Chapitre 6
Intensités religieuses et altérité
Des outils d’analyse
p. 160-186
Texte intégral
1Ce chapitre propose de décrire et d’analyser la multiplicité des formes d’intensités religieuses, et leurs rapports à l’altérité, en s’appuyant sur des cas empiriques liés à l’islam1, à l’aide d’indicateurs sociologiques. Il discute d’abord trois termes courants de la littérature sociologique : orthodoxie, intransigeantisme et rigorisme. Il met ensuite en relation les intensités religieuses avec les modalités du croire afin de préciser leurs articulations à l’altérité. Il introduit enfin les types de contestations, religieuses ou séculières.
Intensités religieuses et rapport à l’altérité
2Une approche sociologique des intensités religieuses vise à les caractériser dans une approche relationnelle, en répondant notamment à deux types de questions : comment sont-elles régulées au sein d’un groupe et quelles relations impliquent-elles avec le groupe, avec les autres groupes et avec la société ? Au-delà des difficultés posées par le terme « radicalisation », déjà discutées dans d’autres chapitres, on constate que peu de termes sont disponibles en sciences sociales pour décrire et analyser les intensités religieuses. Néanmoins, trois notions offrent un bon point de départ. Le terme « orthodoxie » inclut dans son usage le rapport à la doxa et à la pratique. Il permet d’aborder la dimension de reconnaissance de l’intensité religieuse légitime et de sa régulation au sein du groupe. Le terme « intransigeance », désignant le refus de toute concession par rapport aux principes, permet d’introduire l’articulation entre intensité religieuse et rapport à l’altérité. Enfin, le terme « rigorisme » permet de distinguer les rapports à l’altérité, l’autre pouvant se situer à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe religieux ou d’une tendance au sein de ce groupe.
L’orthodoxie comme régulation interne des pratiques « correctes »
3Le terme orthodoxie est émique dans le cadre du judaïsme. En France, il correspond approximativement au judaïsme consistorial. Son usage pour caractériser le rapport au religieux musulman pose néanmoins plusieurs problèmes. D’abord, le terme peut être considéré comme trop flou : toute personne se considérant comme croyante serait orthodoxe. Ensuite, ce terme est peu utilisé par les individus concernés et encore moins par leurs institutions ou représentants, ils risquent donc de ne pas s’y reconnaître. Enfin, son usage est occasionnellement observé chez une catégorie spécifique, celle de certains musulmans rigoristes, dans le but d’affirmer que leur lecture et leur pratique de l’islam correspondent au « bon islam » : par exemple le fait de ne pas serrer la main aux femmes2. Le risque, en utilisant ce terme, serait alors de contribuer à essentialiser des normes rigoristes.
4Une manière de contourner cette difficulté est de considérer non pas le contenu normatif, mais la dimension performative des discours, ainsi que leurs effets en termes de rapports de pouvoir internes au sein d’un groupe religieux. C’est ce que permet l’approche de Talal Asad, qui écrit : « L’orthodoxie n’est pas un simple courant d’opinion ; elle est une relation particulière : une relation de pouvoir » (Asad 2017, p. 133). Dès lors, on évite une essentialisation de l’orthodoxie islamique, puisqu’on la considère comme le résultat de discours sur les relations sociales. Ces dernières sont marquées par des rapports de pouvoir, et les pratiques discursives concernant la définition des croyances et des pratiques y jouent un rôle central. Asad précise : « Là où les musulmans ont le pouvoir de réguler, faire respecter, exiger ou corriger des pratiques correctes, et de condamner, exclure, détruire ou remplacer celles qui sont incorrectes, se trouve le domaine de l’orthodoxie » (id.). Ainsi, « la notion d’orthodoxie consiste non pas en une série de doctrines ou de vérités comprises comme immuables, mais en un jeu de rapports de force à travers lesquels la question de la vérité est construite » (Fadil 2017, p. 107).
5Cette perspective implique aussi que l’on ne peut parler d’orthodoxie qu’en la situant dans un contexte historique et géographique donné, au sein duquel elle est définie d’une manière relativement convergente par la majorité des acteurs détenteurs de pouvoir religieux. Dès lors, les sociologues peuvent globalement saisir les contours de ce qui « fait » orthodoxie, dans un contexte spatial et temporel donné, ainsi que la manière dont elle est produite, se réitère et fait l’objet de disputes. Dans le contexte français contemporain, on peut ainsi constater que, d’une part, le salafisme et le mouvement Tabligh sont considérés par la majorité des acteurs musulmans « de pouvoir » comme un excès de rigueur religieuse, alors que, d’autre part, les mosquées inclusives ou l’imanat des femmes sont, à l’inverse, critiqués comme trop innovants. Dans ce même contexte, on peut aussi observer que la norme religieuse du port du foulard fait partie de l’orthodoxie (avec des variantes sur les éventuelles possibilités et conditions d’ajustements).
