L’exploitation des fiches matricules du recrutement dans le cadre d’une monographie régimentaire
L’exemple du 47e RI lors de l’offensive du 25 septembre 1915
p. 33-51
Texte intégral
1Les fiches matricules du recrutement ne sont pas à proprement parler une source neuve pour l’historien1. Exploitées dans les années 1970, aux temps pionniers de la mécanographie, par Jules Maurin, elles constituent le matériau de base de la thèse soutenue il y a peu par Jérémie Halais2. Il est vrai que ces archives se prêtent particulièrement bien aux grandes enquêtes statistiques qu’affectionne tant l’histoire quantitative. Pourtant, d’autres approches, moins strictement sérielles et plus prosopographiques, peuvent être envisagées3.
2Les travaux de Jules Maurin et de Jérémie Halais ont en effet en commun d’étudier des bureaux de recrutement, c’est-à-dire des fragments entiers de la société française plongés dans la guerre. Mais c’est sur l’armée française que, pour notre part, nous avons souhaité porter notre attention, considérant que sa composition sociale échappe encore pour une très large part à l’historiographie. Il est vrai que les ordres de grandeur mobilisés par le conflit ne favorisent pas l’analyse. Aussi la démarche indiciaire, autrement dit l’exploitation systématique des fiches matricules dans le cadre d’une histoire régimentaire, nous parait-elle être une perspective pouvant contribuer au renouvellement des connaissances. Si l’approche monographique conserve toutes ses lettres de noblesse dans l’historiographie anglophone – on pense notamment aux travaux de Leonard V. Smith, Timothy Bowman ou encore Ian Ronayne sur la Grande Guerre mais aussi de Christopher Browning sur la Shoah –, tel n’est pas nécessairement le cas en France4. Par ailleurs, la fiche matricule de recrutement demeure une source sans équivalent. Aux États-Unis, Edward A. Gutiérriez utilise ainsi des questionnaires remplis pour la plupart en 1919 par des Doughboys en cours de démobilisation mais ce dans une perspective plus globale puisqu’il s’agit d’analyser le corps expéditionnaire américain dans son ensemble5. L'enjeu de notre démarche consiste en la formulation d’un nouveau regard sur une source déjà ancienne, et ce de manière à enrichir notre compréhension de l’armée française de la Grande Guerre au moyen d’une approche qui, bien que trop souvent considérée comme passée de mode, est au contraire très prometteuse. Pour cela, nous prendrons l’exemple du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo lors de l’attaque du 25 septembre 19156.
3Menée suivant une perspective quantitative, l’enquête aboutira à une analyse qualitative de l’armée française de la Première Guerre mondiale à cet instant précis du conflit. Après avoir développé les modalités de constitution de notre corpus, nous détaillerons à partir de ces fiches matricules le portrait de l’unité au moment où elle monte à l’assaut, lors de cette offensive de Champagne. Ce faisant, et c’est bien là l’intérêt d’une démarche monographique basée sur ces archives, ce sont les faiblesses de l’armée française d’alors qui se dessineront en réduction.
Retrouver l’unité par ses morts
4La fiche matricule ne se laisse pas appréhender aisément. En effet, dans le cadre de cette entreprise monographique centrée sur le 47e RI, il nous faut non seulement en passer par une étape préliminaire incarnée par la mention « mort pour la France » mais développer un regard particulier sur la source, vision médiane entre approche strictement biographique et perspective sérielle.
5La chose peut paraître étonnante mais nul ne peut aujourd’hui dire qui porte l’uniforme du 47e RI entre le moment où l’unité quitte Saint-Malo, dans les premiers jours d’août 1914, et le jour où elle rentre, victorieuse, en 1919, dans sa garnison de la Côte d’Émeraude7. Si le journal des marches et opérations constitue une sorte de journal de bord, le rôle d’équipage, lui, demeure manquant. À dire vrai, seule la liste obituaire publiée à la fin de l’historique officiel du régiment, opuscule paru immédiatement après la fin du conflit, peut constituer une base à partir de laquelle travailler8.
6Certes, le Service historique de la Défense conserve de nombreux documents présentant un état numérique détaillé de la troupe, à tel ou tel moment de la campagne. Pour autant, à notre connaissance, nul document ne répertorie nominativement les fantassins ayant porté l’uniforme du 47e RI pendant la Première Guerre mondiale, même en ce qui concerne les éléments de la zone des armées. D’ailleurs, leur nombre n’est toujours connu avec certitude. Si nous avons pu avancer en d’autres pages le chiffre de 10 000, il ne s’agit là que d’une estimation, résultat d’une observation empirique9.
7Quiconque souhaite donc pénétrer la composition sociale du 47e RI doit en conséquence passer par une porte dérobée, en l’occurrence la mention « Mort pour la France ». Or cette disposition d’état civil instituée par la loi du 2 juillet 1915 doit appeler quelques remarques.
8Honorifique, cette mention n’a, contrairement à ce que l’on pourrait croire, finalement que peu à voir avec le combat. En effet, elle est avant tout une mesure de reconnaissance permettant de déterminer qui a, ou non, droit à l’action sociale mise en œuvre progressivement au cours du conflit par l’État, politique résumée par Clemenceau avec sa célèbre formule prononcée le 20 novembre 1917 à l’Assemblée nationale : « Ils ont des droits sur nous »10. Cette dimension administrative n’est d’ailleurs pas nécessairement comprise par les contemporains. C’est ainsi par exemple que le souvenir des deux frères Morin, Jean et Joseph, est rappelé par une touchante plaque en émail apposée vraisemblablement par leur mère, Marie, dans le cimetière de leur commune d’origine, le petit village de Quessoy, au sud de Lamballe, dans les Côtes-du-Nord. Leurs portraits respectifs sont surmontés de cette officielle mention « morts pour la France ». Pourtant, si le premier, décédé sous l’uniforme du 47e RI le 22 août 1914 lors de la bataille de Charleroi l’est, tel n’est pas le cas du second, qui succombe le 2 avril 1917 à un ostéosarcome du fémur droit. En effet, cette forme de cancer n’a pas été jugée « imputable au service » et n’a donc pas permis que soit délivrée la fameuse mention11. On touche là la fonction première de cette distinction d’état civil qui est moins le respect de la « vérité historique » que l’exercice du « droit à réparation » en faveur des ascendants et descendants d’anciens combattants et victimes de guerre12. C’est bien pour cette raison que certaines fiches de morts pour la France sont parsemées d’erreurs, sans que personne ne paraisse s’en offusquer13. La mention a pour fonction de reconnaître les ayants-droits pouvant prétendre aux réparations prévues par le législateur, pas de faire une histoire de la Grande Guerre, celle-ci étant l’œuvre du Service historique de l’armée14.
