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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral De quelle périphérie parle-t-on dans l’entre-deux-guerres ? « Paris s’étend » : la campagne du Grand Paris débute selon un paradigme d’extensions planifiées « Densifier sans étendre » : le tournant 1932, l’abandon de villes nouvelles et le repli vers un urbanisme de densification La méthode Le règlement du PARP et ses effets secondaires sur les périphéries Épilogue Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Les espaces périphériques des villes occidentales : identités et mutations de l’Antiquité à nos jours

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’impact du plan d’aménagement de la Région parisienne (PARP) sur les périphéries ordinaires de la banlieue (1934-1956)

    Corinne Jaquand

    Résumé

    L’article revient sur le premier plan d’aménagement de la Région parisienne (PARP) élaboré entre 1928 et 1941. Bien connu pour son plan autoroutier, il l’est moins sur son volet réglementaire qui s’appliqua aux communes avec l’introduction d’un zonage pour l’usage des sols combiné à des règles de gabarits traditionnels. La contribution identifie quelques étapes de cette histoire caractérisée par des ambitions déclaratives, des impensés et des renoncements. Établis pour limiter la prolifération des lotissements hors des zones agglomérées, le PARP et d’autres lois s’appliquant au foncier eurent pour effet involontaire de fragmenter l’urbanisation avec un déficit évident de centralités qui continue de peser aujourd’hui sur la banlieue parisienne. C’est du moins l’hypothèse qui nous invite à revisiter les tissus suburbains au regard de deux phénomènes qui s’entrelacent : les grandes infrastructures portées par la puissance publique et l’urbanisme ordinaire, certes soumis à des réglementations sans pour autant faire l’objet d’une réelle planification.

    Texte intégral De quelle périphérie parle-t-on dans l’entre-deux-guerres ? « Paris s’étend » : la campagne du Grand Paris débute selon un paradigme d’extensions planifiées « Densifier sans étendre » : le tournant 1932, l’abandon de villes nouvelles et le repli vers un urbanisme de densification La méthode Le règlement du PARP et ses effets secondaires sur les périphéries Épilogue Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Sur la décennie 1928-1938 est élaboré le premier plan d’aménagement de la Région parisienne (PARP) qui sera validé en 1939 et entrera en vigueur en 1941. Déployé dans un rayon de 30 à 40 km du centre de Paris, il englobe les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise ainsi que cinq cantons dans l’Oise (dont les villes de Creil, Chantilly et Senlis), soit plus de 650 communes qui seront listées par la loi du 14 mai 1932 encadrant le projet1. La ville de Paris travaille indépendamment à un nouveau plan directeur qui sera finalisé en 1943. L’historiographie a assimilé le PARP au « plan Prost », du nom de l’urbaniste Henri Prost (1874-1959) qui mena les études et livra de magnifiques perspectives à vol d’oiseau sur la façon d’insérer de nouvelles autoroutes dans le paysage hérité des environs de la capitale2. Nous reviendrons ici sur ses aspects réglementaires moins connus qui concernent notamment les périphéries de l’agglomération.

    2Le PARP s’inscrit dans le contexte des premières lois nationales sur l’urbanisme, lesdites lois Cornudet, du 14 mars 1919 et du 19 juillet 1924, qui imposent aux villes de plus de 10 000 habitants, ainsi qu’aux cités balnéaires accueillant saisonnièrement des touristes, d’établir un PAEE (Plan d’aménagement, d’extension et d’embellissement). Le premier objectif des lois Cornudet est d’encadrer la prolifération de lotissements et la construction en diffus, en instaurant des périmètres d’agglomération tout en engageant les municipalités à réaliser un programme de viabilisation et de construction d’équipements. La seconde loi du 19 juillet 1924 complète la première en levant quelques incertitudes sur la rétroactivité de son application pour les lotissements en cours ou décidés juste avant3.

    3La France s’empare alors du zoning comme outil de régulation de l’urbanisation. En région parisienne, plusieurs villes anciennes sont concernées par un PAEE, mais aussi des banlieues champignons qui ont dépassé les 10 000 habitants – à l’exemple souvent cité d’Aulnay-sous-Bois dont la population a augmenté de 850 % en trente ans sous les effets de la liaison ferroviaire avec Paris et du développement la zone industrielle du canal de l’Ourcq4. En l’absence d’une codification nationale précise, les premiers PAEE établis sur ces villes de banlieue sont l’occasion de préciser les catégories de zonage et des conventions graphiques homogènes que le PARP reprendra. Au vu de l’échelle territoriale, le PARP répartit en préalable les communes en quatre classes de densités décroissantes (A, B, C, D) allant schématiquement du centre de l’agglomération vers la périphérie rurale. Le règlement à l’échelle locale, ou « programme de servitudes », combine un zonage d’utilisation du sol avec des règles traditionnelles d’alignements et de prospects déterminées en fonction de la classe de densités. Cette méthodologie de répartition par classe de hauteurs et d’usages des sols, nouvelle en France, avait déjà été mise en place dans plusieurs grandes villes allemandes dès le tournant du siècle, et à New York à l’occasion de sa nouvelle réglementation de 1916.

    4Notre propos consiste à examiner l’impact du plan d’ensemble du PARP et de son zoning sur les tissus ordinaires des banlieues périphériques. La version finale du PARP, fondée sur le précepte qu’il fallait « densifier sans étendre », pour éviter la prolifération des lotissements, aura créé de facto une rétention foncière tout en ouvrant à certains dispositifs dérogatoires. Alors que les lois Sarrault et Loucheur votées en 1928 ont ouvert des crédits d’État à la maison individuelle, le zonage du PARP rétrécit paradoxalement l’offre foncière, ce qui aura comme conséquence de renforcer l’émiettement urbain en moyenne couronne. Par ailleurs, le PARP a failli dans la formulation d’un polycentrisme métropolitain qui aurait pu renforcer l’attractivité des communes les plus importantes hors de Paris et créer des pôles de voisinages dans les banlieues nouvelles. C’est du moins nos hypothèses. Ce retour historique sur l’entre-deux-guerres permettant d’éclairer quelques-uns des impensés originels de la banlieue parisienne qui, selon nous, continuent de peser aujourd’hui.

    De quelle périphérie parle-t-on dans l’entre-deux-guerres ?

