L’enjeu des modes de rémunération
Leur évolution dans les communautés canoniales et leur extension en d’autres milieux
Résumés
La dissolution de la vie commune, dans le cadre d’une économie monétarisée, accompagne des évolutions institutionnelles comme le développement du système bénéficial et l’apparition de nouveaux modes de rémunération. Au sein des communautés canoniales prennent place la distribution attachée à une récitation de prière puis le paiement à l’acte de la célébration d’une messe, ce qui permet de les multiplier. Dans les paroisses, le desservant assure en grande partie sa subsistance par la perception des offrandes désormais tarifées du casuel. La figure du prêtre s’individualise dans un statut social défini par son utilité au service de tous, notamment la célébration des messes pour les morts. La personne du Christ tend à remplacer l’apôtre comme le modèle auquel il doit conformer sa vie et son action. Pourtant, la vie commune reste vers 1500 un idéal inspirant encore certaines pratiques des milieux canoniaux, pratiques qui maintiennent également leur présence dans les cours, les fermes, les ateliers ou les chantiers, limitant ainsi l’expansion de la rémunération à l’acte.
Within the monetarism economics frame, shared life dissolution comes with institutional evolutions such as the development of beneficium and the appearance of new pay modes. Inside canon communities the presence at prayer recitations give rise to fees and individual mass celebrations give rise to direct payments which allows their multiplication. In parish greater part of the curate income results from, henceforth chargeable, offerings. The figure of the priest stands out in a social status defined by its assistance to all, especially by mass celebrations for the deads. The priest model shifts from apostle to Christ figure to which life and acts must conform. However, around 1500 the shared life ideal yet inspires to canons the upholding of some practices such as farming, workshops or constructions works, which are also maintained in courts. This limits the growth of remuneration by wages.
Entrées d’index
Mots-clés : casuel, distribution, messe, prébende, vie apostolique
Keywords : apostolic life, distribution, mass, offerings, prebend
Texte intégral
1Jusqu’au XIIe siècle, le modèle de la vie communautaire s’impose au clergé car elle apparaît comme l’un des fondements de son pouvoir sacré en ce qu’elle le rattache aux origines de l’Église chrétienne. L’isolement se trouve proscrit. L’ermite lui-même s’entoure finalement d’un petit groupe de disciples. Selon une nécessité peut-être plus sociale et pratique que spirituelle, le prêtre desservant une église domaniale vit dans la familia du maître. En refusant toute propriété et même toute disposition individuelle des biens et des revenus, en partageant un dortoir, en consommant la même nourriture dans le côtoiement d’une même table, les clercs maintiennent le mode de vie des apôtres, celui du monachisme cénobitique tel que l’a défini saint Benoît et celui de la vie selon les canons explicitée par la législation carolingienne, dans l’Institutio canonicorum d’Aix-la-Chapelle notamment. Dans cette quête de fraternité, la hiérarchie des ordres sacrés limite ses effets à la liturgie. Les tâches elles-mêmes sont réparties et partagées, seul le pouvoir ne l’est pas dans la supériorité de dignitaires en principe élus. Ce que chacun reçoit n’est en rien proportionnel à son travail, dans la ligne de la parabole des ouvriers de la onzième heure (MATHIEU, 20, 1-16) : il perçoit ce qui lui est nécessaire et provient d’un partage fortement égalitaire entre tous les membres de la communauté. Ce mode de vie garantit aux yeux de tous l’efficacité salutaire des liturgies qu’ils perpétuent chaque jour: seul un chœur, imitant celui des anges, rassemblé dans un sanctuaire, peut rendre à Dieu le culte qui lui est dû, et l’harmonie de la vie entre frères fonde la consonance des voix qui entretiennent le chant de sa louange. En même temps, les laïcs vivent eux aussi très largement dans des cadres communautaires, moins formalisés certes, la mesnie pour l’aristocratie guerrière ou la famille large dans le monde paysan, maison ou château partagés et commensalité en constituant les fondements.
2À une date qu’il est difficile à préciser, mais au XIVe siècle au plus tard, les preuves ne manquent pas du développement d’un phénomène en pleine contradiction avec cette vie communautaire, la messe payée à l’unité, en pièces de monnaie versées à celui qui la dit, et le prêtre pouvant vivre de ce travail, rétribué à l’acte par quelques deniers ou quelques sous, souvent indépendant dans son statut juridique comme dans sa vie quotidienne. Se trouve donc individuée et monnayable l’œuvre qui rend le Christ immédiatement présent, ex opere operato, dont la célébration devient au cours du XIIIe siècle le moyen par excellence du salut après une lente promotion que permet son possible détachement de la liturgie des Heures1. Les testateurs en demandent un nombre plus ou moins élevé, parfois plusieurs centaines, qui devront être dites dans les journées suivant leur décès (CHIFFOLEAU, 1981). La rémunération à l’acte ne constitue pas alors, loin de là, le moyen d’existence exclusif de tous les prêtres, mais son développement résulte d’un processus significatif qu’il s’agit de décrire et d’éclairer, en en saisissant les modalités et les incontestables limites, en le resituant aussi dans une évolution générale des modes de vie dans la société médiévale pour voir si les clercs n’auraient pas été les porteurs de nouveaux paradigmes rayonnant en bien d’autres milieux amplement pénétrés par leur influence. Une démarche retraçant précisément les étapes de ce processus, en mettant au jour les causes, nécessiterait des recherches considérables, tant les situations locales paraissent diverses et même contradictoires, parce qu’aussi l’historiographie, à propos du XIIe siècle par exemple, concentra jusqu’à présent son regard sur les développements du monachisme et de la puissance pontificale puis sur la constitution des pôles, des réseaux et des territoires d’encadrement ecclésiastique, laissant largement de côté l’étude du statut juridique et spirituel des clercs comme, pour les séculiers, de leurs modes de vie2. Les cheminements théologiques et canoniques par lesquels un lien put s’établir entre un geste sacré et sa rétribution en argent, dans un contexte où le courant grégorien venait pourtant de dénoncer fortement la simonie, restent à mettre en évidence, tout comme les relations entre l’effacement de la vie commune et la rémunération à l’acte. Les quelques pages de ce texte ne peuvent donc être que des questions, des réflexions et des propositions aussi limitées que discutables.