9Néanmoins, la mise en ligne en 2002, sur le site Mémoire des hommes du Ministère de la Défense, de ces fiches physiquement conservées à Caen à la Direction des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) a permis, avant l’ouverture d’un module d’indexation collaborative, la constitution d’une liste de 2 700 fantassins du 47e RI titulaires de cette mention « Mort pour la France ». Élaborée entre 2010 et 2012, cette base de données a constitué l’essentiel de notre travail de Master 2 consacré à l’entrée en guerre de cette unité et effectué à l’université Rennes 2 sous la direction conjointe de Yann Lagadec et Jean Le Bihan15.
10Cette enquête constituait le premier étage d’une entreprise prosopographique plus large, visant à mieux saisir la composition sociale de ce régiment d’infanterie. En effet, les fiches de morts pour la France sont trop succinctes, pas assez développées pour permettre une fine radiographie des rangs. Pour ce faire, il était nécessaire de passer le thésaurus patiemment compilé au crible d’une seconde source, la fiche matricule du recrutement. Ce second étage de notre démarche monographique est au cœur de la thèse de doctorat entreprise entre 2014 et 2019, à l’université Rennes 2, sous la direction du professeur Luc Capdevila.
11La fiche matricule du recrutement témoigne des pratiques administratives de la fin du XIXe siècle, et de la dimension fondamentalement bureaucratique de l’armée française de 1914-1918. C’est là la matérialisation concrète du rôle important donné depuis le milieu du XIXe siècle à la statistique militaire, application du principe selon lequel pour « bien gouverner, il faut bien dénombrer ». La conduite de la guerre, dès les toutes premières semaines de la campagne, infirme néanmoins cruellement la validité de cette maxime. Mais toujours est-il que c’est bien à cette idée que le prosopographe engagé dans une monographie régimentaire doit de disposer d’une source éminemment précise. Cette archive détaille en effet, outre le parcours militaire des individus, une foule d’éléments fort précieux : le niveau scolaire, la profession déclarée lors du passage devant le Conseil de révision, les domiciliations successives… On y trouve également le décompte des éventuelles décorations et autres citations à l’ordre décernées ainsi que, parfois, des informations d’ordre judiciaire ou médical16.
12Comme toute source, les fiches matricules du recrutement ne sont pas exemptes de lacunes et nombreuses sont les erreurs que l’on peut relever : de la confusion entre les unités dépendant d’un même bureau de recrutement à la chronologie parfois approximative. Ce sont du reste là des écueils que les généalogistes et autres historiens de vie connaissent bien. Force d’ailleurs est de constater que c’est le plus souvent dans le cadre de telles approches que ces sources sont appréhendées. La preuve en est que nombre de services d’archives départementales proposent la consultation en ligne de ces fiches matricules dans l’onglet « généalogie » de leur site internet17. Pourtant, il nous semble qu’entre l’approche éminemment sérielle, presque désincarnée, qu’exigent les enquêtes menées sur les bureaux de recrutement et une entrée strictement biographique, il y a une voie médiane. La prosopographie permet en effet de conjuguer les deux démarches en mettant en série des parcours qui n’ont finalement que peu de sens pris individuellement mais qui en gagnent énormément lorsqu’on peut mettre en évidence qu’ils se répètent.
24 septembre 1915 : le 47e RI monte en ligne
13L’offensive du 25 septembre 1915 constitue un bon terrain pour se livrer à une telle enquête. Il ressort des premières extrapolations des données collectées à l’occasion de l’indexation collaborative des fiches de morts pour la France sur le site Mémoire des hommes, démarche originale initiée par Jean-Michel Gilot dans le cadre du défi « 1 jour 1 poilu », que cette journée serait la plus meurtrière du conflit pour les poilus, et non celle du 22 août 1914 comme l’a longtemps affirmé la littérature traitant du sujet18. Or l’exemple du 47e RI, en recourant à une exploitation méthodique des fiches matricules du recrutement, offre un cadre explicatif neuf à cette réalité statistique en conjuguant approches quantitative et qualitative.
14Il est 18 heures lorsque, le 24 septembre 1915, le régiment quitte ses cantonnements de repos pour monter en première ligne et participer à la grande offensive d’automne qui doit avoir lieu le lendemain19. Il ne s’agit nullement d’une première pour l’unité qui, partie de Saint-Malo en trois trains – un convoi par bataillon – dans la nuit du 6 au 7 août 1914 est en campagne depuis maintenant près de 13 mois. Si l’armée française de 1914-1918 s’est toujours refusée à désigner des corps d’élite20, comme un écho au principe d’égalité si cher à la République et, par extension, au citoyen-soldat, le 47e RI est pour autant loin d’être dénué d’expérience.
15Le baptême du feu du régiment a lieu en Belgique, sur les boucles de la Sambre, le 22 août 1914. Cet engagement initial fait suite à une dizaine de jours de redoutables marches de concentration et précède une non moins terrible retraite qui ne prend fin qu’avec la bataille de la Marne. Ce mouvement de repli n’est interrompu que pendant quelques heures, le 29 août 1914, par la bataille de Guise, combat de rencontre que le 47e RI mène au bien nommé « Carrefour de la désolation ». Une fois la marche en avant reprise, l’unité opère à front renversé aux abords du fort de la Pompelle, redoutable fortification de la ligne Serré de Rivière qui, tombée aux mains des Allemands, se retourne contre les troupes françaises qu’elle était sensée défendre. Dans une ambiance apocalyptique, marquée par l’incendie en arrière-plan de la cathédrale de Reims, le régiment déploie une tactique résolument moderne caractérisée notamment par une utilisation adéquate du terrain et une liaison efficace avec l’artillerie.
16Cette vertueuse courbe d’apprentissage s’évapore toutefois dans les tout premiers jours du mois d’octobre lorsque le régiment, emporté par la Course à la mer, est déployé au sud d’Arras, dans le secteur de Mercatel. S’ensuivent des combats éminemment meurtriers et qui ne doivent rien envier à la bataille de Charleroi : les fantassins errent perdus sur le champ de bataille et les pertes sont extrêmement importantes. Mais le souffle de la campagne commence à se faire court. Les survivants sont épuisés et les munitions viennent à manquer. Aussi le 47e RI parvient-il, sans que l’on sache véritablement comment, à se fixer le long de la route reliant Arras à Bucquoy. C’est le prélude d’une guerre de positions qui ne s’achève qu’en 1918.
17Après avoir passé l’hiver 1914-1915 dans les tranchées, le régiment repart à l’assaut au printemps 1915. Déplacée au nord d’Arras, l’unité livre de redoutables combats dans les environs de Saint-Laurent-Blangy, notamment dans le fameux Labyrinthe. Aujourd’hui oublié, et de surcroît recouvert par un péage autoroutier, ce haut-lieu de la Grande Guerre dit pourtant bien les combats qui s’y livrent : de violents affrontements à coup de mitrailleuses, de grenades et de « pétards » au milieu de « barricades » et d’ouvrages bétonnés, le tout sous des bombardements d’une intensité difficilement imaginable puisqu’en certains endroits dix obus tombent à la minute21.