    5Sociologues et historiens ont mis en exergue l’attraction de la vie en banlieue comme résultat de la démocratisation d’un mode vie en double résidence à l’origine aristocratique puis bourgeois (entre l’hôtel particulier ou l’appartement en ville et les maisons de plaisance ou de villégiature) ; un habitat en pleine propriété, non mitoyen et avec jardin obtient également les faveurs des classes populaires5. Cette banlieue désirée va de pair avec la réduction du temps de travail hebdomadaire et journalier qui laisse poindre des temps de loisirs plus conséquents et des déplacements pendulaires plus supportables. Au tournant du xxe siècle, les lotisseurs privés s’assurant une option sur un foncier, en général proche des gares, négligent maintes fois la promesse d’un rapide et complet équipement urbain. Le phénomène bien connu des mal lotis, lotissements qualifiés d’insalubres ou de défectueux, culmine durant les années 1920 dans des proportions peu comparables à d’autres grandes villes européennes6.

    6Au lendemain de la Grande Guerre, la population de la région parisienne augmente alors que la natalité du pays est en berne. Dans le département de la Seine, elle triple entre 1910 et 1930. La croissance démographique se concentre en limite des deux départements de la Seine et de la Seine-et-Oise dans un arc nord-est/sud-est partant du Bourget et de la plaine de Gonesse pour monter sur les plateaux de la Marne, puis enjamber la Seine et continuer de part et d’autre de la rocade historique de Choisy-le-Roi/Versailles jusqu’à Vélizy-Villacoublay. Dans ce rayon, situé à une dizaine de kilomètres des portes de Paris, les voyageurs pendulaires ne bénéficieront pas du prolongement de certaines des lignes de métro en première couronne dont les travaux démarreront au début des années 1930 pour s’achever dans l’immédiate après-guerre (fig. 1).

    Fig. 1. – A : Développement du métropolitain et prolongements prévus en banlieue. B : Zones accessibles en banlieue par les transports ferroviaires en une heure.

    A : Extrait de Département de la Seine, Ville de Paris, Le Chemin de fer métropolitain de Paris (1931). D.R. – B : Extrait de Henri Ruhlmann, Les Chemins de fer urbains. Étude économique et sociale (1936). EUP : Bibliothèque Henri Sellier.

    7Au tournant des années 1920, les réserves de grands domaines se faisant plus rares, l’offre foncière se développe de façon plus éparse et de plus en plus éloignée des gares, notamment sur les forêts et exploitations agricoles dont beaucoup avaient été délaissées par des agriculteurs devenus invalides de guerre ou tombés au front. Le cas du territoire nord-est est exemplaire de cette évolution de l’urbanisation pavillonnaire. Ainsi à Tremblay-en-France, trois lotissements importants sont ouverts, deux sur une plaine agricole et un en forêt, sans viabilisation, ni équipements, ni commerces, ni école7. Les nouveaux lotis doivent alors parcourir des distances plus longues pour rejoindre les gares de banlieue en autobus ou en tramways dit de rabattement, ou bien à bicyclette, mode populaire de déplacement et de loisirs. Les transports de surface dépendent de la régie de la Société́ des transports en commun de la Région parisienne (STCRP), issue du rachat par le département de la Seine, au 1er janvier 1921, des six principales compagnies concessionnaires de bus et tramways jusqu’alors privées. La modernisation du réseau qui s’ensuit se fait cependant au détriment des tramways, dont plusieurs lignes pénétraient pourtant jusque dans Paris, et qui disparaissent à la fin des années 1930 sous l’injonction de la circulation et du stationnement automobile. De 1931 à 1938, les statistiques enregistrent une baisse conséquente de la mobilité pendulaire entre la banlieue et Paris (passant de 360 à 250 millions de voyageurs), sans que les causes soient établies8.

    8Le maillage viaire des banlieues nouvelles, laissé à l’initiative des lotisseurs privés, comporte peu de voies plus larges que strictement nécessaire à la desserte des maisons. Sous la pression du développement de l’automobile, les pouvoirs publics (État et départements) entreprennent de réaménager le réseau intermédiaire des départementales qui datait de l’Ancien Régime, et n’avait pas été modernisé depuis le Second Empire. Ces routes et chemins vicinaux dits de grande communication (Gc) ou d’intérêt commun (Ic) sont alors reclassifiés et leur réaménagement achevé à la fin des années 1930. En revanche, peu de liaisons intercommunales de cette catégorie sont créées en raison des dépenses d’expropriation et d’aménagement qui, en vertu des lois sur les PAEE, incombent aux municipalités ou aux départements, tous en peine de ressources. Les différentes versions du PARP instaurent a minima de nouvelles figures circulatoires, telles que des ronds-points aux grands croisements et des voies dites de contournement pour éviter la traversée des cœurs de villes par la circulation (fig. 2).

    Fig. 2. – Les coûts de l’étalement de faible densité : comparaison d’une banlieue parisienne (Aulnay-sous-Bois) avec d’autres villes moyennes françaises de population équivalente.

    Extrait de M. J. Descoutures, « L’évolution de la banlieue nord-est de Paris », Urbanisme, no 29, 20 ans d’urbanisme appliqué, octobre 1934, p. 300. D.R.

    9En 1928, sous un gouvernement d’union nationale mené par Raymond Poincaré, sont votées les lois Sarraut et Loucheur pour remédier, la première, aux lotissements insalubres, et la seconde, favoriser l’accès des couches populaires à la maison individuelle et au locatif bon marché. Le soutien à la petite propriété, comme garant de la paix sociale, est en effet conforme aux visions aménagistes des ministres radicaux-socialistes et du centre-droit alors en place9. Ainsi la loi Sarraut du 15 mars 1928, encadrant la régularisation des lotissements défectueux, octroie des aides d’État qui prennent en charge la moitié des frais d’aménagement et de viabilisation, les petits propriétaires ayant l’obligation de se regrouper en associations de riverains pour recevoir ces subsides, prélever les taxes, surveiller les travaux, à l’instar d’un syndicat de copropriété. Par la suite, le domaine et la gestion des voies publiques sont rétrocédés aux municipalités. La loi Loucheur du 13 juillet 1928 ouvre aux particuliers des crédits d’État à taux bas (à 2 %) sur une très longue durée pour construire des maisons nouvelles ou reconstruire les bicoques devant répondre aux normes d’hygiène requises dans le logement social. La loi Loucheur envisage par ailleurs le financement sur cinq ans d’un parc locatif social de 200 000 logements et de 60 000 à loyer modéré.