3Les premières étapes de ce processus ont été vécues par les chapitres de chanoines cathédraux et collégiaux de France du Nord. La division, en général à une époque assez haute, de la mense épiscopale et de la mense capitulaire entraîne un assouplissement du lien entre l’évêque et son clergé. Des communautés particulières peuvent se multiplier, collégiales par exemple, avec lesquelles l’attache de chaque clerc se resserre lorsqu’à la fin du XIe siècle l’exigence de l’appartenance à une église spécifiée pour la réception d’un ordre majeur se précise dans la notion de titre d’ordination (THOMASSIN, 1725, II, 50). Par la suite les prébendes partagent, à la fin du XIe siècle et surtout au XIIe, les revenus de la mense capitulaire. Elles n’exigent pas, pour leur perception, une activité et une présence particulières, d’où la possibilité d’un certain absentéisme canonial, car elles ne sont pas une rémunération mais une part de l’usufruit d’une propriété qui reste commune. La fondation de communautés comme l’accroissement de leurs effectifs se font par création de nouvelles prébendes individuelles, donc de bénéfices détenus à vie, dont le fondateur a cependant donné le patrimoine au corps capitulaire et non à une succession d’individus. À l’intérieur même de ces collèges canoniaux de France septentrionale, les degrés de liberté de gestion de chaque prébende par son titulaire offrent une grande diversité, larges en Normandie, nettement plus restreints dans les provinces de Reims et de Sens3. Dans le même temps, par un mouvement qui suscite parfois tensions et ruptures internes dans ces communautés, s’effacent la commensalité du réfectoire et le côtoiement des lits au profit de maisonnées individuelles où viennent prendre place femmes de la famille, servantes âgées et jeunes clercs en formation, puisque chacun peut désormais vivre de sa prébende4.
4L’étape suivante commence dans la seconde moitié du XIIe siècle et se déploie au suivant: l’apparition dans ces chœurs de cathédrale ou de collégiale de chapelains supplétifs, qui renforcent les effectifs et remplacent éventuellement les chanoines absents, mais ne sauraient prendre place dans le corps canonial. Une hiérarchie de statuts s’ajoute à celle, essentiellement liturgique, des ordres sacrés. Toutefois, le modèle communautaire reste suffisamment puissant pour contraindre parfois de constituer ces chapelains en un collège de quelques membres que le fondateur, l’évêque, le chapitre, un généreux chanoine, dote d’un patrimoine propre ou intègre dans celui de la communauté capitulaire sous forme de parts de nouvelles prébendes qui ne donnent pas voix au chapitre5. À ce moment deux circonstances conduisent les corps canoniaux à déplacer vers leurs propres membres une pratique utilisée jusque-là en faveur des pauvres par de nombreuses communautés de toute nature, la distribution, en nourriture ou en argent, mettant ainsi en place un nouveau mode de rémunération. Pour lutter contre l’absentéisme canonial, plutôt que de créer des chapelains supplétifs, certains jouent crûment de l’incitation financière. Dès 1159, le doyen du chapitre cathédral de Laon, avec l’accord de l’évêque Gautier de Mortagne, affecte à des émoluments en argent pour les chanoines présents les revenus de ceux qui ne résident pas. Celui qui se présente au chœur perçoit un ou deux deniers pour chaque office, ce tarif variant en fonction non de l’importance ou de la durée de la célébration, mais du degré habituel d’absentéisme qui la frappe : les vêpres ou la messe assurent le gain d’un denier, une Heure simple celui de deux (FOVIAUX, 1986, 89-90)6. Soigneusement maintenue à l’intérieur du chapitre, dont elle modifie seulement le mode de partage des revenus sans affecter nécessairement les pratiques de la vie commune, mais néanmoins désormais associée directement à la prière, la rétribution en argent ne reçoit pas dans cette décision la valorisation spirituelle que lui accorde au contraire le geste d’offrande dans le développement des suffrages pour des morts particuliers, autre cause de la mise en place des distributions. L’anniversaire ou obit n’exige qu’un service modeste, essentiellement des vigiles et une messe, mais célébré par l’ensemble du chœur et étroitement lié à une donation accomplie par son bénéficiaire. Son chant, que le chapitre concédait jusqu’alors à ses membres ou d’autres personnages qui s’étaient illustrés envers lui par de multiples générosités, résulte désormais de la volonté d’entretenir sa propre mémoire liturgique par une fondation organisée avant son décès en y prévoyant une distribution pour tous les participants, chanoines et chapelains. Elle peut se faire, pendant longtemps, sous forme de pain et de vin, dans une évidente métaphore du partage eucharistique, afin de manifester clairement, par leur similitude, le lien entre l’offrande et la rémunération, mais aussi sous forme d’argent monnayé7. Selon un mode qui est sans doute le plus ancien, le fondateur détermine des sommes à partager entre les membres présents des différents groupes qui constituent le chœur, mais ensuite il affecte à chacun d’eux une somme fixe, variable selon son rang8. La distribution fixe comme celle qu’on partage constituent la rétribution d’une tâche, en l’occurrence le chant de prières dans un office liturgique, mais la première représente par rapport à la seconde une étape de plus vers la rémunération à l’acte. Une certaine autonomie du chanoine et du chapelain peut alors se construire : s’il est tenu d’assister chaque jour au chant des heures canoniales, à moins de présenter une excuse valable, ou d’en être dispensé par la communauté en raison de son âge et de ses nombreuses années de service ou d’autres activités, tout en percevant les distributions afférentes, il ne l’est pas de prendre place au chœur pour la célébration des anniversaires particuliers, du moins les textes de fondation ne l’exigent-ils habituellement pas.