6Cette dernière pratique est intéressante, car elle permet également de déceler des inflexions temporelles. En effet, si elle fait indiscutablement partie de l’orthodoxie, l’obligation inconditionnelle est devenue moins stricte avec des possibilités d’adaptation au contexte, notamment par une plus grande discrétion religieuse, au cours des années 2000 et 2010. Ceci résulte notamment de l’évolution pragmatique de l’un des acteurs majeurs du champ de l’islam en France, l’UOIF (Union des organisations islamiques de France, devenue Musulmans de France en 2017). En effet, sa « politique de respectabilité » (Dazey 2021a) inclut une mise à distance de la défense du port du foulard, qui se développe à la faveur de trois éléments de contexte. D’abord, sa participation au Conseil français du culte musulman (CFCM) à compter de 2003 requérait, en tant qu’interlocuteur de l’État, une attitude moins contestataire. Ensuite, les cadres dirigeants, initialement d’origine tunisienne et dotés d’un éthos contestataire vis-à-vis de l’État (lié au contexte de leurs relations au pays d’origine), ont été remplacés par des personnes d’origine marocaine, dont l’éthos est plus disposé au compromis (Dazey 2021b, p. 8) et valorise davantage la discrétion religieuse. Enfin, la cause du foulard a été prise en compte par d’autres acteurs associatifs (non musulmans ou mixtes) d’abord dans la défense des mères voilées (Karimi 2021a), puis plus largement par une évolution, à partir du milieu des années 2010 (Karimi 2021b), d’une partie des militances féministes vers une attitude plus inclusive à l’égard des musulmanes pieuses portant le foulard.
Distinguer l’intensité de l’intransigeance
7Un autre point crucial est de relier l’intensité religieuse à la relation à l’altérité. L’évaluation courante (connaissance ordinaire, discours médiatiques) du croire intensif suppose que l’intensification de la place de la religion dans la vie d’un individu va de pair avec l’augmentation de son intransigeance. On pense à des personnes à la fois très religieuses et très dogmatiques, rigides, peu tolérantes à la différence. Les deux sont effectivement empiriquement corrélées : les psychologues sociaux montrent que, face à l’altérité ou à la crainte du changement, on observe une certaine corrélation entre le fondamentalisme et les préjugés. Mais ils montrent aussi que les deux phénomènes sont loin d’aller systématiquement de pair. Ils expliquent ce dernier point par le fait qu’un engagement solide peut aussi fournir une sécurité face à l’altérité ou à de nouvelles approches (Pargament 1997, p. 352-353).
8Cette confusion entre l’« intransigeantisme » et l’« intégralisme » est dénoncée par Jean-Marie Donegani dans son étude de référence sur la diversité du catholicisme :
Ces deux termes [correspondent à] deux réalités tout à fait différentes. L’intransigeantisme désigne le refus de transiger avec des données culturelles extérieures au modèle catholique originel, l’intégralisme le souci d’englober la totalité des actes et des pensées dans la référence religieuse, de ne pas reléguer le religieux dans un espace et un temps précis, de ne pas séparer les attitudes religieuses de toutes les autres attitudes exprimées par le sujet3. » (Donegani 1993, p. 406)
9Donegani propose de considérer quatre possibilités, selon que la place de la religion est faible ou importante dans la vie quotidienne et selon que l’individu est intransigeant ou non aux valeurs et pratiques extérieures à son modèle de catholicisme. Les deux catégories « sécularité » et « christianitude » sont celles qui correspondent à l’approche courante : d’une part une faible place du religieux allié au transigeantisme donc à la souplesse à l’égard de données culturelles extérieures ; d’autre part, une place centrale du religieux alliée à l’intransigeance donc à la rigidité à l’égard de l’altérité.
Tableau 1 : Attitude des individus selon Donegani
Rapport à l’altérité | |||
Intransigeantisme | Transigeantisme | ||
Place de la religion dans la vie quotidienne |
Marginalisme | Stabilité | Sécularité |
Intégralisme | Christianitude | Nouveauté |
Source : Donegani 1993, p. 407
10Il existe néanmoins un nombre significatif de personnes – entrant dans la catégorie « nouveauté » – à la fois intensivement croyantes et sensibles à l’altérité, ce qui constitue une possibilité déniée par les hypothèses courantes. Leur intersubjectivité large et leur sens étendu du bien commun sont le contraire de l’intransigeance : ces personnes composent avec les autres, avec la société dans laquelle elles vivent et contribuent. Ce sont par exemple, dans le cas de l’islam, les « citoyennes pieuses » (Jouili 2015, p. 187-199 [74]) attachées autant à leur pratique religieuse, incluant souvent le port du foulard, qu’à la reconnaissance de l’altérité et à leur place de citoyennes.