    « Paris s’étend » : la campagne du Grand Paris débute selon un paradigme d’extensions planifiées

    10Cette même année 1928 est lancée une campagne d’opinion sur le thème de « Paris s’étend », mot étendard emprunté au livre de Georges Benoît-Lévy paru l’année précédente10. Soutenue par plusieurs députés et ministres, ainsi que par des urbanistes et des intellectuels, elle a comme objectif d’accélérer le vote au parlement d’une loi spécifique sur l’aménagement de la région parisienne. Elle s’inscrit dans la dynamique initiée par le CSAORP (Comité supérieur d’aménagement de la Région parisienne) qui a été créé par le décret du 24 mars 1928 signé par le président Raymond Poincaré́. Il faudra toutefois attendre quatre ans avant que la loi établissant le projet du PARP soit ratifiée par le Sénat et votée au Parlement le 14 mai 1932. Rattaché au ministère de l’Intérieur en charge des PAEE et de l’aménagement dans les colonies11, le CSAORP est un organe à la fois représentatif et consultatif sur la région. Ses membres sont nommés par le ministre de l’Intérieur et se réunissent sous la présidence des préfets de la Seine et de la Seine-et-Oise. On y compte des élus du Conseil municipal de Paris et du Conseil général de la Seine, des juristes du Conseil d’État, plus toute une série de hauts fonctionnaires issus des ministères et des services administratifs du département et de la Ville, ainsi que plusieurs architectes de la SFU (Société française des urbanistes). C’est dans ces dernières catégories, les plus compétentes, que se recrutent les membres de la section permanente et des sections thématiques pilotant les études générales du PARP (l’aménagement, la législation, les finances, les services publics et à l’habitation). Le CSAORP perdurera une quinzaine d’années jusqu’à son abrogation par la loi du 2 février 1941. Il sera présidé par le député conservateur Louis Dausset, puis par André Morizet, le sénateur-maire socialiste de Boulogne-Billancourt, à la suite de sa réforme sous le gouvernement du Front populaire (décrets du 7 septembre et du 4 novembre 1936).

    11Les premières études du PARP répondent à l’injonction d’un urbanisme d’extensions planifiées sur des terrains déjà acquis ou en voie de l’être par le département de la Seine. En effet, dans les derniers mois de la Grande Guerre l’Office HBM de la Seine, à l’instigation d’Henri Sellier, avait engagé des acquisitions foncières permettant d’envisager la création de villes nouvelles avec des programmes mixtes activités/habitat, dont environ 20 % de logements sociaux. Dès 1919-1920, les architectes-urbanistes s’emparent du sujet lors du concours d’idées pour l’aménagement, l’extension et l’embellissement de la région parisienne, lancé au lendemain du vote de la loi Cornudet sur les PAEE. Léon Jaussely, lauréat de la section I sur l’ensemble de l’agglomération, précise à l’échelle de l’agglomération un système d’extension fait de « cités-jardins », créés ex nihilo et équipées de commerces et d’activités, et de « banlieues-jardins » résidentielles rajoutées aux bourgs existants. Les lauréats de la section IV (projets divers ou partiels pour l’agglomération) de Rutté, Bassompierre, Sirvin et Maurice Payret-Dortail, choisissent le plateau du Plessis-Picquet – traversé par la route de Choisy-le-Roi à Versailles – pour faire la preuve d’une grande extension suburbaine d’environ 100 000 habitants, et intitulée la « Cité-jardin du Grand Paris ». Faute de poursuite d’acquisitions foncières dans le secteur et par manque de transport rapide en site propre, ce projet ambitieux se réduira à la réalisation d’un chapelet de cités-jardins, entre Le Plessis-Robinson et Châtenay-Malabry, composées exclusivement de logements sociaux (comme à la Butte rouge), construits sous l’égide de l’OPHBM et habités au départ par des fonctionnaires (fig. 3).

    Fig. 3. – Cité-jardin du Grand Paris, architectes De Rutté, Bassompierre, Sirvin et Maurice Payret-Dortail, concours pour le PAEE de Paris (1919-1920), plan d’ensemble.

    Extrait de H. Sellier, « L’extension de Paris au sud : la cité-jardin du Grand Paris », La Vie Urbaine, no 5, 1920, p. 63-76. EUP : Bibliothèque Henri Sellier.

    12Trois autres projets de villes nouvelles sont également envisagés en partenariat avec des sociétés privées, un à La Courneuve, un autre à Rungis-Belle Épine et le troisième sur la plaine de Montesson au-delà de La Défense. D’une jauge de 60 000 à 80 000 habitants, ces projets prévoient un mixte de collectifs et de maisons de ville, d’activités et de commerces. En 1924, l’architecte Marcel Auburtin et l’ingénieur Raoul Dautry gagnent le concours de celui de La Courneuve12. Leur ville nouvelle se présente comme une extension linéaire du nord de Saint-Denis jusqu’à Pierrefitte, destinée à une classe moyenne de cols blancs qui doivent bénéficier d’une nouvelle ligne métropolitaine électrifiée desservant le secteur de la gare Saint-Lazare et ses « maisons de commerces » (désignant à l’époque le secteur tertiaire). Le dessin assez abouti d’une ville-parc pittoresque fait explicitement référence au Vésinet, avec de grands îlots irrigués par des voies en impasse à l’instar des cités-jardins anglaises. Les typologies variées comprennent du collectif et des maisons individuelles sur des parcelles n’excédant pas 300 à 450 m2. Mais le projet n’aboutira pas (fig. 4). Présentée comme 5 sur dossier.

    Fig. 4. – Ville-satellite de La Courneuve (1924), Marcel Auburtin (arch.) et Raoul Dautry (Ing.) (projet lauréat non réalisé).

    Extrait de M. Auburtin, L’Urbanisme d’une région parisienne. Avant-propos d’aménagement des terrains situés sur les communes de La Courneuve, Le Bourget, Dugny et Stains, mémoire no 1, Urbanisme, s.d., [1924]. D.R.

    13La ville nouvelle de Rungis-Belle Épine fait-elle l’objet d’un projet en interne par une société privée. Le plan-masse est moins généreux en espaces publics avec des îlots serrés en continuité du vieux bourg de Rungis. Bien que longtemps soutenu par Henri Sellier au sein du conseil général de la Seine,13 le projet de Rungis-Belle Épine finira par péricliter en raison de la faiblesse du consortium bancaire pressenti et de l’impossibilité de financer un train-tram de liaison avec Paris. Un sort similaire enterrera l’urbanisation de la plaine de Montesson imaginée par l’ingénieur Léon Francq dès le tournant du siècle. S’inspirant probablement de la Ciudad Lineal développée par Soria y Matta à Madrid, Francq avait livré un projet assez abouti pour prolonger la voie triomphale parisienne vers la forêt de Saint-Germain-en-Laye, l’équiper d’un train-tram selon un procédé technique original, tout en jetant les prémisses d’une société d’aménagement. L’idée d’une urbanisation planifiée au-delà du carrefour de La Défense traîna longtemps dans les cartons jusqu’au milieu des années 1930 (fig. 5).