5La densification du réseau paroissial et l’organisation du régime bénéficial ont largement participé à l’effacement, dans les Églises les plus modestes, du modèle apostolique de la vie commune qu’elles semblent avoir pourtant suivi, pour certaines d’entre elles au moins, au XIe siècle, dans la dépendance des chapitres cathédraux par exemple9. Par le fait d’une certaine porosité des innovations sociales et juridiques entre ceux qui prient et ceux qui combattent, ces deux évolutions pourraient entretenir des liens avec celle des relations féodo-vassaliques, ce dont témoigne par exemple l’usage du terme beneficium dans les deux milieux. Le processus de création de nouvelles paroisses, ou de promotion d’anciennes églises domaniales, par des seigneurs laïcs ou ecclésiastiques soucieux de resserrer l’encadrement clérical de leurs dépendants, repose sur des dotations en biens-fonds, rentes et dîmes, qui semblent relever du même régime que la constitution des fiefs. Le curé et le vassal se détachent en même temps d’une vie dans un cadre socialement étendu et complexe à l’avantage d’une plus grande autonomie et de relations limitées et formalisées. Tant les différences dans les obligations de l’un et de l’autre que l’emploi exclusivement ecclésiastique du terme patronus pour désigner le fondateur de la paroisse manifestent cependant les limites rapidement atteintes par l’influence des relations entre guerriers dans la construction du régime bénéficial10. Celui-ci prend aussi sa source dans le titre d’ordination, qui lui transmet particulièrement son caractère de perpétuité. L’ordre se recevant désormais au titre du bénéfice et la détention de ce dernier permettant d’être ordonné, l’évêque ne peut priver le prêtre ni de l’un ni de l’autre: le sacerdoce a conquis son indépendance. Dans les communautés canoniales la complexité et la diversité de l’organisation des prébendes puis des chapellenies témoigneraient d’une adaptation difficile et seconde d’une économie des revenus et des pouvoirs qui répondait d’abord à la promotion des responsables de paroisses: les règles qui la précisent les distinguent de plus en plus des cures, notamment parce que ces dernières prennent directement en charge les âmes des fidèles. L’unicité de la responsabilité pastorale du curé, clairement affirmée vers 1200 dans le monopole sacramentel qui lui est conféré, en plus d’imposer une nette hiérarchie, interdit les formes de vie communautaire qui auraient pu se développer dans les grandes paroisses entre lui et les nombreux prêtres voués aux services pour les morts, chapelains perpétuels ou simples « habitués ». Entre curés, la confraternité, contenue souvent dans un espace restreint, constitue le seul lien possible de solidarité (DESPORTES, 1985)11.
6À la fin du XIIe siècle, au moins dans les grandes cathédrales septentrionales, apparaissent les chapellenies, non plus un anniversaire annuel, mais un nombre variable de messes à célébrer par un même prêtre tout au long de l’année12. Elles naissent fréquemment de l’initiative des grands laïcs13. Le chapelain dispose de l’usufruit et perçoit les revenus de biens donnés à perpétuité par le fondateur pour assurer ces messes: la chapellenie, qui jouit du statut de bénéfice, reprend le modèle de la prébende et non celui de la distribution. Mais sont prévues de plus en plus clairement, au XIVe siècle en particulier, dans les fondations organisées non plus seulement auprès des cathédrales, mais aussi en bien d’autres églises, y compris paroissiales, des amendes en argent pour la défaillance d’une célébration, versées à l’église qui abrite la chapellenie: chaque messe a alors, négativement d’abord, un prix, et peuvent se développer dans les testaments, sans doute aussi au quotidien, les commandes de messes à l’unité et donc la rémunération à l’acte du célébrant. Surgissent par conséquent, puis se multiplient, dans les communautés séculières, aussi bientôt dans les paroisses, ces prêtres libres, surnuméraires, au mieux « habitués », c’est-à-dire ayant reçu de manière éphémère un habit ou un insigne propre à l’église où ils exercent leur activité, plus ou moins liés à telle confrérie ou à telle grande famille, aux tâches indistinctes, sans doute variées, au départ mal connues faute de sources précises avant le XVe siècle, assurant leur subsistance par leur participation aux distributions des obsèques et anniversaires et par les messes qu’ils disent à la demande et à l’unité. Ils ont reçu la prêtrise selon une pratique qui s’établit à la fin du XIIe siècle, celle du titre patrimonial: la famille ou des proches de l’ordinand lui garantissent un revenu à vie, ce qui dégage l’évêque de son obligation perpétuelle d’assurer sa subsistance au cas où il ne pourrait « vivre du sien »14. En plus de dénouer le lien fort que le droit canon avait instauré entre ordination et bénéfice, le titre patrimonial développe encore l’autonomie du clerc majeur à l’égard de l’institution ecclésiastique, en l’insérant dans un cadre familial où sa vie quotidienne prend sans doute largement place. Dans le diocèse de Rouen vers 1410, les approbations des titres patrimoniaux par la cour de l’archevêque représentent 46 % de l’effectif des prêtres ordonnés, parmi lesquels figurent des membres des ordres réguliers15. Les grandes communautés, qui présentent à l’évêque les vicaires ou chapelains révocables ad nutum dont ils acceptent ou souhaitent l’ordination, leur offrent des garanties de stabilité et sécurité matérielle, une incontestable contrainte