Léon Bourgeois et la « diplomatie du droit » à l’épreuve des faits (1900-1914)
p. 43-56
Résumé
Défenseur convaincu de la « diplomatie du droit » – dont les conférences de la Paix de La Haye ont jeté les bases en 1899 et 1907 –, Léon Bourgeois appartient à une époque marquée par la constitution d’alliances rivales en temps de paix, par la course aux armements et par la répétition de crises menaçant de dégénérer en affrontement armé. S’il a pu regarder avec un certain excès d’optimisme la timide mise en œuvre des instruments juridiques forgés à La Haye, il n’a jamais cru que la « diplomatie du droit » pourrait rapidement triompher dans les relations internationales. Loin donc d’être aveuglé par ses espérances, il a toujours agi en juriste scrupuleux du respect de la souveraineté des nations « civilisées », en négociateur soucieux de la défense des intérêts nationaux, en patriote désireux d’assurer la sécurité de son pays, ce qui l’a nécessairement amené à faire lui-même certaines concessions à la « diplomatie de la force ».
Texte intégral
1Le 31 mai 1909, devant le VIe congrès national de la Paix réuni à Reims, Léon Bourgeois proclame son espoir de voir la « diplomatie de la force » – celle de l’équilibre des puissances, des alliances rivales et des traités secrets –, céder progressivement la place à une « diplomatie nouvelle », qu’il appelle « diplomatie du droit »1, et dont les conférences de la Paix de La Haye ont jeté les bases en 1899 et 1907. En complète unité de vue avec les organisations pacifistes de la Belle Époque qui font du projet de « paix par le droit » le cœur de leur doctrine, Léon Bourgeois est profondément convaincu que « la voie du droit est en effet le seul chemin qui puisse sûrement conduire à la Paix2 ».
2Cette réorganisation des rapports internationaux sur des bases juridiques visant à constituer une véritable « société des nations civilisées » soulève pourtant bien des critiques : « On nous accuse de rêverie, et l’on semble croire que les Conventions universelles d’arbitrage ne peuvent s’accorder avec les intérêts réels de la politique des divers États3 ». S’il admet certes que la paix peut avoir « ses rêveurs », elle a aussi « ses hommes d’action4 », et il revendique nettement son appartenance à cette seconde catégorie. Son rôle à la tête de la délégation française lors des deux conférences de La Haye semble, par les succès qu’il y a obtenus, avoir fait la démonstration de ses capacités à agir en faveur de la paix. « Il a été un conciliateur actif, un messager de paix entre les délégations, avant de l’être entre les nations5 ».
3Même si « de cruelles épreuves6, la maladie, le mauvais état de [s]es yeux7 » l’éloignent par intermittence d’un rôle politique ou diplomatique de premier plan, l’« ange de la paix8 » est néanmoins mêlé, de près ou de loin, à la plupart des événements qui rythment les affaires internationales jusqu’à la Grande Guerre. Figure éminente du parti radical, député de la Marne (1888-1905), président de la Chambre (1902-1904), puis sénateur (à partir de 1905), il est régulièrement appelé au pouvoir pendant la période qui nous occupe : ministre des Affaires étrangères (14 mars au 20 octobre 1906), puis ministre du Travail et de la Prévoyance sociale (14 janvier 1912-21 janvier 1913), avant un bref retour aux Affaires étrangères (9-12 juin 1914).
4Si Léon Bourgeois entend défendre avec conviction l’œuvre de La Haye, « qui, pour une large part, est son œuvre propre9 », son action s’inscrit toutefois dans un contexte de « paix armée10 », reposant sur l’équilibre fragile de deux blocs européens rivaux (Triple Entente contre Triple Alliance), qui menace régulièrement de dégénérer en affrontement armé. Face à cet environnement international incertain, n’est-il pas lui-même tenté de céder aux schémas de cette « diplomatie de la force » qu’il réprouve ? N’est-il pas notamment contraint de se soumettre à la logique des alliances et de l’équilibre des forces afin de tenir tête à une Allemagne menaçante ? C’est en tout cas ce qu’insinuent certains observateurs qui, en s’appuyant notamment sur l’expérience de Léon Bourgeois à la conférence d’Algésiras, sont tentés de souligner, à l’instar du Temps, qu’il a été aussi un « excellent serviteur » de la « diplomatie d’équilibre » et qu’il « a remporté des succès diplomatiques, qu’il ne considère pas comme de pures victoires juridiques. Il tient donc compte des faits, même s’ils s’accordent mal avec ses espérances11 »… Et lorsqu’il soutiendra avec vigueur, en 1913, le rétablissement de trois années de service national, certains organes de presse ne manqueront pas d’ironiser sur cette attitude : « Qui nous aurait dit que M. Léon Bourgeois, le pontife de La Haye, passerait aujourd’hui pour un foudre de guerre12 ! ».
