Version classiqueVersion mobile

La transition énergétique

 | 
Solène Hazouard
, 
René Lasserre

II – La transition énergétique et l'Energiewende

Comment financer la transition énergétique en Allemagne ?1

Ulrich Benterbusch
Traduction de Marie-Céline Georg

Texte intégral

  • 1 Texte issu d’une communication donnée dans le cadre de la journée d’étude Les politiques énergétiqu (...)

1En guise d’introduction, j’aimerais rapidement présenter l’Agence allemande de l’énergie (Deutsche Energie-Agentur, dena). Elle occupe une place particulière dans le paysage des institutions et autorités allemandes. La dena a été créée il y a 15 ans à Berlin. Cette société de projet s’est depuis inspirée du concept de partenariat public-privé : elle est présente sur le marché en tant que société privée, et propose des prestations de services à des partenaires politiques et économiques pour l’organisation et la mise en œuvre des objectifs du tournant énergétique (Energiewende). À peu près la moitié de son budget annuel (d’environ 20 millions d’euros) provient de partenaires économiques, tandis que l’autre moitié est constituée de fonds publics, en particulier octroyés par les ministères fédéraux. La dena emploie 185 personnes. Par rapport à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), c’est relativement peu. Cependant, il faut tenir compte du fait qu’en République fédérale d’Allemagne, il existe également des agences de l’énergie au niveau des Länder, de sorte que, l’un dans l’autre, ces structures sont équivalentes.

2La mission de la dena consiste à soutenir le gouvernement dans l’organisation et la mise en œuvre du tournant énergétique. En matière d’efficacité énergétique, par exemple, elle est toujours intervenue pour développer les marchés. Il ne s’agit pas tant d’injecter de l’argent public dans des projets que de créer les conditions nécessaires au fonctionnement du marché privé. La dena est compétente et active dans tous les domaines importants de la transition énergétique. Cela inclut aussi bien le système électrique dans son ensemble et la question de l’intégration des énergies renouvelables dans ce système que l’efficacité énergétique, en particulier dans le secteur du bâtiment, dans l’électricité et les transports.

3Pour commencer, je vais brièvement revenir sur le contexte de la transition énergétique. J’aborderai ensuite la question du financement dans deux domaines : celui de l’efficacité énergétique, et celui des énergies renouvelables et des systèmes énergétiques.

Le contexte de la transition énergétique

4Lorsqu’on parle du financement de la transition énergétique, il faut d’abord se faire une idée des objectifs et des champs d’action de la politique énergétique et climatique en Allemagne. Dans quel contexte politique se présente donc le financement de la transition énergétique en Allemagne ?

Réduction des émissions de CO2 : l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables sont les principaux facteurs

5L’objectif principal de la politique mondiale en matière de climat est de limiter à 2 °C le réchauffement climatique. Pour cela, il faut nettement réduire les émissions de CO2. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a déterminé par quelles mesures nous pourrions suffisamment réduire les émissions de CO2 d’ici 2035 pour que le réchauffement climatique soit limité à 2 °C. Le principal levier est l’efficacité énergétique : celle-ci contribue pour 44 % à la réalisation de cet objectif. Si l’on inclut les moteurs alternatifs, on arrive même à 47 %. Ces chiffres coïncident avec les analyses à long terme concernant l’Allemagne, selon lesquelles l’efficacité énergétique pourrait contribuer pour plus de 50 % à la réduction des émissions de CO2 dans le pays d’ici 2050, en particulier dans le secteur de la chaleur – c’est-à-dire l’eau chaude pour les ménages, le chauffage, mais aussi le chauffage industriel. Avec un taux de 23 %, le deuxième levier d’action déterminé par l’AIE réside dans le développement des énergies renouvelables ; en incluant les biocarburants, il représente même 27 %. Viennent ensuite le captage et le stockage de dioxyde de carbone (en anglais carbon capture and storage, CCS) contribuant pour 17 % à la réalisation de l’objectif, et l’énergie nucléaire, pour 8 %. Ces chiffres montrent bien que si nous voulons obtenir des résultats, nous devons nous préoccuper d’abord de l’efficacité énergétique. En effet, moins nous consommons de kilowattheures, moins nous devons produire ou exploiter de précieuses sources d’énergie comme l’électricité ou le gaz. Pourtant, l’importance de l’efficacité énergétique est souvent sous-estimée.

