Quand l’État interroge la jeunesse : les consultations Missoffe (1966-1967) et Dijoud (1977)
p. 23-43
Texte intégral
1 Laurent BESSE
2À dix ans d’intervalle, le Gouvernement a organisé deux consultations de la jeunesse : la première sous François MISSOFFE, ministre de la Jeunesse et des Sports de janvier 1966 à mai 1968, Georges POMPIDOU étant Premier ministre, et la seconde lorsque Paul DIJOUD était secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, de juin 1977 à mars 1978, sous le Gouvernement de Raymond BARRE. À la différence de la consultation BALLADUR de 1994, elles n’ont pas laissé un souvenir considérable dans les mémoires, la moins connue des deux restant celle organisée par Paul DIJOUD. Toutes deux prétendaient pourtant servir de fondations à une politique globale de la jeunesse qui aurait été démocratique puisque découlant de la consultation des premiers intéressés, les jeunes. Au flou du souvenir, pour ne pas dire à l’absence de souvenir de ces deux consultations, répond l’imprécision avec laquelle ces opérations ont été baptisées. Pour ce qui est de l’épisode MISSOFFE, l’appellation a hésité entre « le Livre Blanc », « l’enquête-débat », mais également le « questionnaire » MISSOFFE5. Cette hésitation se retrouve également pour la consultation DIJOUD qualifiée, y compris par les services officiels de « consultation », « d’états généraux de la jeunesse », des « 58 orientations pour la jeunesse » ou encore des « États-généraux », qui reprennent une formule qui commence à connaître un certain succès dans les années 1970, moins toutefois que les « assises6 ». Cette difficulté à nommer les choses révèle sans doute la difficulté de l’exercice, la diversité également des ambitions multiples qui se cachent derrière ces consultations. Je n’apprendrai sans doute rien à personne en disant que ces opérations ont été dénoncées à l’époque comme électoralistes, puisque toutes les deux interviennent dans des contextes préélectoraux, et qu’il est évident après examen qu’elles ont toutes deux des intentions électoralistes, au sens le plus étroit du terme, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles se limitent à cet aspect. L’un des intérêts de l’étude de ces consultations, c’est d’essayer de saisir de quoi « on » parle puisque l’une des caractéristiques des discours tenus sur la jeunesse, et je reprends ce qu’a dit Françoise TETARD7 à de nombreuses reprises, c’est que le plus souvent ils servent à évoquer autre chose que la jeunesse. Qu’en est-il quand on prétend lui donner la parole, la consulter ? Dans les années 1960, il peut s’agir de l’avenir, c’est-à-dire des transformations importantes que la société française est supposée connaître ; dans les années 1970-80 de la crise. Ce travail s’appuie sur des archives qui proviennent de l’administration de la Jeunesse et des Sports, mais également sur les archives de conseillers de Georges POMPIDOU, Premier ministre au moment du Livre Blanc MISSOFFE8.
3Les dossiers qui ont été constitués par les jeunes, et les autres, dans le cadre de ces consultations ont été versés intégralement dans le cadre de la consultation DIJOUD. Il subsiste un doute concernant l’opération MISSOFFE puisque, selon les moments, François MISSOFFE a évoqué 10 000 ou 7000 dossiers retournés ; l’inventaire des archives n’en contient que 3000. Nous avons pu travailler sur les archives qui ont servi à la conception des enquêtes, sachant que dans ce domaine, il existe un décalage entre les deux consultations puisque, en ce qui concerne les archives de la consultation DIJOUD, ce sont surtout des archives très liées au fonctionnement des services. Nous disposons donc de moins d’éléments sur le contexte strictement politique, alors qu’à l’inverse nous avons redécouvert les cartons de l’enquête MISSOFFE en travaillant sur les archives du conseiller jeunesse de Georges POMPIDOU. Par conséquent, même si cela ne fausse sans doute pas complètement notre vision des choses, du côté de l’opération MISSOFFE nous avons nécessairement une vision très politique, stratégique celle que, Matignon et l’Élysée, ont pu avoir d’une consultation menée par un ministre, alors que de l’autre, c’est au niveau des archives de la direction de la jeunesse et du service des études que le regard est porté. Il est important d’avoir cet aspect à l’esprit.
Du Livre Blanc à l’enquête : la consultation Missoffe 1966-1967
4François MISSOFFE devient en janvier 1966 le premier ministre de la Jeunesse et des Sports à porter ce titre puisque jusqu’alors son prédécesseur, Maurice HERZOG, était secrétaire d’État depuis 1963, et auparavant, haut-commissaire depuis 1958. Il est important de noter que la dénomination ministre de la Jeunesse était problématique puisque la seule fois où avait existé un ministère de la Jeunesse en France, c’était dans le ministère de la Famille et de la Jeunesse sous Vichy, en juillet 1940. Ce qui explique pourquoi, en 1966 encore la dénomination ministère de la Jeunesse est contestée par certains au nom du risque de totalitarisme ou de prise de contrôle de la jeunesse par l’État.
5François MISSOFFE est nommé comme ministre et il réunit deux fonctions différentes qui jusqu’alors étaient relativement distinctes, même si c’était Maurice HERZOG son prédécesseur qui les exerçait. D’une part, il est en charge du département ministériel qui coiffe l’administration de Jeunesse et Sports, administration qui a pris progressivement son indépendance de l’Éducation nationale. C’est un élément important qu’il faut avoir à l’esprit9. Le monde laïque, et particulièrement la Ligue de l’enseignement, qui en 1966 fête son centième anniversaire, voit d’un très mauvais œil, l’érection d’un ministère de la Jeunesse puisque pour cet univers il n’existe qu’un seul ministère de la Jeunesse, celui de l’Éducation nationale. La première responsabilité du ministre est donc de diriger un segment ministériel Jeunesse et Sports en charge, du sport, de l’éducation physique à l’école et de l’éducation extra-scolaire de la jeunesse, c’est-à-dire pour l’essentiel des loisirs de la jeunesse. Mais la deuxième compétence qui échoit à François MISSOFFE, est de coordonner à l’échelle interministérielle ce qui, de près ou de loin, est en rapport avec la jeunesse. En clair, il a une dimension interministérielle qui est officiellement affirmée dans le décret qui définit ses fonctions10.
