1Mendiants, prêtres réfractaires et opposants politiques sont autant de victimes de la « guillotine sèche1 ». L’ambiguïté de la déportation tient au fait qu’elle recouvre aussi des départs volontaires. On peine alors à distinguer cette catégorie de celle des réfugiés, malgré certaines tentatives de clarification2. Inversement des pratiques de déportation ont été opérées sous une autre terminologie, comme les mises sous « surveillance hors du territoire de la République » de l’époque napoléonienne. Enfin, les déportations n’ont pas lieu simplement de l’espace métropolitain vers les colonies, ni même comme au xix^e siècle d’une colonie vers l’autre (Corse comprise, on le verra), mais également de l’espace colonial vers le territoire hexagonal. Des mendiants aux députés, des personnages les plus obscurs à Toussaint Louverture, ces catégories n’avaient d’autre point commun que d’être indésirables aux yeux des autorités, car jugées indignes d’appartenir à la nation. Si les gouvernements, les pratiques administratives et les cibles changent, la pratique demeure jusqu’à la fin de l’Empire.

2Ces pratiques ont été étudiées pour la période 1789-1815 jusqu’à présent de manière catégorielle : les prêtres ont fait l’objet de travaux qui relèvent souvent du martyrologe et qui ne distinguent pas toujours les départs volontaires en émigration de ceux qui subissaient la déportation par refus de se soumettre à la loi3. Les déportations d’opposants politiques en France ont été traitées en fonction des vagues qu’ils constituaient, et ceux qui ont été déportés depuis les colonies ont très peu attiré l’attention des historiens4. En amont de ses recherches sur le bagne de Nouvelle-Calédonie, José-Louis Barbançon a publié il y a plus de vingt ans un article montrant que la déportation est devenue une peine politique sous la Révolution5. Je me propose ici de rouvrir ce chantier resté en friche en présentant les pistes d’une recherche en cours. Je commencerai par revenir sur cette nébuleuse juridique, avant de démontrer que la déportation peut être considérée comme un outil de définition des contours de la nation, mais aussi déjà comme un instrument de colonisation.

Une nébuleuse juridique

3Les déportations ont donné lieu à de multiples textes de loi, comme en atteste a posteriori le Code des émigrés, déportés et condamnés révolutionnairement, publié en 18256. Cet ouvrage est consacré aux individus qui pouvaient réclamer une indemnité versée en application de l’ordonnance royale du 17 avril 1825 reconnaissant l’indépendance d’Haïti ou de celle du 27 avril 1825 sur les émigrés7. Il s’inscrivait dans la continuité d’autres compilations produites dès la Convention8. Celles-ci témoignent bien de la confusion née de la multiplicité de textes associant émigrés, déportés et autres « brigands ». Ainsi de la loi du 18 messidor an VI (6 juillet 1798) qui autorisait les visites domiciliaires pour l’arrestation des « agents de l’Angleterre, les émigrés rentrés, les prêtres déportés rentrés ou sujets à la déportation, les égorgeurs, les brigands, les chefs de Chouans9 ». Mais le terme de déporté, dans les textes de loi comme dans les archives, peut recouvrir d’autres situations : le départ volontaire, une condamnation prononcée par la Grande-Bretagne dans les territoires caribéens qu’elle occupe, voire une simple expulsion à l’étranger. Enfin, signalons d’ores et déjà que bon nombre de ces condamnations ont été converties en incarcération sur des pontons faute de pouvoir franchir les mers.

4Les déportés qui sont partis volontairement de Saint-Domingue et ceux qui en ont été expulsés par les autorités françaises ou britanniques apparaissent parfois dans les archives, en tant que déportés, aux côtés des réfugiés dans les demandes d’indemnité adressées aux autorités républicaines françaises, ce qui laisse planer un doute sur les conditions de leur départ (sous la contrainte des événements ou sous celle des autorités françaises). Ils ne sont pas nécessairement les bienvenus en France où ils sont suspects d’incivisme. De ce fait, certains déportés ayant purgé une peine de prison à leur arrivée omettaient parfois de mentionner leur incarcération au moment de demander les secours au gouvernement français10. Il faut dire que leur itinéraire pouvait paraître discutable : partis dans le contexte des violences liées aux modalités particulièrement complexes du processus caribéen, ils avaient parfois transité par les États-Unis d’où le consul, particulièrement Genet, veillait à les renvoyer en France. En outre, à leur arrivée dans l’hexagone, ils pouvaient se trouver en décalage avec la situation politique qu’ils y découvraient.