Les objectifs du gouvernement fédéral allemand en matière de politique énergétique

6Dans son projet énergétique (Energiekonzept), le gouvernement fédéral formule des lignes directrices pour une stratégie globale s’étendant jusqu’en 2050, avec les objectifs essentiels suivants :

  • réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2020 et de 80 % d’ici 2050 (par rapport à 1990) ;

  • réduire la consommation d’énergie primaire de 20 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2050 (par rapport à 2008) ;

  • augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’énergie finale pour atteindre 18 % d’ici 2020 et 60 % d’ici 2050 ;

  • augmenter la part de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables dans la consommation brute d’électricité jusqu’à 40-45 % d’ici 2025, 55-60 % d’ici 2035 et 80 % d’ici 2050.

7L’Union européenne (UE), pour sa part, se concentre sur trois grands indicateurs d’ici 2030 :

  • réduire les gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990 ;

  • développer les énergies renouvelables pour atteindre au moins 27 % de la consommation d’énergie ;

  • réduire la demande d’au moins 27 % (objectif indicatif).

8Aucun État membre de l’UE n’est en voie d’atteindre ces trois objectifs, le moins avancé étant celui de l’efficacité énergétique.

Statu quo dans les différents domaines d’action

9Le rapport d’avancement sur la transition énergétique présenté par le gouvernement fédéral pour la première fois en décembre 2014 montre que l’objectif de développement des énergies renouvelables est le seul à avoir été atteint et même dépassé dans ce cadre, mais à un coût très élevé. Malgré la réforme de la loi sur les énergies renouvelables (Erneuerbare-Energien-Gesetz, EEG) adoptée en 2014, l’Allemagne n’a pas encore réussi, par exemple, à mettre l’énergie éolienne sur la voie d’un développement modéré.

10Dans tous les domaines (demande en électricité, demande en chaleur, énergies renouvelables, centrales électriques, réseau de transport, réseau de distribution, réseau offshore, stockage et conception du marché), la dena pense qu’il est urgent d’agir. La mise en œuvre de la transition énergétique est complexe et difficile. Il faut poser dès maintenant les jalons d’une transition énergétique réussie. Le principal aspect consiste à coordonner le développement des énergies renouvelables avec la progression réalisée dans les autres domaines.

11Parmi les principales tâches, on peut citer :

  • la coordination du développement des réseaux avec le développement des énergies renouvelables ;

  • la diminution de la demande en énergie (c’est-à-dire l’efficacité énergétique). En matière d’efficacité énergétique dans le domaine de la chaleur et dans celui des transports – en particulier des véhicules utilitaires –, les résultats à long terme sont loin d’être garantis, même si l’Allemagne s’est fixé des objectifs très ambitieux pour la réduction des gaz à effet de serre. L’avis des experts qui ont commenté le rapport d’avancement sur demande du gouvernement fédéral n’est pas favorable sur ce point ;

  • la création d’une nouvelle conception du marché de l’électricité.

12Nous devons garder cette situation de départ à l’esprit lorsque nous nous intéressons à la question du financement. En effet, chaque champ d’action pose à sa manière la question de savoir comment financer les mesures correspondantes.

Le financement dans le domaine de l’efficacité énergétique

13Comme on l’a dit plus haut, l’efficacité énergétique est de loin le plus important levier pour atteindre les objectifs climatiques. En même temps, c’est le champ d’action dans lequel il est le plus difficile d’atteindre les objectifs fixés, en Allemagne comme dans bien d’autres pays d’Europe, notamment parce que les mesures sont par nature beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre dans ce domaine, à cause de la multiplicité des acteurs et des différents sous-domaines concernés.

14C’est pourtant précisément dans ce domaine que les mesures sont généralement les plus attractives économiquement : les investissements sont remboursés par les économies d’énergie et les rendements sont souvent plus élevés que sur le marché des capitaux. De plus, les réussites dans l’amélioration de l’efficacité énergétique ont des répercussions sur la coûteuse production d’énergie : chaque kilowattheure non consommé n’a pas besoin d’être produit !

15De ce point de vue, désigner l’efficacité énergétique comme « le deuxième pilier du tournant énergétique » (après les énergies renouvelables) relève de l’euphémisme. C’est néanmoins sous ce slogan que le gouvernement fédéral a donné fin 2014 le signal de départ pour progresser plus vite dans ce domaine.