18L’expérience au combat du 47e RI ne fait donc aucun doute et, comme souvent, elle se mesure en morts, blessés, prisonniers et disparus. À la date du 24 septembre 1915, on recense pour le seul 47e RI 1 513 titulaires de la mention « mort pour la France », soit 56,2 % du total de l’unité pour toute la Première Guerre mondiale. Ce terrible bilan est toutefois conforme aux grands ordres statistiques établis par l’historiographie puisque l’on sait les trois premiers mois du conflit les plus meurtriers. Quant à l’année 1915, elle est également celle qui se traduit par le plus tragique bilan22. À l’échelle du 47e RI, cette hémorragie se matérialise par une ventilation accrue des rangs. On peut en effet estimer que les effectifs globaux de l’unité, à la veille de l’attaque du 25 septembre 1915, ont déjà été renouvelés 1,69 fois23. Parmi les officiers, le mouvement est tout aussi impressionnant et sur 85 individus recensés au 1er juin 1915, seulement 11 sont présents au corps le 2 août 191424.
19Le rythme des pertes, tel qu’il apparaît à la lumière des fiches des titulaires de la mention « mort pour la France », reste invariablement haut. En ne considérant que le cas des individus répertoriés comme étant « tués à l’ennemi »25, soit un corpus total de 1 059 individus, on observe une courbe qui malgré certains infléchissements – imputables à l’arrêt des opérations d’envergure pendant l’hiver – dit bien l’incapacité de l’armée française à se sortir du piège de la guerre de positions. Le 47e RI perd quasiment autant d’hommes en mai 1915 qu’en août 1914. Pire, la fréquence avec laquelle ces fantassins sont « tués à l’ennemi » est plus importante en mai-juin 1915 que sur la période août-octobre 1914, que l’on sait pourtant la plus meurtrière : 201,5 décès par mois contre 164,6. L’accalmie des mois de juillet-août 1915 ne doit pas tromper. Décimée, l’unité est placée en cantonnement de repos le 14 juillet 1915 et, deux jours plus tard, les permissions débutent26. En ce « long 1915 » théorisé par John Horne, l’armée française tente de résoudre l’équation tactique du champ de bataille par des expériences qui, faute de bond technologique déterminant du point de vue des armements, sont menées « à coup d’hommes »27. De ce point de vue, l’offensive du 25 septembre 1915 se place dans la continuité directe de ses devancières du printemps et, à chaque fois, le 47e RI en paye le prix fort.
Figure 1 : « Tués à l’ennemi » du 47e RI titulaires de la mention « mort pour la France »

20Celui-ci l’est d’autant plus que ce sont majoritairement des hommes jeunes qui perdent la vie sur les champs de bataille que foule l’unité lors de ces treize premiers mois de campagne. Les classes de recrutement28 1908 à 1913, soit des individus âgés de 26 à 21 ans au moment de la mobilisation générale, comptent ainsi pour 61,13 % de ce corpus, soit 925 cas. La loi dite de trois ans adoptée en 1913 porte à trois ans la durée de service dans l’active, auxquelles viennent s’ajouter onze années de service dans la réserve qui constituent elles-mêmes un préambule au passage dans l’armée territoriale puis, enfin, dans la réserve de l’armée territoriale. Au moment de la mobilisation générale, ce sont donc les classes 1899 à 1913 qui sont en première ligne. Or, celles-ci comptent pour 87,3 % du bilan des morts pour la France du 47e RI au titre de la période courant entre le 1er août 1914 et le 24 septembre 1915, soit au total 1 322 individus. Les individus nés avant 1879 répondent eux, à l’évidence, à un autre modèle : trois sont sous-officiers, treize sont officiers et huit seulement sont issus du rang.
Figure 2 : Répartition par année de naissance des morts pour la France du 47e RI au titre de la période courant du 1er août 1914 au 24 septembre 1915

21En d’autres termes, lorsqu’elle monte en première ligne ce 24 septembre 1915, l’unité a perdu pour l’essentiel des hommes âgés de 21 à 26 ans, c’est-à-dire des soldats qui constituent le cœur du recrutement d’un régiment d’infanterie d’active. Pire, il semble même que le 47e RI ait déjà sérieusement entamé son capital humain. On recense ainsi dans ce dramatique bilan 98 fantassins nés en 1894, c’est-à-dire incorporés au plus tôt – sauf cas particulier des engagements volontaires29 – en août-septembre 1914, et 67 natifs de 1895, enrôlés pour leur part en décembre 191430.
22De telles pertes posent nécessairement la question des renforts que, dès le 28 août 1914, le régiment reçoit après chaque coup dur31. Autrement dit, comment le 47e RI fait-il pour régénérer ses rangs décimés par les combats ? En consignant les bureaux de recrutement dont dépendent les poilus, les fiches de morts pour la France permettent d’avoir une idée précise de la géographie du recrutement de l’unité au moment de son entrée dans la campagne. À partir des données collectées auprès des 303 fantassins du 47e RI « tués à l’ennemi » et titulaires de la mention « mort pour la France » au titre du mois d’août 1914, nous avons pu établir qu’avant la déclaration de guerre, l’unité recrute quasi exclusivement dans le cadre de la 10e région militaire, et plus encore au sein des subdivisions de Saint-Malo, Saint-Brieuc et Guingamp. C’est là la manifestation d’un recrutement régional dont on sait qu’il n’a plus cours à la fin du conflit. Ainsi, parmi les 174 militaires du 47e RI « tués à l’ennemi » ou « disparus au combat » au titre de l’année 1918, seuls 92, soit 52,8 % dépendent d’un bureau de recrutement de la 10e région militaire32.
23Mais les fiches matriculaires du recrutement permettent d’aller plus loin. En effet, il n’est pas rare de voir sur ces archives la date d’arrivée dans la zone des armées, ce qui est dans le cadre d’une monographie régimentaire une information précieuse. Bien entendu, les lacunes sont nombreuses mais c’est là le seul moyen qui nous est donné de produire une analyse fine, et de surcroît diachronique, de ces renforts. La base de données comporte le nom de 39 personnes dont les fiches matricules nous indiquent qu’elles sont arrivées dans la zone des armées, sous l’uniforme donc du 47e RI, le 28 août 1914. La situation du régiment est alors, rappelons-le, éminemment critique. Sortie passablement décimée du baptême du feu reçu à Charleroi, l’unité s’apprête à reprendre le chemin du combat à Guise. L’urgence apparaît alors d’autant plus manifeste que tout porte à croire qu’une telle issue n’a jamais été envisagée, chacun anticipant une guerre non seulement victorieuse mais courte, dont le sort serait décidé au terme d’une bataille décisive33. En conséquence, le 47e RI opte pour des circuits courts pour régénérer son capital humain. Les 39 hommes dont nous avons la trace, et arrivés en renfort le 28 août 1914, proviennent tous d’un bureau de recrutement de la 10e région militaire. L’essentiel (32 sur 39, soit 82 %) arrive de Saint-Malo. Mais lorsqu’il s’agit de combler les pertes des dramatiques offensives du printemps 1915, la logique est semble-t-il légèrement différente. Les fiches matricules du recrutement permettent en effet d’identifier 34 individus arrivés dans la zone des armées pour renforcer les rangs du 47e RI lors des mois de mai et juin 1915. 30 d’entre eux dépendent d’un bureau de recrutement de la 10e région militaire et seulement 11, soit moins d’un tiers, de celui de Saint-Malo.