Une campagne d’opinion
6François MISSOFFE n’est pas un spécialiste des questions de jeunesse à la différence de son prédécesseur. Malgré tout, le choix de disposer d’un ministère spécifique correspond à une intention politique forte11. On le sait grâce aux souvenirs d’Alain PEYREFITTE qui, dans C’était de Gaulle explique que le Général attribuait sa mise en ballotage à l’issue du premier tour des présidentielles de 1965, par François MITTERRAND, par le fait que les jeunes avaient mal voté12. Par conséquent, dans l’entourage du Général DE GAULLE et au-delà, circule l’idée que la jeunesse, c’est-à-dire ceux qui à l’époque peuvent voter (les vingt et un ans, les jeunes du baby-boom qui vont commencer à arriver dans les prochaines années à l’âge du vote) sont un enjeu politique important, d’autant plus qu’ils sont suspectés de voter davantage pour l’opposition que le reste de la population. Par ailleurs, on estime que Maurice HERZOG a fait un bon travail depuis 1958, en particulier dans le domaine de l’équipement, mais qu’il a sans doute fait son temps : sept années à Jeunesse et Sports, c’est beaucoup, c’est même exceptionnel si l’on compare avec ce que sera la longévité moyenne des successeurs. Il s’agit enfin de frapper l’opinion, ce que confirme le choix de François MISSOFFE et de certains membres de son cabinet. Secrétaire d’État au Commerce puis en charge des Rapatriés, il a mené une politique jugée satisfaisante, et c’est en particulier un homme qui a le sens de la formule. Au début des années 1960, lorsqu’il était au Commerce, il avait lancé la fameuse formule « Suivez le bœuf » pour inciter au commerce de la viande. Cette importance de la communication dans la stratégie de François MISSOFFE est notable et se retrouve dans le choix de ses collaborateurs, non pas son directeur du cabinet qui est René HABY (inspecteur général de l’Éducation nationale en charge, en somme, d’assurer également le lien avec la vieille maison Éducation nationale avec laquelle la rupture définitive vient d’être consommée), mais en revanche dans le choix de son chef de cabinet, Philippe ATGER qui est journaliste et dans le choix aussi d’un conseiller, Michel PERICARD, journaliste également, qui sera plus tard maire de Saint-Germain-en-Laye et surtout président de la Région Île-de-France.
7D’où le choix rapide par François MISSOFFE d’une « campagne d’opinion13 » visant à frapper l’opinion pour fonder une politique de la jeunesse14. Il estime que l’État, et en particulier son prédécesseur a trop délégué l’intervention auprès des jeunes aux mouvements de jeunesse : l’intervention indirecte prime sur l’intervention directe, par l’intermédiaire des fonctionnaires du ministère, ce qui explique effectivement la structuration assez particulière de l’administration Jeunesse et Sports, surtout dans le volet jeunesse puisque dans ce domaine, les crédits d’intervention dite indirecte, c’est-à-dire les subventions que l’État verse aux associations, sont plus importantes que l’intervention directe, c’est-à-dire celle menée par les fonctionnaires.
8François MISSOFFE veut remettre en cause ce principe et le Livre Blanc doit être un des éléments qui doivent le lui permettre. Les mouvements de jeunesse, certes sont efficaces, mais ils seraient dépassés par les nouvelles dimensions du problème15. Il met en cause leur représentativité et également leur capacité à intervenir auprès des jeunes malgré, dit-il, de larges subventions. D’où l’idée de créer un lien direct entre le Gouvernement et la jeunesse, lien direct qui passe par le projet qui est donc présenté en mai 1966, d’un questionnaire auprès de la jeunesse, questionnaire qui n’est pas vraiment un questionnaire puisqu’il est tellement vaste qu’il apportera forcément davantage de questions que de réponses ; mais le but est de ne pas tomber sous l’accusation, bien sûr, d’enrégimenter la jeunesse, ni même d’orienter ses réponses. Une campagne médiatique est donc lancée à la radio, à la télévision et lors de voyages qu’effectue François MISSOFFE en province, en particulier en utilisant des moyens modernes, hélicoptère, avion qui lui permettent de réaliser un véritable tour de France en une journée. Il met en scène la modernité, sachant également qu’il met aussi en valeur sa jeunesse -il a la quarantaine- et son rôle de père de jeunes enfants, puisqu’il est père à l’époque de six enfants qui sont également mis en avant dans la campagne.
« Vous êtes entièrement libres »
9L’opération Livre Blanc consiste concrètement à proposer aux jeunes par voie de presse, de radio, de répondre à un questionnaire que les intéressés doivent demander par écrit au ministre et dont ils accusent réception par une lettre-type qui est adressée au ministre en personne, selon une stratégie voulue par François MISSOFFE : « Monsieur le ministre, je vous accuse réception du dossier d’enquête pour le Livre Blanc que vous m’avez fait parvenir, je ne manquerai pas de vous le retourner le plus tôt possible et au plus tard le 30 octobre16. » Les premiers dossiers sont adressés en mai et l’été se révèlera assez peu propice au travail des jeunes. Ensuite, le dossier comporte des instructions. « Sachez que vous êtes entièrement libres », c’est un terme qui revient sans arrêt, « d’organiser la préparation du dossier à votre gré, enquêtes, reportages, tribunes, débats, colloques... de traiter l’ensemble des problèmes que pose l’élaboration d’une politique pour la jeunesse... d’envisager des actions nouvelles, de souligner l’intérêt des réalisations actuelles, de nous demander leur développement et leur modification. Nous vous conseillons17… », mais c’est très vague, puisqu’encore une fois la volonté est de ne surtout pas apparaître comme trop directif.
