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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral 7.1 Marqueurs de sépultures et structures funéraires en silo (Romain Mensan) 7.2 Les inhumations (Abigail Chipps Stone) 7.3 Éléments de discussion (Romain Mensan et François-Xavier Fauvelle) Notes de bas de page Auteurs

    Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 7

    Une structure funéraire en silo à Nora

    Romain Mensan et Abigail Chipps Stone

    Avec la collaboration de François-Xavier Fauvelle

    p. 141-152

    Texte intégral 7.1 Marqueurs de sépultures et structures funéraires en silo (Romain Mensan) 7.2 Les inhumations (Abigail Chipps Stone) 7.3 Éléments de discussion (Romain Mensan et François-Xavier Fauvelle) Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Quatre cimetières ont été repérés à Nora et aux alentours (Fig. 2.1)1. L’un (cimetière A) est situé à proximité des vestiges urbain de Nora : son emprise débute immédiatement à l’est du dépotoir2 du Secteur 1 Zone D et s’étend jusqu’à la pente opposée du thalweg, au nord du réservoir. Des tombes ont été observées en d’autres endroits parmi les vestiges urbains ; à la lumière de celles dont la relation stratigraphique avec les autres vestiges a pu être étudiée, et qui s’avèrent modernes, nous considérons que le cimetière A est le cimetière (ou le principal cimetière) contemporain de la ville médiévale des xiiie-xve siècles. Il comprend des centaines de structures au sol, que nous appelons des marqueurs de sépultures (en raison de leur mauvaise conservation, un décompte précis n’a pas pu être réalisé). Ces marqueurs sont très dispersés et tendent à former des ensembles de quelques tombes à plus d’une dizaine. Ils sont constitués, lorsqu’ils sont intègres, de dalles de rhyolite plantées de chant pour dessiner un coffrage rectangulaire (50-80 × 80-100 cm) et qui sont pour beaucoup d’entre elles orientées grossièrement ouest-est, mais avec d’importantes variations. Ces structures à l’apparence de coffrages ne comportent pas de remplissage autre que le sol végétal, pas d’objet déposé ; aucune distinction de statut et aucune inscription funéraire n’ont été observées.

    2Les trois autres cimetières ont été repérés dans le voisinage de Nora à la faveur de prospections. Le cimetière B se trouve à environ quinze minutes de marche, soit à peu près un kilomètre, de Nora en direction du sud. Il est situé en partie sur un talus et en partie en contrebas, à environ soixante mètres du talus. Cette disposition paraît être due à une extension, la partie du cimetière située sur le talus haut livrant des marqueurs de sépultures qui paraissent plus anciens. Au total, 78 marqueurs de sépulture ont été dénombrés. Le cimetière C se situe à environ 400 mètres à l’ouest du précédent. Il est très étendu et les marqueurs de sépultures, au nombre d’au moins une centaine, sont très dispersés, formant là aussi des regroupements qui ne relèvent pas de contraintes apparentes ou d’un biais d’observation lié à l’érosion. Le cimetière D se trouve à l’extrémité nord de l’éperon, à proximité du mur qui barre l’accès depuis la ligne de crête. Ici, nous avons compté 17 marqueurs de sépultures.

