciences économiques dans l’évaluation de l’action climatique, la définition du préjudice écologique et le calcul des astreintes.
2L’objectif de cet article est également de montrer que la production de l’expertise scientifique est un processus en constante mouvance, faite d’incertitudes et de choix scientifiques et politiques. Alors qu’aujourd’hui, la responsabilité des activités humaines dans les changements climatiques ne fait plus aucun doute dans les cercles scientifiques et juridiques, la question de la responsabilité des acteurs étatiques et non étatiques dans l’occurrence d’événements extrêmes et d’impacts reste épineuse. De même, la mobilisation de trajectoires d’émissions ou des résultats de l’économie du climat dans le cadre de contentieux climatiques soulève de nombreuses questions quant au périmètre de pertinence de ces expertises et de leurs conclusions.
3Il est finalement intéressant de noter la croissante imbrication entre science et droit sur la question des changements climatiques. D’un côté, certains chercheurs cherchent à produire des connaissances pouvant être directement mobilisées dans les procès climatiques. De l’autre, les travaux académiques, et en particulier ceux figurant dans les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), occupent une place prépondérante dans ces contentieux pour établir des responsabilités (I) et confirmer les trajectoires d’émissions dans le cadrage de l’action climatique (II). Pour Marta Torre-Schaub et ses collègues, « le droit joue [aujourd’hui] un rôle essentiel dans l’interface avec la science du climat, la gouvernance mondiale du climat et le décideur politique (international, national) »4. Cette interface ne se limite plus aux sciences du climat et a le potentiel d’inclure la recherche en sciences sociales et en particulier la science économique dans la définition du préjudice écologique et la demande d’astreinte de certains procès (III).
I. Le rôle des sciences du climat dans la définition des responsabilités
4Dans les litiges climatiques, le rôle de la science du climat dans l’attribution des responsabilités des changements climatiques à des États ou des acteurs privés est central. Attribuer la responsabilité des changements climatiques, d’un point de vue scientifique, n’est cependant pas chose facile. La spécificité des gaz à effet de serre (GES), à l’origine du réchauffement climatique qui provoque les changements climatiques, complique particulièrement ce travail de mise en cause. Ces gaz, inodores et incolores, s’étalent à l’échelle planétaire et leur accumulation dans l’atmosphère est attribuable à de nombreuses entités, et à des temporalités différentes. Il est de ce fait difficile d’établir un lien causal strict entre une source d’émission de GES en particulier et un dommage ou acteur en particulier. Les sciences du climat s’y attellent néanmoins depuis plusieurs décennies.
5Quatre formes d’attribution sont généralement identifiées : celles qui renvoient à l’attribution (A) de l’augmentation des émissions de GES dans l’atmosphère aux activités humaines, et en particulier aux combustibles fossiles (gaz, pétrole et charbon) ; (B) de certains événements extrêmes au réchauffement climatique anthropique ; (C) des impacts de ce dernier sur les systèmes naturels et humains ; et (D) de l’augmentation des émissions de GES à des sources, pratiques et acteurs particuliers. Ces formes, qui mobilisent différentes communautés scientifiques, reflètent différents niveaux de maturité, de légitimité et d’usage dans les contentieux.
A. Détecter et attribuer le réchauffement climatique anthropique
6L’existence d’un réchauffement climatique anthropique attribuable à l’augmentation de GES anthropiques dans l’atmosphère ne fait aujourd’hui plus doute. Il a été montré, d’un côté, que le réchauffement observé n’est pas compatible avec la seule variabilité interne du climat et de l’autre, que la cause de ces changements à l’augmentation des GES peut être attribuée aux activités humaines. Cette conclusion est le résultat de plusieurs décennies de recherches scientifiques, mêlant compréhension de processus physiques, simulations numériques et observations5.
7Établir un lien de cause à effet entre réchauffement climatique et activités humaines n’est pas une activité anodine, car elle permet inexorablement d’identifier des responsables (les activités humaines et l’exploitation des combustibles fossiles par les États et les acteurs privés) et des solutions (la régulation des émissions de GES). Cette mise en cause, présentant une menace pour certains acteurs dont les activités économiques dépendent de l’exploitation des énergies fossiles, fut le déclencheur de féroces campagnes de dénigrement dans les années 1990 et 2000, et cela malgré les travaux du GIEC et l’établissement de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992. Ces campagnes médiatiques, principalement fomentées aux États-Unis – alors le plus gros émetteur de GES – et en Europe visaient à remettre en question les travaux des scientifiques, les accusant notamment de manipuler leurs données6.
8Si pour de nombreux scientifiques, les troisième et quatrième rapports du GIEC (2001 et 2007) confirment largement l’existence d’un réchauffement climatique anthropique, il faut attendre la publication du cinquième rapport (2014) pour que cette évidence s’impose dans le débat public et juridique. Ce dernier serait aujourd’hui, dans le cadre des contentieux climatiques, « la référence normative fondamentale en termes de causalité générale »7. Pour Christian Huglo8, la plupart des décisions rendues se sont appuyées sur ce rapport. Malgré les résurgences occasionnelles de positions de déni, les scientifiques sont aujourd’hui sûrs que les activités humaines sont la cause unique du réchauffement climatique observé depuis 1950.
B. Attribuer les événements extrêmes au changement climatique
9Une deuxième activité étiologique s’intéresse aux effets des changements climatiques sur le système climatique, et en particulier sur l’occurrence d’événements extrêmes. Ce dernier aspect revient à établir un lien entre certains phénomènes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, tempêtes, inondations, etc.) et l’augmentation des émissions de GES. Cette expertise s’est particulièrement développée dans les années 2000 et englobe plusieurs questionnements, approches et méthodes.
10Un des premiers papiers sur la question est publié en 2003 par le climatologue Myles Allen de l’université d’Oxford9. Il est le précurseur de la science de l’attribution probabiliste d’événements extrêmes (Probabilistic Event Attribution, PEA). Allen développe l’argument que cette discipline émergente pourrait contribuer à tenir les gros émetteurs de GES responsables de leurs actions devant la justice. Peter Stott, Dáithí A. Stone et Myles Allen publient en 2004 une première étude se focalisant sur la vague de chaleur qui a frappé l’Europe en 2003. Dans les années qui suivent, la recherche sur le rôle du réchauffement climatique dans l’occurrence d’événements extrêmes évolue rapidement. Si cette science de l’attribution ne peut pas exactement dire si le changement climatique en est la cause exacte, elle peut néanmoins estimer si la hausse des GES a augmenté la probabilité d’une telle occurrence.
11Différentes méthodes d’attribution existent et divisent la communauté scientifique10. Dans les années 2010, la controverse oppose les partisans de l’approche par les risques (soutenue par Peter Stott et Myles Allen) et celle par la « storyline » (proposée par Kevin Trenberth). Cette dernière s’intéresse moins à déterminer la probabilité qu’un type d’événement extrême (inondation, tempête, etc.) devienne plus fréquent ou intense qu’à définir si le changement climatique est une des causes d’un événement particulier. Au cœur de la controverse se trouve la définition de la charge de la preuve, l’approche par la « storyline » partant du principe que le changement climatique a influencé un événement extrême (et cherche à déterminer le « comment »), alors que celle par les risques conserve l’hypothèse qu’un événement peut ne pas avoir été provoqué par ce dernier. Pour Elisabeth A. Lloyd et Naomi Oreskes, la méthode par les risques s’inspire du principe de la « présomption d’innocence » (le changement climatique anthropique n’est responsable d’événements extrêmes que si la science peut le démontrer) alors que celle par la « storyline » suggère le contraire (« coupable jusqu’à preuve du contraire ») au nom du principe de précaution. La première est jugée « conservatrice ».