10Seules quelques rares suggestions figurent à propos de sujets plutôt consensuels : « Les activités physiques et sportives sont essentielles pour la formation du caractère, pour l’équilibre physique et moral, pour la santé. Quelle place faut-il donner selon vous à ces activités dans les écoles et les universités ? Quelles suggestions avez-vous à faire d’une manière générale sur cet aspect de l’éducation ? Quelle est pour vous l’importance des spectacles ? Que pensez-vous des équipements sportifs ? Souhaiteriez-vous d’autres formes de loisirs des jeunes, lesquels ? Dans la pratique de ces activités, quel type d’animateur vous semble-t-il nécessaire18 ? »
11On remarquera également que les questions qui sont posées portent presque exclusivement sur le champ restreint de l’action du ministère, à savoir l’éducation extra-scolaire de la jeunesse. Mais cette éducation extra-scolaire de la jeunesse n’est envisagée que dans ses aspects les moins polémiques : les aspects politiques et philosophiques qui occupent une place importante pour les associations en sont exclus. Il ne s’agit pas, malgré son nom, d’un « questionnaire », ou alors d’une version très ouverte.
Un succès d’audience limité…
12Cent mille dossiers sont imprimés, un nombre important mais qui n’est pas précisé, et adressés aux jeunes. Très rapidement, malgré l’énorme décalage entre le nombre de dossiers envoyés, les retours attendus et les dossiers effectivement reçus, le traitement de ceux-ci posent un problème monstrueux à l’administration qui ne sait pas comment s’attaquer à cette masse de documents hétérogènes. Le ministère est obligé de faire appel aux responsables des fédérations d’éducation populaire et de jeunesse pour aider au dépouillement des dossiers, ce qui allait à l’encontre de la volonté initiale d’éloigner ces mêmes mouvements du « dialogue » avec les jeunes. Un autre effet pervers du questionnaire, pour François MISSOFFE, a été qu’une partie du cabinet est prise par cette affaire ce qui l’empêche de se consacrer à d’autres tâches. Georges POMPIDOU, relayant des accusations venues de députés gaullistes en particulier, était persuadé que MISSOFFE ne travaillait pas, ce qui est faux mais simplement une grande part de l’énergie du ministère était consacrée au Livre Blanc.
13Mais le ministre s’accroche malgré tout à son projet, d’autant plus qu’il est attaqué par l’opposition. Le contre-Gouvernement formé par l’opposition sur le modèle du shadow-cabinet britannique diffuse une brochure qui se veut un contre-questionnaire. Le ministre de la Jeunesse « fantôme », qui n’est autre que Pierre MAUROIS, à l’époque secrétaire général de la Fédération Léo LAGRANGE mais aussi une des figures montantes du parti SFIO, rédige donc un contre-questionnaire : « Vous êtes sollicités par le ministère de la Jeunesse et des Sports pour participer à une campagne d’information pour le Livre Blanc de la jeunesse. Le questionnaire que vous trouverez dans le dossier officiel est muet sur les problèmes essentiels, et pourtant les aspirations et les besoins de la jeunesse ont bien été souvent exprimés par les mouvements, et à travers les résultats de nombreuses enquêtes présentant les garanties sur le plan scientifique. Ainsi, une véritable politique de la jeunesse est d’entendre les jeunes, non seulement sur l’utilisation de leurs loisirs mais aussi sur leur installation dans la vie ; c’est favoriser leur participation à la vie professionnelle, sociale et politique, c’est permettre aux jeunes et aux groupes d’accéder à un plus haut niveau de conscience, de culture, de responsabilité19. » Notons que ce contre-questionnaire n’a pas, semble-t-il, eu davantage de succès que le questionnaire officiel.
14Les réponses au questionnaire « officiel » ont été utilisées dans l’ouvrage d’Anne-Marie SOHN, dans son livre intitulé Âge tendre et tête de bois20. Elle y mobilise deux types de sources. Elle utilise d’une part, les archives de Ménie GREGOIRE, journaliste de radio des années 1960 qui portent sur les questions des auditeurs portant sur tout ce qui concerne la sexualité, les questions intimes, et d’autre part, elle s’est servie des archives du Livre Blanc avec, dit-elle, le choix de ne leur accorder aucune valeur représentative en tant que telles. Elle n’en fait donc aucune utilisation de type statistique ; c’est d’abord une parole qui l’intéresse, sachant que cette parole, pour ce qu’on peut en juger quand on feuillette les questionnaires, les réponses, il y a une surreprésentation considérable des groupes de jeunes « organisés », pour reprendre la terminologie de l’époque, c’est-à-dire membres des mouvements de jeunesse, même si ces associations d’éducation populaire ont très fortement critiqué le principe même du questionnaire qui est jugé par elles, et à très juste titre, comme une manière de les contourner. Je dispose par exemple, de la réponse qui été faite par la MJC de Blois au questionnaire MISSOFFE, mais il y en a d’autres. Par ailleurs, un nombre également très important de documents ont été renvoyés par des jeunes des établissements scolaires, semble-t-il, surtout des internats21. Certaines paroles, en dépit de leur représentativité aléatoire, sont malgré tout intéressantes, par exemple dans des centres d’apprentissage, des collèges d’enseignement technique. Enfin, une part importante des dossiers provient d’experts ou de personnes qui parlent au nom des jeunes, au niveau national comme ou au niveau local : enseignants, chefs d’établissements, responsables de mouvements éducatifs.