24Néanmoins, ces données peinent à traduire l’ampleur du changement en cours. En effet, le bureau de recrutement qui est donné sur la fiche de mort pour la France est celui dont l’individu dépend lors de son passage de révision. Or entre cette date et la mobilisation générale peuvent s’opérer de nombreux changements pouvant fausser les statistiques. C’est ce que montre parfaitement l’exemple du soldat de deuxième classe Jean Quelais arrivé en renfort au 47e RI le 28 août 1914. Charron né en 1880 à Acigné, petit bourg d’Ille-et-Vilaine, il dépend du bureau de recrutement de Rennes et effectue son service militaire au 71e RI de Saint-Brieuc avant de faire deux périodes de réserve avec le 70e RI de Vitré. S’il passe au « régiment d’infanterie de Saint-Malo » le 15 février 1913, c’est en prévision de son passage dans la territoriale et de son affectation au 75e RIT de Rennes. Mais l’urgence de la situation lors de l’été 1914 le rattrape et c’est précisément ce qui le conduit à partir en renfort le 28 août, affectation qui montre bien combien, pressé par le temps, le 47e RI régénère ses rangs en envoyant au front les hommes dont il peut disposer immédiatement34. Certes, sur les 39 hommes que compte ce renfort, 21 individus n’ont connu au cours de leur vie militaire que le 47e RI. Les autres ont ainsi porté les uniformes d’unités aussi diverses que les 2e, 70e, 71e, 119e, 136e et 150e RI. Mais tous dépendent, au moment de la mobilisation générale, du 47e RI. Au printemps 1915, cette constitution en interne des renforts n’est plus autant de mise. Sur les 34 individus qui viennent regonfler les rangs au cours des mois de mai et juin 1915, seuls 15 n’ont connu qu’une seule unité, le 47e RI, et arrivent directement du dépôt de Saint-Malo. Les autres sont pour leur part transférés de régiments aussi divers que les 2e, 25e et 41e RI qui tiennent garnison dans la 10e région militaire, ou des 100e et 154e RI de Tulle et Lérouville. Ne transitant pas par la Côte d’Émeraude, ils découvrent leur nouveau corps dans la zone des armées.
25À la veille de l’offensive du 25 septembre 1915, le 47e RI est certes une unité expérimentée mais elle doit faire face à une telle ventilation de ses effectifs que ce sont les modalités mêmes de son recrutement qui s’en trouvent modifiées. Or il n’est pas exclu de penser que ce considérable renouvellement fragilise la cohésion des rangs, surtout lorsqu’on veut bien observer la fréquence avec laquelle les officiers de contact, et de manière plus générale les cadres, sont renouvelés35. Le 1er juillet 1915, le lieutenant-colonel Romain Bühler est ainsi nommé à la tête du 47e RI en remplacement du lieutenant-colonel Jean Morris, mortellement atteint par une balle de shrapnell deux jours plus tôt. Lui-même succède le 20 octobre 1914 aux chefs de bataillon André Moreaux et Maurice Vermot qui assurent, par intérim, le commandement de l’unité suite à la mort du lieutenant-colonel Daniel Poncet des Nouailles, fauché par un obus lors de la bataille de la Marne36.
Figure 3 : Dispositif d’attaque lors de l’assaut du 25 septembre 1915

Chronique d’un drame annoncé ?
26Tous ces éléments invitent donc à penser que le 47e RI n’est probablement pas au maximum de ses capacités quand l’unité monte en première ligne, dans la soirée du 24 septembre 1915. En d’autres termes, tout parait annoncer le désastre du lendemain. Si celui-ci est pour une large part imputable aux doctrines en vigueur à ce moment de la campagne, le recours aux fiches matricules permet néanmoins d’avancer d’autres facteurs explicatifs.
27Preuve du chaos qui règne dans les rangs après l’offensive, le bilan de la journée du 25 septembre 1915 n’est porté sur le journal des marches et opérations que trois jours plus tard. Sans doute est-ce pour cela que le nombre de disparus apparaît comme aussi faible : seulement 84 individus. Mais les pertes restent néanmoins très importantes. 7 officiers et 224 hommes du rang manquent à l’appel, cas qui se répartissent comme suit : 22 tués, 118 blessés et donc 84 disparus37. Le fichier des titulaires des morts pour la France donne pour sa part un bilan sensiblement plus lourd. En ne considérant que les disparus et les « tués à l’ennemis » du 47e RI au titre de la période courant du 25 au 29 septembre 1915, on aboutit à une liste de 49 fantassins. Ces chiffres peuvent paraître modestes au regard des 1 200 disparus déplorés par le 168e RI, une unité qui évolue un petit peu plus à l’est sur le champ de bataille38. Cette impression doit toutefois être nuancée. En effet, seuls deux bataillons du 47e RI prennent une part effective aux combats lors de l’offensive du 25 septembre 1915, et c’est donc bien à l’aune de cette réalité opérative que doit être apprécié ce bilan. Par ailleurs, la brièveté de l’engament est également une dimension qu’il convient de rappeler : l’assaut est donné à 9 h 15 et dure moins d’une heure. Autrement dit, les pertes sont de l’ordre d’un mort à la minute39.
28En définitive, les décès se structurent comme suit : 2 officiers, le lieutenant Edouard Vasseur et le sous-lieutenant Louis Harang, auxquels il faut rajouter l’aspirant François Lemaitre, 5 sous-officiers (1 adjudant, 1 sergent-chef, 3 sergents) et donc 41 hommes du rang (3 caporaux, 38 soldats de 1re et 2e classes). Ajoutons enfin le chef de bataillon Auguste Joseph commandant le III/47e RI à ce macabre décompte. Curieusement absent de la base des morts pour la France, il est pourtant porté disparu dès le 29 septembre 1915 par le journal des marches et opérations, et ni son dossier de Légion d’honneur, ni les archives du Comité international de la Croix rouge ne semblent faire mystère de son sort40.