11Inversement, et cela semble encore plus contre-intuitif, des personnes, entrant dans la catégorie « stabilité » de Donegani, peuvent être intransigeantes, au nom de leur religion, tout en étant très peu (ou pas) religieuses. On trouve ce type de rigidité et la mobilisation de l’identité religieuse comme une ressource d’opposition à la société chez certains jeunes musulmans « littéralistes, mais peu [ou pas] pratiquants » (Yildiz 2016, p. 19-27) rencontrés en quartiers populaires, notamment parmi ceux qui sont (ou ont été) plus ou moins délinquants. Ils développent une « idéalisation du religieux [islamique] », dans lequel ils voient « la solution à tous leurs maux, même s’ils ne sont pas pratiquants », et admirent les salafistes, les « vrais musulmans », dans une opposition avec la société (id., [17]). Ces deux types de cas contre-intuitifs confirment la nécessité de distinguer analytiquement l’intensité religieuse (au sens de la place et de l’importance accordée par l’individu au religieux dans sa vie quotidienne) de l’intransigeantisme (relation à l’altérité). Une approche relationnelle et pragmatiste du croire permet de préciser la définition de l’intransigeantisme : une « rigidification du croire dans laquelle l’intersubjectivité se réduit fortement (notamment à l’égard de ceux qui ont d’autres convictions et pratiques) tout comme la vision du bien commun » (Lamine 2018, p. 200). Dans les cas les plus extrêmes, l’intersubjectivité et le bien commun se réduisent à un petit groupe d’« élus ». Le bien commun peut aussi se trouver projeté dans un futur eschatologique (concernant les fins dernières). Si l’intransigeantisme s’allie à l’intégralisme, la conviction religieuse tend à devenir la référence unique (pour toutes les questions, tous les aspects de la vie et des relations aux autres) et les individus tentent de faire cesser les oscillations de leur croire et leurs questionnements. Cela ne signifie pas que les doutes sont absents, mais lorsqu’ils se présentent ils sont vus comme mauvais et devant être combattus (id.). La volonté de supprimer ces oscillations se manifeste notamment dans le dualisme des discours opposant le groupe religieux à la société, dans une recherche de la « religion pure », débarrassée des scories de la culture, dont aucun courant religieux n’a le monopole (Roeland et al. 2010). Certaines réactions virulentes ou violentes face aux usages littéraires, artistiques ou publicitaires de figures ou de scènes religieuses montrent que la culture ambiante est alors perçue par certains croyants comme un « blasphème permanent5 » (Roy 2008, p. 157). L’investissement communautaire devient intensif et (plus ou moins) exclusif. Ce processus peut mener à la rupture sociale et, dans des cas extrêmes, à approuver ou utiliser la violence, justifiée par la finalité d’imposer la bonne religion6.
Le rigorisme : rigidité et contestation
12On a vu la nécessité de prendre en compte la relation à l’altérité, ce que permet le concept d’intransigeantisme. Cependant, un individu peut être transigeant à certains égards et intransigeant à d’autres, comme le montre le cas empirique proposé dans l’encadré suivant.
13Bruce & Voas (2007), en portant leur analyse au niveau des groupes, proposent de distinguer les relations à l’altérité selon qu’elles se situent à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe. D’une part, l’attitude à l’égard des membres du groupe peut être souple ou rigide ; d’autre part, l’attitude à l’égard des personnes extérieures au groupe peut être accommodante ou contestataire (tableau 2). Cela permet de proposer le concept de « rigorisme » qui correspond à la combinaison d’une attitude de rigidité vis-à-vis de son groupe et de contestation vis-à-vis des autres (autres groupes, société).
Tableau 2 : Attitudes des groupes selon Bruce & Voas (2007)
Attitude à l’égard des membres du groupe (interne) | |||
Souplesse | Rigidité | ||
Attitude à l’égard des autres (externe) | Accommodation | Libérale | Pieuse |
Contestation | Militante | Rigoriste |
14Tout l’intérêt de cette approche est de distinguer l’attitude ad intra de l’attitude ad extra, ce qui n’était pas pris en compte dans l’approche précédente. Deux questions se posent néanmoins. D’une part, ad intra, cette catégorisation ne distingue pas la rigidité selon qu’elle s’exerce à l’ensemble de son groupe (tous ses coreligionnaires) ou seulement à ceux de sa tendance. D’autre part, ad extra (à l’égard des autres religions ou de la société globale), elle ne différencie pas les contestations s’appuyant sur des arguments religieux de celles qui sont séculières. Les études empiriques montrent bien la nécessité d’opérer aussi ces deux distinctions.
15En ce qui concerne la première distinction, ad intra, il est donc nécessaire d’affiner la question de l’attitude envers l’« altérité interne » en distinguant, d’une part, l’attitude à l’égard de sa propre tendance et, d’autre part, celle à l’égard des autres tendances au sein de son groupe religieux. Le tableau 3 reprend ainsi le tableau 2, en le restreignant à l’« altérité interne », donc aux croyants de la même religion (l’altérité externe sera traitée dans la partie suivante). Dans cette perspective, le rigorisme se caractérise par un discours de rigidité, dans le sens de faible flexibilité concernant les pratiques, vis-à-vis du public de sa tendance, accompagné d’une critique de positions de tendances plus flexibles que la leur (au sein de leur groupe religieux).