12En 2014, l’initiative World Weather Attribution (WWA) voit le jour, impulsée par différentes institutions au Royaume-Uni (Imperial College London), aux Pays-Bas (Institut royal météorologique des Pays-Bas), en France (IPSL/LSCE), aux États-Unis (National Center for Atmospheric Research), en Suisse (ETH Zurich) et en Inde (Institut indien de technologie). Les recherches des chercheurs affiliés à la WWA, dont Geert van Jan Oldenborgh et Friederike Otto, vont révolutionner le champ, car elles permettent aujourd’hui, en l’espace de quelques semaines, à établir un lien de causalité entre un événement météorologique extrême et le changement climatique. Par exemple, en pleine campagne électorale allemande, ils montrent le rôle du changement climatique anthropique dans les inondations meurtrières qui touchent l’Allemagne et la Belgique en août 2021.
13Des chercheurs comme Friederike Otto collaborent aujourd’hui étroitement avec des chercheurs en droit, pour assister les plaignants dans les contentieux climatiques. Pour cette dernière : « contrairement aux autres branches de la science du climat ou de la science en général, l’attribution des événements extrêmes a en fait été pensée à l’origine pour assister les tribunaux »11 (traduction de l’auteure). En établissant un lien de cause à effet entre le changement climatique et l’occurrence d’événements météorologiques extrêmes, certains scientifiques et juristes y voient la possibilité d’établir la responsabilité des grands pollueurs ou des autorités (pour leur manque de préparation) et de demander des compensations pour les pertes et les dommages occasionnés.
14Cette forme d’attribution serait néanmoins encore peu mobilisée dans les contentieux climatiques, il semblerait, à cause du fait que le champ de recherche dans lequel elle s’inscrit est assez nouveau et que de nombreuses incertitudes demeurent12. De plus, établir un lien de causalité entre un événement extrême et le changement climatique anthropique est une chose ; attribuer des impacts et dommages à ce même événement en est une autre.
C. Détecter et attribuer les impacts du réchauffement climatique
15Une troisième activité étiologique revient à détecter et attribuer les effets du réchauffement climatique (les événements extrêmes, mais aussi les phénomènes à évolution lente) sur les systèmes naturels et humains. Le champ de recherche sur cette question s’est particulièrement développé dans les années 2000.
16Détecter et attribuer les impacts des changements climatiques anthropiques pose de nombreux défis. Tout d’abord, car il faut déterminer, comme nous l’avons vu plus haut, si l’événement climatique/météorologique en question est d’origine anthropique. Ensuite, car il est difficile d’isoler le facteur « changement climatique » des autres facteurs socio-économiques (urbanisation, pollution, changement dans l’usage des sols, etc.) qui affectent un système et créent des pertes et dommages. La chaîne de causalité est donc extrêmement complexe. Les impacts du changement climatique sur les systèmes naturels sont souvent mieux documentés que ceux sur les systèmes humains, car il est particulièrement difficile d’isoler le facteur climatique des facteurs non climatiques. La question est particulièrement complexe, car isoler le facteur climatique revient souvent à considérer comme secondaires les facteurs socio-économiques et politiques qui affectent un système. Or, ces facteurs sont cruciaux pour comprendre l’ampleur et les dommages de certains événements extrêmes et catastrophes naturelles.
17De nombreuses controverses entourent ce travail d’attribution, notamment sur le rôle des changements climatiques comme source de conflits violents et/ou de migrations13. Certains scientifiques établissent un lien direct entre ces événements et les changements climatiques, souvent pour alerter des conséquences graves que ces derniers peuvent engendrer, alors que d’autres mettent en avant les facteurs socio-économiques pour les expliquer. Au cœur du problème se trouve la question de qui est responsable pour un impact ou dommage particulier : le climat ou l’homme (par une mauvaise gestion) ? Comme noté par Myanna Lahsen et Jesse Ribot sur la question de l’attribution des impacts du changement climatique « les cadres analytiques intègrent toujours des choix concernant les facteurs qui comptent, sont donc intrinsèquement normatifs et influencent la compréhension de la responsabilité et de l’action »14.
18Le travail étiologique sur les effets du changement climatique sur les systèmes naturels et humains est très complexe. Le risque est donc grand de tomber dans le « réductionnisme climatique » et de marginer les facteurs socio-économiques qui entrent en jeu dans la fabrique des catastrophes « naturelles »15.
D. Attribuer le réchauffement climatique à des acteurs
19Une dernière activité étiologique revient à attribuer les changements climatiques et leurs impacts à des acteurs étatiques et non étatiques. Cette activité est également extrêmement complexe, car les GES se diluent dans l’atmosphère et il est difficile d’identifier l’origine précise de ces molécules. Des enjeux méthodologiques rendent également cette tâche compliquée.
20Très tôt, des chercheurs ont essayé de quantifier la contribution historique des États au réchauffement climatique. L’objectif étant de poser les bases d’une méthodologie permettant d’allouer des objectifs de réduction des émissions sur la base des émissions cumulées, ou de calculer le montant des compensations des grands émetteurs pour les pertes et dommages occasionnés. Ce champ de recherche, relevant aujourd’hui des travaux du Groupe de travail III du GIEC (sur l’atténuation du changement climatique), s’est particulièrement développé dans les années 2000. Il en découle néanmoins que les résultats peuvent différer souvent en fonction de choix scientifiques et politiques, dont le choix de la base de données des émissions, l’inclusion (ou non) des émissions de CO2 liées aux changements d’usage des terres (plus difficiles à estimer), la perspective privilégiée (émissions absolues, per capita, etc.) ou la période prise en compte (1850 ou 1990)16.
21D’autres experts se posent la question de la responsabilité des acteurs non étatiques dans les changements climatiques. En 2014, le géographe Richard Heede publie Carbon Majors: Accounting for carbon and methane emissions 1854-2010, le fruit d’un travail d’archive de plus de 15 ans, et pensé pour servir dans les contentieux climatiques17. Le rapport permet d’identifier 90 entités (pays, compagnies) productrices de combustibles fossiles, à elles seules responsables de 63 % des émissions produites entre 1951 et 2010. Heede est un des fondateurs, avec Naomie Oreskes et Greg Erwin, du Climate Accountability Institute (créé en 2011), dont les travaux cherchent à être directement pertinents pour les contentieux climatiques. Récemment, des chercheurs ont essayé de traduire la contribution des carbon majors au réchauffement climatique et à certains changements (cf. hausse du niveau de la mer, acidification des océans)18. Brenda Ekwurzel et ses collègues (dont Heede) concluent que les émissions des quatre-vingts entreprises sont responsables de 57 % de l’augmentation du CO2 atmosphérique, de ∼42-50 % de celle de la température de la surface terrestre et de ∼26-32 % de la hausse du niveau de la mer entre 1880 et 2010.
22Si cette expertise est utilisée dans les contentieux climatiques (c’est le cas par exemple des rapports sur les Carbon Majors19), elle peine encore à convaincre les juges20. Dans les cas de demandes d’indemnisation, les tribunaux en concluent souvent que les plaignants n’ont pas été en mesure de suffisamment démontrer que les émissions des défendeurs ont causé les impacts et dommages allégués21. Ce fut par exemple le cas dans le procès Lliuya v. RWE AG (2016) où le tribunal n’a pas reconnu de lien direct de causalité entre les émissions de gaz à effet de serre de l’énergéticien allemand RWE et le dommage subi par M. Lliuya.
