Préambule de la troisième partie

1La partie finale se joue sur les deux principaux terrains d’action de Roux dans le domaine des non‑ferreux, l’Espagne et la Grèce. Carthagène est le site le plus ancien, avec, en arrière‑plan, l’Espagne centrale et méridionale. Le Laurium est beaucoup plus récent. Tout comme Kef Oum Theboul, l’usine de Marseille reste en dehors du jeu alors qu’elle est le point central, géographique et en principe aussi fonctionnel, de ce qu’il est tentant — ou facile — de lire comme un système.

2Le problème est qu’avec Roux, il faut se défier des apparences, dont la fonction est parfois, précisément, de n’être que cela : un écran pour masquer d’autres réalités, les vrais problèmes. Le mois d’août 1875 s’est achevé pour lui sur deux succès simultanés : l’accès au marquisat et la création de la Compagnie Française des Mines du Laurium. Il connaît alors une forme d’apogée, dont il mesure sans doute le caractère provisoire. Les problèmes du cadre juridique et de nouveaux moyens posés par ses propriétés espagnoles ne sont pas les seuls. Comment des entreprises dispersées, avec ou sans statuts, peuvent‑elles donner lieu à des cohérences durables, même si elles sont présidées par un même homme ? Quelles peuvent être les synergies potentielles, dans le domaine productif, entre des sites qui ont apparemment beaucoup à partager, mais possèdent aussi leurs dynamiques propres, pas forcément convergentes ?

3Cette partie est donc consacrée au montage du grand projet, qui devrait donner sens à toute la trajectoire industrielle de Roux. En réalité, la prudence s’impose même dans la formulation de l’enjeu, tant le doute est légitime sur les motivations profondes du marquis : la réussite d’un grand dessein ou la simple recherche d’une solution financière. Cette partie essaie de fournir des éléments de réponse, mais elle contribue aussi à nourrir les perplexités, pour deux raisons. La première tient aux limites du travail historien, impuissant à reconstituer toutes les chaînes, toujours dans l’illusion d’une genèse qui ne cesse de s’enfoncer vers l’amont. La seconde tient aux manœuvres de Roux sur l’échiquier qu’il s’est lui‑même créé, dans le cadre d’une stratégie qui ne s’éclaire réellement qu’à la fin de la partie. Celle d’un grand joueur ou d’un spéculateur acculé ?

4Il est impossible de savoir si Roux en avait prévu toute la dramaturgie, mais la pièce — drame ou vaudeville — aurait pu, aurait dû même, se jouer en trois actes, sans parler des péripéties de coulisse. Le déroulement est perturbé par l’irruption d’un commandeur inattendu. Roux, joueur d’échecs ou Don Juan des affaires minières ? Le seul intérêt des métaphores est d’inviter à se demander s’il a été le principal artisan de son destin.