    3Les marqueurs quadrangulaires décrits plus haut ne diffèrent pas des marqueurs qui signalent les sépultures musulmanes actuelles, dans le village voisin de Wässisso par exemple, ou ailleurs dans l’Ifat et dans le reste de l’Éthiopie. Il faut cependant ajouter qu’ils ne diffèrent pas non plus, au moins en apparence, des modes de signalement des tombes par les chrétiens éthiopiens, qui peuvent eux aussi faire appel à un coffrage en surface, la tombe étant elle aussi orientée ouest-est (Derat et Jouquand 2012). Seules des fouilles permettraient de distinguer les modalités sépulcrales des chrétiens et des musulmans. En effet, alors que les chrétiens sont généralement enterrés sur le dos, la tête à l’ouest (le regard portant alors vers l’est), en pleine terre et dans une fosse dont le marqueur de surface matérialise l’emprise, les musulmans sont inhumés la tête vers l’est, sur le côté droit (ou sur le dos, la tête tournée vers le nord), dans une fosse fermée surmontée de terre, le marqueur de surface ne faisant pas partie du dispositif funéraire. En l’absence de documentation archéo-funéraire antérieure dans l’Ifat, c’est ici le contexte local musulman, l’histoire islamique de l’Ifat, la présence de nombreux cimetières aux alentours des villes musulmanes médiévales de cette région (Fauvelle-Aymar et al. 2006a), et la proximité spatiale avec Nora, qui incitent à attribuer l’ensemble de ces structures à la culture islamique. La fouille décrite dans ce chapitre devait permettre, d’une part, de démontrer la contemporanéité d’au moins une sépulture du cimetière A avec l’habitat de la Nora médiévale et, d’autre part, de documenter les pratiques funéraires de Nora. Notre attention avait été attirée sur la possible singularité de ces dernières par la présence, en divers endroits du cimetière, de sortes de silos souterrains piriformes d’environ deux mètres de profondeur, débouchant en surface par une ouverture de quelques 50 centimètres de diamètre. Ces silos, dont plusieurs ont été découverts vides, tendaient eux aussi à former des groupements, dont la distribution spatiale (lorsqu’elle était apparente en surface) se superposait en partie avec la distribution des marqueurs de sépultures. Les silos avaient-ils eu une vocation funéraire et, si oui, quelle était leur relation stratigraphique avec les marqueurs de surface ? Ces questions ont été abordées en entreprenant la fouille décrite ci-après. Celle-ci a été autorisée par les représentants de l’EHA et entérinée par l’imam de Wässisso. Dans ce chapitre, le terme de silo est employé dans un sens strictement morphologique.

    7.1 Marqueurs de sépultures et structures funéraires en silo (Romain Mensan)

    4Un sondage appelé Sondage 1, d’environ 8 mètres carrés, a été ouvert dans le Secteur 3 Zone B, caractérisé par la présence en surface de marqueurs de sépultures. L’emprise initiale du sondage (Fig. 7.1) a été déterminée de telle sorte que deux structures quadrangulaires de surface (UA 3002 et UA 3006), que nous pensions être des tombes proprement dites, restent intouchées, mais que nous puissions observer en coupe leurs relations stratigraphiques avec d’éventuelles structures sous-jacentes. Le niveau de sol superficiel, d’une vingtaine de centimètres d’épaisseur, a été partout décapé sans livrer de mobilier. La structure UA 3002 est un quadrangle de pierre de 1,15 × 0,70 mètre, formé de dalles de rhyolite plantées de chant sur son pourtour. Ces dalles, qui dépassaient le sol d’une dizaine de centimètres avant l’intervention archéologique, se sont avérées mesurer une trentaine de centimètres de hauteur à la fouille. Le sédiment intérieur n’a pas été observé, car non fouillé. Le sédiment extérieur était le sol végétal jusqu’au niveau de base des dalles. La structure UA 3006 est un coffrage du même type, mais naviforme, de 1 mètre de longueur maximale pour environ 0,70 mètre de largeur ; elle aussi était formée de dalles plantées de chant, mesurées depuis la surface du sol actuel à une vingtaine de centimètres de profondeur.

    Fig. 7.1. Secteur 3 Zone B : sondage 1, extensions du sondage et principales structures.

    Fig. 7.2. Secteur 3 Zone B : marqueur de sépulture (UA 3002) et silo sous-jacent (UA 3003).