II. Le rôle des trajectoires d’émissions dans le cadrage de l’action climatique
23Dès lors qu’il s’agit de démontrer l’insuffisance de l’action de l’État en matière d’atténuation du changement climatique, les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre sont appelées à jouer un rôle de points de référence. Néanmoins, le terme « trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre », ou « trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre », peut recouvrir différents objets, plus ou moins directement liés à la décision politique. Une trajectoire d’émissions est une projection quantifiée de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre à moyen ou long terme, par exemple à horizon 2050 ou 2100. Ces trajectoires sont produites au moyen de modèles numériques plus ou moins complexes, qui permettent de prendre en compte les interactions entre les différentes activités et secteurs émetteurs de GES. Elles peuvent être globales, régionales (par exemple à l’échelle de l’Union européenne) ou bien nationales, et peuvent être transversales ou se concentrer sur un seul secteur, par exemple l’énergie, les transports ou l’agriculture. Enfin, elles peuvent être exploratoires, c’est-à-dire viser à faire un panorama de l’éventail des possibles sans préjuger de leur désirabilité, ou bien prescriptives, auquel cas elles spécifient des étapes de réductions des émissions à atteindre pour respecter un objectif donné, généralement dans le cadre de l’établissement d’une stratégie nationale. Cette diversité des trajectoires, de leurs périmètres et de leurs vocations tient également à la diversité de leurs origines : certaines trajectoires sont produites par des groupes de recherche, d’autres par des entreprises, des cabinets de conseil, des ONG, ou des organismes gouvernementaux. Puisqu’il s’agit de projections, les trajectoires doivent être considérées en fonction de leur contexte de production et de publication, et donc à la fois des questions auxquelles elles répondent et des processus (scientifiques, politiques, judiciaires…) auxquels elles contribuent.
A. Les trajectoires dites « du GIEC »
24Une première catégorie de trajectoires sont celles publiées dans les rapports du GIEC. Le GIEC, en tant qu’il publie des états des lieux de la recherche publiée dont les messages principaux sont approuvés par les États, dispose d’une double légitimité scientifique et politique. Cela peut expliquer le poids des trajectoires du GIEC en tant qu’expertise mobilisée dans les contentieux climatiques. On peut distinguer deux types de trajectoires dans les rapports du GIEC : d’une part, des trajectoires de référence qui fournissent un cadre commun permettant de mettre en regard des travaux de prospective relevant de différentes disciplines des sciences du climat (climatologie, études des impacts, économie du climat…) ; d’autre part, les trajectoires publiées dans la littérature, que le GIEC collecte et passe en revue.
25Les scénarios d’émissions de référence sont des outils qui permettent d’harmoniser les hypothèses sur les futurs dans les différents groupes du GIEC, et ainsi d’assurer une certaine cohérence entre scénarios d’évolution du climat global, scénarios d’impact et scénarios d’atténuation du changement climatique. Historiquement, ce type de scénarios a d’abord été produit par le GIEC lui-même, jusqu’en 2006 où le GIEC a délégué ce travail à la communauté scientifique22. Depuis, le dispositif de scénarios de références s’est sophistiqué, et il s’agit désormais d’un cadre commun de classification des scénarios plutôt que d’un répertoire de trajectoires.
26Les Shared Socioeconomic Pathways (SSP) sont un élément clé de la classification des hypothèses socio-économiques qui sous-tendent les trajectoires : il s’agit d’un ensemble de cinq storylines qui ont été quantifiées, correspondant à des ensembles distincts d’hypothèses sur les évolutions démographiques, économiques, technologiques du monde d’ici la fin du siècle23. Les trajectoires d’émissions peuvent ainsi être classifiées suivant deux grilles : d’une part, les hypothèses socio-économiques qui les sous-tendent, qui sont rapportées à l’un des cinq SSP disponibles ; d’autre part, le niveau de réchauffement global à l’horizon 2100. L’existence de ce cadre commun a avant tout une visée heuristique, puisqu’elle permet une certaine standardisation des hypothèses qui facilite le lien entre disciplines et surtout entre modèles – les trajectoires d’émissions de référence servent en effet de données d’entrée pour les modèles climatiques. Ces trajectoires n’incluent pas nécessairement de politiques climatiques, et à l’heure actuelle ne prennent pas en compte les dommages engendrés par le changement climatique (il s’agissait d’un choix explicite lors de leur conception, principalement pour éviter de cumuler les incertitudes de modélisations, mais qui commence à être reconsidéré car l’absence de dommages limite la pertinence de ces trajectoires). Même si ces trajectoires reflètent très majoritairement un optimisme technologique et un attachement à la croissance économique24, et en ce sens restreignent l’éventail des futurs considérés25, elles ont vocation à représenter un ensemble de futurs possibles sans hiérarchisation explicite de la désirabilité des différentes trajectoires.
27Au-delà de ce cadrage commun, dont l’histoire et l’usage sont très fortement liés au fonctionnement du GIEC, les rapports du GIEC répertorient les trajectoires d’émissions publiées dans la littérature. Ces trajectoires visent à évaluer et comparer différentes combinaisons de réductions d’émissions. Le travail d’évaluation de ces trajectoires au sein du GIEC relève principalement du Groupe III, mais les échanges avec le Groupe I se sont consolidés pendant la préparation du sixième rapport d’évaluation du GIEC (AR6) en vue de réaliser l’évaluation climatique des différentes trajectoires d’émissions, qui sont classifiées selon 8 niveaux de réchauffement.
28Depuis le second rapport du GIEC en 1995, chaque rapport du Groupe III a inclus un chapitre sur les scénarios d’émissions de long terme. Depuis 2001, le travail de rédaction de ce chapitre s’appuie sur la constitution de bases de données collectant les trajectoires disponibles dans la littérature, qu’elles permettent de comparer dans une certaine mesure. De quelques centaines de scénarios dans les années 2000, on est passé à plusieurs milliers : la base de scénarios qui accompagne le sixième rapport du GIEC compte plus 3 000 scénarios. La multiplication du nombre de trajectoires disponibles s’est accompagnée d’une standardisation des bases de données, ainsi que d’efforts pour en améliorer la transparence et l’accessibilité ; celles-ci sont accessibles publiquement. Ces bases de données restent difficiles à manipuler, notamment car le domaine de pertinence des scénarios qu’elles contiennent dépend de leur contexte de production (questions de recherche auxquelles ils répondent, hypothèses de départ, protocole de recherche…). Les bases de données ne couvrent pas « l’espace des possibles » de façon uniforme et ne se prêtent guère à un traitement statistique ; les modélisateurs qui les développent les qualifient « d’ensembles d’opportunité »26, et le développement de méthodes permettant d’extraire du sens de tels ensembles de scénario est un objet de recherche en soi27. Dans le rapport spécial sur 1,5 °C et dans le rapport du Groupe de travail 3 pour l’AR6, des trajectoires dites « illustratives » ont été sélectionnées, en tant qu’exemples représentatifs de la diversité des trajectoires recensées (permettant de contraster, par un exemple, un fort recours à la capture de carbone, un fort recours aux énergies renouvelables ou une baisse de la demande en énergie). Celles-ci sont des trajectoires extraites de la base de données, soumises à une vérification plus stricte de leur cohérence, mais produites indépendamment les unes des autres.