5Faut-il voir dans ces propos la tentative des tenants d’une politique de fermeté de discréditer un apôtre de la paix ? Ou faut-il admettre que « les faits » ont régulièrement contraint Léon Bourgeois à plier la « diplomatie du droit » aux impératifs de la situation internationale ? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre dans ces prochaines pages, en parcourant avec Léon Bourgeois la période qui s’étend des lendemains de la première conférence de La Haye à la veille de la Grande Guerre.
« Ni scepticisme, ni impatience13 » (1900-1907)
L’œuvre de La Haye au défi de la guerre des Boers
6La fin de la première conférence de La Haye (mai-juillet 1899) est presque immédiatement suivie d’une brutale dégradation du contexte international, marquée par le déclenchement de la guerre des Boers en Afrique australe (11 octobre) et la révolte des Boxers dans le Nord-Est de la Chine (juin 1900). Ce « soulèvement de la barbarie chinoise contre la civilisation européenne14 », qui conduit plusieurs centaines de diplomates, de missionnaires et de journalistes occidentaux à se retrouver assiégés dans le quartier des légations à Pékin pendant 55 jours (20 juin-14 août 1900), ne s’apparente pas aux yeux de Léon Bourgeois à une « guerre entre nations civilisées15 ». Profondément influencé par les conceptions juridiques de la fin du xixe siècle qui refusent aux nations les moins avancées la qualité de sujets de droit international16, il considère que dans ces événements d’Extrême-Orient, la « civilisation » est « tout entière groupée sous les drapeaux alliés17 », ceux du corps expéditionnaire multinational qui débarque en Chine à l’automne 1900 et va imposer au pays une lourde indemnité de guerre ainsi que l’installation sur place de garnisons européennes.
7L’affrontement entre les Républiques boers d’Afrique du sud et la Grande-Bretagne attriste en revanche bien davantage l’homme de paix. Il déplore ouvertement qu’une grande nation européenne se soit ainsi « précipitée dans une telle aventure le lendemain du jour où ses représentants à la Conférence de La Haye ont pris l’initiative de la création d’une juridiction internationale pour le règlement pacifique des conflits internationaux, et qu’elle fasse entendre au monde qu’elle n’acceptera précisément aucune intervention pacifique, aucune offre de médiation ou d’arbitrage18 ». Car la guerre des Boers a eu l’effet, presque inespéré, de placer les conventions signées à La Haye au cœur de l’attention internationale : en Europe et aux États-Unis, de nombreux éditoriaux, réunions publiques et pétitions réclament une solution arbitrale et tournent leurs regards vers la Cour permanente d’arbitrage établie par la convention de La Haye sur le règlement pacifique des conflits internationaux19. Une partie de l’opinion française, notamment la frange la plus nationaliste, prend ainsi fait et cause pour les Boers, espérant y trouver l’occasion de laver l’humiliation subie par la France à Fachoda (1898). Face à un gouvernement français qui, soucieux d’un rapprochement avec la Grande-Bretagne, préfère afficher « une neutralité sans faille20 », la question du recours aux instruments de La Haye est soulevée à la Chambre le 20 janvier 1902, forçant Léon Bourgeois à redresser publiquement certaines idées fausses. S’il admet qu’il y a « comme une tragique contradiction entre le spectacle que donne aujourd’hui une partie du monde et les espérances qu'avaient dû éveiller certainement les délibérations de La Haye21 », il rappelle que les conventions de La Haye n’ont malheureusement pas établi l’arbitrage obligatoire : « Il ne faut pas demander l’impossible et exiger l’application d'une convention quand elle ne saurait s’appliquer. Il ne faut pas considérer comme obligatoires des dispositions qui ne sont que facultatives22 ». Et lorsque le député nationaliste Georges Berry l’interpelle sur l’application de la convention de La Haye relative aux lois et coutumes de la guerre, il se contente de répondre qu’« il n’y a malheureusement pas de sanction23 ». L’œuvre de La Haye doit donc être regardée pour ce qu’elle est vraiment : « une œuvre de lente éducation des nations et des gouvernements eux-mêmes », dont on ne pouvait « croire qu’elle s’accomplirait en quelques jours24 ».
Les premiers pas de la « diplomatie du droit »
8Les conventions de La Haye vont néanmoins apporter timidement les premières preuves de leurs vertus pacificatrices. C’est d’abord la « mise en mouvement » de la Cour permanente d’arbitrage, grâce « à l'initiative américaine, particulièrement à celle de M. le Président Roosevelt25 ». Cette cour n’a en réalité de « permanente » que la liste de ses membres – parmi lesquels figure d’ailleurs Léon Bourgeois – et elle doit donc être constituée spécifiquement pour chaque litige. En 1902, le président américain lui offre, enfin, l’occasion de régler sa première affaire, en lui soumettant une vieille réclamation qui opposait depuis quarante ans les États-Unis au Mexique, celle des « fonds pieux des Californies ».