NAPE : un plan d’action national pour l’efficacité énergétique

16Au cœur de la politique visant à augmenter l’efficacité énergétique se trouve le plan d’action national pour l’efficacité énergétique (Nationaler Aktionsplan Energieeffizienz, NAPE). Le gouvernement fédéral l’a présenté en décembre 2014, en même temps que son programme d’action 2020 pour la protection du climat (Aktionsprogramm Klimaschutz 2020).

17Il s’agit d’une stratégie visant à augmenter l’efficacité énergétique d’ici 2020, en incluant la mise en œuvre de la directive européenne sur l’efficacité énergétique, sous le triple slogan « Informer – Promouvoir – Exiger ». Elle prévoit d’agir dans quatre directions :

  • l’efficacité énergétique dans les bâtiments ;

  • les économies d’énergie, un modèle de performance économique et d’entreprise ;

  • la responsabilité individuelle en matière d’efficacité énergétique ;

  • la poursuite des mesures relatives aux transports.

18Pour ces quatre champs d’action, le gouvernement fédéral a défini 14 mesures immédiates ainsi que 22 processus d’approfondissement. Il a notamment créé une plate-forme pour l’efficacité énergétique, afin de développer les perspectives de travail à long terme dans ce domaine pour les différents acteurs du monde économique, de la société civile, de la sphère scientifique, ainsi que des ministères et des Länder concernés.

19Le NAPE s’appuie souvent sur des instruments de financement existants, en les perfectionnant et en les développant. Cependant, avant de « promouvoir », il faut « informer ». On ne devrait pas avoir à subventionner quelque chose qui rapporte déjà en soi. L’objectif principal doit être de donner une impulsion aux marchés pour l’efficacité énergétique. Les subventions ne sont donc pas toujours le levier décisif, mais constituent une motivation efficace.

Promotion de l’efficacité énergétique dans les bâtiments

20Le NAPE a pour but de perfectionner et de renforcer les instruments incitatifs dans le secteur du bâtiment.

21Les subventions d’État pour les conseils sur site sont par exemple passées de 50 % à 60 %. Pour une maison individuelle ou jumelée, l’aide peut désormais aller jusqu’à 800 euros. En 2014, l’État fédéral a ainsi financé des conseils sur site à hauteur de 3 millions d’euros au total.

22L’enveloppe du programme d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments mis en place par la banque publique Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), littéralement « établissement de crédit pour la reconstruction », qui encourage l’efficacité énergétique dans l’immobilier neuf ou la rénovation par des subventions ou des prêts à taux bonifié, est passée de 1,8 à 2 milliards d’euros par an. Cependant, ce n’est pas seulement le volume des moyens mis à disposition qui importe ; c’est aussi le volume effectivement dépensé. À ce niveau, la situation est un peu moins réjouissante. L’effet incitatif des réductions de taux par la KfW n’est visiblement pas très élevé. C’est pourquoi, dans les semaines et les mois qui viennent, nous devons nous demander comment rendre ce programme plus attractif.

23Le programme incitant le marché à recourir aux énergies renouvelables, qui doit être perfectionné dans le cadre de la stratégie d’efficacité énergétique du bâtiment, a également vu ses moyens augmenter et s’élève désormais à 300 millions d’euros par an au total. Il consiste en des subventions pour les ménages et les entreprises qui veulent utiliser des énergies renouvelables pour se chauffer. Si on veut réduire les émissions de carbone liées à la production de chaleur, il est très important de se demander comment on peut intégrer les énergies renouvelables dans le marché de la chaleur.

24C’est peut-être – y compris dans une perspective d’avenir – la question la plus passionnante, car la transition énergétique dans le secteur de l’électricité va entraîner, dans les prochaines décennies, la présence de plus en plus fréquente d’« excédents de courant », c’est-à-dire d’une quantité superflue d’électricité dans le réseau, produite lorsque le vent souffle fort et que le soleil brille franchement. Nous devons donc trouver des solutions afin que le marché de la chaleur, dans sa structure future, soit compatible avec ce système de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Un exemple, qui constitue dès aujourd’hui une solution possible, est la conversion d’électricité en chaleur, le Power-to-Heat. De nombreuses régies municipales (Stadtwerke) construisent de grands réservoirs d’eau, afin de mieux s’adapter à la transition énergétique au moyen de la cogénération. Ce sont des approches qui pourront certainement nous aider à l’avenir.