5Les condamnés à la déportation depuis la France étaient pour leur part souvent associés aux émigrés dans les textes de loi qui les plaçaient à un niveau proche de l’infamie11. Le décret des 29 et 30 vendémiaire an II (20 et 21 octobre 1793) relatif aux ecclésiastiques réfractaires sujets à la déportation (car ayant refusé de se soumettre au décret du 26 août 1792 qui leur imposait de quitter le territoire) décide de la confiscation de leurs biens et les déclare réputés émigrés. Il prévoit leur condamnation à mort dans les vingt-quatre heures s’ils n’obéissent pas à la peine (article 17)12. En revanche, la loi du 7 fructidor an V (24 août 1797) rapportait celle sur la déportation des prêtres réfractaires et condamnés pour incivisme, ainsi que leur assimilation aux émigrés13. En l’an VII, pour faciliter l’application de la peine de déportation, les condamnés sont de nouveau menacés du séquestre de leurs biens, mis sous scellés du moment où la condamnation est prononcée jusqu’au moment où le condamné rejoint le lieu de sa déportation. De même, aux termes de la loi du 19 brumaire an VII (9 novembre 1798), les déportés qui se soustraient à la déportation ou qui s’enfuient du lieu où ils doivent purger leur peine sont assimilés aux émigrés14. Enfin, et non sans paradoxe, la loi du 3 nivôse an VIII (24 décembre 1799) déclare émigrés les déportés qui rentreraient en France15.

6La fluidité des termes d’émigré et de déporté joue à plein dans l’affaire des naufragés échoués à Calais le 23 brumaire an IV (14 novembre 1795). Les survivants sont reconnus comme étant des émigrés (embarqués sur trois navires, ils viennent d’un port allemand) ; le 16 thermidor an V (3 août 1797), ils sont condamnés à être déportés – c’est-à-dire ici expulsés. Cette décision n’ayant pu être appliquée du fait du coup d’État de fructidor, c’est finalement l’arrêté du 18 frimaire an VIII (9 décembre 1799) qui résout le problème en reprenant les mêmes arguments :

« Considérant 1°) que les détenus au château de Ham ont fait naufrage sur les côtes de Calais ; 2°) Qu’ils ne sont dans aucun cas prévu par les lois sur les émigrés 3°) Qu’il est hors du droit des nations policées de profiter de l’accident d’un naufrage […] Les émigrés français naufragés à Calais […] seront déportés hors du territoire de la République16. »

7La qualification du déporté comme émigré, étroitement liée au contexte politique, est de première importance, car elle peut impliquer la confiscation des biens et la mort civile, mais aussi la peine de mort aux termes de la loi du 28 mars 1793. Cette même loi prévoit de déporter les femmes émigrées âgées de 14 à 21 ans qui seraient rentrées en France illégalement (article 78)17. De même, une loi du 25 brumaire an III (15 novembre 1794), qui bannit les émigrés à perpétuité, prévoit de déporter les enfants âgés de moins de 16 ans qui seraient rentrés. Par chance pour eux, ils sont rarement inscrits nominativement sur les listes d’émigrés18.