29La radiographie fine de l’offensive menée en ce 25 septembre 1915 par le 47e RI explique parfaitement l’ampleur de cette hécatombe. Après que la préparation d’artillerie se soit tue, c’est le III/47e RI qui est censé mener la marche. Mais, sitôt sorti de ses lignes et parvenu sur ses objectifs après avoir traversé en une dizaine de minutes le no-man’s land, il se heurte à des défenses intactes et à un puissant réseau de blockhaus. Le tir de barrage de l’artillerie allemande n’en est que plus douloureux. Il en résulte un flux de blessés et fuyards en tous genres qui, refluant vers les premières lignes, engendre un véritable embouteillage dans les parallèles de départ, axes desquels devait jaillir, en deuxième lame, le II/47e RI. Le bataillon est coincé et subit de plein fouet les obus allemands. Le rédacteur du journal des marches et opérations note ainsi que « dépasser dans les boyaux des hommes chargés de sacs, encombrés de 2 musettes et de 2 bidons est un travail surhumain »41.
30Il n’est d’ailleurs pas certain qu’il faille tenir pour responsable de cet échec cuisant le 47e RI. Si le IIIe bataillon déplore autant de pertes, c’est parce qu’il se trouve à découvert suite au décrochage du 167e RI, une unité qui au soir du 25 septembre 1915 affiche un bilan sans appel : 96 tués, 522 blessés, 452 disparus42. L’analyse des combats montre par ailleurs bien que c’est d’une part l’inefficacité de la préparation d’artillerie, d’autre part la congestion résultant de la doctrine de la densification des fronts voulue par le général Pétain, donc des éléments extérieurs ou hiérarchiquement supérieurs au 47e RI, qui empêchent l’unité de rompre le front ennemi. Le futur « vainqueur de Verdun » le reconnait d’ailleurs lui-même dans un rapport daté du 1er novembre 191543.
31S’il peut paraître anecdotique à l’échelle de la Première Guerre mondiale, l’assaut que mène le 47e RI en ce 25 septembre 1915 illustre toutefois les difficultés rencontrées par l’armée française de 1914-1918 à percer le front ennemi44. Nombreux sont d’ailleurs les historiens à souligner combien la guerre de positions accorde une prime considérable à la défensive45. Dès lors, se pose la question de savoir si, au moment de monter en première ligne dans la soirée du 24 septembre 1915, le 47e RI est effectivement en mesure de prononcer avec un minimum de perspectives de réussite le mouvement offensif qui lui est assigné.
32La structuration des pertes par année de naissance ne laisse pas voir de différence flagrante avec ce qui peut être observé pour la période précédente, celle allant du 1er août 1914 au 24 septembre 1915. L’âge moyen à la mobilisation générale est ainsi sensiblement le même : quasiment 27 ans pour les morts de l’offensive du 25 septembre 1915 contre un peu plus de 25 ans pour ceux des combats précédents. Si un vieillissement est perceptible, il n’est pour autant pas certain qu’il soit significatif puisque les moyennes restent, au final, dans le cadre imparti au recrutement d’une unité d’active.
33Il est toutefois une donnée qui varie sensiblement, c’est celle de l’expérience. Les fiches matricules permettent en effet de connaître la date précise d’arrivée au 47e RI de 46 des 49 fantassins disparus et « tués à l’ennemis » au titre de la période courant du 25 au 29 septembre 191546. En examinant les données du thésaurus, deux groupes apparaissent distinctement. Le premier est composé de 27 individus qui, tous, arrivent au 47e RI avant que l’unité ne quitte la Côte d’Émeraude en août 1914. Il peut s’agir de vieux soldats de 2e classe comme Alexis Robidou qui, né en 1880, effectue au sein de ce régiment son service militaire et toutes ses périodes de réserve, ou de jeunes conscrits de la classe 1913 que la mobilisation générale trouve sous les drapeaux, à l’instar de François Lemaitre47. Le second ensemble est un groupe constitué de 17 individus qui non seulement arrivent tous au 47e RI en 1915 mais présentent des parcours extrêmement semblables : incorporés dans divers régiments entre le 12 et le 19 décembre 1914, ils sont transférés en mai ou juin 1915 au 47e RI après des classes pour le moins courtes, surtout si on veut bien se rappeler des débats entourant la loi des trois ans. Un individu, toutefois, ne répond pas à ce modèle. Alphonse Joffrin est un ancien sous-officier de carrière engagé volontaire en 1901 mais qui parait retourner à la vie civile en 1912. Mobilisé en août 1914 au 154e RI, son ancienne unité, il est transféré au 47e RI le 22 juin 191548. Exception faite de cet homme, les seize autres fantassins témoignent d’une expérience d’autant plus limitée que leurs classes sont courtes. Huit individus sont ainsi transférés au 47e RI entre le 22 et le 25 juin 1915, chronologie qui amène à penser que l’offensive du 25 septembre 1915 a pu constituer leur baptême du feu.
34Mais les fiches matricules du recrutement permettent d’aller encore plus loin. Charron né à Rennes, le soldat de 2e classe Prosper Nicolas passe en renfort au 47e RI, en provenance du 41e, le 31 mai 1915 pour être envoyé aux armées le lendemain, après à peine trois mois de classes. Or si ce soldat de la classe 1908 arrive si tardivement au front, c’est qu’un sursis lui est d’abord accordé en 1909 avant qu’il soit exempté l’année suivante. Récupéré, il est « reconnu apte au service armé par décision du Conseil de révision de Seine-et-Oise en date du 16 novembre 1914 »49. Certes, la fiche matricule de Prosper Nicolas n’indique pas les raisons de son exemption en 1910. Pour autant, force est de constater que sur les dix individus qui rejoignent le 47e RI aux armées au cours du mois de juin 1915 et qui perdent la vie lors de l’offensive du 25 septembre 1915, quatre sont ciblés par la politique de récupération50. Le soldat de 2e classe Henri Tesnière est d’abord ajourné pour « faiblesse » en 1904 puis 1905 avant d’être exempté l’année suivante pour « bronchite spécifique ». Bien évidemment, en l’espace de huit ans, son état de santé a pu évoluer favorablement. Néanmoins, sans tomber dans le piège du diagnostic rétrospectif, on est en droit de se demander si cet individu constitue réellement un renfort lors de son arrivée aux armées, sous l’uniforme du 47e RI, le 10 juin 191551. Semblable réflexion pourrait être formulée à propos de Jean Nony, ajourné en 1901 puis 1902 pour « faiblesse générale » et versé dans les services auxiliaires l’année suivante, ainsi que de Louis Magne, versé dans les services auxiliaires en 1906 du fait de problèmes au fémur droit. Récupérés, ces deux soldats sont transférés au 47e RI le 25 juin 191552. Au total, sur les dix individus morts pour la France lors de l’offensive du 25 septembre 1915 et qui arrivent au régiment au mois de juin précédent, quatre sont ciblés par la politique de récupération. Une telle proportion ne peut qu’inviter, là encore, à interroger la qualité des renforts perçus53.