9Puis l’arbitrage obligatoire, repoussé à la conférence de La Haye, parvient à s’imposer progressivement sur un plan bilatéral, en application de l’article XIX de la Convention sur le règlement pacifique des conflits internationaux. En signant, le 14 octobre 1903, un premier traité d’arbitrage permanent, la France et la Grande-Bretagne ouvrent la voie à la conclusion de nombreux traités prévoyant tous un recours plus ou moins obligatoire aux nouvelles institutions de La Haye : « 33 traités particuliers26 » sont déjà signés au moment de la deuxième conférence de La Haye et 162 le seront d’ici la Grande Guerre.
10Mais c’est avec l’incident du Dogger Bank opposant la Russie à la Grande-Bretagne que la convention de La Haye fait plus visiblement la démonstration de sa valeur, en permettant le règlement pacifique d’un conflit « d’où pouvait sortir la plus terrible des conflagrations27 ! ». En pleine guerre russo-japonaise, la marine russe, croyant à l’attaque de torpilleurs japonais, a en réalité ouvert le feu, dans la nuit du 21 au 22 octobre 1904, sur des chalutiers britanniques pêchant en mer du Nord, coulant l’un d’eux, tuant deux pêcheurs et en blessant six autres. La Grande-Bretagne (alliée au Japon) a alors poussé la Russie à accepter la constitution d’une commission internationale d’enquête, prévue par les articles IX à XIV de la convention de La Haye et celle-ci recommandera le versement à l’Angleterre d’une somme de £ 65 000 à titre de dédommagement28. Ce règlement pacifique d’une affaire qui mettait en jeu des questions d’honneur national et d’intérêts vitaux – en principe exclus du champ d’application de la Convention de La Haye – ne pouvait constituer, aux yeux des partisans « diplomatie du droit », « triomphe plus éclatant29 ».
Un « conciliateur » aux Affaires étrangères ?
11Mais c’est « la diplomatie de la force » qui va bientôt ramener Léon Bourgeois à la tête du ministère des Affaires étrangères, sa nomination, en mars 1906, intervenant en pleine conférence internationale sur le Maroc, dont la réunion a été provoquée par la rivalité de la France et de l’Allemagne au sujet de l’Empire chérifien. Réunissant les principaux pays européens ainsi que les États-Unis d’Amérique, la conférence s’est ouverte le 16 janvier. L’arrivée au pouvoir de l’homme de La Haye pouvait-elle laisser espérer à l’Allemagne une position plus conciliante de la France ? En réalité, Bourgeois va rapidement se convaincre, selon le témoignage d’André Tardieu, que la France ne peut « plus rien céder, et, par la fermeté de ses instructions, par son action personnelle sur les ambassadeurs, par sa dialectique souple, aiguë, pénétrante, il ressaisira l’avantage que nous avait arraché la chute du précédent cabinet30 ».
12Cette crise diplomatique qui a été provoquée par l’Allemagne pour tester la solidité de la récente « Entente cordiale » signée par la France et la Grande-Bretagne (8 avril 1904) a ainsi permis à la France de « mettre à l’épreuve la solidité de ses alliances et de ses amitiés31 », comme le déclare Léon Bourgeois devant la Chambre, faisant indirectement allusion au système diplomatique mis en place par l’un de ses récents prédécesseurs au Quai d’Orsay, Théophile Delcassé. Mais dans le même temps, il ne peut s’empêcher de rattacher l’œuvre de la conférence d’Algésiras à ses propres conceptions diplomatiques, soulignant qu’elle a été « une sorte de conseil d’arbitrage […] qui, dans les diverses phases de la conférence, a suggéré d’heureuses formules de conciliation […]32 ».
13Mais cet important succès diplomatique remporté par Léon Bourgeois aux dépens de l’Allemagne ne va-t-il pas provoquer en réaction l’intransigeance de la délégation allemande quand il s’agira de se retrouver à La Haye ? Le sénateur Paul d’Estournelles de Constant, qui sera le plus proche collaborateur de Léon Bourgeois lors de la deuxième conférence de la paix, qui s’ouvre le 15 juin 1907, fera le constat que « l’élément allemand, qui s’était humanisé en 1899, s’est, au contraire, cette fois raidi dans une résistance irréductible33 ».