Tableau 3 : Attitudes de croyants ad intra
Attitude à l’égard des membres de sa tendance | |||
Souplesse | Rigidité | ||
Attitude à l’égard des autres tendances de son groupe religieux | Accommodation | Pluralisme interne | Piété |
Contestation | Libéralisme intransigeant | Rigorisme |
16Les termes rigorisme et orthodoxie ne se recouvrent donc pas. Ainsi des tendances salafi ou tablighi sont rigoristes sans être orthodoxes. Par ailleurs, au sein de l’orthodoxie, la flexibilité dans l’application de l’orthopraxie varie grandement, entre des positions très rigoristes (critiquant ceux qui sont moins exigeants en matière de pratiques) et d’autres qui le sont beaucoup moins.
La flexipraxie : une valorisation orthodoxe du pluralisme interne
17On observe aussi, dans une fraction de l’orthodoxie, une valorisation discursive du libre choix de la pratique parmi les références orthodoxes disponibles, que je propose de qualifier de « flexipraxie » ([1] et [5]). La flexipraxie est donc définie par une valorisation du pluralisme interne (dans la manière de pratiquer, de se relier aux autres et à la société) au sein de l’orthodoxie (telle que définie plus haut). Elle peut prendre la forme de la valorisation d’autres acteurs religieux (premier encadré ci-dessous) et d’une pédagogie de la diversité des avis religieux sur une pratique donnée (second encadré).
18Aux éléments de reconnaissance entre pairs et de valorisation de la divergence s’ajoute, dans ce premier extrait, le constat de l’évolution (de certains) vers un moindre rigorisme13.
19Dans ce second cas, le charisme lié au savoir (présentation systématique de divers avis religieux et connaissances séculières) se combine à une philosophie de l’existence prônant un rapport pacifié à soi-même (incluant le la révélation assumée d’un passage par le salafisme dans sa jeunesse17), à la communauté et à la société. Il le met en scène de diverses manières, incluant occasionnellement des tranches de sa vie quotidienne, se rendant proche de son public (courses dans un supermarché bio et préparation d’un dîner familial).
Intensités religieuses et modalités du croire
20La prise en compte de diverses modalités du croire va maintenant permettre de préciser le rapport à l’altérité externe à partir de deux variables : la relation aux autres groupes et la participation sociale.
Trois modalités du croire et un rapport à des références
21L’approche sociologique pragmatiste propose de porter l’attention sur « ce à quoi les gens tiennent » (Dewey 2011). Dès lors, on peut distinguer trois modalités de la religiosité vécue (Lamine 2018a ; 2018b). Croire religieusement, c’est « tenir à » des expériences de construction de soi, de dépassement de soi et de fabrication du commun, tout en faisant référence à une tradition religieuse particulière.
Figure 1 : Trois modalités du croire et un rapport à des références religieuses

22La première modalité est celle de la construction de soi, une expérience, sensible et corporelle, qui inclut des pratiques religieuses et des actes de transmission ou de contemplation. L’expérience18 peut être définie comme « une forme de vitalité et d’interaction avec le monde, captant totalement l’attention et menant à un sentiment d’unité intérieure et avec le monde » (Lamine 2018a, p. 73). On peut « vivre une expérience » (Dewey 2010a), ce qui implique une attention soutenue à l’instant présent (notamment dans l’attitude contemplative). On peut aussi effectuer un « travail sur soi » (Foucault 2001, p. 1 604 ; Mahmood 2009), qui implique davantage une discipline personnelle (prière, lecture, jeûne), tout en s’appuyant sur des interactions et des ressources disponibles résultant de transmissions et de validations sociales.
23La deuxième modalité du croire renvoie au dépassement de soi ou à l’aspiration éthique à s’élever au-dessus de la satisfaction des besoins quotidiens. L’individu religieux exprime ce qui le « dépasse » à l’aide de symboles, mais ce dépassement est aussi mis en acte par des idéaux. Ces derniers sont des valeurs auxquelles on tient et pour lesquelles on s’engage dans la durée (Lamine 2018a, p. 129, Dewey 2011) : justice, solidarité, environnement, paix, etc. Les croyants le font au nom de leur foi.
24La troisième modalité du croire traduit l’être-ensemble et le faire-communauté. La dimension émotionnelle peut s’y avérer particulièrement forte dans les rituels, les grands rassemblements ou encore dans les relations chaleureuses et les solidarités pratiques entre membres du groupe. Ces solidarités n’empêchent pas les critiques et les désaccords, comme l’exprime la notion de « solidarité sans consensus » (Kertzer 1988 ; Lamine 2018a, p. 150-163), qui est une caractéristique constante du rapport au groupe religieux.