Définir les contours de la nation

8Quoiqu’étant une peine infamante19, la déportation apparaît donc comme une alternative plus humaine à la peine de mort. Elle permet de limiter l’usage de la violence. On peut lire sous cet angle la demande de la société populaire de Poitiers qui propose que soient déportées les femmes d’émigrés emprisonnées20. Alors que la violence politique atteint des niveaux extrêmes, la déportation apparaît comme une solution pour éliminer une opposition politique sans plonger dans un bain de sang par application de la peine capitale. Il a été démontré par Howard Brown que les déportations qui ont lieu après le coup d’État de fructidor sont très étroitement liées à l’activité politique des condamnés : il s’agit donc bien d’éliminer une opposition royaliste qui se reforme et de rétablir l’ordre républicain sans avoir recours massivement à l’exécution capitale21. Cela atteste, certes, d’une judiciarisation du politique : celle-ci permet depuis la Terreur de maintenir un cadre légal évitant de basculer dans une violence illimitée sous la pression populaire22.

9La déportation est initialement soumise à la discussion par les députés (en particulier Leblond pour le comité de Mendicité et Le Pelletier pour le Code civil) chargés de résoudre le problème de la récidive. L’objectif est de débarrasser la nation d’individus indésirables et jugés incurables23 en les renvoyant aux marges de l’Empire, en Guyane ou à Madagascar. Puis l’idée émerge d’appliquer le dispositif aux indésirables politiques, à commencer par les prêtres réfractaires (décret du 26 août 1792) qu’on envisage d’envoyer en Guyane, puis les suspects d’incivisme. L’objectif est donc de punir ces individus qui ont enfreint la loi et d’extirper l’esprit contre-révolutionnaire qu’ils pourraient semer en France. La mesure n’offre aucune une chance de réhabilitation : selon le décret du 5 frimaire an II (25 novembre 1793), la déportation ne serait prononcée désormais que pour la vie entière de celui qui y serait condamné24. Après la Terreur, le dispositif vise des factions : un décret de la Convention thermidorienne condamne le 1^er avril 1795 (12 germinal an III) Collot d’Herbois, Billaud-Varenne, Barère et Vadier à la déportation en Guyane. Deux ans plus tard y sont envoyés ceux qui étaient accusés par le corps législatif après le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), soit 65 membres du Conseil des Cinq-Cents, deux directeurs (Carnot et Barthélémy), des généraux, des journalistes, des prêtres, des émigrés rentrés, etc., plusieurs centaines d’individus au total25. À son tour Napoléon Bonaparte élimine par la déportation l’opposition républicaine au lendemain de l’attentat de la rue Saint-Nicaise du 3 nivôse an VIII (24 décembre 1800) : par le sénatus-consulte du 14 nivôse an IX (4 janvier 1801) 130 personnes sont condamnées à être mises « sous surveillance spéciale, hors du territoire européen de la République ».

10À côté de ces condamnations à une déportation outre-mer (Guyane, Madagascar, Sénégal pour l’essentiel) se dessine un mouvement inverse : depuis l’espace caribéen sont déportés des opposants politiques et des prisonniers de guerre qui sont envoyés en France pour y être jugés. Ces opérations sont autant politiques que militaires quand Sonthonax, en 1793, fait embarquer Cambefort, colonel du régiment du Cap, et ses hommes accusés d’avoir soulevé les esclaves dans le but de rétablir l’Ancien Régime26, ou quand un autre groupe est déporté suite à la tentative de « coup d’État mulâtre » du 20 ventôse an IV (mars 1796)27, et surtout quand la déportation est appliquée aux prisonniers de guerre capturés durant la campagne de 1802-1803, au mépris des règles du droit de la guerre. Le décret du 30 floréal an X (20 mai 1802) et un arrêté du 5 thermidor (24 juillet) de la même année décident de la déportation des hommes de couleur pris à Saint-Domingue et en Guadeloupe. Ils seraient peut-être 1 500 à Brest, venus de la Guadeloupe reconquise par Richepanse28.

Des auxiliaires involontaires de la colonisation

11L’idée d’utiliser les déportés comme auxiliaires de la colonisation émerge des discussions sur le sort des prêtres réfractaires en 1792. Certains députés pensent pouvoir compter sur eux pour « civiliser » les populations locales. Mais d’autres acteurs du débat, en France ou en Guyane, s’alarment de la contamination des indigènes par ces prêtres contre-révolutionnaires. Inversement Collot d’Herbois, déporté après Thermidor, inquiète à cause des projets subversifs qu’il diffusait en faveur de la distribution de terres aux noirs29. Il est accusé de les inciter à la révolte. Malgré ces craintes, un mouvement se dessine déjà pour que les déportés soient utilisés pour renforcer la présence française outre-mer.