Orages et éclaircies (1907-1912)
1907 : « l’empire du droit s'est étendu dans le monde34 »
14C’est par ces mots que Léon Bourgeois résume, le 14 novembre 1907, l’œuvre de la deuxième conférence de La Haye. En réalité, ses résultats sont bien en deçà des objectifs prioritaires qu’il avait fixés aux membres de la commission de l’arbitrage : « définition d’un certain nombre de cas d’obligation réelle de l’arbitrage ; […] établissement d'une juridiction réellement permanente35 ». Certes le principe de l’arbitrage obligatoire a été, grâce ses efforts, officiellement reconnu mais, face à un petit groupe d’États récalcitrants dominé notamment par l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, aucun accord n’a pu être trouvé sur l’adoption d’un traité mondial d’arbitrage obligatoire ou sur la création d’une Cour de justice véritablement permanente36. Une fois de plus, Bourgeois a pu « éprouver la nature des alliances ou des ententes actuelles37 », et du coup pleinement apprécier le soutien sans faille des « délégations des deux Amériques38 » qui ont unanimement voté le principe de l’arbitrage obligatoire. C’est d’ailleurs du côté du continent américain que Léon Bourgeois tourne désormais son regard, allant même jusqu’à évoquer, en 1913, une « Nouvelle Alliance39 » entre l’Amérique et l’Europe : « Entre nous et les fils des Républiques du Nouveau Monde, il y a désormais une société vivante et bien vivante : une âme commune est en nous40. »
Le malaise de l’Europe
15La dégradation du climat international continue néanmoins de le préoccuper. Devant le congrès national de la paix de 1909, il dénonce cette « lutte incessante pour l’accroissement des armements sur terre et sur mer, lutte que chaque année révèle plus aiguë » et ces « sacrifices [toujours] plus considérables » que s’imposent les États européens41. Il se garde pour autant d’appeler à un désarmement prématuré, car celui-ci doit être « une conséquence » et non pas une « préparation42 ». Comme le fait remarquer Stanislas Jeannesson43, on entrevoit ici le raisonnement qui devait fortement marquer l’attitude française en matière de désarmement dans l’entre-deux-guerres et qu’Édouard Herriot formulera à la tribune de la Société des Nations, en 1924, par le célèbre triptyque : « arbitrage, sécurité, désarmement ».
16Bourgeois se fait également le contempteur de « toutes les combinaisons diplomatiques, tous ces efforts faits pour assurer l’équilibre des forces antagonistes, [qui] au lieu d’accroître la sécurité des esprits, ne parviennent, chose saisissante, qu’à augmenter leur inquiétude44 ». Le récent règlement de la « crise bosniaque », provoquée par la décision unilatérale de l’Autriche-Hongrie, annoncée le 5 octobre 1908, d’annexer la Bosnie-Herzégovine, ne peut être considéré selon lui comme une véritable victoire pour la paix : « … on se félicite […] d’avoir, sans tirer l’épée, assuré la tranquillité du monde. Mais qui ne voit qu’un pareil état de choses est essentiellement précaire45 ». Il aperçoit alors très vraisemblablement les lourdes conséquences que cette crise va désormais faire peser sur l’avenir du continent : la victoire diplomatique de l’Autriche-Hongrie a considérablement attisé la haine de la Serbie à son égard et a complètement enrayé le rapprochement de la Double Monarchie avec la Russie qui attend désormais l’occasion de prendre sa revanche.
17Les risques d’un embrasement général de l’Europe paraissent donc de plus en plus sérieux et Léon Bourgeois les perçoit, dès 1909, avec une grande lucidité :
« dans une Europe où se mêlent des combinaisons aussi multiples, un conflit ne pourrait être localisé et que, par le jeu des alliances, des ententes, des traités publics ou secrets, l’incendie allumé sur un point du continent risquerait d’aboutir à une conflagration générale compromettant la civilisation tout entière46 ».
18En 1911, la crise d’Agadir qui oppose une nouvelle fois la France et l’Allemagne à propos du Maroc, paraît à nouveau accréditer le risque de guerre. Mais le chef du gouvernement français, Joseph Caillaux, refuse l’escalade militaire et s’oriente vers le règlement pacifique de la crise : le 4 novembre 1911, une convention signée par les deux pays autorise la France à établir son protectorat au Maroc tandis que l’Allemagne obtient d’importants territoires au Moyen-Congo et en Oubangui. Malgré les violentes critiques que déchaîne cet accord, Léon Bourgeois accepte d’en voter la ratification, alors que 42 de ses collègues sénateurs (dont Clemenceau) s’y refusent nettement47.
