Préface
p. 9-10
Texte intégral
1Sur proposition de nos collègues Olivier Le Bot et Romain Le Bœuf, l’UMR DICE a choisi de consacrer sa Xe « Journée », en 2017, à l’inapplication du droit. Organisée chaque année à l’automne, cette Journée nous est chère, car elle offre l’opportunité aux membres de chacune des équipes de recherche qui constituent l’UMR de se retrouver, tantôt à Aix-en-Provence, tantôt à Pau, tantôt à Toulon. C’est un moment privilégié pour échanger, dans la convivialité, autour de thèmes rassembleurs. Le programme de la Journée est déterminé après un appel à communication largement diffusé, ce qui permet de l’ouvrir à des chercheurs et enseignants-chercheurs venant d’autres horizons. Même si d’autres manifestations réunissent régulièrement les différentes équipes de DICE, la Journée demeure un temps fort de nos activités.
22017 a vu l’organisation d’une Journée toute particulière, puisqu’elle était donc la dixième. Que nos collègues Romain Le Bœuf, du Centre d’études et de recherches internationales et communautaires, et Olivier Le Bot, de l’Institut Louis Favoreu, soient ici remerciés chaleureusement pour en avoir assumé la direction scientifique avec brio. Ce sont eux qui ont eu l’idée de ce très beau thème. Ils ont composé le programme de la Journée et ont dirigé la publication des actes que le lecteur découvrira ci-après.
3Le thème de cette Xe Journée, L’inapplication du droit, était particulièrement transversal et rassembleur. Il intéresse par définition tous les juristes, et probablement au-delà au moins les sociologues, les politistes et les économistes. C’est en outre un thème sur lequel les chercheurs de DICE creusent un sillon depuis de nombreuses années. La Journée se situait ainsi dans la pleine continuité de différents projets collectifs conduits au sein de l’UMR, tels les travaux sur la qualité des normes3, l’efficacité de la norme juridique4, l’exception à la règle de droit5 qui ont été publiés dans la collection de DICE « À la croisée des droits » chez Bruylant, ou encore sur l’effectivité du droit de l’environnement, parus chez Intersentia6.
4Mais prendre comme objet l’inapplication du droit – et non pas son efficacité ou son effectivité – conduit à renverser quelque peu la perspective. On ne s’intéresse plus dès lors à la mise en œuvre du droit, mais à sa non-mise en œuvre. La non-application est bien le négatif de l’application. Elle est le creux, là où l’application est le plein. Elle est le trou noir ou l’antimatière, là où l’application est la matière. Elle est… le côté obscur de la force (normative). C’est donc à un voyage bien téméraire vers l’abstention, voire l’absence, le vide et le néant que Romain Le Bœuf et Olivier Le Bot nous invitent dans cet ouvrage.
5Les juristes sont trop souvent influencés par un biais rationaliste qui les conduit à ignorer ou au moins minorer les situations de non-application. Elles sont souvent marginales, mais dans certains domaines ou situations, et peut-être même dans certains ordres juridiques, elles peuvent devenir la règle. La non-application menace alors la règle de droit elle-même. Elle peut aller jusqu’à entraîner sa fin.
6C’est parfois celui-là même qui pose la règle – autorités administratives, collectivités publiques, États – qui ne la respecte pas. De quelles ressources, voire de quels recours, les citoyens disposent-ils dans ces cas-là ?
7Dans certaines situations, la non-application de la règle est au contraire prévue et anticipée par la règle elle-même. Elle peut être tolérée, acceptée, voire organisée. La non-application est parfois légitime, parfois illégitime. Mais quand elle signe l’échec des uns, la non-application est aussi le succès des autres, ceux-là mêmes qui la souhaitaient.
8Les réactions à la non-application sont très diverses, allant de l’indifférence à la sanction en passant notamment par l’assistance et l’incitation.
9Marginales ou fréquentes, les non-applications nous en disent en tout cas beaucoup sur notre droit, ses qualités et ses faiblesses… mais également sur nos attentes quant à un État de droit sans doute idéalisé, des attentes en termes de prévisibilité, mais également d’égalité et/ou d’uniformité dans l’application de la règle de droit. Comment d’ailleurs définir la non-application ? Quels critères permettent de déterminer où se situe la frontière entre la non-application et l’exception ou la dérogation ?
10Comme l’indiquait l’appel à contributions de notre Xe Journée, il semble que les juristes manquent cruellement de formalisation pour identifier les cas de non-application, les décrire et… permettre de les éviter. Puisse cet ouvrage contribuer à mieux formaliser, à mieux comprendre et à mieux prévenir les situations de non-application du droit.
11Nous nous réjouissons que ces Actes paraissent dans la collection d’ouvrages électroniques que DICE a créée, « Confluence des droits », une collection toute jeune mais dont le succès et la renommée vont grandissant !
Notes de bas de page
3 M. Fatin-Rouge, L. Gay, J. Pini (dir.), Autour de la qualité des normes, Bruylant, 2010.
4 M. Fatin-Rouge, L. Gay, A. Vidal-Naquet (dir.), L’efficacité des normes juridiques, Bruylant, 2012.
5 M. Fatin-Rouge, A. Vidal-Naquet (dir.), La norme et ses exceptions. Quels défis pour la règle de droit ?, Bruylant, 2014.
6 S. Maljean-Dubois (dir.), The Effectiveness of Environmental Law, Intersentia, 2017.
Auteurs
Directrice de recherche au CNRS, Directrice de l’UMR DICE, Aix Marseille Univ., Université de Toulon, Univ. Pau & Pays Adour, CNRS, DICE, ILF-GERJC, Aix-en-Provence, France
Directrice de recherche au CNRS, Aix-Marseille Université, Université de Toulon, Université de Pau & Pays Adour, CNRS, DICE, CERIC, Aix-en-Provence, France

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