12Le projet que rédige Coquereau, ancien contrôleur de la Marine au port de Cherbourg et ancien ordonnateur à Madagascar, le 29 brumaire an II (19 novembre 1793) va dans ce sens30. L’officier voit de toute évidence dans les discussions sur la déportation une occasion pour faire pression en faveur d’une reprise de la colonisation de l’île. Il commence son rapport en écartant la Guyane, qui lui paraît trop insalubre pour que l’on envisage d’y établir les déportés. À Madagascar, la France a conservé des postes de traite et une influence notable qui lui est utile pour acheter des esclaves destinés à travailler dans les plantations de l’île Bourbon. Coquereau ne voit pas de difficulté à obtenir l’autorisation du souverain local, mais s’inquiète davantage des puissances étrangères colonisatrices concurrentes, dont l’appétit peut être aiguisé en voyant la France y implanter des déportés. Il propose un établissement à Port Dauphin, port de traite occupé par des troupes françaises dans le sud-est de l’île. L’officier prévoit de séparer les mendiants des prêtres durant le trajet, sans qu’on sache laquelle des deux catégories est à ses yeux la plus menaçante. Il s’inquiète de savoir comment on emploierait ces hommes, car l’oisiveté ne peut qu’être nuisible. Il recommande aussi – selon l’usage et parce que c’est nécessaire, écrit-il – qu’à l’arrivée chaque homme prenne femme (là aussi sans préciser ce qu’il en est des prêtres). La colonie pénitentiaire a donc clairement pour objectif de renforcer la présence française : encourager les unions mixtes ne peut que renforcer le poids de l’élite franco-malgache déjà présente et être favorable au commerce français, et donc à terme à l’expansion française dans l’île31. De même, durant la campagne de Leclerc à Saint-Domingue, est-il décidé d’envoyer les prisonniers noirs jugés les plus dangereux fonder une colonie au Venezuela32. Manifestement, il s’agit là de se débarrasser d’hommes trop marqués par leur passé militaire pour être employés ou pour être vendus, mais susceptibles d’entamer l’occupation de l’espace colonial. Mais nombreux sont aussi ceux qui sont envoyés en dépôt dans les bagnes français.

13Face à l’encombrement qui en résulte, un premier projet destiné à soulager le bagne de Brest prévoit d’enrôler 600 de ces hommes de couleur déportés de Saint-Domingue et de la Guadeloupe dans une expédition que le général Decaen doit commander dans l’océan Indien. Cette expédition n’a pas lieu, mais un autre projet voit le jour : il s’agit de transférer ces déportés en Corse. Les uns doivent être rassemblés dans un bagne à Ajaccio tandis que les moins indociles seraient employés à des travaux publics (route et assèchement) ou par des propriétaires privés, selon une organisation définie par le décret du 13 frimaire an XI (4 décembre 1802). Un salaire minimum est garanti aux forçats (25 centimes par jour au minimum, il peut monter à 70 centimes) qui sont sous l’autorité militaire, à laquelle ils doivent s’adresser pour avoir l’autorisation de se marier (il y a quelques femmes et enfants parmi ces « hommes de couleur »)33. Ceci devait permettre de développer à moindre coût une île récemment acquise (1769) en encore très peu développée (le salaire prévu représentait un quart à un huitième de celui d’un ouvrier employé dans l’hexagone). Ceci s’inscrit, selon Francis Arzalier, dans la continuité des projets de colonisation de la Corse dont il a retrouvé les traces dès les années 1780. Ce décret sur la déportation en Corse instaure un ordre pénitentiaire fortement racialisé :