    5La surprise a été de découvrir que la structure quadrangulaire UA 3002 avait été installée au contact d’une structure sous-jacente (UA 3003) (Fig. 7.2). Cette découverte a conduit à l’extension du sondage, de façon à intégrer les quatre faces du quadrangle de pierre et à poursuivre le dégagement de la structure UA 3003 sans fouiller ni démonter la structure UA 3002. Dans cette extension, la fouille a été conduite jusqu’à une profondeur d’un mètre à partir de la surface du sol actuel. La structure UA 3003 est constituée de moellons non taillés en rhyolite de module très variable. Ils sont appareillés sans mortier pour former une structure circulaire en silo montée sur 11 assises. Sa hauteur intérieure et extérieure est de 60 centimètres. Même si nous ne l’avons pas dégagée en entier du fait de la présence de la structure quadrangulaire au-dessus, nous avons pu voir que son ouverture a un diamètre d’environ 75 centimètres et que le parement intérieur du silo est très bien conservé.

    6La fouille a permis de comprendre la séquence des aménagements. Le marqueur quadrangulaire de surface (UA 3002) est, comme on l’a dit, installé dans le sol organique noir qui constitue le sol récent. La structure en silo sous-jacente (UA 3003), a quant à elle été creusée dans un sédiment très meuble (US 3001), de couleur brune, enveloppant des fragments jointifs de rhyolite de petit module et pulvérulents. Ce niveau ressemble à du substrat rhyolitique dégradé mais il n’en est pas : il n’évoque en effet ni l’érosion en dallettes interstratifiées d’argilite du secteur urbain (érosion en contexte pédosédimentaire), ni l’érosion en boulet de la pente opposée du thalweg (érosion à l’air libre). Sa matrice rhyolitique blanchâtre et son emballant terreux brun font plutôt penser à un remblai re-cimenté sur place, dont l’épaisseur est ici d’environ 70 centimètres, et qui surmonte le socle rocheux bien repéré (US 3009). Ce remblai pourrait à la rigueur être d’origine naturelle (lié à sa position dans le thalweg), mais il nous semble qu’il pourrait également s’agir d’un remblai anthropique dont les matériaux proviendraient d’autres secteurs de la ville lors de sa phase de construction, voire du réservoir. Ce remblai aurait alors été délibérément aménagé pour niveler en partie le thalweg au milieu de l’éperon et ainsi limiter la régression érosive de son ensellement, très active en période de pluie. Quoi qu’il en soit, c’est dans ce remblai qu’a été creusé et parementé (sur sa face intérieure) le silo. Nous n’avons pas pu observer le remplissage de ce silo, ni documenter la relation entre le fond du silo et le terrain encaissant. Nous sommes cependant en présence d’une double structure singulière : un marqueur de sépulture (non fouillé) en surface, surmontant un silo (non fouillé) pouvant constituer la sépulture proprement dite.

    7Pour répondre à ces questions en suspens, nous avons entrepris de fouiller la structure quadrangulaire UA 3006 (Fig. 7.3). Pour ce faire, le sondage a cette fois été étendu d’un mètre de largeur en direction de l’est. Notre hypothèse (qui s’est avérée exacte) était que la structure UA 3006 n’était probablement pas une sépulture, mais un marqueur sans fonction funéraire. Le marqueur de sépulture UA 3006 mesure 1 m de longueur maximale pour une largeur de 68 centimètres ; il est constitué de huit plaques de rhyolite posées de chant, d’une hauteur moyenne de 30 centimètres. La morphologie de cette structure est différente du marqueur UA 3002 puisqu’il ne s’agit pas d’un quadrangle et que son orientation diffère. Le remplissage sédimentaire de la structure était constitué du niveau végétal formant le sol actuel du secteur. À la fouille, aucune sépulture n’a été observée à l’intérieur de cette structure. Comme dans le cas du marqueur UA 3002, le marqueur UA 3006 reposait directement au contact d’une structure composite sous-jacente (UA 3010) d’environ 50 centimètres de hauteur (Fig. 7.4). Cette structure composite était constituée, de haut en bas : d’une margelle circulaire maçonnée (hauteur : 30 cm) constituée de moellons non taillés en rhyolite de petit module, d’une dalle discoïde de rhyolite de 60 centimètres de diamètre servant d’opercule et enfin d’un dispositif de « bouche » en pierre formé de deux dalles jointives de rhyolite taillée de façon à ménager une ouverture circulaire (diamètre de l’ouverture : 50 cm) fermée par l’opercule (Fig. 7.5). Cette structure composite (UA 3010) est le système d’ouverture et de fermeture d’un silo souterrain (UA 3011) creusé dans le terrain encaissant (Figs. 7.3, 7.6). Ayant procédé à la fouille intérieure de ce silo, nous pouvons compléter les observations litho-stratigraphiques ébauchées plus haut. Mesurée à partir de la bouche de la cavité, la profondeur du silo est de 2 mètres et sa morphologie s’évase vers le fond. Comme observé dans le cas précédent, la partie supérieure de la cavité est creusée dans le niveau argileux meuble et brun, emballant des fragments de rhyolite (US 3001) et évoquant un remblai. Au-delà d’une profondeur de 70 centimètres à 1 mètre, le silo est cependant creusé dans le substrat rocheux rhyolitique (US 3009) dégradé en place. Enfin, la paroi intérieure du silo est parementée avec des blocs collés à l’aide de bourrelets de mortier, vraisemblablement à des fins de consolidation, d’assainissement ou d’esthétique. Blanc et résistant, le mortier n’a pas été analysé mais il ne s’agissait probablement pas de mortier de chaux.