également, constituant donc en leurs conséquences un moyen terme entre l’ordination au titre d’un bénéfice et celle qui ne s’appuie que sur un titre patrimonial. Les fondements ou les conséquences de ces évolutions sont considérables: la prière, œuvre méritoire bénéfique au salut de celui pour lequel on prie, se transforme en un travail rémunéré et s’efface donc l’injonction bénédictine de l’ora et labora comme des moments différents de la vie religieuse. Le clerc, et en particulier le prêtre, devient un ouvrier dans la vigne du Seigneur, au revenu proportionnel à son travail ; il acquiert dans la société un statut défini comme les autres par une tâche particulière dont il détient le monopole, trouvant son rang dans une utilité et une nécessité au profit de tous, qui lui valent reconnaissance et moyens d’existence, et non dans un genre de vie propre qui impliquerait une radicale conversion imposant dépossession et soumission. Cette nouvelle conception du clerc puise sa sève dans la dissociation, conduite par des théologiens de la première moitié du XIIe siècle, entre l’efficacité de la prière et la dignité spirituelle de celui qui la prononce. En revanche les liens s’affermissent entre l’offrande des fidèles, la rémunération des prêtres et les rites qui assurent le salut.
7Cette évolution a pourtant de sérieuses limites, qui témoignent de la persistance d’un idéal de vie commune. Celle-ci se maintient dans de grandes communautés canoniales de France du Sud, sans division de la mense capitulaire en prébendes clairement individualisées, ces établissements se référant plus ou moins explicitement à la règle de saint Augustin. Les distributions au chœur ne se développent que dans les corps de clercs séculiers. Les testaments montrent qu’on lègue aux monastères et couvents une somme d’argent destinée à financer une pitance. Les obituaires monastiques de la fin du Moyen Âge mentionnent les sommes qui ont été versées ou les biens qui ont été donnés pour les anniversaires, mais ne parlent pas de distributions individuées16. En France du Nord même, dans les communautés séculières, persistent parfois des manifestations de l’ancienne vie en commun. Encore dans les années 1260, l’évêque de Tournai attribue de nouveaux revenus au réfectoire des chanoines de la cathédrale (SAINTE-MARTHE, 1725, III, 220). Sauf pour les chapitres normands, l’égalité de valeur est préservée entre les prébendes, avec des modalités de redistribution périodique ou de taxations des plus rentables à un moment donné au profit de celles qui le sont moins17. Nombre de ces chapitres continuent de distribuer quotidiennement à chaque chanoine du pain et du vin, pain produit par un boulanger propre à la communauté, comme un substitut, qui n’est pas seulement symbolique, de l’ancienne pitance des repas partagés. C’est le cas à la fin du XVe siècle à Notre-Dame de Rouen par exemple18. À ce moment, les chanoines de la cathédrale d’Aix-en-Provence reçoivent encore chaque jour deux distributions de nourriture et de boisson (COULET, 2016, 161)19. Une table commune peut aussi réunir chanoines et chapelains à certaines fêtes20. Les prêtres des bas-chœurs de cathédrale sont parfois regroupés en collèges qui mènent une vie plus ou moins commune dans une maison qui leur est propre, en chambre individuelle et non en dortoir cependant, avec un patrimoine géré par tous et une rémunération qui comporte, comme pour les chanoines, une partie fixe et égale résultant du partage de l’usufruit des biens donnés par le fondateur de ce collège, et une partie variable déterminée par les célébrations de messes par chacun et les présences aux offices que le collège doit assurer. Ces chapelains de collège ne sont d’ailleurs pas des bénéficiers puisque révocables ad nutum par le patron du collège21. Dans l’ensemble, les prêtres rémunérés exclusivement à la tâche ne sont qu’une minorité dans le clergé: les messes célébrées dans le cadre de chapellenies perpétuelles dépassent en nombre celles commandées à l’unité et beaucoup de chapelains vivent donc sous le régime du bénéfice. Lorsque, à Rouen au XVe siècle par exemple, les fondations de messes perpétuelles dans les paroisses se font non plus sous forme de chapellenies indépendantes mais sous celle de dons aux fabriques, à charge pour elles de les faire dire, le célébrant ne perçoit pas le prix de chacune mais une pension annuelle fixe, proportionnelle tout de même au nombre de celles à dire dans la semaine, prévue dès le contrat de fondation et mise par lui à la charge de cette fabrique22. En France du Centre et du Sud, les prêtres qui célèbrent les messes pour les morts dans le cadre des paroisses ont tendance à se regrouper en communautés qui ne pratiquent certes pas la vie commune mais organisent tout de même la répartition des tâches et des rémunérations, les méparts de Bourgogne, les communautés de prêtres-filleuls en Auvergne par exemple23. Il n’est pas impossible non plus qu’une certaine interdiction d’héritage et de propriété patrimoniale pèse sur ceux qui ont reçu les ordres majeurs, comme s’ils ne pouvaient vivre que de l’autel. Le titre patrimonial qui leur permet d’être ordonnés peut en effet être assimilé à une avance d’hoirie qui les exclut ensuite des partages successoraux. Lorsqu’un prêtre fait une fondation perpétuelle, il donne un capital en espèces, des biens fonds ou le plus souvent des rentes qu’il vient d’acquérir, non les fruits d’un héritage. Dans leurs testaments, les clercs majeurs ne semblent pas disposer non plus de biens hérités.