Un rapport encombrant
15Quoi qu’il en soit le sommaire du rapport qui, à l’automne 1966, s’appelle encore le Livre Blanc, est préparé par René HABY au cours de l’été 1966, donc avant que les questionnaires ne soient rendus, ce qui veut dire qu’il y a un décalage entre ce que sera le Livre Blanc et les questionnaires, qui de toute façon vont se révéler pratiquement impossibles à utiliser. Et lorsqu’enfin le document est prêt, je parle de « document » volontairement, je ne le nomme plus puisqu’à ce moment-là il n’a plus de nom. Le conseiller du Général DE GAULLE à l’Élysée, Jean MAHEU, et Claudius BROSSE le conseiller de Georges POMPIDOU pour les questions de jeunesse, refusent la publication du document avant les élections pour qu’il ne soit pas exploité par l’opposition à des fins électorales. Même si l’opposition a somme toute assez peu critiqué et même si le document n’a pas été un axe majeur de la politique gouvernementale, il y a eu quand même dans la presse, dans le Nouvel Observateur, dans la presse communiste également, des critiques assez vives portant sur l’opération Livre Blanc.
16C’est pourquoi, François MISSOFFE est condamné à repousser au-delà du mois de mai la publication de l’enquête et décide de ne plus l’appeler Livre Blanc, mais « Rapport d’enquête sur la jeunesse française », rapport qui sera présenté après les élections, lors d’un débat à l’Assemblée nationale qui constitue le premier débat parlementaire consacré spécifiquement à la jeunesse. Habituellement, les questions de jeunesse et de sport sont traitées en automne au moment des discussions budgétaires.
17Mais la non publication, ou plus exactement, le report du document que François MISSOFFE décide désormais d’appeler « Rapport d’enquête » produit l’effet inverse de celui qui était recherché : loin d’apaiser les critiques, cela a pour effet de les augmenter d’autant plus que ministre a la malencontreuse idée, au même moment, d’annoncer qu’il va revisiter les subventions des associations de jeunesse et d’éducation populaire, ce qui en pleine campagne électorale, suscite un émoi très vif à l’Élysée et à Matignon qui recadrent rapidement. Mais le dégât est fait. C’est donc un homme qui est affaibli, y compris devant sa majorité, qui présente le Livre Blanc devant l’Assemblée nationale le 23 mai 1967.
18Le document est remis le matin même aux députés. Il fait 600 pages non paginées et est surnommé aussitôt « la brique22 ». C’est un pavé très neutre, peut-on dire, une sorte de constat qui s’efforce de faire une synthèse des différents aspects de la jeunesse. Le 1er premier chapitre porte sur l’importance et la diversité de la jeunesse ; le 2ème sur la psychologie de la personnalité juvénile ; le 3ème sur les jeunes dans la société ; le 4ème sur les formations scolaires et professionnelles... et ainsi de suite. C’est aussi un tableau qui s’efforce de faire la synthèse des différentes études qui ont été publiées sur la jeunesse au cours des années 1960 et qui ne comporte aucune orientation et ne s’apparente donc en rien à un Livre Blanc ou même à une esquisse de philosophie de la jeunesse.
19Les députés de la majorité sont sévères puisque l’un d’entre eux va dire que son « prédécesseur avait mérité le nom de ministre du dialogue » mais que lui ne pouvait se limiter à être « celui du catalogue23. » On a connu plus aimable. C’est la fin de l’opération Livre Blanc qui est enterrée, au sens où François MISSOFFE ne parvient pas à rebondir : au cours des six mois suivants il se fait dépouiller de tous les projets qu’il entendait mener hors du secteur étroit de l’éducation extra-scolaire de la jeunesse en particulier lors du conseil des ministres de début décembre 1967. En clair, il espérait, après le Livre Blanc, esquisser des projets concernant la réforme du service militaire, qui à ce moment-là devient national, mais également dans le domaine des jeunes travailleurs. Georges POMPIDOU parle de chimères à propos de ces projets et renvoie le ministre à la réalité de la division des tâches ministérielles. La jeunesse n’est pas un secteur et le Premier ministre rappelle que tout ce qui concerne l’interministérialité relève de lui et de lui seul24. C’est le coup de grâce : l’opération Livre Blanc a été un échec et son objectif est même désavoué a posteriori. La consultation est oubliée et s’en va quelque part au musée des politiques publiques, d’autant plus que mai 1968 donne une autre actualité à la question de la jeunesse.
La consultation Dijoud 1977 : des « orientations » aux « projets » pour la jeunesse
20Dix ans plus tard, le Gouvernement consulte à nouveau la jeunesse, dans un contexte qui est, électoralement parlant, encore plus contraint. En mars 1977, la gauche a conquis de nombreuses villes à l’occasion des élections municipales, amplifiant les succès obtenus aux cantonales de 1976. Les regards sont donc tournés vers les élections législatives de mars 1978. Dans ce contexte-là, le secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, Jean-Pierre SOISSON quitte le Gouvernement. Il est chargé de créer le Parti républicain qui doit être le parti présidentiel contre les gaullistes de Jacques CHIRAC qui ont fondé le RPR en décembre 1976. Paul DIJOUD, député d’une circonscription alpine, maire de Briançon, devient secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports en juin 1977 dans un contexte où la majorité de l’époque redoute de perdre les élections de 1978.