    Fig. 5. – Bureau de l’Extension : cartes isochrones des moyens de transport existants et souhaitables en banlieue Sud.

    Extrait de H. Descamps, « L’aménagement de la région parisienne. II – Le Bureau d’études de la préfecture de la Seine. Banlieue Sud », La Construction moderne, 45e année, no 17, 26 janvier 1930, p. 258-259. CAP : Revues numérisées.

    « Densifier sans étendre » : le tournant 1932, l’abandon de villes nouvelles et le repli vers un urbanisme de densification

    14Avec la loi du 14 mai 1932 instaurant le principe du PARP, une philosophie malthusienne s’impose sous le slogan du « Densifier sans étendre » pour conjurer les lotissements opportunistes et restreindre l’installation de nouvelles activités au-delà des territoires déjà industrialisés. Ce revirement n’est que partiellement imputable à la crise financière mondiale qui vient de toucher la France. S’appuyant sur le dernier recensement de 1931, l’État entend désormais déconcentrer l’économie et mieux la répartir sur le reste du territoire national. Les tenants de la décentralisation industrielle conjuguent leurs arguments avec ceux des lobbys de protection des paysages d’Île-de-France, la Commission des sites et l’influente association du Touring Club de France.

    15Le revirement est aussi pragmatique face aux blocages politiques qui empêchent d’instaurer une autorité administrative ayant compétence sur l’ensemble du Grand Paris, et disposant d’un budget propre pour mener une politique foncière et accompagner l’extension des transports métropolitains. D’autre part, l’échelon intermédiaire des départements n’est pas autorisé à se faire aménageur en vertu de la loi Strauss du 12 avril 1906 qui encadre la construction de logements via des sociétés anonymes de droit privé et des sociétés coopératives d’HBM. Le décret-loi du 5 novembre 1926 du gouvernement Poincaré renforce certes les prérogatives des conseils municipaux, dans le cadre juridique d’une économie mixte, pour qu’ils puissent participer financièrement, à hauteur de 40 %, à des sociétés privées ou des régies autonomes, mais ces mesures ne s’appliquent pas aux départements limités à intervenir dans le cadre d’offices publics d’habitation bon marché. Les terrains déjà acquis par le département de la Seine depuis la guerre resteront ainsi soit gelés jusque dans les années 1950, comme ceux de Rungis Belle-Épine, soit donneront lieu à une série de cités-jardins monofonctionnelles toutes en locatif social. Cependant dès les chantiers de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry et de la Cité de la Muette à Drancy, c’est-à-dire au tournant des années 1930, la maison individuelle disparaît des programmes de l’OPBHM de la Seine au profit de l’habitat collectif. En conséquence, la demande populaire en maison individuelle ne peut que s’orienter vers le marché privé.

    La méthode

    16La mise au point du PARP s’est avérée longue, car il a fallu orchestrer un zoning et une réglementation sur plus de 650 communes, et fondre dans un document commun un certain nombre de PAEE communaux déjà approuvés ou en voie de l’être. Fin 1928, un « Bureau technique du plan régional de Paris » est mis en place selon un organigramme à trois : l’agence d’Henri Prost, la société des Chemins de fer de l’État (CFE), dirigée par Raoul Dautry, et le Bureau de l’Extension de l’Hôtel de Ville. Ce dernier avait été créé par Henri Sellier au tournant de l’année 1920 ; il produisait des données statistiques, des notes générales et bénéficiait de la connaissance des communes lui ayant confié leur PAEE. Les archives du Bureau conservent notamment un atlas réalisé par Sellier en collaboration avec René Humery, ainsi que deux études du paysagiste JCN Forestier pour un système de parcs régional14. Dès 1929, Henri Prost est ainsi en mesure de livrer une première esquisse du PARP sur la base d’un fonds cartographique et de plans recollés au 1/10 000e. L’assistent les architectes de son agence, Pierre Remaury et Jean Royer, ainsi que quelques employés des services de la CFE mis à disposition par Raoul Dautry15.

    17Appuyé sur le « comité technique » restreint du CSAORP, Henri Prost est naturellement confirmé homme de l’art en charge d’établir le projet du PARP, tel que le préconise la loi du 14 mai 193216. Sous la houlette du président du CSAORP, Louis Dausset, il en présente la première version officielle à Albert Sarraut, alors ministre de l’Intérieur ayant la charge de l’urbanisme et des PAEE, le 14 mai 1934, soit à l’issue des deux ans de la loi de 1932 au jour près. Deux enquêtes publiques closes à l’automne 1935 et en 1938 apportent quelques modifications de détail avant l’approbation du document par décret gouvernemental le 22 juin 193917. Le gouvernement de Vichy confirmera et autorisera l’application du plan par la loi du 28 août 1941 en élargissant son périmètre à toute la Seine-et-Marne.

    18Quelques ouvrages généraux sur la banlieue ont accompagné le paysage intellectuel des études du PARP. Ainsi dans son livre, Paris, la ville et sa banlieue (1933), le géographe Albert Demangeon remarque les potentialités de développement en banlieue sud encore assez faiblement urbanisées18. Dans La Seine, chef-lieu Paris (1937), le journaliste Léandre Vaillat met en rapport histoire, patrimoine ancien et constructions modernes dans les villes de première couronne. Les revues de La Vie urbaine et Urbanisme attirent l’attention sur les nappes de lotissements et les banlieues champignons qui, à l’instar d’Aulnay-sous-Bois, présentent une densité faible défavorable aux coûts de viabilisation et d’entretien des réseaux19. Les étudiants de l’IUUP – Institut d’urbanisme de l’université de Paris – livrent plusieurs thèses susceptibles d’orienter les PAEE communaux et la stratégie d’ensemble du PARP. Elles sont encadrées notamment par Marcel Poëte et Henri Prost qui y enseignent20. Plusieurs ouvrages destinés à un public plus large paraissent sous la plume de fervents propagandistes du « Paris nouveau », comme Albert Guérard, universitaire franco-américain, André Morizet, député-maire de Boulogne-Billancourt, et Jean Giraudoux, écrivain et diplomate qui tracent comme horizon d’attente du Grand Paris les aménagements du Grand Berlin21.