    Fig. 7.3. Secteur 3 Zone B : relevé en coupe et en plan du marqueur de sépulture UA 3006 et du silo funéraire UA 3010.

    Fig. 7.4. Secteur 3 Zone B : opercule de pierre fermant le silo funéraire UA 3011.

    Fig. 7.5. Secteur 3 Zone B : « bouche » d’ouverture du silo funéraire UA 3011.

    Fig. 7.6. Secteur 3 Zone B : phasage de la fouille (de haut en bas) du dispositif funéraire UA 3006-3010-3011.

    Fig. 7.7. Individu 1 reposant dans le silo funéraire UA 3011.

    8Le remplissage du silo UA 3011 est désigné par l’US 3011. Il ne consistait qu’en une vingtaine de centimètres de sédiment meuble provenant vraisemblablement d’une percolation depuis la surface au cours des siècles. Ce sédiment couvrait les squelettes de deux individus (individu 1 et individu 2) qui avaient été déposés à même le sol du silo, a priori sans recouvrement. Le mauvais état de conservation des vestiges humains a rendu la fouille extrêmement délicate, dans des conditions par ailleurs très contraignantes en raison du faible espace et de la chaleur extrême. Des observations ont été effectuées sur les deux individus (voir section suivante), mais seul l’individu 1 a pu faire l’objet d’un relevé (Fig. 7.6, 7.7). Un fragment du fémur gauche de l’individu 1 a été analysé pour datation par le radiocarbone ; l’analyse a été effectuée sur bio-apatite en raison de la faible teneur en collagène de l’échantillon. La datation s’inscrit dans une fourchette entre le milieu du xve et le début du xvie siècle, c’est-à-dire la fin de l’occupation médiévale du site (la datation livre un second bref intervalle possible autour du début du xviie siècle)3. L’individu 1 était allongé en position ouest-est, la tête à l’est, tournée en direction du nord, soit une position conforme aux prescriptions de l’islam. Ces sépultures n’ont cependant pas été identifiées comme musulmanes par les habitants de la région qui participaient à la fouille, en raison du caractère apparemment non orthodoxe du dispositif funéraire pour des musulmans d’aujourd’hui.

    Fig. 7.8. Mise au jour accidentelle de la sépulture UA 3008.

