Conclusion de la seconde partie
p. 457-458
Texte intégral
1162. Cette partie consacrée à l’influence indirecte de la Plateforme par le biais des diffusions normatives avait pour but d’interroger la qualité systémique du droit international applicable à la biodiversité et aux écosystèmes méditerranéens1862. En effet, si cet ensemble juridique avait une qualité réellement systémique, alors les évolutions suscitées par l’IPBES en un point se répercuteraient sur tous les autres.
1163. Au regard de l’ensemble des interactions juridiques sur lesquelles nous nous sommes penchés dans cette partie, il semble que le caractère systémique du droit international applicable à la biodiversité et aux écosystèmes méditerranéens se soit renforcé au cours des dernières années grâce aux mesures prises par ses architectes : les États et les institutions des régimes. Par exemple, les alignements juridiques des régimes méditerranéens sur les régimes globaux assurent une articulation cohérente des obligations globales et régionales. Également, l’influence majeure de l’Union européenne lui permet d’exporter certaines de ses normes afin de s’assurer de leur efficacité globale. Ces interrelations permettent plus généralement la diffusion de nouveaux principes du droit de l’environnement comme l’illustre la genèse de l’approche écosystémique dans la région. Dans un espace caractérisé par la pluralité juridique, ces interactions permettent également aux nouvelles normes d’être assimilées plus rapidement par les acteurs, comme le montre encore une fois le cas de l’approche écosystémique. Mais bien que l’action des régimes applicables à la région semble avoir gagné en cohérence, il est difficile d’affirmer qu’ils constituent aujourd’hui un système.
1164. Le droit international applicable à la biodiversité et aux écosystèmes méditerranéens se situe à mi-chemin entre l’« Ordre normatif » (On) et l’« Espace normatif » (En) conceptualisés par le professeur Gérard Timsit1863 et dont la somme constitue un « système de droit ». L’On désigne un système hiérarchisé structurant l’existence de normes1864. Cette approche ne peut bien évidemment pas jouer pour les différents régimes méditerranéens car, nous l’avons vu, ceux-ci sont principalement engagés dans des relations horizontales, à l’exception du cas particulier de l’Union européenne. L’En constitue quant à lui un système d’appartenance ou d’inclusion des normes dans un ensemble non hiérarchisé1865. L’environnement physique méditerranéen pourrait constituer un tel espace pour les régimes que nous avons étudiés, mais le fait que la cohérence et la coordination de ces derniers aient considérablement augmenté ces dernières années fait que l’En ne constitue plus leur seul dénominateur commun. Les règles internationales se sont enchevêtrées tout en conservant leur identité propre et sans se soumettre à de nouvelles hiérarchies juridiques. Il ne s’agit donc pas d’un simple espace normatif, mais plutôt un espace normatif structuré à défaut d’être hiérarchisé. Grâce à ces interrelations complexes, l’influence méditerranéenne de l’IPBES semble assurée par la dynamique d’évolution du droit dans la région.
Notes de bas de page
1862 Cf. Introduction de la partie 2, § 696.
1863 G. Timsit, Thèmes et systèmes de droit, PUF, Paris, 1986, 205 p., voir notamment la première partie de l’ouvrage « récurrences ». Le professeur Timsit a également discuté de ces concepts dans un article plus synthétique. Voir G. Timsit, « L’ordre juridique comme métaphore », Droits, vol. 33, 2001, p. 3-18.
1864 G. Timsit, « L’ordre juridique comme métaphore », loc. cit., p. 8.
1865 Idem.

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