25Un outil qui n’a, à ce jour, pas encore été mis en œuvre au plan politique est l’incitation fiscale à investir dans des mesures de rénovation énergétique pour les propriétaires de maisons individuelles ou jumelées. C’est fort regrettable, car les propriétaires de ces maisons sont une cible que les programmes de la KfW n’ont pas encore réussi à toucher efficacement, du moins pas en masse. De plus, c’est un groupe qui réagit normalement très fortement aux incitations fiscales. Dans le système fédéral allemand, les ministres des Finances des Länder prennent part au processus de décision au sein du Bundesrat. Malheureusement, jusqu’à présent, les nombreuses tentatives pour faire passer des mesures d’incitation fiscale se sont toujours heurtées au veto du Bundesrat. Même la dernière, après l’adoption du NAPE, a échoué.

26Le gouvernement fédéral va désormais s’assurer que le milliard d’euros de subventions planifié sur cinq ans sera dirigé vers d’autres programmes afin de générer d’autres effets incitatifs. À la dena, nous avons milité pour l’incitation fiscale, car c’est un instrument très efficace. Selon nos calculs – dont les résultats sont largement partagés par le milieu scientifique –, un euro d’impôt non perçu génère huit euros d’investissements. Avec ces huit euros, l’incitation fiscale est plus que remboursée à l’État, en particulier par la TVA.

Les économies d’énergie, un modèle de performance économique et d’entreprise

27La dena pense depuis longtemps que l’efficacité énergétique doit aussi se comprendre comme un modèle de performance économique et d’entreprise. Le NAPE renforce désormais ce type de modèles d’entreprise au-delà du secteur du bâtiment.

28Une nouvelle approche, prometteuse, est celle des appels d’offres publics pour des mesures d’efficacité dans le domaine de l’électricité. Tous les acteurs possibles peuvent y participer : prestataires de services énergétiques, régies municipales, coopératives énergétiques, etc. Plus les économies d’énergie par « euro d’incitation » sont importantes, plus les subventions sont élevées. Le montant des fonds s’élève à 300 millions d’euros d’ici 2018.

29Le modèle de « contracting » doit lui aussi être renforcé et rendu plus attractif, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME). Il concerne la fourniture d’énergie ou les économies d’énergie. Des prestataires privés proposent à une entreprise un contrat aux termes duquel ils s’engagent à assurer l’approvisionnement et l’exploitation énergétiques d’un bâtiment ou d’une entreprise, en tirant leurs bénéfices des économies réalisées. Le client y trouve aussi son avantage, sans avoir à se préoccuper de la mise en œuvre. Le contracting est également un instrument très important pour aider les villes et les communes à économiser l’énergie. Nos modélisations ont montré qu’il serait possible d’économiser 30 % des coûts énergétiques sans gros problèmes par le biais de ces contrats.

30Ainsi, l’important n’est pas toujours de savoir combien d’argent l’État peut mettre à disposition. Si le cadre des investissements pour l’efficacité énergétique est correctement posé, on peut aussi exploiter les forces du marché pour que l’attrait des économies entraîne la réalisation de nombreux investissements. Le contracting est un modèle que nous n’avons pas encore suffisamment développé, mais je suis sûr que dans les années qui viennent, nous allons accomplir de nets progrès. Par exemple, nous avons besoin de plus de garanties de bonne fin. Jusqu’à présent, nous avons eu beaucoup de problèmes avec ces garanties dans les contrats d’économies d’énergie, mais c’est une question que nous allons régler. En outre, il subsiste quelques autres problèmes juridiques. Une fois que nous les aurons résolus, nous pourrons libérer les forces du marché.

31Le NAPE prévoit également de mettre en place des crédits KfW pour l’efficacité énergétique dans les installations et processus de production, dont la hauteur dépendra de l’ampleur des économies d’énergie réalisées. Il existe déjà toute une série d’incitations à l’efficacité énergétique dans les entreprises, notamment pour :

  • les prestations de conseil en énergie (jusqu’à 80 % des coûts pris en charge pour la consultation initiale) ;

  • la certification des systèmes de gestion de l’énergie (jusqu’à 80 %) ;

  • la certification d’un système de contrôle énergétique (jusqu’à 80 %) ;

  • les investissements dans des technologies transversales d’efficacité énergétique (par exemple air comprimé ou pompes, jusqu’à 30 %) ;

  • les mesures d’optimisation énergétique des systèmes (jusqu’à 30 %).

  • 2 Depuis le 1er janvier 2013, les entreprises concernées doivent justifier de la mise en œuvre d’un s (...)

