Biographie
p. 329-330
Texte intégral
1Né à Modène (Émilie-Romagne) en 1914, dans un milieu d’instituteurs, de militaires et de bourgeoisie terrienne, il grandit dans sa ville natale et y acquit le diplôme de droit international, avant de se perfectionner en histoire des relations internationales à Florence et d’obtenir une bourse de l’Institut d’études internationales (ISPI) de Milan. Il se consacra également au journalisme, qui restera jusqu’à la fin une autre grande passion de sa vie, la troisième étant le sport, qu’il pratiqua dans sa jeunesse comme pilote de planeur et coureur motocycliste. La guerre devait interrompre à plusieurs reprises ses travaux et le cours de son existence : officier des chars pendant la campagne d’Éthiopie (1935-1936), rappelé sur le front de Libye (1941-1942) où il fut grièvement blessé, enfin activement engagé dans la Résistance (1943-1945) dans les formations socialistes réformistes de Giustizia e Libertà, aux côtés de celle qui allait devenir sa femme. Décoré de deux médailles d’argent de la valeur militaire et de la croix de la Libération. Ces épreuves le marqueront pour toujours et seront à l’origine de son indéfectible engagement pour une Europe unie.
2Dans l’après-guerre, désireux de prendre contact avec les grands courants de la culture occidentale, il acceptera l’offre d’ouvrir les bureaux de la nouvelle agence de presse (ANSA) de l’Italie revenue à la démocratie, d’abord à Londres (1950-1955) puis à Paris (1956-1961), en poursuivant ses recherches historiques avec des maîtres tels que W.N. Medlicott, H. Wickam Steed, Pierre Renouvin et Maurice Baumont. Rentré en Italie, il deviendra le principal commentateur des faits internationaux du quotidien centriste Il Messaggero, avant de passer à La Stampa de Turin, tout en assumant les fonctions de conseiller pour les affaires internationales du président de l’IRI, alors la principale holding industrielle publique italienne. Il se consacrera entièrement à la carrière universitaire lorsque, en 1968, il obtiendra la chaire d’histoire des traités et des relations internationales à l’université de Bologne, dont il deviendra professeur émérite à son départ à la retraite, vingt ans plus tard. Entre-temps, il sera nommé directeur du service historique et des archives du ministère italien des Affaires étrangères et secrétaire général de la Commission pour la publication des documents diplomatiques.
3Auteur d’une vingtaine de monographies et d’une centaine d’études scientifiques publiées ou traduites dans plusieurs revues internationales, ainsi que d’un nombre considérable d’articles et de recensions dans la presse, il consacrera l’essentiel de ses travaux au « tournant » diplomatique de l’Italie au début du xxe siècle. Une idéale trilogie lie ce Barrère à ses deux autres ouvrages majeurs : L’intesa mediterranea del 1902 (L’entente méditerranéenne de 1902) (1952), et La questione tunisina da Crispi a Rudinì (La question tunisienne de Crispi à Rudinì) (1967). Ses portraits historiques et littéraires seront réunis dans un volume paru peu avant sa mort, Sul filo della memoria (Au fil de la mémoire). Il a laissé également un livre de souvenirs, Tempi duri. Guerra e Resistenza (Des temps durs. Guerre et Résistance) (1996), et un volumineux journal inédit, de 1947 à 2003.
4Soucieux de rassembler les forces vives de l’historiographie de notre continent, et ardent militant du mouvement pour l’Union européenne, il fut à l’origine de deux influents organismes : le Comité italo-français d’études historiques, co-parrainé avec Jean-Baptiste Duroselle, et l’équivalent Comité italo-anglais, avec Christopher Seton-Watson. Il fut également président pendant deux mandats de l’Association des journalistes européens.
5Homme très ouvert sur le plan des rencontres, surtout avec des jeunes, mais exigeant dans ses choix personnels, Enrico Serra ne recherchait pas les honneurs. Il fut néanmoins sensible aux distinctions qu’il reçut de la France, notamment comme correspondant de l’Académie des Sciences morales et politiques, et de son pays, qui lui attribua la Plume d’or de l’Instruction publique et la Grand-croix de l’ordre du Mérite de la République.
6Il s’éteignit à Rome en 2007, lucide et actif jusqu’à la fin, quelques jours après avoir fêté ses 93 ans avec une coupe de champagne français.
Auteur
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Maurizio E. Serra
Maurizio E. Serra, fils d’Enrico Serra, est un historien et écrivain italien. Il a occupé les fonctions d’ambassadeur d’Italie de 2010 à 2013. Il est élu à l’Académie française le 9 janvier 2020.

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