Le recours aux professionnels de la communication
21Paul DIJOUD prépare au cours de l’été 1977 une consultation de la jeunesse. Il fait réaliser un sondage à l’IFOP sur l’état de la jeunesse, dont la première question est : « Vous sentez-vous heureux ? ». Il s’agit d’une radioscopie de la jeunesse, intitulée « Enquête préalable sur les jeunes face à la vie »25. Par ailleurs, le secrétaire d’État fait établir par ses services, avec semble-t-il avec une forte intervention du Cabinet, onze orientations, ou plus exactement onze thématiques permettant de regrouper cinquante-huit orientations en faveur d’une politique globale de la jeunesse.
22En outre, indice peut-être d’une évolution des pratiques et d’une montée des professionnels de la communication, la conception de la consultation est confiée à une société, Conseils-communication, dont les préconisations portent sur l’utilisation des moyens modernes avec le répondeur-téléphonique enregistreur26. C’est une des premières enquêtes de ce genre, semble-t-il, dans laquelle les directions régionales et départementales de la Jeunesse et des Sports sont invitées à ouvrir une ligne téléphonique avec répondeur pour que les jeunes puissent déposer leur contribution, afin de compléter une consultation écrite par des messages téléphoniques27. Conseils-communications recommandait également des réponses du ministre sous forme de messages enregistrés, qui auraient constitué une manière de « personnaliser » et de « régionaliser » (sic) l’opération28. Le ministre aurait dû répondre aux questions les plus représentatives d’une région donnée. Jusqu’à plus ample examen, nous n’avons pas trouvé trace de ces réponses dans les archives.
23La consultation est officiellement lancée le 27 octobre 1977. Le ministre lance la campagne et se tient relativement en retrait par rapport à ce qu’avait été l’attitude de François MISSOFFE, même s’il fait des déplacements en province. Suivant les recommandations de l’étude, une importance est accordée à la province : on parie sur la presse quotidienne régionale comme vecteur pour transmettre l’information. Il s’agit de faire des économies d’achat d’encarts publicitaires, en tablant sur le fait que la presse régionale sera prête à faire du « rédactionnel29 » en indiquant les références téléphoniques des DRJS (direction régionale de la Jeunesse et des Sports). Différence majeure avec le rapport MISSOFFE, les services déconcentrés sont fortement mobilisés et invités à tenir des réunions pour recueillir les avis des jeunes. Paul DIJOUD rappelle à ses services qu’il compte sur eux pour assurer le succès de l’opération. Ce rappel est d’autant plus nécessaire que le syndicat des inspecteurs a publiquement manifesté ses interrogations quant à la pertinence de l’opération, tout en « appelant loyalement ses mandants à participer à cette grande consultation qui se déroulera dans l’objectivité la plus totale pour la collecte et la transmission des réponses fournies par les jeunes, les mouvements et les associations aux questions qui leur sont posées et en évitant notamment toute synthèse, dès lors que celle-ci dénature ou édulcore les problèmes30. » Cette consultation comporte également d’autres volets qui impliquent la consultation des autres administrations en charge de la jeunesse, avec donc une dimension interministérielle, ainsi que celle d’experts et différentes personnalités.
Un questionnaire relayé par les services, boudé par la presse
24Le questionnaire sur les 58 orientations de recherche comporte différentes thématiques : les huit premières concernent plutôt la jeunesse et les trois autres, le sport, la vie scolaire, le sport populaire (avec une allusion au Front populaire), et le sport de compétition ainsi qu’un certain nombre de questions, certaines très vagues, d’autres au contraire précises.
25Le questionnaire est diffusé, en particulier dans des réunions publiques que s’efforcent de tenir les échelons déconcentrés de l’administration de Jeunesse et sport, avec semble-t-il un investissement inégal selon les départements et les régions. Contrairement aux espoirs du cabinet, fondés sur les préconisations de la société de communication, la presse, régionale comme nationale, n’a pas été le relais espéré, bien au contraire. Si la condamnation de la presse communiste est conforme à ce qu’on peut attendre31, le scepticisme des Dernières nouvelles d’Alsace ou même de Var Matin est sans doute plus significatif de l’indifférence qui accompagne une opération à propos de laquelle les soupçons de récupération politique sont évoqués32. Ce scepticisme est d’ailleurs mentionné dans les rapports qui remontent des différentes régions et l’on relève les soupçons de manœuvre électoraliste33.
26Les directions régionales et départementales ont mis en œuvre la consultation selon des modalités différentes : forums, rencontres. Le questionnaire a été personnalisé : dans le territoire de Belfort, il arbore un lion de BARTHOLDI et, luxe, chacune des 11 orientations est imprimée sur une feuille de couleur différente. Dans l’Indre, on opte pour une présentation humoristique, légèrement ironique qui se veut dans l’esprit du temps : l’illustration présente des jeunes vêtus de tee-shirts avec des slogans (« sentir et ressentir » dont le personnage se bouche le nez34…). L’ensemble des informations récoltées sont ensuite synthétisées au niveau départemental puis régional, puis envoyées à Paris où les inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports sont ensuite invités à travailler sur chacun des thèmes, sachant que le 15 janvier, théoriquement, l’ensemble de la première vague d’informations est remontée intégralement au secrétariat d’État à Paris. Leur mission consiste à évaluer l’impact de la consultation (de manière statistique est-il précisé), d’évaluer la manière dont les orientations sont perçues et de faire le recensement des propositions remontant du terrain. Un protocole est défini, de manière beaucoup plus rigoureuse que pour l’opération MISSOFFE, où l’improvisation avait été la règle. Il existe une « convention pour l’évaluation des groupes non chiffrés par les répondants » qui révèle ainsi qu’un questionnaire émanant d’une administration « vaut » 30 réponses, l’administration 25, une classe d’élèves 20, et un groupe de jeunes 1035. Ce redressement statistique doit nous rendre quelque peu prudents quant au chiffre indiqué de 58 000 personnes consultées dans le cadre de cette opération.