De Londres à La Haye, de nouvelles « victoires » de la diplomatie du droit
19Malgré cette atmosphère européenne de plus en plus inquiétante, Léon Bourgeois continue de travailler aux progrès de la « diplomatie du droit ». Et tout d’abord en matière de guerre maritime. Lorsque la conférence de La Haye de 1907 a adopté la création d’une cour internationale des prises, « juridiction supérieure aux juridictions nationales, armée du pouvoir souverain de réformer les décisions des tribunaux d'État en matière de prises48 », Léon Bourgeois a estimé qu’il s’agissait là d’« une des premières, mais des plus belles victoires de la diplomatie du droit49 ». Mais pour permettre à cette Cour de fonctionner au mieux, il est indispensable d’accorder auparavant les conceptions et les pratiques des grandes puissances maritimes, en matière de contrebande, de blocus, de neutralité, etc. C’est précisément l’objet de la conférence convoquée à Londres du 4 décembre 1908 au 26 février 1909, et qui réunit, à l’initiative de la Grande-Bretagne, les dix principales puissances maritimes du monde. Si Léon Bourgeois ne fait pas partie de la délégation française, il a toutefois présidé dans les mois précédents une « commission interministérielle chargée d’étudier le programme de la conférence50 » et de rédiger un mémorandum exposant les vues du gouvernement français. La Conférence navale de Londres adopte finalement, le 26 février 1909, une Déclaration codifiant le droit de la guerre maritime sur de nombreux aspects, mais les espoirs qu’elle a soulevés vont bien vite retomber, du fait du refus du Parlement britannique, en décembre 1911, de la ratifier.
20En matière de règlement juridique des différends internationaux, l’arbitrage semble remporter, en 1909, un important succès, avec l’affaire des « déserteurs de Casablanca », un différend opposant la France et l’Allemagne, qui était « à tous égards, de nature à faire éclater entre deux grandes puissances un conflit armé51 ». Le 25 septembre 1908, des soldats allemands de la Légion étrangère stationnée à Casablanca ont en effet été arrêtés par des gendarmes français, non sans échanges de coups de feu, alors qu’ils s’apprêtaient à déserter, en ayant obtenu la protection du consul allemand. La France fait alors valoir que ce territoire se trouve sous sa juridiction exclusive alors que l’Allemagne soutient, qu’en vertu de sa juridiction extraterritoriale au Maroc, ces soldats déserteurs avaient le droit à la protection du consul. Les deux pays n’ayant pu parvenir à régler ce différend par la voie diplomatique, se résolvent, le 24 novembre 1908, à signer un compromis qui renvoie le règlement de cette affaire à un tribunal arbitral composé de membres de la Cour permanente de La Haye. Léon Bourgeois ne peut que se réjouir que l’Allemagne, qui avait si obstinément combattu l’arbitrage obligatoire en 1907, se soit ainsi ralliée à cette solution du règlement juridique. Tout au long de la procédure, il a été lui-même en étroit contact avec le Quai d’Orsay, comme en témoignent les documents confidentiels qui lui sont transmis, à la veille de la réunion du tribunal arbitral, pour qu’il puisse « suivre les phases du procès et, au besoin, nous donner des conseils comme vous l’avez déjà fait en novembre pour la rédaction du compromis. J’espère que votre esprit inspirera le tribunal (bien que de loin malheureusement)52… ». Le 22 mai 1909, la sentence du tribunal donne finalement satisfaction aux deux parties.
21Cette affaire des déserteurs de Casablanca témoigne bien du caractère essentiellement politique de l’arbitrage, une solution qui sous couvert de procédés juridiques s’adapte particulièrement bien au cas de deux États « désireux de parvenir à un règlement direct, mais incapables de le faire sans provoquer de fortes réactions intérieures, notamment des accusations de trahison de l’intérêt national53 ».
« Non, l’œuvre de La Haye n’a point fait faillite54 » (1912-1914)
« La politique du droit et la crise balkanique55 »
22Alors qu’en août 1913 est inauguré à La Haye le « Palais de la paix » destiné à abriter la Cour permanente d’arbitrage, « le plus affreux des conflits sanglants »56 s’achève dans les Balkans. Le 10 août a été en effet signé le traité de Bucarest qui met fin à la seconde guerre balkanique, provoquée par l’affrontement des États balkaniques (Serbie, Grèce, Monténégro, Bulgarie) qui s’étaient auparavant alliés contre l’Empire ottoman lors de la première guerre balkanique (octobre 1912-mai 1913). Dans les premières analyses de Léon Bourgeois domine une logique de « civilisation », sous l’influence probable de la presse qui a tout d’abord eu tendance à mettre l’accent sur les atrocités commises par les Ottomans57. Pour lui, il s’agit clairement d’un « conflit ethnique où la longue servitude de populations européennes, pénétrées de la civilisation occidentale, aptes à égaler les autres nations du monde latin et germain, avait accumulé des ferments de révolte58 ». Il interprète donc « l’indépendance obtenue par des millions d’hommes appartenant à une même race, à de mêmes croyances, à une même civilisation » comme l’accomplissement d’« un grand progrès humain59 ». Si ses déclarations sur les guerres balkaniques sont rares, on sent que « l’horreur de tout ce sang versé60 » domine progressivement sa pensée, mais il trouve néanmoins quelques motifs de satisfaction dans l’attitude observée par les grandes puissances durant tous ces épisodes dramatiques : il se réjouit qu’elles aient réussi à maintenir ces conflits localisés, grâce à une concertation difficile mais permanente entre elles, par le biais d’une conférence de diplomates tenue à Londres, et qui « à certaines heures » avait semblé devenir « un tribunal d’arbitrage international61 ».