8La personnalisation du gouvernement des âmes n’implique pas, pour le curé en tant que tel, le développement d’une rémunération à l’acte. Ses revenus reposent sur les rentes perpétuelles et les offrandes, ce qui permet d’ailleurs leur division fréquente entre un titulaire du bénéfice et un vicaire fermier. Les rentes proviennent des biens fonciers qui constituent la dotation de son bénéfice, et des parts de dîmes que lui laisse le patron de sa paroisse. Les offrandes découlent de quêtes, qui semblent en plus grande part destinées aux fabriques qu’aux curés, et du casuel attaché aux sacrements. Dans la pratique de celui-ci pourrait se concevoir un paiement à l’acte, mais l’interdit de simonie pèse encore d’un poids suffisamment lourd pour que les versements qu’il entraîne, même lorsqu’ils ont été tarifés par ces accords entre curés et paroissiens dont on trouve trace ici ou là, restent considérés comme de libres offrandes. Son montant s’appréciant en fonction de la capacité de chacun, le casuel n’est pas conçu comme une rétribution proportionnelle à une tâche24. Il touche les sacrements reçus dans un cadre public et cérémoniel, non ceux qui comme la confession, sacrement de loin le plus fréquent dans la vie des fidèles, ou le viatique, le sont en secret ou dans un cadre familial ; ou alors il se greffe sur la rédaction d’un certificat écrit. La possibilité de se confesser auprès des frères mendiants, qui en ce domaine valorisent exclusivement la libre offrande, fait également obstacle à une rémunération à l’acte de la délivrance des sacrements par les desservants des paroisses. Les curés peuvent évidemment percevoir quelques pièces pour une messe qu’ils ont dite, mais cela ne relève pas de la spécificité de leur ministère. Dans les grandes paroisses urbaines de France du Nord au XVe siècle, une messe célébrée par le curé coûte plus cher que celle dite par un chapelain, la hiérarchie des statuts continuant de l’emporter sur la tâche pour l’évaluation de l’honoraire. D’une façon générale, la rémunération à l’acte dans la vie ecclésiastique, en dehors des chants de prières, processions et messes, ne semble donc gagner que le sermon lorsqu’il est organisé par une institution et payé à un prêtre qui en a fait sa profession25.
9Percevoir un salaire pour un travail précis, de courte durée, dont le prix relativement élevé et la répétition fréquente permettent un revenu suffisant pour assurer l’indépendance sociale d’un individu, pratique développée en certaines couches de ce monde de célibataires qu’est le clergé séculier, s’étend-il à d’autres milieux entretenant avec lui des relations plus ou moins soutenues ?
10Dans le cadre des exploitations agricoles ou des ateliers d’artisanat, le modèle d’une vie familiale commune domine largement, marginalisant ainsi toutes les formes de salaire, bien que ce dernier ait trouvé dans de nombreux règlements de métiers de la fin du Moyen Âge une définition calculée sur le temps passé. L’ouvrier agricole, l’apprenti, le valet embauché à long terme reçoivent du maître logement, nourriture et vêtements, et eux-mêmes, ou leurs parents dans le cadre des contrats d’apprentissage, versent à ce dernier une somme d’argent pour prix de la transmission d’un savoir précieux (GEREMEK, 1968, 32, 57). Le salariat, celui du simple manœuvre ou celui de l’ouvrier qualifié, s’est développé sur les grands chantiers de construction, activité où l’initiative ecclésiastique joue un rôle primordial, avec l’indépendance qui l’accompagne, mais d’une part il s’agit d’un appointement à la journée ou à la semaine et non à l’acte, et d’autre part subsistent des partages de nourriture, des distributions de vin en plus du salaire par exemple, qui n’ont pas pour seul but de revigorer les travailleurs fatigués26. À lire les testaments, il est évident que les domestiques et autres serviteurs au quotidien ne sont pas salariés, l’usage consistant à leur faire des dons et legs, hiérarchisés en fonction de leur rang, en argent ou en nature, des vêtements par exemple. Le modèle reste celui de la maisonnée vivant en commun.
