Introduction

1Les textes qui suivent1 proposent d’entrer dans l’histoire des amateurs en sciences par les collections2. Une telle approche n’est pas exceptionnelle en histoire des sciences, et s’est développée dans les dernières années (par exemple, Knell 2000, Klemun et al. 2018). De même, l’association des amateurs et des collections est courante, aboutissant parfois à la réduction de l’amateur au collectionneur – d’art, d’autographes, de gravures, de livres, etc. – et à une culture maintenue de la curiosité (Guichard 2008, Pomian 1987, Laurens, Pomian 1992).

2Une telle approche présente cependant un double avantage. Elle permet en premier lieu de mener une histoire des amateurs « au ras du sol », pour reprendre la proposition de Jacques Revel (Revel 1989, 1996) : c’est-à-dire une histoire non surplombante, qui s’émancipe des jugements formulés par les institutions savantes sur ceux qui ne sont pas considérés comme des « professionnels », et qui permet de suivre les acteurs sur le terrain, dans leurs pratiques, à partir d’une des traces matérielles laissées par ces pratiques. Comme le souligne Revel, ce point de vue a néanmoins un prix : il implique un choix d’échelle réduite. L’histoire au ras du sol est nécessairement une histoire locale, parfois l’articulation dans un tableau plus vaste d’histoires locales toujours pour partie discrètes.

3Mais les collections, bien que situées dans l’espace et issues de pratiques rendues visibles à l’échelle du local, sont aussi sous certains aspects des faits globaux : elles recèlent presque toujours des objets venus d’ailleurs et attirent des visiteurs qui ont eux-mêmes parfois voyagé de loin pour les visiter. Aussi les petits musées, publics ou privés, peuvent-ils être décrits en termes de lieux de rencontre (sites of encounters), de zones de contact (contact zones) et d’espace d’acculturation (transculturation), pour reprendre le vocabulaire des promoteurs d’une histoire globale des sciences (Roberts 2009, Pratt 1992). Ainsi entendues, les collections s’avèrent particulièrement intéressantes pour qui souhaite mettre en lumière le fait que la science des amateurs, qui les ancre dans un territoire, est aussi susceptible de les relier au monde.

4Les articles qui suivent soulignent cette double dimension. Ils mettent l’accent sur les pratiques de collecte, de conditionnement, de classement et de mise en scène des collections, et sur la manière dont ces pratiques construisent les savoirs. Ils analysent aussi les circulations d’hommes et d’objets qu’impliquent les collections, de même que les usages sociaux qu’elles autorisent.