    19En plus des compte-rendus des commissions thématiques du CSAORP, les archives administratives de Paris et les Archives nationales ont conservé une littérature grise de notes, tableaux statistiques et cartographies des flux22. Comme sources principales, le Bureau d’extension de Paris, déjà cité, mais aussi les commissions du conseil municipal de la Ville de Paris et du conseil général de la Seine avec un corpus de mémoires et documents préalables à leurs délibérations sur l’aménagement, les réseaux et les transports. On y repère les deux contributeurs les plus saillants, membres du CSAORP, Henri Sellier, auteur de nombreux rapports au conseil général de la Seine, et François Latour, conseiller municipal de Paris, les deux poussant en avant un mode de gouvernance territoriale par la départementalisation. Si l’idée échoue sur les questions d’aménagement, elle s’avèrera efficace en matière de gestions des services techniques de distribution en eau potable et de réseaux de gaz et d’électricité. La plume de Latour résume ainsi à quelques années d’intervalle les objectifs, les attendus et les déceptions de l’organisation métropolitaine23.

    Le règlement du PARP et ses effets secondaires sur les périphéries

    20Le zonage du PARP compose donc avec une multitude de situations et d’intervenants sur une temporalité longue et avec des objectifs changeants. Une carte au 1/100 000e cartographie la répartition des communes en quatre classes de densités décroissantes : A, B, C et D, des portes de Paris vers les périphéries. En zone dense apparaissent également le bandeau de la vallée de la Seine, depuis l’amont à Villeneuve-Saint-Georges jusqu’aux Mureaux en aval, ainsi que quelques communes de grande couronne au milieu de zones rurales. Le plan de synthèse au 1/50 000e montre l’articulation des zones habitées avec les réseaux viaires existants et en projet.

    21C’est à l’échelle des plans communaux au 1/10 000e que se précise le « Programme des servitudes » couplant des règles traditionnelles d’alignements et de prospects avec des injonctions neuves de zoning par l’usage des sols24. Trois catégories se distinguent à l’intérieur des périmètres d’agglomération : habitations collectives et individuelles, zones mixtes avec commerces, zones industrielles. Les règles de prospect et d’épannelage ont pour but d’homogénéiser le paysage des nouvelles banlieues pour éviter le pêle-mêle d’immeubles, de maisons individuelles, de hangars et d’ateliers qui perturbe la petite couronne. À chacune des quatre classes de densité s’applique un paramétrage entre la hauteur à la corniche et au faîtage et la largeur des voies, dessinant ainsi des gabarits-enveloppe. Les règles de mitoyenneté et le profil des toitures diffèrent selon les types d’immeubles collectifs ou individuels. Le PARP introduit par ailleurs un facteur nouveau par rapport aux anciennes réglementations par prospect : celui de « zones d’habitation à pourcentage de construction limité » (article 29 du Programme des servitudes), correspondant au coefficient d’emprise au sol dans nos réglementations contemporaines, c’est-à-dire une proportion limite du sol imperméabilisable sur chaque parcelle. Ce pourcentage n’étant pas à confondre avec un rapport de densité ou coefficient d’occupation du sol dont la notion s’inscrira après-guerre dans le code de l’urbanisme (fig. 6).

    Fig. 6. – Schéma du gabarit sur les voies dans le programme de servitudes du PARP suivant les classes de densités A, B, C, D.

    Extrait de Gaston Bardet, « L’organisation de la région parisienne », L’Architecture d’Aujourd’hui, no 3, 20 ans d’urbanisme appliqué, mars 1939, p. 11-12. CAP : Revues numérisées.

    22Pour les voies suburbaines à projeter ou existantes – hors de leur passage dans les bourgs anciens – s’applique la règle dite du « double alignement », avec des bâtiments en retrait de l’espace public et l’introduction d’une bande non ædificandi réservant un jardin de devant sur les parcelles privées. L’objectif est de permettre d’exproprier cette lanière de jardin pour cause d’utilité publique afin, plus tard et si besoin, d’élargir la chaussée à la circulation ou de densifier le secteur par des opérations de démolition/reconstruction. L’architecte Henri Prost est directement à l’origine de ce dispositif réglementaire qui semble un bon compromis pour les finances communales et départementales. Il avait en effet introduit un dispositif similaire dans son PAEE intercommunal pour la Côte d’Azur varoise (1924-1925) en l’illustrant par une coupe de principe sur une voie de 30 mètres de façade à façade, réservant au milieu 20 mètres de chaussée et de trottoirs, et 5 mètres de jardins de chaque côté25.

    23Hors des périmètres urbanisables s’applique la catégorie des « zones non affectées », ou « zones non affectées non boisées » (ZNA) recouvrant les exploitations agricoles, avec des fermes et terrains cultivables. Dans ces ZNA ne sont acceptées de nouvelles constructions que pour les usages agricoles. Les « maisons de plaisance » (c’est-à-dire les maisons secondaires) y sont cependant tolérées, ainsi que des maisons individuelles ordinaires et des bâtiments d’activité, mais sous certaines conditions de taille parcellaire, et après autorisation préfectorale. Il est alors recommandé d’éviter « que cette extension ne se fasse comme elle s’est faite depuis quinze ans, au moyen d’un pullulement des lotissements en désordre », et de concevoir une architecture « au point de vue esthétique […] de manière à ne pas déparer le paysage, et d’autre part à ne pas grever inutilement et exagérément les finances des collectivités26 ».

    24Les procédures spéciales d’autorisation à construire dans les ZNA alertent les contemporains sur le risque d’un urbanisme dérogationnel. Ainsi l’urbaniste Gaston Bardet doute des effets dissuasifs :

    « D’après les agissements actuels, on peut craindre que cette immense zone non affectée devienne une zone industrielle privilégiée et conduise à un éparpillement d’industries derrière des rideaux d’arbres27. »

    25En plus du statut ambigu de ces ZNA, d’autres réglementations pour la protection des forêts, aux effets non anticipés, ont sans doute contribué à encourager la construction en diffus. Il s’agit des lois du 14 mai 1932 sur la protection des sites et celle du 19 juillet 1932 relative au défrichement des bois des particuliers. En limitant les autorisations à construire sur les forêts privées à un seul hectare, elles vont avoir pour conséquence de multiplier les micro-lotissements correspondant grosso modo à une dizaine de maisons. Consciente des conséquences, la Société française des Urbanistes invite à fixer une surface minimum plus importante pour tout projet de lotissement afin de pouvoir réaliser des équipements et petits centres de quartier, mais cela n’aboutira pas28.