29Lors du dernier cycle d’évaluation du GIEC, qui s’est achevé en juillet 2023, trois bases de données ont été constituées : une base de scénarios à 1,5 °C de réchauffement (pour le rapport spécial sur 1,5 °C), une base de scénarios globaux et sectoriels et une base de scénarios nationaux. Si des efforts ont été faits pour diversifier les trajectoires, notamment via des appels ciblés à la soumission de scénarios sectoriels, la majorité des scénarios répertoriés dans ces bases de données émane de la communauté des « modèles d’évaluation intégrée » (Integrated Assessment Models, ou IAMs), et notamment de grands projets de modélisation pour beaucoup financés par l’Union européenne28. La collecte de scénarios sectoriels et nationaux s’est avérée moins fructueuse, pour deux raisons principales : d’une part, la production de ces trajectoires est plus diverse et moins structurée que celle des trajectoires globales ; d’autre part, une partie des trajectoires d’émissions nationales est produite par des organismes gouvernementaux ou des ONG qui ne les publient pas toujours dans des revues académiques, ce qui les place en dehors du radar du GIEC29.
30En résumé, il n’existe pas une trajectoire « 1.5 », mais une multitude, même si elles partagent certains points communs – à commencer par une baisse rapide et drastique des émissions de gaz à effet de serre. Cette diversité appelle à prêter attention aux hypothèses et aux questions de recherche qui sous-tendent les trajectoires. En effet, certaines trajectoires comptent sur un déploiement massif des énergies renouvelables, certaines excluent le nucléaire, d’autres reposent sur de la capture de carbone à très grande échelle, d’autres encore sur une réduction de la demande énergétique30…
31On peut noter une difficulté croissante à produire de telles trajectoires, qui deviennent, chaque année, plus exigeantes tant que les émissions continuent à augmenter. La majorité des trajectoires compatibles avec l’objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C tablent sur un dépassement temporaire du seuil de température (overshoot) et/ou sur des « émissions négatives » substantielles, c’est-à-dire sur la possibilité technologique, pour l’instant non démontrée, d’absorber du CO2 atmosphérique à grande échelle31.
32Enfin, contrairement à ce qui concerne l’attribution du changement climatique, la possibilité d’utiliser les trajectoires dans des contentieux n’est pas explicitement discutée au sein des groupes de recherche qui produisent des scénarios d’émissions. Il existe encore peu de travaux académiques visant à développer des trajectoires directement mobilisables comme arguments judiciaires32. Les trajectoires présentées dans les rapports du GIEC restent conçues comme non prescriptives, en ligne avec le mandat du GIEC (« policy relevant, not policy prescriptive »). La comparabilité de ces trajectoires et leur appréhension en tant qu’ensembles ne vont pas de soi, et font l’objet de discussions et de réflexions méthodologiques au sein de la communauté qui les produit ; celles-ci doivent donc être manipulées avec prudence dès lors qu’elles sont détachées de leur contexte de production.
33Ces trajectoires sont par ailleurs loin d’être neutres, d’autant plus que leur mise en avant dans les rapports du GIEC leur octroie une forte visibilité niveau des négociations internationales. On commence ainsi à voir émerger des argumentaires qui s’appuient sur les critiques des bases de données de scénarios du GIEC, et notamment la façon dont les enjeux d’équité entre pays du Nord et pays du Sud y sont représentés (ou plutôt, pour ces critiques, insuffisamment représentés, car les scénarios prendraient en compte la responsabilité historique des pays du Nord ni les besoins futurs en énergie pour le développement des pays du Sud), pour remettre en cause la légitimité du GIEC et de l’objectif de 1,5 °C dont la faisabilité reposerait sur des trajectoires inéquitables qui imposeraient à tous les États les mêmes trajectoires de réduction des GES33.
34Dans au moins deux procès, des conclusions basées sur les trajectoires 1.5 ont été mobilisées (Neubauer et al. v. Germany (2021) et Milieudefensie et al. v. Royal Dutch Shell plc (2021). Dans le cas de Milieudefensie et al. v. Royal Dutch Shell plc, la justice néerlandaise a condamné Shell à réduire ses émissions de 45 % d’ici 2030 – un montant défini au niveau global. Elle reconnaît que « le GIEC ne prescrit pas de trajectoire de réduction particulière » et qu’il existe des trajectoires alternatives. De même, elle mentionne « qu’il ne se prononce pas sur la question de savoir si et comment ses scénarios peuvent être traduits en contributions de divers acteurs et secteurs […]34 ». Cependant, le tribunal évoque l’existence d’un « large consensus » sur la question. On observe ici une application directe des conclusions du GIEC. Dans le cas Neubauer et al. v. Germany, les trajectoires du rapport spécial 1.5 sont également prises comme référence, mais à travers la réalisation d’une étude produite par le New Climate Institute, indépendamment du GIEC. L’argumentaire reprend de cette étude une estimation de l’écart entre la trajectoire d’émissions prévue par les politiques allemandes et la moyenne des trajectoires globales de réduction des émissions présentées dans le rapport 1.5. La démarche est explicitement rapprochée de l’utilisation qui avait été faite de « l’encadré de Bali [ou Bali Box] » extrait du quatrième rapport du GIEC dans l’affaire Urgenda – qui a servi de référence pour enjoindre les Pays-Bas de réduire leurs émissions de GES d’au moins 25 % comparé au niveau de 1990. On voit ici une imbrication des productions du GIEC avec des expertises ad hoc produites en vue de contentieux, sans lien direct avec le processus de validation du GIEC, voire avec les travaux de recherche qui y sont recensés35.
B. Les trajectoires nationales et sectorielles
35Si les trajectoires répertoriées par le Groupe III du GIEC relèvent essentiellement d’un travail de recherche académique, la prospective énergétique peut aussi se faire en lien plus étroit avec le travail politique, notamment lorsqu’il s’agit de développer des trajectoires nationales. Une grande diversité d’institutions produisent, ainsi, des trajectoires sans forcément que celles-ci ne soient publiées dans des revues scientifiques. Au niveau international, on peut citer l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), dont le rapport Net Zero Emission by 2050: A Global Pathway to Keep the 1,5 °C Target within Reach s’inscrivait explicitement dans le processus de Bilan Mondial (Global Stocktake) prévu par l’Accord de Paris.
36Au niveau français, les scénarios et trajectoires occupent une place croissante dans le débat public sur le changement climatique et la transition énergétique. Ils émanent de diverses institutions : énergéticiens, avec le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE ; agences publiques, avec le rapport Transition(s) 2050 de l’ADEME ; associations, comme négaWatt, qui produit régulièrement des scénarios de transition énergétique reposant sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Certaines trajectoires sont également produites directement dans le cadre de la production d’argumentaires juridiques, comme cela a été le cas dans le contentieux Grande Synthe, où une expertise privée a été commandée à Carbone 4 en vue de démontrer la carence de l’État, quand bien même le juge s’est montré peu réceptif à ce type d’expertise36.
37Le travail de production de trajectoire peut également être directement politique, au sens où il participe de la définition des objectifs et stratégie de décarbonation et de transition énergétique. Dans ces cas de figure, des expertises de production de trajectoires – donc des groupes de modélisations – sont mobilisées au sein du processus politique de délibération et de définition de la stratégie énergétique et climatique. Cela a été le cas, sous deux formes différentes, lors du Débat National sur la Transition énergétique en 2012-2013, et plus récemment lors de la définition de la deuxième Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC-2) entre 2016 et 2018. Dans les deux cas, on a retrouvé une galaxie d’expertise et de modèles relevant à la fois d’acteurs universitaires, gouvernementaux et sectoriels ou associatifs. Les travaux de Nadaï et Aykut37 et de Nadaï, Cassen et Lecocq38 ont bien rendu compte des deux processus. Si leur périmètre, leur format et leurs objectifs étaient différents, ils ont amené une confrontation de modèles et de trajectoires entre eux et avec les acteurs, dans une dynamique d’assemblage « du calcul et du politique »39 qui reconfigure à la fois les objectifs politiques et les méthodes de modélisation. Ce type de trajectoires co-construites politiquement, telle que la SNBC-2, semblent bénéficier d’une plus forte légitimité auprès des juges.