11Le monde des gens de robe, conseillers et avocats, perçoit de ceux qui l’emploient des pensions fixes en argent, en général à l’année, même si elles sont payées en plusieurs termes, fonction non pas de l’intensité du travail accompli, mais obéissant à une hiérarchie de prestige et de statuts27. À quoi s’ajoutent dans les cours la nourriture et le logement, vestiges de la commensalité seigneuriale, et les distributions d’étrennes, de cadeaux, de robes plus ou moins fixées par la coutume28. Des tâches ou missions particulières, exigeant par exemple des déplacements, peuvent donner lieu au versement d’indemnités journalières. La relation s’établit sur le service, impliquant en contrepartie la générosité du maître, et non à proprement parler sur le travail. Cependant en plus des pensions, les avocats et conseillers perçoivent une somme d’argent précisément fixée et directement proportionnelle à la peine prise pour la rédaction de tel ou tel acte écrit. Car c’est dans ce domaine, à côté de celui de la prière, que la rémunération à l’acte a pris corps.
12Les grosses d’actes notariés ou autres écritures portent souvent en bas l’indication de sommes d’argent qui correspondent au prix du parchemin et de l’encre, produits coûteux, mais aussi de l’écriture elle-même, en plus des droits prélevés pour l’apposition des sceaux29. L’écriture rejoint donc la prière comme acte en soi, lié à un statut déterminé par une compétence, largement dégagé de toute dimension relationnelle. Les deux activités se développèrent dans le même milieu, celui des chanoines et surtout celui des chapelains regroupés autour des grandes églises urbaines ou des chapelles castrales, milieu qui a ensuite donné naissance au notariat30. Le clergé paroissial prit le relais au XIIIe siècle31. La prière et l’écriture ont aussi en commun un caractère de sacralité dû à leur stabilité et à leur permanence, au fait qu’elles s’accomplissent dans une langue particulière qui leur est propre, à celui aussi qu’elles prennent leur source dans cette parole de Dieu qu’elles ont pour première charge de transmettre, de maintenir, d’exprimer et de faire vivre. Toutes deux supports essentiels de la mémoire, seul les menace le développement des images, qui restent longtemps très rares et qui leur sont fondamentalement liées, dans les manuscrits par exemple.
13Le monde des clercs maintient son attachement à de nombreuses formes d’organisation communautaire bien que les établissements séculiers en aient largement détaché leur vie quotidienne. Outre qu’elle correspond évidemment au modèle idéal de la communauté des douze apôtres autour du Christ, puis des premières églises chrétiennes, cette organisation permet d’articuler au mieux égalité et hiérarchie, fraternité et paternité. Dans cette ligne, les clercs continuent de se penser comme les disciples du Christ. C’est à partir de la célébration de la messe et donc de la personnalisation de l’intercession sacerdotale que s’édifie l’autonomie individuelle qu’exprime la rémunération à l’acte. Dans un certain paradoxe avec une diffusion élargie du sacerdoce et sa construction comme statut reconnu dans un service de mieux en mieux socialement défini, mais en cohérence avec son absorption des rangs inférieurs des ordres sacrés comme avec l’affirmation de la messe comme moyen essentiel du salut, le modèle du Christ lui-même, auquel le prêtre s’identifie dans la consécration des espèces comme à travers la figure du pasteur dans la délivrance des sacrements, s’ajoute à celui de la communauté apostolique. Sans le marginaliser encore, il tend, en cette fin du Moyen Âge, à l’effacer peu à peu, dans un mouvement qui mène à l’exaltation tridentine de la prééminence de l’état sacerdotal sur toutes les autres formes ou manifestations de la vie chrétienne.
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Notes de bas de page
1 La messe privée ou votive, célébrée solitairement par un prêtre, apparaît dès la fin du Ve siècle ou le début du VIe siècle, et accède au IXe siècle à un usage universel (Vogel, 1980).
2 Par exemple, les origines et la constitution de ce qu’il est convenu d’appeler le système bénéficial restent trop ignorées de l’historiographie récente. L’intérêt actuel pour la prosopographie donne lieu à des monographies de plus en plus nombreuses, mais les synthèses demeurent limitées.
3 Les « notices institutionnelles » qui figurent au début des volumes publiés de la collection Fasti Ecclesiae gallicanae aux éditions Brepols présentent les détails de cette variété d’organisation des prébendes.
4 L’interdit du concubinage qui s’impose à cette époque trouve peut-être en partie son origine dans la prise de conscience que cette évolution des modes de vie pouvait placer la filiation biologique au cœur de la perpétuation du clergé et donc l’éloigner profondément du modèle apostolique au profit de celui du sacerdoce de l’Israël ancien. L’accueil dans la maisonnée d’un neveu ou d’un jeune clerc d’une famille proche valorise au contraire une transmission plus nettement culturelle.
5 L’attribution des premières chapellenies aux chapitres séculiers a été proposée par Joseph Avril (1993, p. 122 note 4). Saint-Germain l’Auxerrois à Paris offre un exemple de collégiale où les vicaires qui suppléent les chanoines n’ont pas été regroupés en une communauté : apparus en 1183 au plus tard, chacun d’entre eux est lié à un chanoine en particulier, qui le présente au chapitre et assure une partie de ses rémunérations en fonction des offices où il se fait remplacer par lui. Les vicaires participent néanmoins aux distributions faites pour les offices de Carême, à part égale avec les chanoines, ce qui suppose la mise en commun de certains revenus (Massoni, 2009, 94-97, 109).
6 À la cathédrale de Reims, d’après un texte de 1170 confirmant une réforme qui remonterait peut-être à 1149, les fruits des prébendes des absents sont partagés entre ceux qui assistent aux matines. Il ne s’agit donc pas encore d’une tarification de l’assistance aux Heures (Demouy, 2005, 91).