    26En résumé, l’entre-deux-guerres a généré trois grandes catégories morphologiques de lotissements en fonction de l’offre foncière et du cadre réglementaire : certains de grande taille, autorisés jusqu’en 1932, reconnaissables à leurs trames géométriques par addition de fragments contigus (plans en grille, ronds-points en étoile reprenant souvent les tracés forestiers plus anciens), mais pour autant manquant de voies de liaison avec d’autres quartiers ; des micro-lotissements limités à l’ouverture d’une voie en impasse au milieu d’anciennes parcelles agricoles ou boisées ; une urbanisation diffuse à la parcelle le long des voies et chemins existants. Les architectures héritées sont assez hétérogènes, parfois issues de la reconstruction au coup par coup d’anciennes baraques grâce à la loi Loucheur. Pour autant, quelques-unes témoignent d’investissements groupés, avec des maisons construites en bande ou jumelées, sans compter les quelques cités patronales qualifiées hâtivement de cités-jardins et qui en général ont été patrimonialisées. Globalement, les indices de centralités (équipements et commerces) restent faibles dans ces nappes pavillonnaires de l’entre-deux-guerres.

    Épilogue

    27De par son ampleur géographique et sa complexité, le PARP va servir en retour de laboratoire à la planification nationale. Et ce n’est pas un hasard si le décret ouvrant à son enquête publique est promulgué le 25 juillet 1935, soit le jour même que le vote de la première loi sur l’aménagement régional s’appliquant à la métropole et aux colonies.

    28Sous le gouvernement de Vichy, la tutelle de l’aménagement de la région parisienne est confiée à la nouvelle Direction générale de l’équipement national (DGEN), laquelle se substitue au ministère de l’Intérieur pour les questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire (lois du 23 février 1941 et du 6 avril 1941). Le CSAORP est supprimé par la loi du 2 février 1941. À sa place est institué un organe consultatif, le Comité d’aménagement de la Région parisienne (CARP) qui dispose dorénavant d’un service technique véritablement dédié, le Service d’aménagement de la région parisienne (SARP). Maintenus à la Libération, le CARP et le SARP seront alors rattachés au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) et prépareront la révision du PARP.

    29Celui-ci une fois révisé en 1956 – pour introduire principalement le centre d’affaire de La Défense – commencent les études pour un nouveau plan directeur, le PADOG (Plan d’aménagement et d’organisation générale), sous la conduite de Pierre Sudreau, commissaire à la construction et à l’urbanisme pour la région parisienne, puis ministre de la Construction. Le PADOG, approuvé par décret le 6 août 1960, renoue avec un urbanisme d’extension. On reparle d’implanter des cités nouvelles mixtes aux quatre points cardinaux dans un rayon de 40 à 50 km de Paris, en même temps que poussent les premiers grands ensembles monofonctionnels à la suite de la loi sur les ZUP du 7 août 1957. Le PADOG bénéficie d’outils nouveaux : d’un bureau d’études sur la région, l’IAURP (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne), et des statistiques produites par l’INSEE.

    30Le PADOG pallie certains impensés et faiblesses méthodologiques du PARP. S’inspirant sans doute du plan Abercrombie pour le Grand Londres (1943 et 1944), il distingue deux échelles de planification : un plan directeur général sur l’ensemble du territoire francilien ; des plans d’occupation des sols communaux, afin de prendre en compte les temporalités décalées entre la réalisation des grandes infrastructures et la gestion ordinaire des permis de construire. Le règlement de construction différencie dorénavant les zones urbaines (existantes, en voie d’urbanisation ou à urbaniser, industrielles) de celles à caractère rural. La polycentralité métropolitaine est volontairement renforcée autour des villes importantes et des villes moyennes hors agglomération, ainsi que l’industrialisation du bandeau aval de la Seine jusqu’à Mantes. Dans la continuité du PARP, le PADOG sanctuarise une couronne d’espaces agricoles et de forêts dans un large périmètre autour de l’agglomération. Cependant la systématisation de l’échelle de voisinage fait toujours défaut, au contraire du Grand Londres qui applique à chaque commune de banlieue une grille programmatique pour renforcer commerces et services de proximité et limiter les distances du quotidien à pied ou en bus.

    31Le cadre législatif sur les sociétés d’économie mixte (loi Bloch-Lainé de 1955) ouvre le verrou à des opérations concertées avec les départements et non plus seulement avec les communes. La promotion privée, soutenue par des consortiums bancaires, réalise alors de grandes opérations résidentielles pour les catégories intermédiaires et les cadres, telles Parly 2 au Chesnay-Rocquencourt et Vélizy-Villacoublay. Des sociétés d’aménageurs lotisseurs de maisons individuelles réapparaissent dans le paysage des acteurs. Une nouvelle offre à l’américaine donne quelques Levitt Towns et lotissements Kaufmann avec des maisons vendues sur catalogue, et des espaces publics livrés clés en main accompagnés de quelques équipements et petits centres commerciaux. Les parcelles en diffus intéressent de nouvelles sociétés de constructeurs spécialisées dans les maisons préfabriquées bon marché, comme Phénix qui propose à ses clients des modalités de crédit et des prestations de maîtrise d’œuvre. Sans oublier l’auto-construction non négligeable pour les populations modestes issues en particulier de l’immigration. Anciens lotissements et nouvelles nappes pavillonnaires vont ainsi composer avec un urbanisme de secteurs, dans l’entre-deux d’infrastructures routières, et les ménages compenseront par la fréquentation des centres commerciaux en automobile l’urbanité manquant à leur quartier.

     

    32La thèse de Jean Bastié, La Croissance de la banlieue parisienne (1964)29, paraît bien à propos alors que se prépare, sous la conduite de Paul Delouvrier, le SDRAURP qui sera validé en 1965 et éclipsera le PADOG. Bastié annonce avoir procédé par une « sorte de coupe de la plus proche à la plus lointaine banlieue », du point de vue spatial et temporel, en mobilisant les archives locales, la cartographie historique depuis l’Ancien Régime, les statistiques prospectives. À la croisée de la géographie humaine et de la morphogénèse des territoires, son étude n’a rien perdu de son acuité épistémologique et invite à revisiter la fabrication des territoires suburbains dans le double regard des grands actes d’aménagement portés par la puissance publique et de l’urbanisme ordinaire, dans un contexte parcellaire très divers, certes soumis à des réglementations sans pour autant faire l’objet d’une réelle planification.

    Bibliographie

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    DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.2426

    Notes de bas de page

    1Voir C. Jaquand, « La théorie du Grand Paris dans l’entre-deux-guerres ».

    2CSAORP, Programme général du plan d’aménagement de la région parisienne, Introduction de Louis Dausset, Exposé général de Henri Prost, 2 + 15 pages, 14 mai 1934, CAAC : Fonds Prost, 343 AA 80, HP DES 2/1 à 6.

    3W. Oualid, « La rétroactivité des lois de 1919 et 1924 relatives au plan des villes », p. 856-867.

    4Voir par ex. R. Neff, « Aulnay-sous-Bois, Son évolution, sa situation actuelle » ; M.-J. Descoutures, « Une étape dans l’aménagement de la banlieue nord-est de Paris », p. 278-302.