III. Le rôle de l’expertise économique dans les procès climatiques dans la définition du préjudice écologique et la demande d’astreinte
38Les économistes se sont, dès les premières négociations internationales sur le climat, emparés du dossier climatique. Leurs apports, que l’on retrouve dans les différents chapitres principalement du rapport du Groupe III du GIEC, ont été de plusieurs natures et on peut s’interroger sur la possibilité et pertinence de l’exploitation de ces travaux dans le cadre des procès climatiques.
A. Les contributions des économistes aux travaux du GIEC
39Nous présentons ici certaines des contributions des travaux en économie du changement climatique40 qui pourraient être mobilisées dans le cadre des procès climatiques. Elles traitent notamment (1) des coûts de réduction des émissions de GES, (2) du coût des impacts du changement climatique, (3) de la modélisation économie-énergie-environnement et (4) de la valeur tutélaire du carbone.
1. Des coûts de réduction des émissions de gaz à effet de serre de différentes natures
40Une large partie des travaux et des chapitres du GIEC porte sur l’analyse des coûts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Du plus spécifique au plus systémique, ces coûts peuvent être technologiques (surcoût d’une technologie de centrale thermique au gaz plus efficace, évolution du coût des énergies renouvelables, cf. Fig. 1), sectoriels (cf. Fig. 2), plus structurels (modification plus en profondeur des modes de vie et coût des infrastructures nécessaires), ou également macroéconomiques (propagation de ces coûts dans l’économie dans son ensemble impactant les prix, les salaires, l’emploi…)41. Des travaux technico-économiques d’ingénieurs calculeront les premiers types de coûts technologiques ou sectoriels de manière à évaluer les options de réduction des émissions de GES les moins coûteuses à déployer en premier. Les courbes de coût marginal d’abattement (plus connues sous l’acronyme anglais « MACC » pour marginal abatement cost curves) popularisées par McKinsey en 2009, sont depuis largement utilisées pour informer le débat climatique sur les gisements sectoriels disponibles de réductions d’émissions de GES et leur coût. Le succès et l’intérêt de ces courbes reposent, en partie, sur leur capacité à synthétiser, sous une représentation unique, un ensemble complexe d’informations : nature des gisements de réductions d’émissions de GES, quantité d’émissions évitées, classement des gisements selon leur coût moyen sur une période donnée. Elles existent à l’échelle de pays, voire à l’échelle mondiale. Des modélisations d’ordre plus macroéconomiques présenteront moins de détails technologiques et permettront d’évaluer la propagation de ces coûts à l’ensemble du système économique.
Fig. 1 – Évolution entre 2000 et 2020 des coûts de production des technologies photovoltaïques, éoliennes terrestres et en mer et comparaison aux coûts de production des énergies fossiles

(Source : AR6 IPCC WG3).
Fig. 2 – Contributions potentielles aux réductions d’émissions à l’horizon 2030 des différentes options au sein des secteurs en fonction de leur coût de réduction

(Source : AR6 IPCC WG3).
2. Le coût des impacts du changement climatique
41Les impacts du changement climatique sont nombreux, de natures différentes et donnent lieu à de nombreuses incertitudes. Néanmoins, des travaux d’évaluation économique de ces impacts se sont développés. Certains de ces impacts renvoient à des coûts marchands (pertes de production agricole, destructions d’infrastructures, pertes d’activités). Ces coûts, bien qu’empreints de fortes incertitudes sur leur ampleur future, peuvent être estimés en s’appuyant sur des prix et coûts observés dans les systèmes économiques. Par exemple, l’évaluation des coûts économiques de la perte de production agricole liés au changement climatique peut consister à multiplier l’évaluation des pertes de rendements agricoles estimés par les travaux des agronomes par le prix de la production agricole observée sur les marchés. De la même manière, le coût des dommages sur les infrastructures peut être évalué à leur coût de construction.
42En revanche, d’autres dommages renvoient à des biens non marchands : perte de vies humaines du fait des événements extrêmes ou du renforcement de certaines maladies potentiellement mortelles ; perte de bien-être du fait de la multiplication de maladies liées au réchauffement climatique ou de l’inconfort provoqué par les chaleurs extrêmes ; valeur de la disparition d’une espèce végétale ou animale qui n’aura pas su s’adapter aux nouveaux contextes climatiques… Les migrations imposées par la nécessaire relocalisation des hommes causeraient des coûts humains, morts prématurées, mais aussi souffrances psychologiques et psychiques liées aux conflits engendrés. Enfin, il existera des coûts pour les générations futures liés par exemple à la privation d’une partie de la biodiversité existante dans le passé. L’état de la science dans ce domaine reste parcellaire, mais certaines méthodologies ont été développées.
43Ainsi, dans le domaine des impacts sanitaires, deux types de coûts sont pris en compte : les coûts tangibles, incluant les coûts du système de santé (coût de traitement, d’hospitalisation, des médicaments) et les coûts de baisse de productivité liés à l’absentéisme, et les coûts intangibles qui sont liés à la perte de bien-être liée au fait d’être malade et de ne pas pouvoir faire ses activités comme on le souhaiterait et à la mortalité prématurée. Les coûts de mortalité reposent sur le concept de la valeur statistique de la vie humaine qui permet d’évaluer ce que la société est disposée à dépenser pour diminuer le risque de mortalité dans la société ou sur la valeur d’une année de vie perdue. Les coûts de perte de bien-être peuvent être évalués de différentes manières. Par exemple, dans le cas de la perte de bien être liée aux canicules, on peut évaluer par méthodes d’enquêtes ce que les personnes seraient prêtes à payer pour ne pas avoir à supporter des jours d’activité restreinte.
44Un autre volet délicat de l’évaluation des impacts du changement climatique renvoie aux coûts sur les écosystèmes et sur la perte de biodiversité. Là aussi, des méthodes économiques ont été développées qui permettent de donner une valeur économique totale de ces impacts. Celle-ci tient compte à la fois de la valeur d’usage des écosystèmes, mais également d’une valeur de non-usage qui renvoie par exemple à la valeur d’existence des écosystèmes.
45Même si l’économie fournit donc un ensemble de méthodologies permettant d’évaluer ces coûts non marchands, chacune a ses forces et faiblesses et laisse place à des notions subjectives.
46En l’état actuel des connaissances, il semble illusoire de chercher à donner une valeur économique à l’ensemble des dommages induits par le changement climatique, d’autant que certains impacts systémiques qui apparaissent de plus en plus inévitables tout comme la possibilité d’atteindre des points de bascule qui entraîneraient des perturbations substantielles des systèmes humains et naturels (quel est le coût des migrations de populations ? Quel est le coût de l’effondrement potentiel de certains pans de la biodiversité ?) questionnent la pertinence de cet objectif.
3. La modélisation économie-énergie-environnement pour la définition de trajectoires de décarbonation
47L’évaluation du coût de réduction des émissions de GES combinée à l’évaluation du coût des dommages a permis de développer des modélisations coûts-bénéfices et a donné lieu à l’émergence d’une communauté autour de l’évaluation intégrée (Integrated Assessment Models – IAMs en anglais).