7 La large absence, dans les obituaires, des dates de leur inscription ou du décès du fondateur rend très difficile l’établissement d’une chronologie précise de l’évolution de ces fondations. La présence de l’argent dans les distributions accompagne sans doute son emploi dans l’offrande des fidèles aux messes paroissiales, dans une vie économique et des relations sociales de plus en plus monétarisées, mais les sources ne permettent pas de connaître mieux l’une que l’autre. Pour la fondation des anniversaires, le don de rentes en argent ou même d’un capital en numéraire remplace progressivement celui de biens immobiliers et triomphe aux XIVe et XVe siècles.
8 L’anniversaire à Notre-Dame de Paris d’Yves de Mello, archidiacre mort en 1156, institué par son neveu, prévoit une distribution de six deniers aux chanoines et desservants du maitre autel pour les vigiles et autant à la messe du lendemain, les marguillers laïcs recevant quant à eux douze deniers. Pour l’anniversaire du doyen Hugues Clément († 1217), fondé par le chapitre de Notre-Dame de Paris en raison des nombreuses générosités qu’il en avait reçues, les chanoines, les desservants du grand autel et les marguilliers prêtres perçoivent chacun six deniers aux vigiles et autant à la messe, s’ils sont présents, les marguillers laïcs douze deniers et les autres clercs du chœur trois deniers. Ce mode de distribution se développe dans cette église au XIIIe siècle, mais par exemple l’obit d’un prêtre cardinal mort après 1294 s’y trouve rémunéré par le partage de cent sous parisis (Molinier, 1902, 154, 96, 175).
9 Les basiliques péri-urbaines, les communautés de clercs desservant les églises baptismales ou associées à des monastères de femmes ont en général suivi le mode de vie de l’église-mère du diocèse, avec laquelle elles entretenaient des liens institutionnels et liturgiques étroits (Massoni, 2007, 931-932).
10 La notion de jus patronatus apparaît dans les canons élaborés au concile de Latran III en 1179 (Thomassin, 1725, t. II, col. 176).
11 Prenant corps dans un milieu qui se définit par une responsabilité particulière, le ministère paroissial, au début du XIIIe siècle, elle pourrait bien avoir été dans les villes le premier exemple de confrérie de métier (Desportes, 1985, 300).
12 Garnerius, mentionné en 1154, peut-être le premier chapelain tenant bénéfice dans la cathédrale d’Angers, paraît particulièrement précoce (Matz, 2007, 109, note 6). L’évêque d’Amiens Thibaud Briton fonde en 1187 dans la cathédrale deux chapelains pour le remède de son âme (Jourd’heuil, 2010, 634). La première fondation d’une chapellenie à la cathédrale d’Avignon remonte à 1212, mais la suivante n’apparaît qu’en 1278 (Inde, 2013, 11).
13 Le comte d’Evreux Amaury de Montfort fonde dans les années 1180 les deux plus anciennes chapellenies de la cathédrale du lieu, en supprimant une prébende alors que son grand père Simon le Chauve en avait au contraire fait naître six nouvelles (Le Brasseur, 1722, 159 ; Charpillon, 1868-1879, I, 181).Dans le diocèse de Liège, les fondations de chapellenies n’apparaissent dans les testaments bourgeois que dans la seconde moitié du XIIIe siècle (Lauwers, 1997, 381).
14 Un canon du concile de Latran III (1179) mentionne la possibilité pour le clerc majeur de vivre de son patrimoine hérité ou gagné (Thomassin, 1725, II, 51). Dans une décrétale de 1208, Innocent III admet explicitement l’ordination au titre de leur patrimoine de ceux qui ne détiennent pas de bénéfice. Le concile de Béziers fixe en 1223 le revenu minimal à cent sous par an (Thomassin, 1725, 53). Au XVe siècle, l’archevêque de Rouen exige vingt livres tournois par an.
15 Rouen, Archives départementales de la Seine-Maritime, G 272. L’ordination au titre d’un patrimoine n’interdit évidemment pas de recevoir par la suite un bénéfice. Les sources ne permettent pas de savoir si cette réception fait disparaître les revenus assurés par le titre patrimonial, mais c’est vraisemblable.
16 De modestes rentes en argent qui servent d’abord à payer les chapelains célébrant les messes constituent près de 80 % des 327 fondations reçues par les moniales bénédictines de Saint-Andoche d’Autun jusqu’au XVe siècle. Les rares distributions que le texte de l’obituaire destine explicitement aux religieuses se composent de pain et de vin. Les pauvres bénéficient aussi de quelques-unes d’entre elles. (Verpeaux, 2011, 72-73).
17 Au chapitre cathédral de Laon, un renouvellement de la répartition des « gros fruits » des prébendes est organisé tous les six ou neuf ans, le choix de leur assise territoriale en tel ou tel des domaines du chapitre étant laissé à chaque chanoine. (Millet, 1982, 258).
18 En 1483, le chapitre passe un contrat avec un boulanger pour qu’il fournisse par jour trente-six pains blancs de trente-deux onces chacun et trente-six pains bisets de chacun vingt onces. Rouen, Archives départementales de la Seine-Maritime, G 2142, fol. 81. Au chapitre cathédral de Chartres, jusqu’en 1367, chaque chanoine pouvait recevoir jusqu’à trois pains par jour, en fonction de sa présence, l’un pour les matines, un autre pour les anniversaires et le troisième pour la grande messe (Amiet, 1922, 215).