32S’y ajoute le système de remboursement partiel des taxes sur l’énergie et l’électricité pour les plus gros consommateurs dans l’industrie manufacturière (Spitzenausgleich)2. L’objectif de ces mesures est d’abolir, à moyen terme, les obstacles au contracting et aux investissements dans l’efficacité énergétique.

Les potentiels d’économies d’énergie

Graphique 1 : Consommation d’énergie finale en 2008 (en pétajoules)
et potentiels d’économies d’énergie d’ici 2020 (en %)

Graphique 1 : Consommation d’énergie finale en 2008 (en pétajoules)et potentiels d’économies d’énergie d’ici 2020 (en %)

Sources : ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie, données sur l’énergie 2012 ; scénario d’efficacité énergétique de l’étude EnEffVSys de la dena et de Frontier Economics, 2012. * ECS : échanges, commerce, services.

33En matière d’efficacité énergétique, on cherche avant tout à exploiter des potentiels économiques. Le graphique 1 montre l’importance de ces potentiels dans les différents secteurs de consommation. On constate qu’il existe des potentiels économiques d’efficacité énergétique dans tous les secteurs. Pour les exploiter, il faut surmonter divers obstacles :

  • les ménages, les entreprises et les communes ne savent pas précisément combien d’énergie ils consomment, ni comment ils pourraient réduire leur consommation d’énergie et le prix qu’ils paient ;

  • la tâche semble trop complexe, fragmentaire et coûteuse ;

  • l’offre de produits et de services semble trop floue.

Associer l’information à l’incitation

34Pour ces raisons, en plus de l’incitation, le NAPE mise largement sur l’information et la responsabilisation, par exemple au moyen de réseaux, de campagnes d’information, d’étiquetages, de normes de qualité, de conseils. La dena est fortement impliquée dans les campagnes gouvernementales. Aucun gouvernement ne peut se passer de ces campagnes, car à mon avis, il faut continuer à sensibiliser la population à la nécessité d’économiser l’énergie.

Le financement dans le domaine des énergies renouvelables et des systèmes énergétiques

Déséquilibres de financement

35Chaque année, la loi allemande sur les énergies renouvelables (EEG) répartit 20 milliards d’euros pour le développement de ces énergies via la redevance EEG (EEG-Umlage). En comparaison, il faudra plus de 20 milliards pour développer le réseau électrique, mais sur une période de 10 ans. Le déséquilibre est également remarquable par rapport aux quelque 3 milliards d’euros consacrés chaque année à l’efficacité énergétique dans le budget de l’État.

36Dans les années qui viennent, nous devons rééquilibrer la situation. En effet, le montant dévolu aux énergies renouvelables n’est pas disponible pour soutenir d’autres mesures. Pourtant, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables peuvent en principe apporter la même contribution à la transition énergétique. Nous devons mieux coordonner les instruments et, de mon point de vue, sortir un peu du surfinancement des énergies renouvelables. La réforme de la loi EEG adoptée en 2014 constitue un pas important dans cette direction. Nous devons maintenant voir si cela suffira.

L’évolution du marché de l’électricité

37Le développement des énergies renouvelables a eu des effets très importants sur le système énergétique dans son ensemble, et en particulier sur le marché de l’électricité. Pour le gouvernement allemand, la question se pose désormais de savoir s’il est prêt à ouvrir un nouveau réservoir de subventions pour assurer l’approvisionnement du marché de l’électricité – le « marché de capacité » des centrales à énergie fossile – ou s’il va essayer d’éviter ce recours et va miser sur un autre concept. Le livre vert Ein Strommarkt für die Energiewende (« Un marché de l’électricité pour le tournant énergétique ») publié en octobre 2014 montre qu’il s’oriente plutôt vers la deuxième piste. Par conséquent, le nouveau marché doit se développer correctement.

38Comment ce développement se profile-t-il ? Actuellement, le marché de l’électricité en Allemagne est en train de subir une profonde mutation. En effet, alors qu’auparavant les centrales électriques suivaient la demande, selon la nouvelle conception du marché de l’électricité, ce sont les producteurs d’énergie flexibles autant que les consommateurs qui vont s’adapter aux fluctuations de l’offre, au moyen de transferts de charge, d’options de flexibilité et de solutions de stockage.