    5J. Taricat, Suburbia. Une utopie libérale ; A. Faure, Les premiers banlieusards ; A. Fourcaut, La banlieue en morceaux ; G. Montigny et A. Tanter-Toubon, Regards savants sur la banlieue parisienne.

    6V. Bonnefond, « Les colonies de bicoques de la région parisienne », p. 525-562 et p. 597-626 ; M. J. Descouture, « Une étape dans l’aménagement de la banlieue nord-est de Paris ».

    7Sur une forêt, lotissements du Vert-Galant approuvé le 24 juillet 1925 et Bois-Saint-Denis en 1929 ; celui des Cottages sur une plaine agricole.

    8D. Larroque, M. Margairaz, P. Zembri, Paris et ses transports xixe-xxe siècles, p. 164.

    9La loi Ribot du 10 avril 1908 avait favorisé l’accès à la petite propriété par la création de sociétés régionales de Crédit Immobilier qui pouvaient emprunter aux fonds de la Caisse nationale des Retraites. La loi Ribot avait élargi par ailleurs le rôle de la Caisse des dépôts qui depuis 1905 était chargée de financer le logement social locatif.

    10G. Benoît-Lévy, Paris s’étend.

    11Entre autres sur le CSAORP : A. Fourcaut, « Le Comité Supérieur d’Aménagement et d’Organisation de la Région Parisienne et les lotissements, de la loi Sarraut à la remise du Plan Prost (1928-1934) », p. 46-57.

    12M. Auburtin, L’Urbanisme d’une région parisienne ; R. Dautry, L’Urbanisme d’une région parisienne ; J. Berteaux, « Le Grand Paris du Nord-Est. Un projet de ville modèle aux portes de la capitale ».

    13Conseil général de la Seine, Rapport au nom de la Commission de l’extension, de l’aménagement et de l’habitation dans l’agglomération parisienne, sur l’aménagement de la région de la Belle-Epine. Rapport présenté par M. Henri Sellier, no 16, s.d. [1931], BHdV, Fonds Henry Puget, Papiers relatifs à l’aménagement de la région parisienne, 1928-1958, f. 84-120.

    14René Humery (en collaboration avec Henri Sellier), 10 cartes de la Région parisienne au 1/100 000e, Clamart, G. Peltier, 1935 (3e édition) ; Préfecture de la Seine, « Recommandations faites par M. Forestier… », 9 février 1922, 2 pages, et « Note à l’appui du plan des espaces. Étude de 1924 », 1924, 13 pages, AN : 19770911/5.

    15Étude Prost-Dautry (1929) et « Note sur la préparation d’un plan d’aménagement de la région parisienne », par MM. Dautry et Prost.

    16Présidé par Chardon, également président de section au Conseil d’État, ce « comité technique » groupe de pilotage est composé de Prost (en tant que « représentant le bureau technique chargé du projet du PARP »), des ingénieurs : Henri Giraud, directeur général des Travaux de Paris, Emile Jayot, directeur de l’Extension, Raoul Dautry, directeur général des Chemins de fer de l’État, ainsi que d’Henri Puget, maître de requête au Conseil d’État et rapporteur général du CSAORP. Cf. C. Jaquand, « La théorie du Grand Paris dans l’entre-deux-guerres », p. 35.

    17Sur la première enquête sur le projet du PARP close pendant l’hiver 1935-1936 : L. Coudroy de Lille et B. Fernandez, « Entre enquête publique et consultation. Le projet d’aménagement de la région parisienne 1934-1937 », p. 51-69.

    18A. Demangeon, Paris, la Ville et sa banlieue ; sur la banlieue sud, G. Vergez-Tricom, « Le relief des environs de Paris », p. 523-542.

    19M. J. Descoutures, « Une étape dans l’aménagement de la banlieue nord-est », p. 278-302.

    20Thèses de l’IUUP École d’urbanisme de Paris, Bibliothèque Poëte et Sellier : Neff Robert, Aulnay-sous-Bois, son évolution, sa situation actuelle, sous la direction de Marcel Poëte, 1936 ; encadrées par Henri Prost : Pineau Louis Georges, La circulation à Paris, 1927 ; Robert Pierre, Étude d’une cité-jardin à Bièvres, Seine-et-Oise, 1930 ; Rameau Émile, Urbanisme de la région de Corbeil-Essonnes, 2 vol., 1935 ; Gutton André, Le Rôle du département de Seine-et-Oise dans l’aménagement de la région parisienne, 2 vol., 1935 ; Lucas Albert, Cité satellite créée à l’occasion de l’exposition internationale de 1ère classe, 1936 ; Roux Marcel, Protection de la terrasse de Saint-Germain-en-Laye et des berges de la Seine, 2 vol., 1936 ; Hardel Jean, Saint-Germain-en-Laye et les communes qui l’environnent, 1939.

    21A. Guérard, L’avenir de Paris. Urbanisme français et urbanisme américain ; A. Morizet, Du vieux Paris au Paris moderne, Haussmann et ses prédécesseurs ; Jean Giraudoux, Berlin.

    22Principaux fonds aux Archives de Paris, Archives nationales, Bibliothèque de l’Hôtel de Ville, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Fonds Henri Prost au Centre d’archives d’architecture contemporaine.

    23F. Latour, Le « plus Grand Paris ». Problème national ; Le « plus Grand Paris ». Problème d’autorité ; L’Aménagement du « Grand Paris ». Où en sommes-nous ? ; Paris 1937 et le Grand Paris.

    24PARP, Programme général des servitudes, 1939 [ronéotypé], 37 p. 13, ADP : 1934 W.

    25T. Barnier, « Côte d’Azur varoise ».

    26« Note sur le projet d’aménagement de la région parisienne, s.a., s.d. »

    27G. Bardet, « L’organisation de la région parisienne ».

    28Urbanisme, no 8-9, p. 264.

    29J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne.

    Auteur

    Corinne Jaquand

    Maître de conférences HDR, École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (IPRAUS/UMR AUSser 3329)

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    1Voir C. Jaquand, « La théorie du Grand Paris dans l’entre-deux-guerres ».

    2CSAORP, Programme général du plan d’aménagement de la région parisienne, Introduction de Louis Dausset, Exposé général de Henri Prost, 2 + 15 pages, 14 mai 1934, CAAC : Fonds Prost, 343 AA 80, HP DES 2/1 à 6.

    3W. Oualid, « La rétroactivité des lois de 1919 et 1924 relatives au plan des villes », p. 856-867.