25Enfin, la tradition religieuse offre un ensemble de références. Si les textes dits « sacrés » font une large unanimité, leur interprétation varie selon les sensibilités, en termes de croyances et, plus encore, de pratiques.
Déclinaison des modalités du croire et du rapport aux références
26Cette décomposition analytique offre une manière de comprendre la grande diversité des types d’intensité religieuse et de rapport à l’altérité.
27D’abord les références religieuses peuvent être mobilisées de manière plus ou moins pluraliste dans leur rapport au monde extérieur (non religieux ou religieux autrement : degré de reconnaissance des autres religions, traitement de la non-religion), elles peuvent aussi s’avérer plus ou moins littéralistes et plus ou moins sacralisantes.
28Ensuite, la construction du soi religieux s’effectue en donnant une place plus ou moins significative au religieux dans le quotidien. Elle inclut des expériences contemplatives ou du travail sur soi. Elle s’accompagne de plus ou moins de transigeance.
29On doit encore considérer le rapport à l’autre et au commun. D’une part, l’altérité interne peut être critiquée, ignorée ou valorisée. D’autre part, le cadrage de l’altérité externe est de trois types : le « nous » versus « eux », ou différenciation, bien documentée par les sociologues des relations interethniques ; le « nous-nous » qui peut correspondre à diverses formes de relations interreligieuses ou à un « front commun des religions » (notamment contre des évolutions sociétales ou pour défendre des pratiques religieuses spécifiques, Lamine 2004) ; quant au cadrage « Français comme les autres », il correspond à une demande de non-différenciation (Lamine 2015).
30Enfin, le dépassement de soi passe, du côté pratique, par les idéaux, donc des valeurs centrales défendues au nom du religieux. Les idéaux partageables permettent divers degrés d’engagement dans la cité, y compris à partir du très proche (le quartier, l’école), qui est le lieu où commence la démocratie dans une perspective pragmatiste (Dewey 2010b). Le dépassement de soi inclut aussi le rapport à la transcendance, donc au divin. Ce dernier peut être plus ou moins aimant ou punissant. Ces quatre modalités sont distinguées pour des raisons analytiques, mais elles se combinent de manière très variable dans les situations concrètes. Ces diverses combinaisons ainsi que les intensités variées que peut prendre chaque (sous-)modalité correspondent donc à des types d’intensité religieuse très divers.
Diverses modalités d’intensification radicale du religieux
31Il s’agit maintenant de réfléchir à des modalités d’intensifications radicales (non exclusives l’une de de l’autre). Les références dans le discours des acteurs religieux peuvent, d’une part, reconnaître, ou non (ou à divers degrés), une pluralité interne d’interprétations (pluralité des sources : de jurisprudence religieuse, de « savants ») et, d’autre part, s’allier (ou non) à des références non religieuses (pluralité des systèmes de référence : éléments d’histoire, de droit séculier, de philosophie, de psychologie, de sciences sociales). Un rapport sacralisé et littéraliste à un ensemble de références ne faisant pas part à la pluralité, couplé à un rapport intégraliste au religieux, donc présent dans toutes les sphères de la vie, peut être qualifié de recherche de la « religion pure » (Roeland et al. 2010).
32La construction de soi s’opère en relation à des altérités internes et externes, donnant lieu à des formes de transigeantisme (flexibilité, ajustements, compromis19) ou d’intransigeantisme. Une construction de soi s’appuyant sur un rapport fortement intransigeant à l’altérité peut conduire à considérer l’autre comme « mécréant »20.
33Ces types de cadrage (de la relation aux autres groupes et à la société dans son ensemble) correspondent à divers degrés et modalités de participation sociale, d’attestation et de contestation. Lorsque le rapport intransigeant à l’altérité se combine à une forte contestation de la société et à des idéaux non partageables, on peut parler de « rupture sociale ».
34Enfin, des idéaux peu ou pas partageables conduisent au repli sur soi. Le type de rapport à la transcendance peut aussi fortement renforcer cet effet. Les psychologues sociaux distinguent le « positive » du « negative religious coping » (Pargament 1997), ce qui correspond à la conception d’un Dieu aidant ou, à l’inverse, punissant. Les sociologues ou anthropologues ont documenté finement notamment le choix par des musulmanes pieuses d’une « relation d’amour » avec un Dieu « compatissant et miséricordieux », approche « authentique », qui s’oppose aux approches « traditionnelles » ou « radicales », dont le Dieu est « punissant » (Jouili 2015, p. 64-69). La peur de la punition divine, si elle prend une place importante, peut en effet significativement contribuer à une fuite du monde, a fortiori si elle s’allie à une lecture littéraliste et à des idéaux non partageables.