Maîtrise de la demande (demand side management)

39La maîtrise de la demande ou demand side management, c’est-à-dire le pilotage flexible de la consommation dans les entreprises, est un instrument important pour rendre le marché de l’électricité plus flexible et permettre ainsi l’intégration des énergies renouvelables. De nombreuses études montrent par exemple que le potentiel technique de flexibilité pour le transfert de charge dans l’économie allemande est plus important que ce qui sera nécessaire pour la transition énergétique. La question n’est cependant pas de savoir ce qui est techniquement possible, mais ce qui, en pratique, est réalisable économiquement pour les entreprises en termes de transfert de charge.

40La dena a deux projets pilotes, un en Bavière et un dans le Bade-Wurtemberg, dans le cadre desquels elle réalise des plans et des projets concrets avec des entreprises grosses consommatrices d’énergie. On cherche à savoir comment ces entreprises pourraient piloter leur production de manière à ce que leur consommation d’énergie s’adapte à l’offre des producteurs d’électricité. En bref, si les exploitants des réseaux de transport d’énergie ont besoin d’énergie d’équilibrage, ils peuvent actuellement en acheter auprès d’entreprises ayant des charges flexibles. C’est un report de charge, une gestion de la charge. La question est : peut-on ainsi renoncer à construire de nouvelles centrales électriques ? L’avenir nous le dira.

La question du développement du réseau

41Une autre clé de la flexibilité du système électrique réside dans le développement du réseau. Ce sujet donne actuellement lieu à d’intenses discussions en Allemagne. On se demande si d’ici 2022 – lorsque les dernières centrales nucléaires seront mises à l’arrêt –, l’énergie éolienne en excédent dans le nord de l’Allemagne pourra être acheminée vers les centres de consommation dans le sud du pays. Nous nous trouvons face à un important défi, notamment en ce qui concerne l’acceptation du tournant énergétique par la population. En fin de compte, une bonne conception du marché de l’électricité ne suffira pas s’il n’y a pas de lignes électriques pour transporter l’énergie.

42Si le développement du réseau n’est pas assez rapide, il faut se demander si nous pouvons maintenir notre zone de tarification unique, ou si, à cause des nombreuses interventions dans le fonctionnement des centrales, notamment sous la pression de Bruxelles, nous devrons passer à un système à deux zones, dont personne ne veut naturellement en Allemagne. La réponse à cette question n’est pas exclusivement entre des mains allemandes. Cela montre aussi combien tous les aspects de la transition énergétique sont interconnectés et combien il est difficile de mettre en œuvre un projet d’une telle envergure en aussi peu de temps, en particulier lorsque les projets d’infrastructure nécessitent l’approbation de la population dans les régions concernées.

43La transition énergétique est un vaste défi. Jusqu’à présent, le financement s’est concentré sur les énergies renouvelables ; il faut soutenir plus fortement l’efficacité énergétique. C’est la direction que prend le gouvernement fédéral avec ses nouveaux programmes. Du point de vue de la dena, il faut toujours garder un objectif en tête : assurer le pilotage souhaité au plan politique par un cadre clairement défini et fiable, et autoriser au sein de ce cadre autant de marché et d’ouverture technologique que possible. En résumé, il faut autant de marché que possible, autant de pilotage que nécessaire, en pensant à l’efficacité énergétique avant tout.

Notes

1 Texte issu d’une communication donnée dans le cadre de la journée d’étude Les politiques énergétiques française et allemande des années 1970 à la transition énergétique, coorganisée par le CIRAC le 13 avril 2015, NdE.

2 Depuis le 1er janvier 2013, les entreprises concernées doivent justifier de la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie répondant à des normes précises pour pouvoir bénéficier de cet allègement fiscal, NdE.

Table des illustrations

Titre Graphique 1 : Consommation d’énergie finale en 2008 (en pétajoules)et potentiels d’économies d’énergie d’ici 2020 (en %)
Légende Sources : ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie, données sur l’énergie 2012 ; scénario d’efficacité énergétique de l’étude EnEffVSys de la dena et de Frontier Economics, 2012. * ECS : échanges, commerce, services.
URL http://books.openedition.org/cirac/docannexe/image/1065/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 91k

Auteur

Directeur général de l’Agence allemande de l’énergie (Deutsche Energie-Agentur, dena) (jusqu’en 2015)
Actuellement directeur adjoint de la division Chaleur et efficacité énergétique dans l’industrie et les bâtiments résidentiels, ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie, Berlin

Marie-Céline Georg (Traducteur)

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Lire

Open access

Acheter

Volume papier

decitre.framazon.fr
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search