48Ces modèles coûts-bénéfices optimisent les stratégies de décarbonation au regard des bénéfices attendus par la réduction des dommages climatiques. Ils déterminent donc un optimum de réchauffement climatique. Le modèle DICE42 développé par William Nordhaus depuis les années 1970 fait partie de cette catégorie de modèles. Or, du fait de la difficile évaluation du coût des dommages, des courbes de fonctions de dommages très frustes sont utilisées dans ces modèles et en général, en sous-estimant les dommages, conduisent à des recommandations peu ambitieuses d’actions. La plupart des modèles utilisés depuis de longues années par les auteurs du GIEC ou par les grandes instances comme la Commission européenne ne procèdent pas de cette approche coût-bénéfice. Ils sont en effet au service d’une démarche différente, dite « analyse coût-efficacité ». Il s’agit alors de considérer un objectif politique exogène à l’économie, parce qu’informé par les sciences du climat, puis d’utiliser l’analyse économique modélisée pour identifier les moyens les moins coûteux pour atteindre cet objectif. Ce fut le cas par exemple pour les « objectifs 20-20-20 » de l’Union européenne (20 % d’économies d’énergie, 20 % de réduction d’émission en 2020), le « Facteur 4 » en France (division par quatre des émissions de CO2 en 2050), ou aujourd’hui la neutralité carbone. Le rôle de l’économiste est alors d’éclairer la décision publique en identifiant des solutions efficaces, mais en aucun cas d’en être le seul maître à bord.
49Ces travaux permettent ainsi notamment d’évaluer les impacts sur les coûts de réductions des émissions de gaz à effet de serre nationaux et totaux de règles d’allocations des réductions d’émissions entre les pays43 pour atteindre un objectif global de réduction de ces émissions. Un certain nombre de règles déclinées de visions contrastées de l’équité entre pays du Sud et pays du Nord ont ainsi été évaluées44.
4. Le calcul d’une valeur de l’action pour le climat (ou valeur tutélaire)
50Suite à l’Accord de Paris, différents pays dont la France se sont fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour y parvenir, État, ménages, collectivités territoriales et entreprises doivent réduire leurs émissions de GES. Les actions à mener en ce sens peuvent être guidées par une valeur donnée à l’action pour le climat : la valeur tutélaire du carbone45. Celle-ci, calculée en €/tCO2 est une référence que se donne la collectivité pour déterminer les actions utiles à la lutte contre le changement climatique. Elle donne une évaluation du chemin à parcourir pour atteindre un objectif de réduction des émissions de GES, et de la valeur monétaire que la société doit accorder aux investissements publics et privés pour atteindre cet objectif.
51Pour la calculer, une approche coût-efficacité est mobilisée dans le cadre des travaux de modélisation décrits précédemment. Ces modèles permettent, sur la base de l’objectif de neutralité carbone à atteindre en 2050, d’évaluer la disponibilité et le coût des actions et des technologies, présentes et à venir, nécessaires pour atteindre cet objectif. Le modèle permet alors de déterminer une trajectoire de la valeur tutélaire croissante dans le temps (cf. Fig.3).
Fig. 3 – Valeur tutélaire du carbone dans le cadre de l’atteinte de la neutralité carbone en France à l’horizon 2050.

52Comment utilise-t-on cette valeur tutélaire ? En se reportant à la figure 3, imaginons en 2030 deux actions de réduction des émissions de GES : une action d’isolation des murs par l’extérieur pour laquelle le coût est de 700 €/tCO2 réduite et une autre action d’installation de thermostat en maison individuelle dont le coût est de 180 €/tCO2. Comme la valeur tutélaire en 2030 est de 250 €/tCO2, toutes les actions dont le coût de réduction est inférieur à la valeur tutélaire doivent être mises en œuvre pour respecter la trajectoire de neutralité carbone, et les actions dont le coût de réduction est supérieur à la valeur tutélaire ne doivent pas être mises en œuvre et attendre que la valeur tutélaire dépasse cette valeur. Ceci permet alors aux pouvoirs publics de déterminer les mesures environnementales (subventions, investissements, normes ou tarification du carbone) utiles pour déclencher ces actions de réductions des émissions de GES.
B. Comment ces apports pourraient-ils être exploités dans les procès climatiques ?
53Étant donné ce rapide panorama non exhaustif de travaux en économie sur les enjeux climatiques, se pose la question de la pertinence de leur utilisation dans le cadre des procès climatiques.
1. Préjudice écologique
54Dans le contentieux climatique français, la question de la réparation du préjudice écologique reste ouverte. Le droit français connaît classiquement deux modes de réparation de ce préjudice écologique. Elle se fait en premier lieu en nature et si possible par la remise en état in situ de l’environnement dégradé. Si un retour à l’état ex ante est impossible, il convient alors de se tourner vers la réparation par équivalent en nature qui vise à compléter la remise en l’état. Néanmoins, devant les dommages irréversibles causés par le naufrage de l’Erika, le jugement rendu par la cour d’appel de Paris en 2010 dans le procès de l’Erika, reconnaît explicitement la réparation du préjudice écologique et à ce titre plus de 4,3 millions d’euros de dommages et intérêts sont octroyés à différentes parties civiles46.
55Est-ce qu’une telle indemnisation du préjudice écologique serait possible dans le cadre des impacts du réchauffement climatique ? Ceci permettrait que la charge des réparations soit supportée par ceux qui en sont les auteurs, en accord avec le principe pollueur-payeur. Or, dans le cas du changement climatique, au-delà de la difficile évaluation du coût des dommages, comme mentionné dans la partie précédente, nombre d’obstacles se présenteraient : qui sont les pollueurs, qui sont les victimes, quels impacts, présents ou futurs, devraient être pris en compte ? C’est notamment face à l’ensemble de ces obstacles que dans le contentieux français, les associations ont demandé un euro en guise de réparation (qui a été refusé).
2. Demande d’indemnisation dans le cadre de dommages matériels
56Par contre les travaux d’évaluation des dommages du changement climatique peuvent être sans doute plus facilement mobilisés dans le cadre de demande en responsabilité civile d’indemnisation de dommages matériels. C’est l’approche retenue dans l’affaire Luciano Lliuya v. RWE AG. M. Lliuya – guide péruvien de montagne dans la Cordillère blanche – a intenté une action contre l’énergéticien allemand RWE en 2015 qu’il considère comme en partie responsable des risques d’inondations dans la ville de Huaraz du fait de la fonte accélérée du glacier Palcacocha et des travaux qu’il doit faire pour protéger sa maison de ces risques47. RWE étant l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde, M. Lliuya a alors demandé devant les juridictions allemandes (RWE étant une société allemande) à ce que l’énergéticien soit condamné à contribuer aux coûts des travaux nécessaires pour éviter les risques d’inondation à proportion de sa responsabilité dans le changement climatique. Cette action est la première opposant une potentielle victime des changements climatiques à une entreprise privée. Elle soulève la question de la mise en œuvre de la responsabilité civile d’un acteur privé pour ses émissions de gaz à effet de serre.
57Dans le cadre de cette demande, les évaluations économiques chiffraient ces mesures préventives à 3,5 millions d’euros et RWE devrait prendre en charge 0,47 % de ce montant au regard de sa contribution personnelle au changement climatique, soit 17 000 euros. En appel, les juges ont considéré la requête comme recevable.