35Brassant une documentation conséquente, les enquêtes quantitatives n’aboutissent souvent qu’à quelques variables ou coefficients. Pour autant, on aurait à notre avis tort de limiter l’apport de la présente étude à deux ou trois chiffres se rapportant au seul 47e RI de Saint-Malo. Il y a là, nous semble-t-il, une démarche porteuse d’une profonde régénération de notre connaissance de l’armée française de 1914-1918, à la condition toutefois qu’elle soit complétée par d’autres enquêtes similaires et prenant pour cadre d’autres unités d’infanterie, d’active mais aussi de réserve ou de la territoriale, ainsi que des régiments d’artillerie ou encore de cavalerie54. Si la multiplication des nouveaux champs d’étude sur la Grande Guerre, du charbon aux langues en passant par les veuves, contribue indéniablement à une meilleure compréhension de la période, elle a aussi pour effet d’éloigner notre regard du champ de bataille55. Or, qu’on le veuille ou non, ce sont bien les armées qui combattent et passer outre cette dimension est prendre le risque d’une historiographie hors-sol, déconnectée de ce qui fait le souffle quotidien du conflit56. Aussi est-ce pourquoi, aux côtés des études se focalisant sur les sociétés et les cultures en guerre, dont l’intérêt n’est plus à démontrer, nous plaidons en complément pour un retour à l’histoire militaire.
36Source emblématique de l’histoire quantitative, la fiche matricule permet, lorsqu’elle est employée dans le cadre d’une monographie régimentaire, une approche qualitative de l’armée française de 1914-1918. Ainsi, le portrait du 47e RI qui émerge suite à l’analyse des morts pour la France que l’unité déplore lors de l’offensive du 25 septembre 1915 est au final assez sévère. Cet assaut a pu constituer le baptême du feu de 16,3 % des combattants (8 sur 49), réalité qui est amplifiée non seulement par les classes très courtes pendant lesquelles sont instruits ces fantassins mais aussi par la condition physique qui est alors la leur, celle-ci n’étant probablement pas toujours optimale. Ce constat est loin d’être anecdotique. Les fiches matricules permettent en effet d’établir que lors de la deuxième bataille de Verdun, à l’automne 1917, les rangs du 47e RI sont toujours autant victimes de la politique de récupération. Certes, les classes se sont un peu allongées pour atteindre 6 mois mais il n’en demeure pas moins que 12,8 % des fantassins « tués à l’ennemi » et titulaires de la mention « mort pour la France » sont, dans un premier temps, exemptés ou versés dans les services auxiliaires du fait de problèmes physiques avant d’être récupérés puis affectés à ce régiment57. Autrement dit, si l’unité parvient à régénérer numériquement son capital humain, ce n’est qu’au prix d’une réelle baisse de qualité dans le recrutement.
37Dans un ouvrage récent, Michel Goya aborde l’armée française de 1914-1918 en Vainqueurs, arguant notamment de ce qu’elle est la plus mécanisée du monde58. Il n’y a de notre point de vue pas lieu de revenir sur les travaux de cet historien, l’un des rares en France qui soit du reste en mesure de produire une analyse de ce type. Mais la variation des échelles en histoire est chose essentielle et l’exemple du 47e RI invite à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Autrement dit, si l’armée française sort victorieuse de la Grande Guerre, c’est moins parce qu’elle était supérieure aux troupes allemandes que « moins inférieure ». Tout est donc, encore une fois, question de perspective. Toutefois, une telle hypothèse nécessite d’être testée au révélateur d’autres monographies pour être validée, enquêtes prenant pour cadre des unités d’infanterie mais aussi d’artillerie ou de cavalerie. Gageons que dans ces études régimentaires que nous appelons de nos vœux, les fiches matricules du recrutement occuperont une place centrale.
Notes de bas de page
1 Nous souhaiterions remercier ici pour leurs relectures attentives, leurs suggestions stimulantes ou tout simplement leur écoute bienveillante, Elsa Génard, Jean-Yves Le Clerc, Jean-Michel Gilot, Hervé Retureau, Jérémie Halais ainsi que Gwendal Piégais et Matthieu Boisdron.
2 Maurin Jules, Armée, Guerre, société. Soldats languedociens (1899-1919), Paris, Publications de la Sorbonne, 1982 [2013] et Halais Jérémie, Les Conscrits de la subdivision de Granville, 1899-1919, Thèse de doctorat d’histoire, Caen, Université de Caen, 2016.
3 Sur l’emploi de cette méthode nous nous permettrons de renvoyer à Le Gall Erwan, « De la prosopographie dans le cadre d’une monographie régimentaire : l’exemple du 47e régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale », in Bougeard Christian et Prigent François (dir.), La Bretagne en portrait(s) de groupe. Les enjeux de la méthode prosopographique (Bretagne, XVIIIe-XXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, pp. 303-314.
4 Smith Leonard V., Between Mutiny and Obedience: the Case of the French Fifth Infantry Division during World War I, Princeton, Princeton University Press, 1994 ; Bowman Timothy, Irish regiments in the Great War. Discipline and morale, Manchester, Manchester University Press, 2003 ; Ronayne Ian, ‘Ours’ The Jersey Pals in the First World War, Cheltenham, The History Press, 2009 ; Browning Christopher, Des Hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne, Paris, Les Belles lettres, 1994. En France, on soulignera la singulière exception que constitue Ingrao Christian, Les Chasseurs noirs. La brigade Dirlewanger, Paris, Perrin, 2008.
5 Gutiérrez Edward A., Doughboys on the Great War: how Americans Soldiers viewed their Military Service, Lawrence, University Press of Kansas, 2014.
6 Pour une synthèse des combats nous nous permettrons de renvoyer à Le Gall Erwan, « Autour de l’offensive du 25 septembre 1915. En tranchées avec le 47e régiment d’infanterie », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°6, été 2015 [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_6/autour_de_l_offensive_du_25_septembre_1915_en_tranchees_%20 avec_le_47e_regiment_d_infanterie.html, 17/04/2020].
7 Pour de plus amples développements concernant ces questions de méthode, on se permettra de renvoyer à Le Gall Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France : des multiples inscriptions territoriales du 47e régiment d’infanterie », in Bourlet Michaël, Lagadec Yann et Le Gall Erwan (dir.), Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, pp. 63-89. Sur le départ de l’unité se rapporter à Le Gall Erwan, « Mobiliser le 47e régiment d’infanterie : 2-7 août 1914 », Mémoires de la Société historique et archéologique de l’arrondissement de Saint-Malo, Saint-Malo, Société historique et archéologique de l’arrondissement de Saint-Malo, 2015, pp. 12-35 et sur le retour à Le Gall Erwan, « Le retour des fils de la vieille terre bretonne : quand les régiments retrouvent leurs garnisons d’Ille-et-Vilaine à l’été 1919 », in Joret Éric et Lagadec Yann (dir.), Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Conseil général d’Ille-et-Vilaine, 2014, pp. 289-299.