« Article 13 – II sera établi une infirmerie auprès de chaque atelier. Les hommes de couleur qui y seront traités seront placés dans une salle séparée, de manière qu’ils n’aient aucune communication avec les hommes blancs34. »

14Les détenus envoyés à Ajaccio, jugés plus dangereux, sont installés dans l’église des capucins, bien nationalisé en très mauvais état. Ils y sont à peine vêtus, même l’hiver, dorment à même le sol, sont nourris de pain, de légumes, d’huile et de vin. Ils sont employés à la construction de la route d’Ajaccio à Corte. Les autres, établis à Bocognano, sont habillés, mieux nourris et légèrement mieux rémunérés pour leur travail. Ces hommes, à bout de forces sans doute, sont pourtant jugés « naturellement paresseux et indociles » par un ingénieur en charge du chantier qui les croit, en Corse, sous un climat « qui se rapproche le plus de celui sous lequel ils sont nés35 ». N’échappent à ce traitement odieux que certains officiers qui, avec leur famille, sont placés en résidence surveillée ou dans des forts, comme Toussaint Louverture au fort de Joux. Mais une partie des soldats de couleur faits prisonniers n’ont jamais été envoyés dans les bagnes, car ils ont été déportés pour être vendus36. Le procédé touche Saint-Domingue et la Guadeloupe, mais aussi la Martinique où le préfet colonial Bertin négocie en 1802 la vente de ces hommes aux colonies espagnoles37. On a donc là un procédé qui paraît systémique et au service du rétablissement de l’esclavage.

15À l’opposé, les députés blancs déportés en Guyane après fructidor sont assignés à résidence, mais relativement libres de leurs mouvements. Ils peuvent se rendre mutuellement visite et ont des contacts avec la population locale, même s’ils restent sous surveillance. Mais surtout, ils ne sont pas astreints aux travaux forcés. Cela ne signifie pas qu’ils ne souffrent pas de l’éloignement, ni que leur santé ne s’altère pas dans le climat guyanais encore insalubre, qui emportera Collot.

16Le taux de mortalité des déportés incombe en fait autant au climat qu’aux conditions de vie. En effet, jusqu’en 1795, les condamnés, des prêtres pour l’essentiel, restent généralement sur les pontons dans les ports français. Or, sur les 829 ecclésiastiques internés dans la rade de l’île d’Aix, 547 sont morts entre avril 1794 et février 1795, pour la plupart du typhus38. La déportation, qu’elle donne lieu ou pas à une transportation effective, est donc extrêmement mortifère. Yves Bénot estime qu’à l’époque de la Révolution française, la moitié des déportés en Guyane meurent. Dans les Mascareignes, 21 des 33 Français qui ont été transférés des Seychelles aux Comores décèdent entre le 26 avril et le 20 mai 180239. Il y aurait eu après fructidor trois fois plus de morts en déportation que par exécution40. La déportation n’est donc pas véritablement une alternative à la peine capitale. Et pourtant, l’ex-conventionnel Baudot continue à penser après la Restauration qu’il valait « mieux être libre à la Guyane ou au Sénégal que renfermé au mont Saint-Michel 41 ». La fuite est, il est vrai, une perspective dont certains ont pu profiter depuis la Guyane (Pichegru ou Billaud-Varenne), la Corse ou les Mascareignes.

17La déportation participe à la définition des contours politiques et sociologiques de la nation par exclusion des indésirables (prêtres réfractaires, opposants politiques, indépendantistes) qui sont renvoyés aux marges symboliques et géographiques du pays. Des zones périphériques ultra-marines et méditerranéennes susceptibles de devenir des colonies pénitentiaires se dessinent, dans lesquelles les déportés deviennent involontairement des acteurs de la colonisation. Jugée plus humaine que la peine capitale, la déportation reste très mortifère et infamante. Elle devient en outre progressivement un outil au service d’une racialisation des condamnés42. Certains déportés se trouvent privés de tout droit, au point d’être vendus à une autre puissance coloniale. La déportation en 1802 devient ainsi un auxiliaire du rétablissement de l’esclavage.