Modalités du croire, formes de rapport à l’altérité et passages à la radicalité
35Les trois paragraphes précédents déploient la multiplicité des possibilités et des intrications. Ils soulignent l’intérêt analytique de distinguer le rôle du travail sur soi (formes d’ascétisme), des idéaux (engagement pour des causes) ou du commun (relations communautaires intenses, rejet ou non de l’altérité). Ils démontrent aussi que la modalité du croire-intensif (tenir fermement au port d’un signe religieux, dans une dimension de construction de soi) peut s’allier à un fort respect de l’altérité et à une grande importance donnée à la participation sociale. Dans le domaine du religieux (comme ailleurs), la flexibilité d’un individu (ou d’un groupe) peut varier selon l’objet considéré (pratique personnelle, pratique collective, rapport à des références, relations à l’altérité interne et à l’altérité externe). Dit en d’autres termes, le parcours analytique déplie les manières dont – dans les justifications de leurs pratiques (religieuses ou motivées par leur foi) – les acteurs combinent (ou non) des logiques « inspirées » (référence religieuse, aspiration à la spiritualité) à des logiques « civiques » (commun, respect de la différence, faire-ensemble, citoyenneté) (Boltanski & Thévenot 1991). Il ne permet cependant pas de distinguer les types d’accommodation ou de contestation à l’égard de la société, qui vont être discutées dans la partie suivante.
Contestations séculières ou religieuses ?
36La connaissance ordinaire et la représentation médiatique des acteurs musulmans associe toute forme de contestation (concernant les discriminations, la régulation étatique du religieux ou l’interdiction des signes religieux) à de la militance religieuse, le plus souvent qualifiée d’islamiste voire de salafiste. Il est pourtant essentiel de distinguer la motivation d’une contestation selon qu’elle s’appuie sur des arguments séculiers ou religieux. D’un côté, pour certains groupes ou individus, notamment de sensibilité salafi, la très grande majorité des arguments avancés pour critiquer la société sont de nature religieuse (impureté, impiété, risque de perte de foi, impossibilité de pratiquer correctement sa religion) et s’appuient sur les textes de référence ou les avis de « savants » reconnus au sein de leur tendance (dans une logique inspirée, voir supra). Ceci est très visible dans les argumentaires sur le « danger » (pour la foi) de vivre dans un pays non musulman21, mais aussi dans le traitement des relations aux autres musulmans ou de l’école publique22. D’un autre côté, pour de nombreux autres croyants, y compris religieusement visibles, la critique et la contestation s’effectuent au nom d’arguments purement séculiers (dans une logique civique). Cette logique civique s’observe notamment dans les réactions et mobilisations suite aux interdictions pour des mères voilées d’accompagner des sorties scolaires (Kassir & Reitz 2016 ; Karimi 2018 ; Lamine 2018a, p. 183-187). Ces femmes se réfèrent à leur francité, à leur citoyenneté, à la tolérance et au vivre-ensemble. Elles définissent leur contestation comme un combat pour des droits civiques et non religieux et déclinent le soutien d’acteurs religieux. Elles expriment leur inquiétude quant aux effets de telles interdictions sur l’image que leurs enfants ont de l’école et de la société, ce qui pousse certaines à inventer des prétextes pour leur cacher la raison de leur non-participation. Cet ensemble d’éléments permet donc de qualifier ces femmes de « citoyennes pieuses » (militantes ou non) [7, 11]. En outre, dans certains cas, ces contestations sont « mixtes » (Karimi [2021a]) [9], car soutenues par des non-pratiquantes et des acteurs non religieux.
37Un autre cas est celui des médias militants musulmans d’information en ligne. Leur contestation à l’égard de la société s’appuie uniquement sur des arguments séculiers23. La critique du traitement de leur groupe par les pouvoirs publics se réfère aux principes d’égalité et de liberté, ou aux droits de l’homme et à la loi de séparation des Églises et de l’État. Ces acteurs défendent l’intégration en dénonçant des formes d’empêchement à la participation sociale, comme lorsque des femmes voilées sont rejetées d’une association caritative ou d’un club de sport. On distingue certes, au sein de ces médias militants, des contestations plus portées sur la différenciation et la dénonciation, allant de pair avec des sensibilités de tendance plus rigoristes, comme sur Al-Kanz et Islam&Info24 [12]. D’autres, de sensibilité pieuse, comme Katibin et Ajib, ont des degrés plus faibles de contestation et ne mobilisent pas le registre de la différenciation [11]. Enfin, la souplesse (ou la rigidité) vaut aussi pour le rapport à la laïcité ; le terme « républicain » qualifie donc (en contexte français contemporain) une interprétation (plus ou moins) intransigeante de la laïcité, portée par des non-croyants ou des croyants et hostile à la visibilité religieuse25 [3, 6].