    4Voir par ex. R. Neff, « Aulnay-sous-Bois, Son évolution, sa situation actuelle » ; M.-J. Descoutures, « Une étape dans l’aménagement de la banlieue nord-est de Paris », p. 278-302.

    5J. Taricat, Suburbia. Une utopie libérale ; A. Faure, Les premiers banlieusards ; A. Fourcaut, La banlieue en morceaux ; G. Montigny et A. Tanter-Toubon, Regards savants sur la banlieue parisienne.

    6V. Bonnefond, « Les colonies de bicoques de la région parisienne », p. 525-562 et p. 597-626 ; M. J. Descouture, « Une étape dans l’aménagement de la banlieue nord-est de Paris ».

    7Sur une forêt, lotissements du Vert-Galant approuvé le 24 juillet 1925 et Bois-Saint-Denis en 1929 ; celui des Cottages sur une plaine agricole.

    8D. Larroque, M. Margairaz, P. Zembri, Paris et ses transports xixe-xxe siècles, p. 164.

    9La loi Ribot du 10 avril 1908 avait favorisé l’accès à la petite propriété par la création de sociétés régionales de Crédit Immobilier qui pouvaient emprunter aux fonds de la Caisse nationale des Retraites. La loi Ribot avait élargi par ailleurs le rôle de la Caisse des dépôts qui depuis 1905 était chargée de financer le logement social locatif.

    10G. Benoît-Lévy, Paris s’étend.

    11Entre autres sur le CSAORP : A. Fourcaut, « Le Comité Supérieur d’Aménagement et d’Organisation de la Région Parisienne et les lotissements, de la loi Sarraut à la remise du Plan Prost (1928-1934) », p. 46-57.

    12M. Auburtin, L’Urbanisme d’une région parisienne ; R. Dautry, L’Urbanisme d’une région parisienne ; J. Berteaux, « Le Grand Paris du Nord-Est. Un projet de ville modèle aux portes de la capitale ».

    13Conseil général de la Seine, Rapport au nom de la Commission de l’extension, de l’aménagement et de l’habitation dans l’agglomération parisienne, sur l’aménagement de la région de la Belle-Epine. Rapport présenté par M. Henri Sellier, no 16, s.d. [1931], BHdV, Fonds Henry Puget, Papiers relatifs à l’aménagement de la région parisienne, 1928-1958, f. 84-120.

    14René Humery (en collaboration avec Henri Sellier), 10 cartes de la Région parisienne au 1/100 000e, Clamart, G. Peltier, 1935 (3e édition) ; Préfecture de la Seine, « Recommandations faites par M. Forestier… », 9 février 1922, 2 pages, et « Note à l’appui du plan des espaces. Étude de 1924 », 1924, 13 pages, AN : 19770911/5.

    15Étude Prost-Dautry (1929) et « Note sur la préparation d’un plan d’aménagement de la région parisienne », par MM. Dautry et Prost.

    16Présidé par Chardon, également président de section au Conseil d’État, ce « comité technique » groupe de pilotage est composé de Prost (en tant que « représentant le bureau technique chargé du projet du PARP »), des ingénieurs : Henri Giraud, directeur général des Travaux de Paris, Emile Jayot, directeur de l’Extension, Raoul Dautry, directeur général des Chemins de fer de l’État, ainsi que d’Henri Puget, maître de requête au Conseil d’État et rapporteur général du CSAORP. Cf. C. Jaquand, « La théorie du Grand Paris dans l’entre-deux-guerres », p. 35.

    17Sur la première enquête sur le projet du PARP close pendant l’hiver 1935-1936 : L. Coudroy de Lille et B. Fernandez, « Entre enquête publique et consultation. Le projet d’aménagement de la région parisienne 1934-1937 », p. 51-69.

    18A. Demangeon, Paris, la Ville et sa banlieue ; sur la banlieue sud, G. Vergez-Tricom, « Le relief des environs de Paris », p. 523-542.

    19M. J. Descoutures, « Une étape dans l’aménagement de la banlieue nord-est », p. 278-302.

    20Thèses de l’IUUP École d’urbanisme de Paris, Bibliothèque Poëte et Sellier : Neff Robert, Aulnay-sous-Bois, son évolution, sa situation actuelle, sous la direction de Marcel Poëte, 1936 ; encadrées par Henri Prost : Pineau Louis Georges, La circulation à Paris, 1927 ; Robert Pierre, Étude d’une cité-jardin à Bièvres, Seine-et-Oise, 1930 ; Rameau Émile, Urbanisme de la région de Corbeil-Essonnes, 2 vol., 1935 ; Gutton André, Le Rôle du département de Seine-et-Oise dans l’aménagement de la région parisienne, 2 vol., 1935 ; Lucas Albert, Cité satellite créée à l’occasion de l’exposition internationale de 1ère classe, 1936 ; Roux Marcel, Protection de la terrasse de Saint-Germain-en-Laye et des berges de la Seine, 2 vol., 1936 ; Hardel Jean, Saint-Germain-en-Laye et les communes qui l’environnent, 1939.

    21A. Guérard, L’avenir de Paris. Urbanisme français et urbanisme américain ; A. Morizet, Du vieux Paris au Paris moderne, Haussmann et ses prédécesseurs ; Jean Giraudoux, Berlin.

    22Principaux fonds aux Archives de Paris, Archives nationales, Bibliothèque de l’Hôtel de Ville, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Fonds Henri Prost au Centre d’archives d’architecture contemporaine.

    23F. Latour, Le « plus Grand Paris ». Problème national ; Le « plus Grand Paris ». Problème d’autorité ; L’Aménagement du « Grand Paris ». Où en sommes-nous ? ; Paris 1937 et le Grand Paris.

    24PARP, Programme général des servitudes, 1939 [ronéotypé], 37 p. 13, ADP : 1934 W.

    25T. Barnier, « Côte d’Azur varoise ».

    26« Note sur le projet d’aménagement de la région parisienne, s.a., s.d. »

    27G. Bardet, « L’organisation de la région parisienne ».

    28Urbanisme, no 8-9, p. 264.

    29J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne.

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    Jaquand, C. (2025). L’impact du plan d’aménagement de la Région parisienne (PARP) sur les périphéries ordinaires de la banlieue (1934-1956). In F. . Bourillon & D. . Menjot (éds.), Les espaces périphériques des villes occidentales : identités et mutations de l’Antiquité à nos jours (1‑). Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques. https://doi.org/10.4000/13d41
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    Bourillon, Florence, et Denis Menjot, éditeurs. Les espaces périphériques des villes occidentales : identités et mutations de l’Antiquité à nos jours. Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2025, https://doi.org/10.4000/13d44.
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