8 Anonyme, Historique du 47e régiment d’infanterie, Saint-Servan, J. Haize, 1920.
9 Nous avons pu en effet observer un rapport de 1 à 3,7, tout au long de la campagne, entre le nombre de morts pour la France déplorés par le 47e RI et les pertes (morts, mais aussi blessés et disparus) consignées sur le journal des marches et opérations. En appliquant ce ratio, on peut estimer que les rangs de l’unité sont renouvelés intégralement trois fois au cours de la guerre, ce qui conduit à estimer à 10 000 le nombre d’individus portant l’uniforme du 47e RI entre 1914 et 1918. Le Gall Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie au combat (août 1914-juillet 1915), Talmont Saint-Hilaire, Codex, 2014, p. 141.
10 « Séance du mardi 20 novembre », Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso, Paris, Journal officiel, 20 novembre 1917, p. 2962. Pour de plus amples développements se rapporter bien entendu à Prost Antoine, Les Anciens Combattants et la société française, 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977 (3 tomes) mais également à Montès Jean-François, « L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Création et actions durant l’entre-deux-guerres », Guerres mondiales et conflits contemporains, n°205, 2002/1, pp. 71-83.
11 Sur ce cas particulier on se permettra de renvoyer à Le Gall Erwan, La courte Grande Guerre de Jean Morin, Spézet, Coop Breizh, 2014.
12 Sur la genèse de ce fichier on se permettra de renvoyer à Le Gall Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France…, art. cit.
13 Emblématique est à cet égard le cas du caporal de la 6/47e RI Gustave Lang, déclaré mort pour la France le 30 décembre 1914 à Audigny, dans l’Aisne, par un jugement déclaratif de décès prononcé le 19 novembre 1919 par le tribunal de Tlemcen, en Algérie. En effet, si ce fantassin est mort pour la France au cours de la bataille de Guise, celle-ci survient en août 1914.
14 Ce sont les 109 tomes des Armées françaises dans la Grande Guerre publiés de 1922 à 1939.
15 Le Gall Erwan, L’Entrée en guerre du 47e régiment d’infanterie, août 1914-juillet 1915, mémoire de master 2 sous la direction de Lagadec Yann et Le Bihan Jean, Rennes, Université Rennes 2, 2012.
16 Pour une présentation synthétique Mouflet Jean-François, « Les registres de matricules militaires », in Nivet Philippe, Coutant-Daydé Coraline, Stoll Mathieu (dir.), Archives de la Grande Guerre, Rennes, PUR-Archives de France, 2014, pp. 55-56. Pour de plus amples développements, se rapporter aux travaux de J. Maurin et J. Halais ainsi qu’au chapitre 2 de notre thèse.
17 Tel est par exemple le cas des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine sur leur application Thot. Ajoutons du reste que le Grand Mémorial ne permet aucune recherche par entrée régimentaire ce qui dit bien le peu d’intérêt actuel pour ce type de démarche. C’est là un constat que l’on ne peut évidemment que déplorer amèrement.
18 Le conditionnel semble toutefois encore de mise dans la mesure où si la Direction du patrimoine, de la mémoire et des archives du ministère des Armées a rendu publiques les données compilées bénévolement par les internautes le 8 avril 2019, de nombreuses vérifications doivent encore être opérées avant que ne puisse être exploitée la base [https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?laref=1380, 16/04/2020]. Derrien Michel, « Grâce à internet les poilus retrouvent la mémoire », Ouest-France (édition Rennes), 12 novembre 2017, p. 7 donne le chiffre de 19 447 morts pour la France pour le 25 septembre 1915 contre 17 938 pour le 22 août 1914. Le chiffre de 27 000 morts pour la journée du 22 août 1914 est notamment cité par Contamine Henry, 9 septembre 1914, la Victoire de la Marne, Paris, Gallimard, 1970 puis par Steg Jean-Michel, 22 août 1914. Le jour le plus meurtrier de l’histoire de France, Paris, Fayard, 2014. Sur la question, on se rapportera également à l’article classique de Prost Antoine, « Compter les morts et les vivants, l’évaluation des pertes françaises de 1914-1918 », Le Mouvement social, n°222, 2008, pp. 41-60. Il convient de remarquer à ce propos que les nouveaux regards sur les sources importent au moins autant que la découverte de nouvelles archives. Il n’est en effet pas certain qu’une quelconque pierre de Rosette, document susceptible de renverser complètement notre compréhension de la Première Guerre mondiale, reste à débusquer. En revanche, le développement des outils informatiques et, de manière plus générale de ce que l’on nomme aujourd’hui les humanités numériques, invite à porter de nouveaux regards sur des corpus qui, réexaminés, auront à l’évidence un grand rôle à jouer dans le renouvellement des connaissances.
19 SHD-DAT, 26 N 636/7 : JMO 47e RI, 24 septembre 1918.
20 Goya Michel, Les Vainqueurs. Comment la France a gagné la Grande Guerre, Paris, Tallandier, 2018, p. 108.
21 Pour de plus amples développements sur les douze premiers mois de la campagne du 47e RI on se permettra de renvoyer à Le Gall Erwan, Une entrée en guerre…, op. cit.
22 Cochet François, « Mourir au front et à l’arrière », in Homer Isabelle et Penicaut Emmanuel (dir.), Le Soldat et la mort dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, pp. 27-40.
23 Ajoutons de surcroît que ce chiffre, obtenu en utilisant le coefficient de 3,7 mentionné plus haut, découle d’une estimation plutôt généreuse des effectifs totaux de l’unité. En effet, si le 47e RI totalise effectivement 3 300 individus lors de son départ de Saint-Malo en août 1914, tel n’est plus le cas par la suite.
24 Le Gall Erwan, Une entrée en guerre…, op. cit., p. 215.
25 Pour de plus amples développements sur cette question de méthode on se permettra de renvoyer à Le Gall Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France…, art. cit., p. 75.
26 SHD-DAT, 26 N 636/7 : JMO 47e RI, 14 et 16 juillet 1915. Sur les permissions, se rapporter au désormais classique Cronier Emmanuelle, Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2013.
27 Horne John, « De la guerre de mouvement à la guerre de positions », in Horne John (dir.), Vers la guerre totale. Le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 79 ; Goya Michel, La Chair et l’acier. L’invention de la guerre moderne, 1914-1918, Paris, Tallandier, 2004, p. 219. Sur le concept de « long 1915 » appliqué au 47e RI on se permettra de renvoyer vers Le Gall Erwan, « Six mois en Champagne ou le très long 1915 du 47e régiment d’infanterie », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°7, hiver 2016 [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_7/six_mois_en_champagne_ou_le_tres_long_1915_du_47e_ regiment_d_infanterie_1er_janvier_25_juin_1916.html, 16/04/2020].