38Cette distinction entre deux types de contestations (auxquelles s’ajoute l’attestation) concerne l’attitude par rapport à la société (ou aux autres groupes). Elle va de pair avec des attitudes souples ou rigides à l’égard de la pluralité interne (deuxième partie) et des membres de sa sensibilité (première partie) ainsi qu’avec une place plus ou moins importante donnée au religieux. Les manières d’articuler l’intensité religieuse aux divers types de relations à l’altérité sont donc très nombreuses, comme le montre le tableau 4 en proposant des positions et des affirmations types. Ces dernières sont déclinées pour des cas liés à l’islam, mais peuvent aisément être transposées à toute autre religion. Plutôt que de définir de (trop nombreux) nouveaux idéaux-types, ce tableau entend souligner la multiplicité des formes d’intensités religieuses et de leurs rapports aux altérités internes et externes.
Tableau 4 : Contestations ou accommodations, attitude d’individus ou de groupes croyants (les chiffres entre crochets réfèrent à des cas cités dans le texte ou en note)
Attitude à l’égard des membres sa tendance (au sein de son groupe) | |||
---|---|---|---|
Souplesse I : M : |
Rigidité I : M : |
||
Attitude à l’égard des autres tendances au sein de son groupe | Accommodation
|
Pluralisme interne (a) I : M : |
Piété (c) I : M : Peu probable, si peu ou pas pratiquant, d’être rigide à l’égard de sa sensibilité et accommodant à l’égard des autres. |
Contestation
|
Libéralisme intransigeant (républicain) (b) I : M : Idem [3] |
Rigorisme (d) I : Cas seulement intensif |
|
Attitude à l’égard des autres groupes et de la société | Accommodation
|
Citoyenneté pluraliste (a) I : M : Idem |
Citoyenneté pieuse (c) I : Cas seulement intensif |
Citoyenneté républicaine (b) I : M : Idem |
Citoyenneté rigoriste (d) I : Cas seulement intensif |
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Contestation séculière
|
Contestation citoyenne pluraliste (a) I : M : Idem |
Contestation citoyenne pieuse (c) I : Cas seulement intensif |
|
Contestation citoyenne républicaine (b) I : M : Idem |
Contestation citoyenne rigoriste (d) I : Cas seulement intensif |
||
Contestation religieuse
|
Contestation religieuse transigeante (a) I : M : Idem |
Contestation religieuse pieuse (c) I : Cas seulement intensif |
|
Contestation religieuse culturelle (b) I : M : Idem [14] |
Contestation religieuse rigoriste (d) I : M : |
I : intégraliste (place importante de la religion dans la vie de l’individu)
M : marginaliste (faible place de la religion dans la vie de l’individu)
* * *
39Ce chapitre propose des indicateurs pour caractériser des modalités d’intensité religieuse et de rapport à l’altérité, et donne donc des outils pour éviter d’associer indûment l’intensité religieuse à de l’intransigeance. Il distingue d’abord la régulation intrareligieuse de l’intensité (orthodoxie). Il souligne la nécessité de distinguer l’intransigeance de l’intensité religieuse ainsi que de différencier les attitudes à l’égard de l’altérité interne et externe. Le cadrage pragmatiste des intensités du croire permet d’affiner et de discuter les modalités de l’intensité religieuse et du rapport à la référence en les articulant aux rapports aux altérités (internes et externes aux groupes). Enfin, la distinction entre attitudes attestataires et contestataires, ainsi que la nature religieuse ou séculière de la contestation, permet de déplier plus finement la multiplicité des situations, dans une cette perspective sociologique relationnelle. En outre, plusieurs exemples mettent en évidence des trajectoires d’atténuation ou de sortie du rigorisme, démontrées dans d’autres études (Lamine & Karimi, à paraître). Un point apparaît donc aussi de manière transversale : la nécessité de prendre en compte la temporalité dans l’analyse des intensités religieuses et des rapports aux altérités.
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Notes de bas de page
1Issus de mes travaux sur les relations interreligieuses, sur la pluralité religieuse et sur l’islam en ligne (Lamine 2004, 2013, 2015, à paraître), ainsi que des enquêtes d’autres chercheurs.
2Voir par exemple le cas du président de l’association Barakacity, dans le chapitre de Lamine et Lutz, supra.
3Le catholicisme intégral avait auparavant été analysé par Émile Poulat (1969).
4Les nombres entre crochets correspondent aux cases du tableau 4 infra.
5Pour le catholicisme, voir par exemple Saint-Martin (2006).
6Cela correspondrait à une version extrême et sociopathe du cas 16 dans le tableau 4 infra. Sur ce type de rupture, incluant une « religiosité mortifère » et un rejet total de la société aux mœurs qualifiées de « pourries », voir par exemple Khosrokhavar (2006, p. 311 et 386).