19 Ces distributions ne correspondent pas à leurs présences aux anniversaires, pour lesquelles un baile du chapitre ne leur verse une rémunération que tous les six mois (Coulet, 2016, 158).
20 À la cathédrale Saint-André de Bordeaux, dont le chapitre est alors séculier, un acte de 1226 fait allusion à des convivia generalia rassemblant chanoines, chapelains et autres clercs à l’occasion de grandes fêtes ou d’anniversaires de prélats défunts (Lainé, 2015, 40).
21 C’est le cas par exemple pour les quatre collèges réunissant en tout quarante-huit chapelains de la cathédrale de Rouen, collèges dont le chapitre est évidemment le patron (Tabbagh,1998, 14-15). En revanche, les communautés de chapelains développées au XIVe siècle qui, dans les cathédrales ou collégiales de France du Nord, rassemblent chapelains des collèges et chapelains perpétuels, semblent destinées à la bonne gestion de leurs revenus et de leurs charges et à la défense de leurs droits face aux chapitres, plus qu’à une vie liturgique et spirituelle propres, quoique certaines aient assuré la mémoire liturgique de leurs membres et tenu un obituaire (Bériou, 1971, 236-239).
22 Un exemple parmi d’autres: en 1442, un paroissien de Saint-Maclou donne à la fabrique de cette église un hôtel d’une valeur de six cents saluts d’or, pour la fondation de deux messes par semaine, célébrées par un chapelain désigné par la fabrique et payé par elle d’une pension de dix livres tournois par an. Rouen, Archives départementales de la Seine-Maritime, G 6872, fol. 90-93.
23 La question a été abordée par plusieurs communications dans un colloque en 2005 à Clermont-Ferrand : Les associations de prêtres en France du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Revue d’Histoire de l’Église de France, t. 93, 2007, n° 230. Dans le cas des communautés de prêtres filleuls, le lien interne ne répond pas seulement à des nécessités pratiques ou institutionnelles, mais contient aussi une dimension spirituelle. Tous baptisés dans les fonts de la paroisse, ces prêtres prennent en charge la communauté de ses morts par-delà les messes destinées au repos de l’âme de l’un de ceux-ci. Dans le Quercy, il est possible qu’un tombeau commun dans le cimetière réunisse ces « fils de l’église » (Lartigaut, 1978, 256).
24 Une tarification minutieuse des dons pour le casuel apparaît par exemple dans les nombreuses conventions signées en Provence entre curés et paroissiens à partir de la fin du XIVe siècle (Chiffoleau, 1995, 107-108). Dans l’accord établi en 1399 entre les paroissiens du Dorat, en Limousin, et leur curé, celui-ci perçoit vingt-six sous pour l’enterrement d’un bourgeois et dix pour celui d’un laboureur (Favreau, 1985, 113).
25 Le titre donné par Hervé Martin à son ouvrage sur les prédicateurs affirme clairement cette conception de leur ministère (Martin, 1988).
26 Dans les sources concernant l’artisanat parisien, la rétribution fondée sur le travail fourni « à façon » apparaît assez rarement. Dans les ateliers, la plupart du temps, le maître fournissait les repas, dont son épouse assurait la préparation (Geremek, 1968, 61, 85, 98).
27 L’archevêque de Rouen pensionne, au cours de l’année Saint-Michel 1412-Saint Michel 1413, six conseillers en cour laye à Rouen, qui reçoivent chacun 6 l. 13 s. 4 d. t., et deux autres qui perçoivent chacun cent sous. À chacun des trois avocats au Parlement de Paris, il verse pour l’année quinze livres, et dix livres à deux autres. Un procureur au Parlement reçoit quinze livres de pension, augmentée de dix livres en raison des frais qu’il a engagés, et un autre dix livres. Sont également pensionnés par lui un procureur au Châtelet de Paris, par 7 l. 10 s. t., et un procureur en l’audience du roi par 45 s. Rouen, Archives départementales de la Seine-Maritime, G 25, fol. 21v-22.
28 L’archevêque de Rouen loge et nourrit ses officiers dans son hôtel qui jouxte la cathédrale. Il lui en coûte pour l’année 1412-1413 plus de 837 livres tournois. Il a pourtant introduit le 8 janvier 1413 une importante modification dans cette gestion. Au lieu de payer leur nourriture et jusqu’à leurs chandelles et le linge dont ils se servent à table, Louis d’Harcourt décide que chacun recevra une somme d’argent pour l’année. Douze officiers sont ainsi touchés, trois qui vont percevoir quarante livres (en plus de leur pension, qui monte par exemple à deux cents livres pour l’official), sept qui bénéficieront de vingt livres, un autre de quinze et le dernier de dix. Cela ne concerne en rien la domesticité qui suit l’archevêque dans ses déplacements. Rouen, Archives départementales de la Seine-Maritime, G 25, fol. 26-27.
29 C’est le cas par exemple en Provence aux XIVe et XVe siècles, le paiement du notaire incombant aux contractants (Bernardi, 2008, 56).
30 À Arles et Avignon, les ecclésiastiques se chargent de l’écriture de la majorité des actes jusqu’à la seconde moitié du XIIe siècle, par exemple le chanoine d’Arles Bertrand du Cloître, actif de 1141 à 1157 (Balossino, 2008, 184).
31 En Normandie au XIIIe siècle, le clergé paroissial assura lui-même la rédaction et la lecture publique de milliers d’actes passés coram parrochia (Arnoux, 1996, 346).
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