« L’unité de la jeunesse derrière son heureuse diversité »
27L’opération s’achève le 12 février, un dimanche, par une allocution du Président de la République Valéry GISCARD d’ESTAING dans le contexte préélectoral. Quelques jours plus tôt, le 27 janvier, VGE avait prononcé le discours de Verdun-sur-le-Doubs, un des moments marquants du septennat, dans lequel il appelait les Français à faire le bon choix, c’est-à-dire à ne pas voter pour les forces de gauche. Il y incitait également les Français à se mettre « à l’écoute de la jeunesse36 », jeunesse assimilée au problème du chômage il faut bien le noter.
28L’intitulé de l’allocution du 12 février n’est pas « une politique de la jeunesse », ce qui aurait été dangereux sans doute en période électorale et peu conforme avec la vision d’une société libérale avancée que défend Valéry GISCARD d’ESTAING. Elle s’intitule plus banalement : « Des projets pour la jeunesse37 ». Le Président se félicite de l’utilité de la consultation et voit dans les résultats un encouragement, une confirmation et une détermination. L’encouragement, c’est de percevoir l’unité de la jeunesse derrière son heureuse diversité, et il « demande à chacun de prendre conscience avec attention des conclusions qui bouleversent bien des idées reçues ».
29D’abord, dit-il en s’adressant aux jeunes : « Dans une grande majorité, vous nous dites que vous êtes heureux, il n’y a pas de conflit de générations, vous avez confiance dans l’avenir et vous êtes libres et responsables ». Il s’agit d’insister sur le fait que dix après les événements de mai 68, la jeunesse n’est ni révolutionnaire, ni même contestataire mais qu’elle aspire aux normes de la société libérale avancée, chère au président de la République qui reprend ici un thème classique des années 197038. Et par ailleurs (les jeunes) « vous aspirez à la sécurité de l’emploi » mais « cette sécurité de l’emploi... »-et c’est important dans le contexte et nous allons y revenir- « ... sachez qu’aucun système au monde ne peut vous l’assurer tout au long de la vie. » La solution pour cette sécurité de l’emploi passe par l’élévation du niveau de vie, donc par la croissance et l’élévation du niveau de formation. Valéry GISCARD d’ESTAING rappelle l’importance du projet HABY de 1975 qui, bien que limité au collège, a quand même mis en place le collège unique. Par ailleurs, il évoque sa détermination à faire participer la jeunesse, si elle le souhaite insiste-t-il, plus étroitement à la vie de la nation, mais dit-il « la participation n’est pas l’enrégimentement ». Une jeunesse qui souhaite plus de justice, moins de racisme, etc... Il ajoute : « Et enfin vous ferez donc une France enfin tolérante et décrispée » ; on sait que c’est l’un des grands thèmes de Démocratie Française, l’ouvrage du septennat que Valéry GISCARD d’ESTAING a publié en octobre 197639. « Nous sommes encore imprégnés de l’idée selon laquelle les seuls changements importants seraient des changements d’organisation économique, mais c’est une idée du passé » : le contexte est celui d’une campagne électorale.
30Paul DIJOUD reprend à son tour une analyse dans un ouvrage qui sera édité par le secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports, mais peu diffusé puisqu’à la différence de la consultation MISSOFFE, la Documentation française ne le distribue pas40. Les conclusions qu’il met en évidence, outre les synthèses effectuées par les inspecteurs généraux aidés d’autres collaborateurs, soulignent un certain nombre de points qui sont à la fois des généralités sur l’état de la jeunesse, ou à l’inverse des propositions extrêmement concrètes, voire techniques. Ainsi figure parmi les priorités : « Rendre nos villes accueillantes aux enfants » et il est précisé comme projet lié que « Les mètres carrés sociaux devraient pouvoir être transformés en mètres carrés d’aires de jeux pour les enfants » puisqu’on est à la pleine époque du développement de terrains d’aventures, de la place du jeu dans la ville. Quelques éléments du rapport concernent enfin le travail : mais une des caractéristiques fortes de la consultation DIJOUD, et plus encore, du rapport qui suit la consultation nationale de la jeunesse, est qu’ils restent dans les limites étroites fixées aux attributions de Jeunesse et Sports. De ce point de vue-là, on est très éloigné du grand projet de François MISSOFFE qui rêvait d’une politique globale de la jeunesse. Dans les faits, on est bien dans le champ de l’administration Jeunesse et Sports telle qu’elle est définie depuis la Libération : c’est-à-dire que la prudence est de mise lorsque Jeunesse et Sports consulte les autres administrations, ce qui tranche avec les prétentions au moment de la consultation MISSOFFE qui avaient suscité des réactions courroucées des ministères chargés de l’Emploi ou des Armées.