7« Hors les murs : Othmane Iquioussen », chaîne YouTube Couleur pourpre, 17 mai 2015. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=RUqAEEra85g youtube.com
8« Les dégâts de la musique sur nos jeunes », chaîne YouTube Mosquée ACMR, 19 novembre 2014. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=bYjnPe6KKnM
9« Les dérives dans les mariages », chaîne YouTube Mosquée ACMR, 19 novembre 2014. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=K9Y9JD_rHe4
10« La mixité en islam & le voyage de la femme sans mahram », chaîne YouTube d’Ayman TR, 12 décembre 2017. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=g_oAHMJ3CUo
11« La musique en islam : les raisons de la divergence », chaîne YouTube d’Ayman TR, 19 avril 2017. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=VYDoSpEkIEE
12« Mise en grade : Rachid Eljay, Nader Abou Anas, Imam Boussenna, Hassan Iquioussen... », chaîne YouTube d’Ayman TR, 29 mai 2018. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=GOrSOSrozJ8
13Voir Lamine & Karimi (2023).
14« La honte de ma vie ! (Story time) », chaîne YouTube d’Ismaïl Mounir, 11 septembre 2019. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=fahSsYI3TFY
15« Mon cheminement spirituel en dessin », chaîne YouTube d’Ismaïl Mounir, 11 décembre 2019 ; et « Mon histoire avec le Coran », chaîne YouTube d’Ismaïl Mounir, 8 mai 2019 (les vidéos ne sont plus accessibles, mais transcription effectuée par l’autrice).
16« L’épilation des sourcils en islam », chaîne YouTube Beur FM, 25 juillet 2019. [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=OCzF-Sfcugg
17« La honte de ma vie ! (Story time) », 11 novembre 2019 (la vidéo n’est plus accessible, mais transcription effectuée par l’autrice).
18« Expérience » est utilisé ici dans le sens particulier d’expérience spirituelle ou religieuse ; ce terme inclut bien sûr nombre d’autres significations dans d’autres contextes.
19« L’ajustement est une réponse ponctuelle ou durable, mise en place par un acteur (en général institutionnel), permettant de résoudre une situation ponctuelle de tension ou de conflit. À sa différence, le compromis résulte d’un processus de résolution impliquant à la fois des acteurs institutionnels et divers acteurs concernés par le conflit. » (Lamine 2013, p. 225)
20Voir, par exemple, sur La science légiférée, le site salafi le plus visité en France : « Vivre chez les mécréants : règles et conditions », 17 juillet 2012. [En ligne] http://www.3ilmchar3i.net/article-vivre-chez-les-mecreants-regles-et-conditions-104997736.html [archive]
21Voir, par exemple, sur La science légiférée, « La hijra est obligatoire ou simplement une sounnah ? Quelles sont les conditions afin de résider dans un pays non musulman ? », le 21 janvier 2009. [En ligne] http://www.3ilmchar3i.net/article-27037030.html [archive]
22Les premiers étant souvent traités d’« innovateurs » et la seconde d’« école des mécréants ». Voir, par exemple, sur La science légiférée, « Mettre ses enfants dans les écoles des mécréants ou des innovateurs », 1er avril 2010. [En ligne] http://www.3ilmchar3i.net/article-mettre-ses-enfants-dans-les-ecoles-des-mecreants-ou-des-innovateurs-48029805.html [archive]
23Katibin.fr, Ajib.fr, Al-Kanz.org et Islametinfo.fr offrent un traitement engagé des discriminations subies par certains musulmans ou de la régulation étatique du religieux, à la différence de Saphirnews.com ou Oumma.com, traitant ces sujets de manière analytique, distanciée et pluraliste et leur accordant une place moindre (Lamine à paraître ; chapitre 2 du présent ouvrage).
24Voir, par exemple, sur Islam&Info, « Emmanuel Macron déclare la guerre aux musulmans de France ! », 2 octobre 2010 : « Le gouvernement qui a annoncé avoir fermé des dizaines d’écoles sous des prétextes fallacieux, non seulement interdit l’instruction à la maison mais cible aussi les écoles libres. Une façon encore de vouloir insérer un véritable contrôle idéologique totalitaire des enfants des musulmans dans une politique de désislamisation désormais assumée. » [En ligne] https://www.islametinfo.fr/2020/10/02/emmanuel-macron-declare-la-guerre-aux-musulmans-en-france/ [archive]
25Pour le cas intra-musulman, voir les positions du philosophe Abdennour Bidar sur l’islam « moderne » (Frégosi 2016, p. 89) [3]. Pour le rapport aux autres religions, on observe que si « les membres les plus libéraux des diverses communautés religieuses sont souvent des membres actifs des relations interreligieuses, […] leur reconnaissance de l’altérité religieuse peut se muer en crainte ou même en opposition aux identités religieuses plus orthodoxes, virtuoses ou populaires. Le croyant libéral, s’il limite la validation de l’altérité aux fondements de croyances, en négligeant les dimensions d’éthique et de sincérité, ne pourra reconnaître l’altérité religieuse que si elle a une expression libérale, mais pas dans des expressions plus intenses » (Lamine 2004, p. 268-269) [6].
Auteur
SAGE et Université de Strasbourg

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