23Professant une certaine confiance dans l’avenir, Léon Bourgeois veut croire que du « spectacle des horreurs de cette dernière guerre et particulièrement des luttes fratricides au milieu desquelles elle s’est achevée62 » pourra se renforcer au sein de l’opinion un puissant désir de conciliation et de paix afin de prévenir le retour de telles atrocités.
« Soyons pacifiques et soyons forts63 »
24L’accroissement par l’Allemagne de ses effectifs militaires semble néanmoins contrarier les espoirs de paix de Léon Bourgeois qui s’inquiète alors du risque d’un déséquilibre croissant entre les forces allemandes et françaises. Il souhaite donc y répondre par « un effort extraordinaire et des sacrifices auxquels nous devons nous décider énergiquement et sans retard64 ». Se « souvenant trop cruellement des désastres de 187065 », il soutient ardemment, en 1913, le projet d’allongement du service national à trois années, prenant le contre-pied de son ami Paul d’Estournelles de Constant, d’une partie de ses collègues radicaux derrière Caillaux et des socialistes hostiles à « la loi des trois ans » au nom de la défense de la paix. Léon Bourgeois estime, lui, au contraire que « ce serait désarmer la cause de la paix que d'affaiblir ceux qui préparent le règne du droit66 ».
25Et jusqu’à la guerre, il restera un farouche défenseur des trois ans, répétant à ses compatriotes de la Marne, dans une lettre ouverte qu’il leur adresse dans la perspective des élections de la fin avril 1914 : « non seulement j’ai voté la loi des trois ans et je la voterais encore. […] Tout républicain est un patriote et un patriote passionné, et c’est le devoir du patriote de voter […] la loi qui, à ses yeux, assure le mieux la sûreté, la dignité, la grandeur de la patrie67 ».
26Si on songe à lui pour intégrer une future combinaison gouvernementale, il fait nettement savoir son refus d’entrer dans un gouvernement qui ne se prononcerait pas clairement en faveur du maintien de la loi des trois ans. Ce n’est que le 9 juin 1914, qu’il accepte d’intégrer le cabinet de centre-droit dirigé par Alexandre Ribot, défenseur de la loi des trois ans, mais celui-ci est reversé le jour même de sa présentation à la Chambre.
Le destin incertain de la troisième conférence de La Haye
27Malgré un contexte de moins en moins favorable à la « diplomatie du droit », Léon Bourgeois continue néanmoins fidèlement à œuvrer à ses progrès. C’est qu’il entend combattre la « grande tristesse » que lui impose l’état de sa santé et de sa vue par un « redoublement d'attachement aux nobles idées qui ont illuminé ma route68 ». Il souhaite donc travailler à la réussite de la troisième conférence de La Haye qui doit en principe se réunir en 1915. Afin d’assurer son bon déroulement, il a été prévu qu’un comité préparatoire international se chargerait, deux ans avant la date prévue de son ouverture, d’en déterminer concrètement l’agenda. Or, ce processus prend du retard et, en France, ce n’est que fin mars 1914 que le président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, Gaston Doumergue, décide de constituer une commission interministérielle « en vue de préparer le programme et les travaux de la troisième conférence de La Haye69 », dont la présidence revient naturellement à Léon Bourgeois. Mais celle-ci n’aura le temps que de tenir deux séances, les 23 avril et 2 juillet 1914.
28Ces premiers travaux de la commission laissent toutefois entrevoir la difficulté qu’il y aura d’aboutir, entre les principales grandes puissances, à une position commune. Léon Bourgeois se montre ainsi hostile à la proposition des États-Unis de confier à la conférence elle-même le soin de régler l’ordre intérieur de ses débats et de désigner ses présidents et secrétaires. Il fait valoir que « l’Assemblée n’est pas souveraine » et que « la procédure recommandée par les États-Unis aboutirait à la constitution d’une sorte de “Parlement de l’humanité” dont l’esprit et les actes seraient tels que beaucoup d’États pourraient hésiter à s’y faire représenter70 ». La France peut-elle s’appuyer davantage sur ses alliés britannique et russe pour assurer le bon déroulement de la future conférence ? Face à un Foreign Office qui parait peu enclin à se rendre à La Haye sans que le pays ait ratifié la convention relative à la Cour des prises (1907) ni la déclaration de Londres (1909), et face à une Russie, qui s’entend avec les Pays-Bas, sans consulter la France, sur un projet d’organisation du futur comité préparatoire international, Léon Bourgeois manifeste quelques inquiétudes sur l’avenir et suggère « un échange de vue […] entre la France, l’Angleterre et la Russie sur les questions qui les intéressent71 ».
