15. Mémoire
(242QO/1886 folio 97-100)
p. 54-56
Texte intégral
1Potsdam, le 12 mai 1930,
Berlin, le 7 mai 1930
2La pensée de la Société des Nations comprend l’entente et la coopération intellectuelles des nations entre elles ; sans elles, la Société des Nations n’est pas concevable et encore moins réalisable. En vue de contribuer à ce grand projet idéaliste, les soussignés ont examiné si un contact et une coopération entre les nations ne sont pas nécessaires et possibles dans le domaine des archives nationales, comme dans les autres domaines d’activité scientifique et culturelle. Sans doute, les Archives nationales ont-elles, en tant qu’organes de l’administration publique au plein sens du mot, un caractère propre qui les distingue nettement de quelques autres institutions scientifiques. Cependant, les soussignés sont d’avis, par ailleurs, que, même dans ce domaine spécial de travail, il surgit périodiquement, en pratique, une série de questions qui paraissent communes à toutes les Archives et à tous les États et qui semblent donc susceptibles d’être traitées en commun sur une base internationale. Ces questions ont trait, avant tout, à l’échange des expériences acquises en matière de science des archives.
3En particulier, il pourrait s’agir des points suivants :
Réunion de tous les catalogues d’antiquités des pays principalement visés ;
Réunion de rapports sur les principales ventes aux enchères d’archives ;
Réunion de l’ensemble de la littérature ayant trait aux archives et de toutes les revues purement archivistes ;
Lois pour la protection des archives ;
Protection des archives contre l’incendie, le vol et sécurité des bâtiments contenant les archives ;
Conservation des archives, dont les éléments matériels (papier, encre ou crayon, ruban de machines à écrire) sont périssables ;
Unification de la terminologie en matière d’archives ;
Forme des inventaires d’archives ;
Étude archivistique des actes des organisations économiques de la guerre mondiale ;
Organisation d’expositions internationales d’archives en corrélation avec les congrès internationaux d’histoire et les réunions analogues ;
Addenda points 1 – 6
4Tout archiviste et antiquaire sait que des documents, actes et manuscrits d’une importante valeur historique et politique viennent souvent échouer dans le commerce des antiquités, surtout à l’époque actuelle de difficultés matérielles, et s’en vont fréquemment ainsi à l’étranger pour y être éventuellement revendus. Tout État a intérêt à savoir au moins où se trouvent ces documents importants pour lui - qu’ils aient un caractère public ou privé. Pour le savoir, la collection systématique de tous les catalogues d’antiquaires paraissant dans le commerce en un lieu déterminé constitueraient un moyen précieux, sinon infaillible. Cette réunion des catalogues recevrait, selon toutes probabilités, l’appui empressé des antiquaires eux-mêmes, car leurs possibilités de vente s’en trouveraient accrues dans de nombreux cas. Les points 2 à 6 doivent servir à compléter le point 1 de l’énumération ci-dessus ou à empêcher les dommages causés aux archives par le vol, l’incendie ou les influences chimiques.
Le point 7
5Vise la différence entre la terminologie archiviste des divers États. Cette disparité n’est pas seulement une cause de troubles entre les archivistes, mais complique encore l’usage des archives des divers pays pour le chercheur scientifique. Le besoin d’un accord sur les notions essentielles en matière d’archives se fait donc sentir aussi bien pour les spécialistes que pour l’ensemble des recherches mondiales basées sur les archives.
Addenda points 8 – 9
6La guerre mondiale a provoqué dans tous les pays, mêmes neutres, une masse de littérature énorme et sans précédent, en particulier de caractère militaire et économique. Les organisations intéressées, notamment, les organisations économiques, ont été en très grande partie créées uniquement ad hoc et ont été dissoutes après la fin de la guerre et des phénomènes particuliers qui l’avaient accompagnée. Cependant, les masses formidables d’actes qui en ont résulté doivent encore, en grande partie, être conservés, pour des raisons juridiques, purement pratiques ou économiques, et ont donc été confiés, dans de très nombreux cas, aux Archives nationales. Le classement, le triage et l’inventaire de ces masses d’actes d’un caractère tout à fait nouveau, ayant trait à la guerre et en particulier à l’économie de la guerre, sont devenus des problèmes archivistes pour lesquels les anciennes règles et expériences de la science des archives ne sont d’aucun secours et qui n’ont encore, à notre connaissance, reçu dans aucun pays une solution définitive et entièrement satisfaisante. Cela résulte, au surplus, de plusieurs rapports verbaux, ainsi que du livre de H. Jenkinson, A Manual of Archive Administration, paru à Oxford en 1922 comme publication de la fondation Carnégie, série britannique de « l’histoire économique et sociale de la guerre mondiale » ; en particulier le chapitre V de ce livre, qui traite des « archives de la guerre » (pages 163 à 178) , donne des éclaircissements intéressants à ce sujet et invite en même temps à une discussion spéciale des détails du problème, en faisant ressortir l’analogie de la situation d’autres pays avec celle de l’Angleterre elle-même.
7Il y aurait lieu, en outre, d’examiner si la question de l’inventaire ne devrait pas s’étendre aux archives des administrations publiques supérieures en général. La forme actuelle de répertoriage de ces actes ne répond plus aux exigences justifiées de la recherche historique scientifique.
Addenda point 10
8L’organisation d’expositions d’archives est reconnue toujours davantage, à l’heure actuelle, comme un moyen de faire connaître à un plus large public l’importance que présentent les forces historiques du passé pour le présent et l’avenir de la vie publique. De cette manière, on peut et on doit arriver à une liaison plus étroite entre le public et l’activité archiviste, pour le plus grand bien de l’un et de l’autre. Bien que ces expositions concernent au premier chef la nation elle-même et l’État proprement dit, la vie moderne renferme cependant en elle une série de problèmes politiques, économiques et culturels qui dépassent de beaucoup les limites d’un État particulier et embrassent plusieurs États, tout un cercle de civilisation ou toute une partie de la terre, voire même tout le monde civilisé. La coopération internationale des grandes Archives serait la mieux à même d’examiner ces vastes problèmes et de les favoriser au point de vue scientifique et pratique. Une telle collaboration internationale paraît qualifiée pour organiser une exposition commune d’archives, pour favoriser l’objectivité scientifique et pour contribuer ainsi, pour une bonne part, à l’entente des esprits.
9Les Archives allemandes du Reich et l’administration prussienne des Archives, représentées par les deux directeurs soussignés, désireraient suggérer la possibilité de consacrer à ces questions une étude internationale commune par l’entremise de la Commission internationale de coopération intellectuelle de la Société des Nations.
10Le Président des Archives du Reich :
von Hertz.
11Le Directeur général des Archives nationales prussiennes :
Brackmann1.
Notes de bas de page
1 Albert Brackmann (1871-1952). Historien, directeur général des Archives de Prusse de 1930 à 1936.

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