3. Demande d’astreinte
58L’intensité actuelle et surtout à venir des dommages climatiques est évidemment à l’origine des procès climatiques intentés contre les États ou les compagnies exploitant les énergies fossiles pour demander un renforcement de l’ambition des objectifs climatiques. Dans le cadre du contentieux sur la pollution atmosphérique, une demande d’astreinte a été calculée en se basant sur le coût annuel de la pollution atmosphérique évalué à environ 100 Mrds €/an pour la France dans un rapport sénatorial de 2014. Les plaignants arguant que « seul un taux très élevé pour une astreinte semble à la fois adapté et susceptible d’inciter le Gouvernement à agir en urgence ». La demande d’astreinte a alors été fixée à 100 000 € par jour de retard (soit 365 000 000 €/an), soulignant alors que le Gouvernement ne serait en réalité condamné qu’à payer 0,0365 % par an du coût annuel de la pollution de l’air (évalué à environ 100 Mrds €/an).
59Dans le cas de l’Affaire du Siècle, en juin 2023, constatant que l’État n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique, les associations ont demandé au tribunal de prononcer une astreinte financière de 1,1 Mrds € pour les neuf premiers semestres de retard déjà cumulés (122 M€ pour chaque semestre de retard supplémentaire), dans l’objectif de forcer le gouvernement à prendre des mesures structurelles pour que la France réduise durablement ses émissions de GES. L’argumentaire repose sur le fait que le retard dans l’adoption des mesures permettant de réparer le préjudice écologique résultant du dépassement du premier budget carbone (2015-2018) de la SNBC implique, chaque année, un effort financier supplémentaire. Compte tenu de l’évolution de la valeur tutélaire du carbone, la mise en œuvre de mesures déterminées en 2023 représente un coût considérablement plus élevé que le coût nécessaire à la mise en œuvre des mêmes mesures au cours de l’année 2018, qui correspond à la dernière année du premier budget carbone.
60Pour chaque semestre de retard, l’effort financier supplémentaire pour mettre en œuvre les mesures permettant de compenser le préjudice correspondant aux 15 MtCO2eq excédentaires, peut être évalué à un montant de 122,5 millions d’euros (15 Mt CO2 * delta de la valeur tutélaire du carbone entre 2018 et 2023). Sur les neuf semestres écoulés depuis la fin du premier budget-carbone, l’effort financier supplémentaire peut être évalué à un coût d’1 milliard et 102,5 millions d’euros.
61Or, dans le cadre de l’Affaire du Siècle, le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 décembre 2023 stipule que, bien que l’État n’ait pas complètement réparé le préjudice écologique (préjudice restant à réparer entre 3 ou 5 Mt CO2 eq, selon les chiffres retenus), cette réparation pourrait être complétée en 2023 en raison du rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, il n’apparaît pas nécessaire de prononcer une mesure d’injonction ou d’astreinte à l’encontre de l’État. De la même manière, dans le cadre du contentieux de Grande Synthe, une demande d’astreinte avait été faite mais là aussi, n’avait toujours pas été retenue lors du jugement de mai 2023 qui constate pourtant l’inexécution du jugement précédent.
***
62Les formes d’expertises potentiellement pertinentes pour les contentieux climatiques sont donc plurielles. Elles sont construites et mobilisées différemment selon les disciplines. Si le GIEC reste un point de référence, du fait de son mandat d’évaluer l’état des connaissances et de sa double légitimité scientifique et politique, les résultats scientifiques qu’il répertorie et évalue dans ses rapports relèvent de communautés de recherche et de pratiques épistémiques très diverses. Certaines expertises ne passent pas par les rapports du GIEC.
63Il importe donc de prendre en compte les contextes de production de ces résultats, leurs domaines de pertinence, ainsi que les débats scientifiques qui peuvent les entourer. Il est par exemple difficile d’évaluer ce qu’implique une trajectoire d’émissions si on ne connaît pas le (ou les) modèles utilisés pour la produire, les questions auxquelles la trajectoire propose d’apporter une réponse, les hypothèses sous-jacentes et la façon dont elles ont été déterminées. De même, les calculs économiques des coûts de réductions des émissions, des coûts des dommages du changement climatique, ou de la valeur tutélaire du carbone reposent sur des choix méthodologiques et des jugements de valeur qui ne sont pas sans conséquences compte tenu des fortes incertitudes de ces estimations.
64Il existe également des différences dans la façon dont ces expertises envisagent leur rapport aux contentieux climatiques. Alors que les travaux récents en sciences de l’attribution climatique ont été explicitement conçus et élaborés dans la perspective d’une mobilisation dans des contextes judiciaires, c’est moins le cas des travaux autour des trajectoires. Les trajectoires d’émissions sont produites soient dans un contexte académique (c’est le cas des trajectoires dans les bases de données de scénarios du GIEC), soit dans le cadre de l’élaboration de politiques de baisse des émissions de gaz à effet de serre – parfois pour alimenter le débat public, comme les scénarios de l’ADEME, de RTE ou de négaWatt, parfois dans le cadre du processus de mise en place de la stratégie, comme dans le cas de la SNBC-2. Leur mobilisation dans les procès climatiques se fait donc indépendamment de leur production, souvent après un travail d’expertise indépendant qui réarticule certains éléments des trajectoires avec l’argumentation judiciaire. L’expertise économique présente un profil plus hybride, puisqu’elle fait son entrée dans les procès à la fois par reprise de résultats existants et à travers la constitution d’évaluations en vue de nourrir les argumentaires juridiques – sans résultats véritablement notoires pour l’instant, peut-être faute d’une acculturation encore à venir à ces savoirs.
Notes de bas de page
4M. Torre-Schaub, L. D’Ambrosio, B. Lormeteau, « Changement climatique et responsabilité », Énergie-Environnement-Infrastructures, 8-9, 2018.
5P. N. Edwards, A Vast Machine: Computer Models, Climate Data, and the Politics of Global Warming, Cambridge MA, MIT Press, 2010.
6J.-M. Decroly, F. Gemenne, E. Zaccai, Controverses climatiques, sciences et politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2012 ; M. Hulme, Why we disagree about climate change, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
7L. D’Ambrosio, « La « responsabilité climatique » des entreprises : une première analyse à partir du contentieux américain et européen », Énergie-Environnement-Infrastructures : actualité, pratiques et enjeux, 2018, p. 42.
8C. Huglo, « L’utilité du recours au rapport Heede dans le contentieux climatique », Énergie-Environnement-Infrastructures : actualité, pratiques et enjeux, 2018, p. 66.
9M. Allen, « Liability for climate change », Nature, 421, 2003.
10A. Jezequel et al., « Behind the veil of extreme event attribution », Climatic Change, vol. 14, n° 3-4, 2018, p. 367–383.
11M. Joselow, « Science could aid climate cases. Big Oil is fighting it », ClimateWire, 16 avril 2021 : [https://subscriber.politicopro.com/article/eenews/1063730129] .
12R. F. Stuart-Smith et al., « Filling the evidentiary gap in climate litigation », Nature Climate Change, vol. 11, n° 8. 2021, p. 651–655.
13M. Laverge, « Le réchauffement climatique à l’origine de la crise du Darfour ? », Revue Tiers Monde, vol. 204, n° 4, 2010, p. 69-88 ; J. Selby, O.S. Dahi, C. Fröhlich et al., « Climate change and the Syrian civil war revisited », Political Geography, 60, 2017.
14M. Lahsen, J. Ribot, « Politics of attributing extreme events and disasters to climate change », WIREs Climate Change, vol. 13, no 1, 2022.
15M. Hulme, Climate Change isn't Everything: Liberating Climate Politics from Alarmism, Cambridge, Polity, 2023.
16M. Den Elzen et al., « Analysing countries’ contribution to climate change: scientific and policy-related choices », Environmental Science & Policy, vol. 8, no 6, 2005, p. 614-636 ; R. B. Skeie et al., « Perspective has a strong effect on the calculation of historical contributions to global warming », Environmental Research Letters, vol. 12, n° 2, 2017, p. 024022.