Objectifs similaires, résultats divergents
31Dix ans séparent les deux enquêtes, ce qui est peu. Or manifestement, le souvenir de l’enquête MISSOFFE est perdu au moment de la consultation DIJOUD : très peu d’allusions y sont faites. Du côté de l’administration, le changement des équipes de fonctionnaires permet sans doute d’expliquer partiellement cet oubli, d’autant plus que les services administratifs avaient été peu mobilisés en 1966-67, à la différence du cabinet. Mais on constate une même amnésie du côté de la presse et des associations d’éducation populaire. L’impression qui domine à la lecture des archives comme de la lecture des journaux est celle d’un désintérêt et d’un scepticisme. Sans doute, la question de la jeunesse prise comme problème global, pour reprendre la terminologie de François MISSOFFE, n’a-t-elle pas la même actualité que dans les années 1960. Mai 68 a changé les termes du débat. On reste malgré tout surpris par cette perte de mémoire. Faut-il rappeler, au moins à titre d’anecdote, qu’Édouard BALLADUR qui donnera en 1994 son nom à la consultation suivante de la jeunesse, était de 1964 à 1968, donc au moment de la « consultation MISSOFFE », conseiller de Georges POMPIDOU à Matignon41 ? Deuxième changement manifeste entre les deux consultations : nous sommes en présence de deux « coups politiques » et électoralistes. Mais les deux n’articulent pas de manière comparable le niveau politique et le niveau administratif. Pour des raisons de contexte d’abord. François MISSOFFE comme Paul DIJOUD entendaient bien utiliser le débat sur la jeunesse, comme un élément de campagne électorale, avec toutefois une différence de taille : François MISSOFFE était à l’offensive face à l’opposition, Paul DIJOUD sur la défensive face à la gauche qui dénonçait le manque de moyens. Lui-même d’ailleurs laissait entendre qu’il pourrait démissionner s’il n’obtenait pas une hausse de son budget42.
32La consultation DIJOUD s’inscrit bien entendu dans le contexte d’angoisse de la majorité face à une défaite plausible lors des législatives de 1978. Pour autant elle est malgré tout techniquement beaucoup plus travaillée : la mobilisation des services de Jeunesse et Sports est visible et surtout la volonté du pouvoir politique de s’appuyer sur son appareil administratif est beaucoup plus forte. Cela s’explique aussi par le fait que les services extérieurs de Jeunesse et Sports, en 1966-1967, ne représentaient que peu de choses ; dans un département, ils se résumaient à un ou deux inspecteurs et un assistant de jeunesse et d’éducation populaire. Ce n’est plus le cas en 1977 : les services se sont un peu étoffés et cela se traduit concrètement dans la capacité de l’administration à mobiliser les fonctionnaires43. En outre, existait en 1966 chez les gaullistes une profonde défiance vis-à-vis de l’administration de Jeunesse et Sports, particulièrement des fonctionnaires de terrain. On peut lire dans une note de de Bernard MARIE à Georges POMPIDOU, à propos des inspecteurs départementaux de la Jeunesse et des sports, accusés d’être des potentats locaux et surtout des hommes de gauche : « Il faut des vraiment neutres ou des hommes à nous44 ». La défiance était donc vive. On ne la retrouve pas formulée en des termes aussi forts en 1977-1978. Le troisième et dernier élément à prendre en compte, est que les 58 orientations DIJOUD sont presque exclusivement centrées sur les compétences habituelles de Jeunesse et Sports, à savoir, pour schématiser, l’éducation extra-scolaire, voire scolaire dans le cadre de l’éducation physique et sportive au sein des établissements scolaires. Mais certains thèmes sont effleurés puisqu’ils ne peuvent pas être directement abordés, car relevant d’administrations généralistes : c’est le cas de l’emploi des jeunes. Paul DIJOUD déclare qu’il faudrait « [qu’] on puisse proposer aux jeunes des stages sur leur temps de loisirs, stages […] qui leur permettraient de découvrir la réalité professionnelle et leur donner éventuellement une seconde chance en cas de mauvaise orientation. » C’est-à-dire qu’on se pose la question de l’emploi des jeunes comme si l’environnement permettait encore un accès large et facile au marché de l’emploi.
33Or, le contexte de l’automne 1977 est celui du premier plan BARRE en faveur de l’emploi des jeunes, avec la question du chômage de masse des jeunes qui devient d’actualité. En octobre, est créée au sein du haut comité à la Jeunesse et aux Sports, une commission emploi en lien avec le ministère du Travail, alors que le haut comité est fondamentalement un organisme centré sur les questions de jeunesse au sens des loisirs, des activités des jeunes et des sports. C’est un indice des nouvelles préoccupations concernant la jeunesse : nous sommes au début du basculement opéré au tournant des années 1980, qui voit la question de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes45 occulter la thématique du loisir de la jeunesse qui avait, jusqu’alors essentiellement, préoccupé les pouvoirs publics. La consultation nationale de la jeunesse doit aussi être replacée dans ce contexte : elle s’apparente pour partie à un contrefeu face à la montée des préoccupations croissantes à propos du chômage qui touche d’abord les jeunes, même si elle ne se réduit pas à cet aspect, pas plus d’ailleurs qu’elle ne relève d’une pure opération électoraliste.
Notes de bas de page
5 L’ouvrage publié par la Documentation française a encore un autre intitulé : Rapport d’enquête sur la jeunesse française : analyse des études et opinions exprimées : 1966-1967 / Ministère de la Jeunesse et des Sport, Paris, 1967.
6 Songeons aux États-généraux de la femme à Versailles en 1970, aux États-généraux de l’autogestion socialiste en 1975 par le PSU, ou aux États-généraux des comités CGT de jeunesse qui publient en 1976 Chômage, la jeunesse accuse, ou encore les États généraux du cadre de vie organisés par le PS à Mâcon en 1981 dont la dénomination anticipe le succès de la formule dans les années 1980.
7 Tétard Françoise, « Le Groupe des sciences sociales de la jeunesse (1963-1969) : une aventure théorique », Vulbeau Alain (dir.), La jeunesse comme ressource. Expérimentations et expériences dans l’espace public, ERES, 2013, p. 28.