    9Par ailleurs, durant la fouille dans l’emprise du sondage 1, à la faveur du décapage du niveau de sol puis de l’US 3001 (qui n’a livré aucun mobilier), une tombe inattendue (UA 3008) a été mise au jour (Fig. 7.8). À environ 90 centimètres de la surface du sol actuel, une série de dalles en rhyolite alignées à plat a été rencontrée, qui recouvrait un individu. Cette tombe, que ne signalait aucun marqueur, a été aménagée dans l’épaisseur de l’US 3001 à partir d’un sol qui n’a pas été reconnu. Le fond de cette tombe a entamé le socle rocheux sous-jacent. Elle est orientée nord-ouest et sud-est, tout comme le marqueur de sépulture UA 3002, la tête du défunt se trouvant au sud-est. À la différence des précédentes, cette tombe a été identifiée comme musulmane par les ouvriers et nous n’avons pas été autorisés à la fouiller. Avec l’accord de la communauté, la dépouille a cependant pu être photographiée (Fig. 7.9) et un échantillon prélevé pour datation. Afin de tester « à l’aveugle » la méthode de datation sur bio-apatite, l’échantillon a été divisé en deux : l’un pour analyse sur le collagène, l’autre pour analyse sur la bio-apatite. Le premier a livré une datation du xve siècle4 ; le second a livré une fourchette plus large et un autre intervalle plus tardif5. Nous considérons que ce défunt appartient lui aussi à la dernière phase d’occupation médiévale du site, entre le xve et le premier quart du xvie siècle.

    Fig. 7.9. Individu reposant dans la sépulture UA 3008.

    7.2 Les inhumations (Abigail Chipps Stone)

    10L’individu 1 a été couché sur le côté droit en position fléchie avec les deux jambes pliées au niveau des hanches et des genoux. Certaines parties du corps étaient recouvertes d’une mince couche de sédiment. Les extrémités inférieures jusqu’aux vertèbres lombaires sont restées en position anatomique. Au-dessus, la plupart des éléments semblent avoir connu de légers déplacements, qui ont pu être causés par la pénétration de l’eau dans la structure souterraine. Il est dès lors impossible de dire en toute certitude quelles étaient les positions initiales du torse et de la tête, bien que le torse semble suivre la ligne du reste du corps, et la tête être tournée vers le nord.

    11Parmi d’autres facteurs, le taux d’humidité élevé dans la cavité a engendré une très mauvaise conservation des os. Le crâne et le bassin, en particulier, ont été très fragmentés. Cet état de conservation rend la détermination de l’âge, du sexe, de la stature et de l’état de santé difficile, sinon impossible. Il est toutefois possible d’aborder l’âge et le sexe de l’individu en se basant sur quelques observations effectuées sur le terrain, mais avec un degré élevé d’incertitude : les seuls éléments assez bien conservés pour l’identification du sexe sont la grande échancrure sciatique, le dimorphisme de la mandibule et l’apophyse mastoïde du temporal gauche. Ces trois éléments donnent un coefficient de 1 sur la charte normée publiée par Buikstra et Ubelaker (Buikstra et Ubelaker 1994), indiquant un caractère féminin. La gracilité globale des restes semble confirmer les caractéristiques très féminines de l’individu, mais cette conclusion ne peut être qu’hypothétique étant donné l’état des vestiges et le fait que les meilleurs éléments pour déterminer le sexe ne sont pas intacts. L’âge au décès de l’individu 1 est difficile à déterminer : les fragments restants du crâne n’ont montré aucune fermeture de points de suture, il y avait relativement peu d’usure sur les 2e et 3e molaires et toutes les épiphyses des os longs conservées étaient fusionnées. Cela indique un âge minimum de 16 ans (et sans doute quelques années de plus), mais aucun âge maximum ne peut être avancé.

    12L’individu 2 a été placé à côté du premier avec une orientation du corps en miroir. La conservation des restes était encore plus mauvaise, ce qui limite considérablement les informations qui peuvent en être tirées. De fait, compte tenu de la très mauvaise conservation du crâne et du bassin, il a été impossible de déterminer de façon sûre le sexe et l’âge de l’individu. Le crâne, très fragmentaire, contenait de nombreux points de suture intacts, mais aucun signe de fermeture. L’usure des deux prémolaires est plus légère que celle du premier individu. Fait intéressant, une forte usure sur la première molaire contraste avec la faible usure sur la deuxième et l’absence d’usure sur la troisième : ce type d’usure différentielle suggère un régime alimentaire relativement grossier et un jeune âge au moment du décès. Toutefois, en l’absence d’études des traces d’usure dentaire pour une population analogue, ces conclusions restent nécessairement sujettes à caution. Compte tenu de l’état fragmentaire de ces restes, le seul indicateur possible de l’âge est le fait que les têtes fémorales sont entièrement fondues. Cela permet à nouveau de donner un âge minimum d’environ 16 ans, mais sans limite d’âge supérieure. L’impression générale de ces observations sur le terrain est que ces restes sont ceux d’un individu relativement jeune.