29Mais la crise internationale qui se déclenche quelques semaines plus tard va en décider autrement, tandis que les instruments forgés à La Haye se révéleront tout à fait impuissants à épargner à l’Europe un embrasement général.
Conclusion : De la « diplomatie du droit » à la « guerre du droit »
30Léon Bourgeois s’est-il donc illusionné sur la capacité du droit à réformer le système international ? On a parfois tendance à taxer les hommes de paix d’un idéalisme confinant à la naïveté. Or, si depuis la première conférence de La Haye, Bourgeois s’est toujours montré l’inlassable promoteur de la « diplomatie du droit », s’il en a certainement regardé les premiers résultats avec un excès d’optimisme, il n’a jamais cru pour autant que ce serait « en quelques années » que pourrait s’accomplir « cette révolution, plus grande que toutes les révolutions qui ont jusqu’à présent secoué le monde, qui substituera le règne de l'ordre et de la justice à celui de la force et de la violence72 ».
31L’ardent défenseur de la paix a donc surtout agi en homme de son temps : en juriste scrupuleux du respect de la souveraineté des nations « civilisées », en négociateur soucieux de la défense des intérêts nationaux, en patriote désireux d’assurer la sécurité de son pays, ce qui l’a amené parfois à faire certaines concessions à la « diplomatie de la force ». Lorsque celle-ci a finalement conduit à un déchaînement de violence à l’été 1914, il a pu alors se rallier sans peine à la rhétorique de la « guerre du droit » et espérer que la victoire des Alliés puisse accélérer la mise en place d’une solide organisation multilatérale fondée sur le droit. Dès 1915, le projet en est d’ailleurs débattu au sein de nombreux pays belligérants et neutres, et lui-même contribuera, en 1917-1918, à préciser la position de la France sur la question, à la tête de la Commission interministérielle d’études pour la société des nations.
Notes de bas de page
1 L. Bourgeois, Pour la Société des Nations, Paris, Georges Crès et Cie ; Londres, J. M. Dent & Sons Ltd ; New York, E.P. Dutton & Co, coll. « Gallia », [1914], p. 16 [éd. augmentée de l’ouvrage paru chez Fasquelle en 1909].
2 Ibid., p. 145-146. Rapport adressé au ministre des Affaires étrangères sur la deuxième conférence de la paix de La Haye de 1907.
3 Ibid, p. 61. Discours prononcé le 5 octobre 1907 devant la commission de l’arbitrage de la conférence de la paix de La Haye.
4 Ibid., p. 261. « Préface pour l’Almanach de la paix de 1901 ».
5 » M. Léon Bourgeois et la Société des Nations », Le Temps, 10 décembre 1909, p. 1.
6 Notamment la perte de sa fille Hélène emportée par la tuberculose en 1903, à l’âge de 24 ans.
7 Discours de Léon Bourgeois prononcé devant le Conseil européen de la Dotation Carnegie, 29 mai 1912, repris dans L. Bourgeois, Pour la société…, op. cit., p. 216.
8 A. Niess, « Léon Bourgeois (1851-1925), juriste et ange de la Paix », Parlement[s], Revue d'histoire politique, 2009/1 (n° 11), p. 135-148.
9 « M. Léon Bourgeois et la Société des Nations », art. cit., p. 1.
10 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 31.
11 « M. Léon Bourgeois et la Société des Nations », art. cit., p. 1. C’est nous qui soulignons.
12 « Autour de M. Léon Bourgeois », L’Univers, 6 juin 1914, p. 1.
13 Léon Bourgeois, préface à A. Mérignhac, La conférence de la paix, Paris, Arthur Rousseau éditeur, 1900, p. viii.
14 Ibid., p. v.
15 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 262.
16 Parmi une riche bibliographie, voir par exemple G. Gozzi, Rights and Civilizations. A History and Philosophy of International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2019.
17 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 262.
18 « Lettre de M. Bourgeois à M. Beauquier », La paix par le droit, mars 1900, p. 78-79. Il est à noter que ce passage relativement sévère à l’égard de l’Angleterre ait été totalement expurgé dans la version de cette lettre publiée dans l’ouvrage Pour la Société des Nations, op. cit.
19 M. Abbenhuis, The Hague Conferences and International Politics, 1898-1915, London, Bloomsbury Academic, 2018, p. 102.
20 B. Lugan, La guerre des Boers (1899-1901), Paris, Perrin, 1998, p. 244-245.
21 Journal officiel de la République française (ci-après JORF). Débats parlementaires. Chambre des députés 2e séance du 20 janvier 1902, p. 69.