8 Nous passerons plus rapidement sur la consultation MISSOFFE à laquelle nous avons consacré l’essentiel d’un article, disponible en ligne et auquel nous renvoyons pour les détails : Besse Laurent, « Un ministre et les jeunes : François MISSOFFE 1966- 1968 », Histoire@politique, n° 4, 2008.
9 Besse Laurent, « Jeunesse et Sports enfin seuls ! Les rapports avec l’Éducation nationale », dans Barriolade Denise, Besse Laurent et Loustalot Arnaud (dir.), Maurice Herzog : un septennat pour une politique Jeunesse et Sports, Paris, La Documentation française, 2013, p. 35-48.
10 Décret n° 66-64 du 21 janvier 1966, JORF, DL, 22 jan. 1968, p. 628.
11 Il s’agit également de disposer d’un ministère à part entière pour réussir les Jeux olympiques d’hiver prévus à Grenoble pour 1968.
12 Peyrefitte Alain, C’était De Gaulle, tome 2, Paris, De Fallois Fayard, 1997, p. 618.
13 C’est le terme employé par François Missoffe dans sa communication au conseil des ministres du 11 mai 1966. AN Pierrefitte. 19770273-1.
14 Ibid.
15 Il chiffre leur audience à 10 % d’une classe d’âge : Communication au conseil des ministres doc. cité.
16 Lettre-type à recopier figurant dans le dossier du questionnaire, AN Pierrefitte 1977309-1.
17 Lettre accompagnant le questionnaire. AN Pierrefitte 1977309-1.
18 Ibid.
19 Les questions que se posent les jeunes, brochure éditée par l’Équipe formatrice de contre-Gouvernement, archives de la Fédération régionale des MJC de l’académie de Grenoble.
20 Sohn Amie-Marie, Âge tendre et tête de bois : histoire des jeunes des années 1960, Paris, Hachette littératures, 2001.
21 Le phénomène est d’autant plus notable que le calendrier de la consultation englobe les grandes vacances estivales.
22 Ce texte ronéotypé diffère légèrement de la version éditée par la suite à la Documentation française qui elle est paginée.
23 Robert-André Vivien, JORF-DP-AN, 25 mai 1967, p. 1290.
24 Lettre de Georges Pompidou à François Missoffe, 22 décembre 1967, AN AG/5 (1)/884.
25 « Analyse détaillée des résultats » sondage IFOP jeunesse réalisé fin juillet-début août 1977, 22 p, AN Pierrefitte, 19810469-50 (L’ensemble est regroupé sous l’intitulé « Enquête préalable sur les jeunes face à la vie ».
26 « Préconisations pour les États-généraux de la jeunesse par la société Conseils-communication (Neuilly-sur-Seine) », 1977, AN Pierrefitte, 19870097-1.
27 Lors de la journée d’études, plusieurs témoins présents, qui étaient à l’époque fonctionnaires dans les services extérieurs du secrétariat d’État, ont confirmé l’existence de ces lignes et des permanences qu’ils assuraient.
28 « Que les réponses soient teintées de régionalisme », « Qu’une réponse personnalisée témoigne de l’intérêt que porte le ministre à chaque région et à ses problèmes ». « Préconisations pour les États-généraux de la jeunesse par la société Conseils-communication (Neuilly-sur-Seine) », 1977, AN Pierrefitte. 19870097-1.
29 Ibid.
30 La Montagne, édition Clermont-Ferrand, 15 octobre 1977. Une lettre du 28 novembre 1977 rappelle assez fermement aux inspecteurs qu’ils doivent s’impliquer dans l’opération. AN Pierrefïtte 19810469-50.
31 Par exemple, La Marseillaise, 28 octobre 1977, dont l’article s’intitule « Une opération de propagande : les États généraux de la jeunesse de Dt sporte ».
32 Var Matin 8 novembre 1977 (« M. Dijoud a-t-il les moyens de ses ambitions ? ») ; Dernières nouvelles d’Alsace, 1er novembre 1977 (« Le sport de papier »).
33 Note de la direction de la Jeunesse à propos de la 8ème orientation « Ouvrir le monde aux jeunes », cire, janvier 1978 (après 2000 questionnaires dépouillés), AN Pierrefitte. 19810469-50.
34 AN Pierrefitte 19870097-1 et 19810469-47.
35 « Méthode de dépouillement et d’exploitation des réponses » AN Pierrefitte 19810469-47
36 http://discours.vie-publique.fr/notices/787003100.html L’union de la gauche a été rompue en septembre 1977.
37 Allocution prononcée à l’Élysée le 12 février 1978 à l’occasion de la manifestation pour la jeunesse.
38 Bantigny Ludivine, « Que jeunesse se passe ? Discours publics et expertises sur les jeunes après Mai 68 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 14 avril 2008, n° 98, p. 14
39 Giscard d’Estaing Valéry, Démocratie française, Paris, Fayard. 1976.
40 AN Pierrefitte 19810469-50.
41 Nous n’avons pas rencontré son nom dans les dossiers.
42 Sud-Ouest (édition Dordogne), 18 décembre 1977.
43 L’administration Jeunesse et Sports a également affirmé son identité, dont témoigne le nouveau concours d’inspecteur mis en place depuis 1972.
44 Bernard Marie, député UNR spécialiste des questions Jeunesse et Sports. Lettre de Bernard Marie à Georges Pompidou, 15/12/1967. AN AG/5 (1)/881.
45 Pour reprendre le titre du rapport Schwartz de septembre 1981 : « L’insertion professionnelle et sociale des jeunes », Rapport au Premier ministre, établi par Bertrand Schwartz
Auteur
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Laurent Besse
Maître de conférences en histoire contemporaine, IUT de Tours, CeTHiS
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