28 La classe de recrutement s’obtient en ajoutant 20 ans à l’année de naissance.
29 Ce cas de figure concerne trois individus de la base de données, incorporés en avril et octobre 1913 : Alexandre Maillard, Louis Couellan et Henri Lainé. AD Manche, 1 R 1/163.832 ; AD I&V, 1 R 2161.1691 et 1 R 2161.1724.
30 Pour cette classe d’âge, on ne compte qu’un engagement volontaire. Gabriel Rouxin est en effet incorporé sous l’uniforme du 47e RI le 28 juillet 1914. AD I&V, 1 R 2182.1673.
31 Non répertorié par le journal des marches et opérations du régiment, ce renfort est attesté par : Sans auteur, Le Père Umbricht, Aumônier militaire, 1914-1940, Paris, Éditions de la Légion française des combattants, 1942, pp. 22 et 27 ainsi qu’un certain nombre de fiches matricules.
32 Le Gall Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France…, art. cit.
33 Cochet François, Sauvage Jean-Christophe (dir.), 1914. La guerre avant la guerre. Regards sur un conflit à venir, Paris, Éditions Riveneuve, 2015.
34 AD I&V, 1 R 1911.1970.
35 Anizan Anne-Laure, « 1914-1918, le gouvernement de guerre », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n°22, 1/2014 [https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2014-1-page-215.htm, 16/04/2020], souligne que la « continuité à la tête de l’État favorisa la rationalisation de son fonctionnement ». À l’inverse, on peut avancer, sans doute sans trop de risques d’erreurs, que l’important turnover au sein du corps des officiers du 47e RI ne joue pas en ce sens, bien au contraire.
36 Pour de plus amples renseignements biographiques sur ces officiers supérieurs nous renvoyons aux notices afférentes du Dictionnaire biographique des officiers du 47e RI, base prosopographique qui peut être consultée en ligne [http://enenvor.fr/dictionnaire_biographique_des_officiers_du_47e_regiment_d_infanterie.html, 30/04/2020].
37 SHD-DAT, 26 N 636/7 : JMO 47e RI, 28-29 septembre 1915.
38 SHD-DAT, 26 N 706/6 : JMO 168e RI, 25 septembre 1915.
39 Pour de plus amples développements sur la manière dont se déroulent ces combats, on se permettra de renvoyer une nouvelle fois à Le Gall Erwan, « Autour de l’offensive du 25 septembre 1915…, art. cit.
40 SHD-DAT, 26 N 636/7 : JMO 47e RI, 25 septembre 1915 ; DAVCC/Mémoire des hommes ; AN, LH/1374/82 ; Archives en ligne du CICR.
41 SHD-DAT, 26 N 636/7 : JMO 47e RI, 25 septembre 1915.
42 SHD-DAT, 26 N 706/2 : JMO 167e RI, 25 septembre 1915.
43 Pedroncini Guy, Pétain. Le soldat, 1914-1940, Paris, Perrin, 1998, pp. 84-86.
44 Sur cette question on renverra au très stimulant Porte Rémy, Rompre le front ? Novembre 1914-mars 1918. Comment percer les lignes ennemies et retrouver la liberté de manœuvre, Saint-Cloud, SOTECA, 2016.
45 Pour ne citer que deux références récentes : Strachan Hew, « La fin des batailles : stratèges et stratégies », in Cabanes Bruno (dir.), Dodman Thomas, Mazurel Hervé, Tempest Gene (coord.), Une Histoire de la guerre, Paris, Seuil, 2018, p. 55 et Cochet François, « Le Chemin de la technologie », in Drévillon Hervé, Wieviorka Olivier, Histoire militaire de la France, t. II : « De 1870 à nos jours », Paris, Perrin & Ministère des Armées, p. 225.
46 Il s’agit du caporal Jean Tallet et des soldats de 2e classe Joseph Baey et Louis Le Moellic dépendant des bureaux de recrutement de Brive, Dunkerque et Saint-Brieuc. Les registres matricules de ces trois subdivisions ont considérablement souffert de la Seconde Guerre mondiale.
47 AD I&V, 1 R 1918.1905 et AD CdA, 1 R 1313.632.
48 AD Nord, 1 R 2629.1740.
49 AD I&V, 1 R 2045.1823.
50 Politique qui, du fait des dramatiques pertes de l’été 1914, consiste à revenir sur les décisions d’exemption ou de classement dans le service auxiliaire prononcées par les Conseils de révision afin de maintenir le recrutement quantitatif de l’armée active. Pour de plus amples développements se reporter notamment à Boulanger Philippe, La France devant la conscription, géographie historique d’une institution républicaine, 1914-1922, Paris, Economica, 2001.
51 AD I&V, 1 R 2045.1823.
52 AD Corrèze, 1 R 1381.1692.
53 Là est d’ailleurs un constat formulé par d’autres auteurs avant nous et parmi lesquels Rasmussen Anne, « Préserver le capital humain. Une doctrine hygiéniste pour préparer la guerre démocratique ? », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, n°33, 2015/1, pp. 71-95 et Derrien Marie, « Éliminer ou récupérer ? L’armée française face aux fous du début du XXe siècle à la Grande Guerre », Le Mouvement social, 2015/4, n°253, pp. 13-29. On attirera également l’attention du lecteur sur les travaux en cours d’Elsa Génard sur le volet judiciaire de la politique de récupération.
54 C’est le sens de l’appel que nous avons lancé avec Le Gall Erwan, « De la complexité d’un objet historique anodin : le 47e régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°12, été 2018 [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_12/de_la_complexite_d_un_objet_historique_anodin_le_47e_regiment_d_ infanterie_pendant_la_premiere_guerre_mondiale.html, 17/04/2020].
55 Chancerel Pierre, Le marché du charbon en France pendant la Première Guerre mondiale (1914-1921), thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Lescure Michel, Paris, Université Paris Ouest, 2012 ; Roynette Odile, Les mots des tranchées, l’invention d’une langue de guerre, Paris, Armand Colin, 2010 ; Bette Péguy, Veuves françaises de la Première Guerre mondiale. Statuts, itinéraires et combats, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Schweitzer Sylvie, Lyon, Université Lumière-Lyon 2, 2012.
56 Emblématique de cette tendance est à cet égard le récent Rousseau Frédéric, 14-18, penser le patriotisme, Paris, Gallimard, 2018.
57 Le Gall Erwan, « 15 juin 1917 : le 47e RI arrive à Verdun. La découverte de la vraie guerre ? », Bulletins de la société d’émulation des Côtes d’Armor, 2017, pp. 234-235.
58 Goya Michel, Les Vainqueurs…, op. cit. Notons que cet ouvrage est dans le prolongement direct de Goya Michel, La Chair et l’acier…, op. cit.
Auteur
Docteur en histoire contemporaine et chargé de cours à l’Université catholique de l’Ouest-Bretagne-Sud. Il est chargé de la vulgarisation de la matière culturelle de Bretagne à BCD/Sevenadurioù.
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