17J. Setzer, L. Vanhala, « Climate change litigation: A review of research on courts and litigants in climate governance », WIREs Climate Change, vol. 10, n° 3, 2019.
18B. Ekwurzel et al., « The rise in global atmospheric CO2, surface temperature, and sea level from emissions traced to major carbon producers », Climatic Change, vol. 144, 2017, p. 579–590 ; R. Licker et al., « Attributing ocean acidification to major carbon producers », Environmental Research Letters, vol. 14, n° 12, 2019, p. 124060.
19C. Huglo, op. cit.
20Ibid.
21R. F. Stuart-Smith et al., « Filling the evidentiary gap in climate litigation », Nature Climate Change, vol. 11, n° 8, 2021, p. 651-655.
22B. Cointe, « Scenarios », in K. De Pryck, M. Hulme (ed.), A Critical Assessment of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, 2022.
23B. O’Neill, E. Kriegler, K. Riahi, K. Ebi, S. Hallegatte, T. R. Carter, R. Mathur, D. van Vuuren, « A new scenario framework for climate change research: the concept of shared socioeconomic pathways », Climatic Change 122, 2014, p. 387-400.
24B. Cointe, A. Pottier, « Understanding why degrowth is absent from mitigation scenarios. Modelling choices and practices in the IAM community », Revue de la Régulation, 35, 2023.
25S. Beck, J. Oomen, « Imagining the corridor of climate mitigation – What is at stake in IPCC’s politics of anticipation ? », Environmental Science and Policy, 123, 2021, p. 169-178 ; L. Braunreiter, L. van Beek, M. Hajer, D. van Vuuren, « Transformative pathways – Using integrated assessment models more effectively to open up plausible and desirable low-carbon futures », Energy Research & Social Sciences, 80, 2021.
26D. Huppmann, J. Rogelj, E. Kriegler, V. Krey, K. Riahi, « A new scenario resource for integrated 1,5 °C research », Nature Climate Change 8, 2018, p. 1027-1032.
27C. Guivarch, T. Le Gallic, N. Bauer, P. Fragkos, D. Huppmann, M. Jaxa-Rozen, I. Keppo, E. Kriegler, T. Krisztin, G. Marangoni, S. Pye, K. Riahi, R. Schaeffer, M. Tavoni, E. Trutnevyte, D. van Vuuren, F. Wagner, « Using large ensembles of climate change mitigation scenarios for robust insights », Nature Climate Change 12, 2022, p. 428-435.
28G. Peters, A. Al Khourdajie, I. Sognnaes, B. M. Sanderson, « AR6 scenarios database: an assessment of current practices and future recommendation », NPJ Climate Action 2, 2023 ; K. Riahi et al., « Mitigation pathways compatible with long-term goals. », in P.R. Shukla et al. (dir.), IPCC, 2022: Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, 2022.
29B. Cointe, « The AR6 Scenario Explorer and the history of IPCC Scenarios Databases: evolutions and challenges for transparency, pluralism and policy-relevance », NPJ Climate Action, 3, 2024.
30K. Riahi et al., « Mitigation pathways compatible with long-term goals. », in P.R. Shukla et al. (dir.), IPCC, 2022: Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, 2022.
31B. Cointe, « La construction des trajectoires de 1,5 °C de réchauffement et leur difficile traduction en objectifs climatiques », in Chr. Cournil (dir.), La fabrique d’un droit climatique au service de la trajectoire « 1.5 », Paris, Pedone, 2021, p. 27.
32V. en ce sens le chapitre dans cet ouvrage de Yann Robiou du Pont, p. 49
33T. Kanitkar, A. Mythri, T. Jayaraman, « Equity assessment of global mitigation pathways in the IPCC Sixth Assessment Report », Climate Policy, 24, 2024. [En ligne] [https://doi.org/10.1080/14693062.2024.2319029].
34Jugement de la Cour de justice de La Hague, 26 mai 2021 (4.4.29).
35Dans cet ouvrage, Y. Robiou du Pont, p. 34.
36Dans cet ouvrage Chr. Cournil, p. 71.
37S. Aykut, A. Nadai, « Le calcul et le politique : le Débat National sur la Transition énergétique et la construction des choix énergétiques en France », Revue d’Anthropologie des Connaissances, 2019/4, p. 1009-1034.
38A. Nadai, C. Cassen, F. Lecocq, « ‘Qualculating’ a low-carbon future – Assessing the performativity of models in the construction of the French net zero strategy », Futures, 145, 2023 ; F. Lecocq, A. Nadai, C. Cassen, « Getting models and modellers to inform deep decarbonization strategies », Climate Policy, 2022.
39S. Aykut, A. Nadai, op. cit.
40L’article suivant donne un panorama plus global de ces contributions : P. Criqui, S. Mathy, « Économie et Climat », in A. Metzger (coordination scientifique), Le climat au prisme des sciences humaines et sociales, Éditions Quae, Nature et société, janvier 2022, p. 223-241.
41S. Paltsev, P. Capros, « Cost concepts for climate change mitigation », Climate Change Economics, 2013, vol. 4, no supp01, p. 1340003.
42Le modèle DICE (Dynamic Integrated model of Climate and the Economy) est un modèle développé par William Nordhaus, lauréat 2018 du prix Nobel d’économie en sciences économiques, dans les années 1990. DICE « relie les facteurs qui influent sur la croissance économique, les émissions de CO2, le cycle du carbone, le changement climatique, les dommages climatiques et les politiques climatiques. » La structure néoclassique du cœur économique du modèle suggère que, grâce à la poursuite de l’accumulation du capital et de la croissance, les générations futures seront beaucoup plus riches que les générations présentes et qu’elles pourront donc gérer plus facilement le changement climatique que ces dernières. Voir F.-D. Vivien, « Les modèles économiques de soutenabilité et le changement climatique », Regards croisés sur l’économie, 2009, (2), p. 075-083.
43N. Höhne, M. Den Elzen, D. Escalante, « Regional GHG reduction targets based on effort sharing: a comparison of studies », Climate Policy, 14(1), 2014, p. 122-147.
44Voir section II de ce chapitre.
45A. Quinet, J. Bueb, B. Le Hir, B. Mesqui, A. Pommeret, M. Combaud, La valeur de l’action pour le climat, France stratégie, 2019, 3624-3648.
46Depuis, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a précisé le cadre du préjudice écologique.
47F. Giansetto, « 27 | Lliuya c. RWE (2016) », Chr. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Aix-en-Provence, DICE Éditions, 2020, p. 451-450, [https://doi.org/10.4000/books.dice.11288].
Auteurs
Chargée de recherche en sociologie des sciences et des techniques, Centre de Sociologie de l’Innovation (CSI), Mines Paris-PSL, i3 CNRS UMR9217, Paris
Chercheuse en science politique, Université de Genève, Institut des sciences de l’environnement – Genève
Directrice de recherche en économie, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, INRAE, Grenoble INP, GAEL, 38000 Grenoble, France

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Les Organisations internationales et la résolution des conflits post‑bipolaires en Afrique
Thierry Bidouzo
2019
Systèmes de contrôle de constitutionnalité par voie incidente et protection des personnes en situation de vulnérabilité
Approche de droit comparé
Caterina Severino et Hubert Alcaraz (dir.)
2021
Le droit international de la reconnaissance, un instrument de décolonisation et de refondation du droit international ?
Albane Geslin et Emmanuelle Tourme Jouannet (dir.)
2019
Procès et environnement : quelles actions en justice pour l’environnement ?
Mathilde Hautereau-Boutonnet et Ève Truilhé (dir.)
2020