    13L’individu 2 était significativement plus grand que l’individu 1. C’est une évidence visuelle dans de nombreux éléments, y compris la robustesse relative des os longs et la dentition. Cette différence de taille pourrait indiquer que, si l’individu 1 est bien féminin, l’individu 2 pourrait être de sexe masculin. Mais ceci ne peut pas être pris comme un fait solidement établi, en particulier compte tenu du fait qu’aucune comparaison n’est disponible avec une population plus importante.

    14Toute discussion sur la santé globale des individus 1 et 2 avant leur mort est gravement entravée par la préservation osseuse insuffisante. Les os disponibles pour ce type d’analyse n’ont révélé aucun signe évident de pathologie. En ce qui concerne la dentition, les deux individus révèlent des hypoplasies multiples sur incisives, canines, prémolaires et les couronnes. Ceci indique qu’ils ont subi plusieurs épisodes de stress corporel dus à la famine ou à des maladies pendant les périodes de formation des dents. Il n’est évidemment pas possible de généraliser, à partir de deux individus seulement, à l’ensemble de la population de Nora. Cependant, la présence de multiples hypoplasies sur les deux individus suggère que le manque de nourriture a pu être un problème récurrent pour les habitants de la région.

    7.3 Éléments de discussion (Romain Mensan et François-Xavier Fauvelle)

    15Les fouilles pratiquées dans le Secteur 3 Zone B de Nora ont livré trois inhumations, dont deux datées du xve siècle et par conséquent compatibles avec l’occupation médiévale de Nora. On peut donc considérer, jusqu’à plus ample documentation, que le cimetière situé dans cette zone était celui de la cité islamique de Nora. Deux types d’inhumations ont été documentés : l’un en silo funéraire dans une cavité creusée jusqu’à deux mètres de profondeur où le corps reposait à même la base de la structure sans recouvrement, l’autre en pleine terre recouverte de dalles. Ces deux types d’inhumations sont contemporains l’un de l’autre.

    16L’inhumation en silo illustre des pratiques funéraires singulières en islam, ne correspondant pas aux prescriptions des juristes musulmans (Rāġib 1992). La structure fouillée (UA 3011) contenait tout d’abord deux corps. Le silo était ensuite lui-même une composante d’un dispositif comprenant une « bouche » en pierre surmontée d’un opercule lui aussi en pierre et d’une margelle maçonnée. L’ensemble de ce dispositif souterrain était signalé en surface par un marqueur de sépulture qui permettait peut-être de localiser le dispositif souterrain en vue d’une nouvelle inhumation dans le silo. Si l’orientation de l’individu 1, la position de sa tête et les datations laissent à penser que cet individu était musulman, ni le dispositif en silo, ni l’inhumation conjointe de deux individus ne sont conformes aux usages funéraires musulmans considérés comme orthodoxes dans les différentes écoles juridiques de l’islam6. Les marqueurs de sépultures en surface, quant à eux, donnent clairement une couleur musulmane aux dispositifs funéraires qui restaient invisibles. On ne peut qu’être frappé de l’investissement technique que requéraient de tels dispositifs funéraires. Enfin, les observations stratigraphiques conduites pendant la fouille suggèrent que ces tombes ont été creusées dans un terrain encaissant qui était un épais remblai situé en partie centrale du site.