22 Ibid., p. 71.
23 Id.
24 Ibid., p. 70.
25 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 44-45.
26 Ibid., p. 49.
27 Ibid., p. 127.
28 Cf. J. M. Lemnitzer, “International Commissions of Inquiry and the North Sea Incident: A Model for a MH17 Tribunal?”, The European Journal of International Law, vol. 27, n° 4 (2016), p. 923-944.
29 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 127.
30 A. Tardieu, La conférence d’Algésiras. Histoire diplomatique de la crise marocaine (15 janvier-7 avril 1906), Paris, Félix Alcan, 2e éd., 1908, p. 77-78.
31 JORF. Débats parlementaires. Chambres des députés, séance du 12 avril 1906, p. 1735.
32 JORF, Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 12 avril 1906, p. 1736. C’est nous qui soulignons.
33 Archives départementales de la Sarthe, 12 J 432, Fonds d’Estournelles de Constant, « Notes confidentielles dictées à partir du 16 août 1907 », f°128 [2 octobre 1907].
34 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 172.
35 Ibid., p. 79 [3 août 1907]. Les italiques figurent dans le texte original.
36 Cf. S. Jeannesson, « Léon Bourgeois aux conférences de La Haye de 1899 et 1907 : solidarisme et démocratisation des relations internationales », Histoire, économie & société, 2014/2, p. 118.
37 Ibid., p. 119. Dépêche de Léon Bourgeois à Stephen Pichon, le 18 octobre 1907.
38 Groupe parlementaire français de l’arbitrage international, La deuxième conférence de La Haye, Paris, Delagrave, 1907, p. 52.
39 L. Bourgeois, « La civilisation atlantique », 2 décembre 1913, reproduit dans Bulletin de la conciliation internationale, n° 3, 1914, p. 57.
40 Ibid., p. 59.
41 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 15.
42 Groupe parlementaire français de l’arbitrage international, op. cit., p. 56.
43 S. Jeannesson, art. cit., p. 133.
44 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 14.
45 Ibid., p. 14-15.
46 Ibid., p. 15.
47 JORF, Débats parlementaires. Sénat, Séance du 10 février 1912, p. 239.
48 L. Bourgeois, Pour la société …, op. cit., p. 18.
49 Ibid, p. 19.
50 Ministère des Affaires étrangères, Conférence navale de Londres, 1908-1909, Paris Imprimerie nationale, 1909, p. 4.
51 L. Bourgeois, Pour la société…, op. cit., p. 20.
52 FR MAE, 29PAAP-1, Lettre de Jarousse de Sillac à Léon Bourgeois, 24 avril 1909.
53 A. Mamolea, “Saving Face. The Political Work of the Permanent Court of Arbitration (1902–1914), in I. de la Rasilla y del Moral & J. E. Viñuales (dir.), Experiments in International Adjudication, Cambrdige, Cambridge University Press, 2019, p. 196.
54 L. Bourgeois, Pour la société…, op. cit., p. 222.
55 Ibid., p. 231 [lettre à Charles Richet, 11 mai 1913].
56 Ibid., p. 222 [discours prononcé à Gand, 6 septembre 1913].
57 Cf. N. Pitsos, « Les guerres balkaniques dans la presse française », in C. Horel (dir.), Les guerres balkaniques (1912-1913). Conflits, enjeux, mémoires, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014, p. 246.
58 L. Bourgeois, Pour la société…, op. cit., p. 235 [11 mai 1913].
59 Ibid., p. 238.
60 Ibid., p. 241.
61 Ibid., p. 240.
62 Id.
63 Ibid, p. 233.
64 Ibid., p. 232.
65 Id.
66 Ibid., p. 233.
67 « Une lettre de M. Léon Bourgeois », Le Temps, 19 avril 1914 p. 3.
68 L. Bourgeois, Pour la Société des Nations, p. 216 [Discours prononcé devant le Conseil européen de la Dotation Carnegie, 29 mai 1912].
69 FR MEAE, 29PAAP/4, Papiers Léon Bourgeois, décret du 24 mars 1914.
70 FR MEAE, 29PAAP/4, Commission de La Haye, procès-verbal de la 2e séance, 2 juillet 1914, p. 14.
71 FR MEAE, 29PAAP/4, Commission de La Haye, procès-verbal de la 2e séance, 2 juillet 1914, p. 14.
72 L. Bourgeois, Pour la société…, op. cit., p. 223.
Auteur
Jean-Michel Guieu est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et membre de l’UMR 8138 SIRICE. Ses travaux portent principalement sur l’histoire de la paix dans la première moitié du xxe siècle. Il a notamment publié Le Rameau et le Glaive : les militants français pour la Société des Nations (Paris, Presses de Sciences Po, 2008) et, plus récemment Gagner la paix 1914-1929 (Paris, Points « Histoire », 2018).

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