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Préface
p. 7-9
Texte intégral
1Depuis la chute du Mur de Berlin et l'unification, nous ne cessons de nous interroger sur l'avenir de l'Allemagne et sur sa place en Europe. Au centre des conjectures : l'économie allemande dont on redoute à la fois la puissance et la faiblesse, la première portant en germe un retour aux tentations hégémoniques, la seconde nourrissant la crainte d'une Allemagne repliée sur elle-même et d'une Europe sans volonté. La construction d'un espace économique et monétaire européen et l'effort d'adaptation qu'ont entrepris les économies européennes pour faire face à la mondialisation au cours des années 90 ont fini par éclipser cette double hantise. Non seulement les économies européennes ont tenu ensemble le choc, mais elles sont désormais étroitement interdépendantes, leurs performances se normalisent et deviennent de plus en plus convergentes. Ce qui est désormais en jeu, ce n'est plus qu'une économie en surclasse une autre, mais que l'économie européenne dans son ensemble parvienne à restaurer sa compétitivité et à mettre en œuvre une dynamique d'échange et de réciprocité qui lui permette de retrouver une croissance durable.
2La problématique de la puissance économique allemande a ainsi complètement changé de nature. L'économie allemande est la première économie européenne par l'importance de son marché et de sa production et, de ce fait même, ses performances constituent un enjeu crucial pour la prospérité de l'Europe. De la capacité de l'Allemagne à faire face aux charges financières héritées de l'unification et aux coûts salariaux imposés par une population active hautement qualifiée et vieillissante dépend la compétitivité externe d'une industrie fortement exportatrice et pourvoyeuse d'emplois, non seulement sur le sol allemand, mais sur l'ensemble du territoire européen. De sa capacité à innover, à moderniser ses infrastructures et son appareil de production, à flexibiliser les conditions d'emploi et de travail, à optimiser son système de formation dépend également sa dynamique interne en termes d'investissement et d'activité. Ce qui fait par là même du marché allemand l'un des marchés les plus attractifs et les plus porteurs pour les autres partenaires européens.
3De ce point de vue, l'évolution de l'économie allemande a suscité de réelles inquiétudes depuis le milieu de la décennie écoulée. Moins d'ailleurs par le niveau de ses performances en termes de compétitivité, de croissance et d'emploi, dont la détérioration sensible peut s'expliquer en partie par les effets induits et durables de l'unification, que par l'inertie persistante et les rigidités du système de régulation économique et sociale. Alors que quinze ans plus tôt, les mécanismes de l'économie sociale de marché et de l'action politique concertée avaient permis à l'industrie allemande de surmonter rapidement les chocs pétroliers puis de renforcer et d'asseoir solidement ses positions sur le marché mondial, en 1990, le « modèle allemand » s'est enrayé face à l'épreuve de l'unification. Il est vrai que celle-ci bouleversa complètement les équilibres, détruisant les repères, brouillant durablement les règles du jeu collectif. Le primat du pilotage politique et de l'action étatique s'imposa dans les faits, non sans réussites et volontés réformatrices, mais conduisant progressivement à l'usure du pouvoir, à l'incapacité à mener à bien les réformes face à la montée des corporatismes, et finalement à l'immobilisme. L'alternance politique de l'automne 1998 ouvrit une nouvelle phase d'expérimentation, de débats et d'incertitude avant que finalement, sous la pression des mutations en cours, la nécessité des adaptions structurelles ne s'impose et que les choix ne se décantent. Depuis maintenant deux ans, les réformes de fond se succèdent : assainissement financier et budgétaire, réforme fiscale, privatisations, réforme des régimes de retraite, du système de santé... - autant de réformes structurelles qui, les unes après les autres, procèdent d'une volonté délibérée de retour à la logique de l'économie de marché.
4C'est de ce processus d'adaptation de l'économie allemande au changement que rend compte le présent ouvrage en s'efforçant d'en faire ressortir le caractère progressif, complexe et multiforme, d'en analyser la dynamique et d'en dégager la portée. L'intérêt principal de l'approche choisie tient à la multiplicité des champs étudiés qui embrassent les principaux niveaux et domaines de la vie économique et sociale allemandes, donnant ainsi une très grande variété d'éclairages sur les transformations en cours. L'originalité de la démarche tient également dans le souci permanent des auteurs de situer leurs analyses sectorielles à la fois dans la synchronie, en les replaçant dans leur contexte allemand et européen, et dans la diachronie, en retraçant les évolutions significatives intervenues au cours de quatre ou cinq dernières années. Après avoir ainsi planté le décor, chacune des vingt-sept études ici rassemblées s'efforce de camper les différents acteurs et de mettre leur action en perspective.
5Il en résulte une série très riche de tableaux mettant en évidence les spécificités de la nouvelle dynamique de modernisation qui, à l'issue d'une décennie particulièrement éprouvante et mouvementée, anime l'économie et la société allemandes au tournant du millénaire. Cette dynamique de modernisation résulte d'une démarche largement partagée par les pouvoirs publics, les décideurs économiques et les partenaires sociaux. A l'issue de longs débats publics, elle s'appuie sur une acceptation raisonnée des changements et des adaptations qu'implique le retour au marché. Elle reste néanmoins marquée par le souci commun de préserver les équilibres sociaux fondamentaux. On comprend mieux que cette modernisation, dans ses exigences consensuelles, n'ait pu s'imposer que progressivement, ce qui est sans doute un gage de solidité. Mais on discerne aussi sa fragilité, car il n'est pas certain que la logique du marché sera toujours facilement acceptée, pas plus qu'il n'est exclu qu'elle ne conduise, en dépit des correctifs, à la différenciation et à la fracture sociales.
6Plus instructif encore, pour nous autres Français et Européens, est sans doute le fait que dans les différents champs où on la voit à l'œuvre, cette démarche allemande de modernisation s'accompagne d'un élargissement de l'horizon mental national et procède finalement d'un choix européen pleinement assumé. Tout autant que la globalisation des marchés, la libéralisation des capitaux ou la « nouvelle économie », c'est l'adaptation aux contraintes du grand marché européen et de la monnaie unique qui s'impose aux transformations de l'économie allemande. C'est dans cette prise de conscience collective et dans la réalité vécue et acceptée de l'intégration européenne que l'Allemagne inscrit résolument sa modernisation et son développement, prenant ainsi une longueur d'avance dans sa capacité à penser l'Europe.
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Allemagne 2001
Ce livre est cité par
- Fopah Lele, Armand. (2016) Springer Theses A Thermochemical Heat Storage System for Households. DOI: 10.1007/978-3-319-41228-3_1
- Ulysse, Pierre Joseph. (2009) Les travailleurs pauvres : de la précarité à la pauvreté en emploi. Un état des lieux au Canada/Québec, aux États-Unis et en France. Lien social et Politiques. DOI: 10.7202/038473ar
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