    17Les résultats de cette fouille posent de nouvelles questions : existe-t-il dans le cimetière A de Nora des marqueurs de sépulture en surface contenant une sépulture ou signalant une sépulture sous-jacente sans présence de silo ? Les sépultures en pleine terre comme UA 3008 n’ont-elles pas de marqueurs en surface ? Tous les « coffrages » de surface sont-ils des marqueurs de sépultures en silos ? Existe-t-il des coffrages de surface contenant des inhumations et surmontant des silos contenant également des individus ? Tous les silos contiennent-ils plusieurs inhumations, à l’instar de UA 3011 ? Y a-t-il eu une évolution des dispositifs funéraires à travers le temps ? Ou encore : quels dispositifs funéraires dissimulent les milliers de marqueurs musulmans présents dans le paysage archéologique de l’Ifat ?

    Notes de bas de page

    1Plusieurs passages de ce chapitre proviennent de Mensan 2011.

    2Voir cet ouvrage, chap. 5, section « Sondage Secteur 1 Zone D ».

    3Nora, échantillon 46 (os, apatite) (IFAO_0162) : BP 390+/-20, Cal. AD 1447-1515, 1590-1621, à 2 sigmas.

    4Nora, échantillon 45 (os, collagène) (IFAO_0163-1) : BP 435+/-25, Cal. AD 1424-1484, à 2 sigmas.

    5Nora, échantillon 45 (os, apatite) (IFAO_0163-2) : BP 400+/-35, Cal. AD 1435-1525, 1559-1631, à 2 sigmas.

    6Voir quelques observations supplémentaires à ce sujet dans le chapitre « Récapitulation et synthèse » du présent ouvrage.

    Auteurs

    Romain Mensan

    Abigail Chipps Stone

    François-Xavier Fauvelle (collab.)

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    1Plusieurs passages de ce chapitre proviennent de Mensan 2011.

    2Voir cet ouvrage, chap. 5, section « Sondage Secteur 1 Zone D ».

    3Nora, échantillon 46 (os, apatite) (IFAO_0162) : BP 390+/-20, Cal. AD 1447-1515, 1590-1621, à 2 sigmas.

    4Nora, échantillon 45 (os, collagène) (IFAO_0163-1) : BP 435+/-25, Cal. AD 1424-1484, à 2 sigmas.

    5Nora, échantillon 45 (os, apatite) (IFAO_0163-2) : BP 400+/-35, Cal. AD 1435-1525, 1559-1631, à 2 sigmas.

    6Voir quelques observations supplémentaires à ce sujet dans le chapitre « Récapitulation et synthèse » du présent ouvrage.

    Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008

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    Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008

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    Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008

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    Mensan, R., & Chipps Stone, A. (2024). Une structure funéraire en silo à Nora. In F.-X. Fauvelle & R. Mensan (éds.), Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008 (1‑). Centre français des études éthiopiennes. https://doi.org/10.4000/12iyv
    Mensan, Romain, et Abigail Chipps Stone. « Une structure funéraire en silo à Nora ». In Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008, édité par François-Xavier Fauvelle et Romain Mensan. Addis-Abeba: Centre français des études éthiopiennes, 2024. https://doi.org/10.4000/12iyv.
    Mensan, Romain, et Abigail Chipps Stone. « Une structure funéraire en silo à Nora ». Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008, édité par François-Xavier Fauvelle et Romain Mensan, Centre français des études éthiopiennes, 2024, https://doi.org/10.4000/12iyv.

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    Fauvelle, F.-X., & Mensan, R. (éds.). (2024). Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008 (1‑). Centre français des études éthiopiennes. https://doi.org/10.4000/12ixt
    Fauvelle, François-Xavier, et Romain Mensan, éd. Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008. Addis-Abeba: Centre français des études éthiopiennes, 2024. https://doi.org/10.4000/12ixt.
    Fauvelle, François-Xavier, et Romain Mensan, éditeurs. Nora, ville islamique de l’Éthiopie médiévale (fin du XIIIe-début du XVIe siècle) : les fouilles de 2008. Centre français des études éthiopiennes, 2024, https://doi.org/10.4000/12ixt.
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