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Reprise d’études à l’université : quels publics, quelles finalités ?

 | 
Valérie Canals
, 
Séverine Landrier

Reprendre des études à l’université, une expérience « marginale » de formation professionnelle continue ?

Christelle Manifet

Texte intégral

1Ce chapitre prolonge d’autres publications portant sur la formation continue à l’université. Avec lui, il s’agit de quitter le strict point de vue des politiques publiques et de l’institution universitaire, au profit d’un regard croisé et en appui d’une sociologie des expériences individuelles de la reprise d’études à l’université. En quoi les normes véhiculées par les politiques publiques ayant trait à l’enseignement supérieur et à la formation continue structurent les expériences individuelles de formation ? Tenant compte du fait que nous avons soutenu ailleurs le caractère marginal de la formation continue à l’université, cette marginalité se reporte-t-elle sur celles et ceux qui expérimentent la formation continue à l’université ?

2Il s’agit donc de travailler les articulations et les contradictions entre les catégories de l’action publique et les individus-sujets au travers des expériences de reprise d’études portées à notre connaissance par des données administratives d’inscrits ainsi que dans le cadre d’entretiens. On s’interroge en particulier sur la façon dont les normes institutionnelles se reportent ou non dans les pratiques individuelles, en imaginant qu’il y a forcément un monde commun, mais il y a aussi des tensions, des rapports de force, des conflits, des résistances qui s’observent dans ces expériences et entre les individus-sujets et les cadres institutionnels.

1. La situation de reprise d’études à l’université

3Enquêter, comme nous le faisons dans cet ouvrage, sur l’expérience de reprise d’études à l’université prend le contre-pied de représentations qui sont encore dominantes au sujet de l’expérience étudiante. Toutefois, si les réalités dont il s’agit de rendre compte conservent un caractère marginal, il s’agit de les considérer comme d’importance du fait qu’elles figurent certaines tendances qui pourraient, considérées toutes ensemble, pousser à un changement de regard sur l’expérience étudiante.

4Ainsi, si l’on s’intéresse aux étudiants reprenant leurs études (ci-après reprenants), ce n’est pas tant pour s’intéresser à un segment de la clientèle de l’université que pour étudier des usages de l’université révélateurs de tendances plus générales en matière de rapport aux études. Pour nous, ceux qui reprennent des études mettent en évidence un fait sous-jacent que l’on peut subsumer par l’idée de la « relativisation » des études, une idée certes générale mais qui semble fertile pour appréhender la spécificité de l’expérience étudiante contemporaine. Il ne s’agit pas forcément d’une rétrogradation de la place des études, d’une place centrale, principale ou indispensable à une place reléguée. Il s’agit d’une mise en articulation des études, celles-ci perdant leur statut d’exclusivité, mais pouvant, par-là même, gagner une centralité d’une autre nature, du fait de devenir un nœud de réseau, par exemple, dans un système de domaines de l’existence, ou par exemple encore, dans des projets d’individualisation-personnalisation poussés.

5C’est cet horizon qui oriente l’enquête conduite dans une université de LLSHS, l’université de Toulouse 2 Jean-Jaurès (UT2J). Le matériau inédit exploité pour cette enquête est constitué, en premier lieu, d’une manipulation des données administratives sur les inscrits de l’UT2J sur une année donnée (2014-15) et visant à distinguer un sous-groupe en situation d’études « relativisées ». Il s’agit de repérer le poids du public-reprenant à l’UT2J, parmi les inscrits suivant une formation diplômante d’au moins un an (année 2014-15). L’exploitation porte sur la base Apogée. À ce stade, l’analyse s’est concentrée sur l’évaluation de la performance du repérage par l’université de ce public.

  • 1 L’étude basée sur les données d’inscription s’appuie sur une collaboration avec l’observatoire de l (...)

6L’UT2J est une université de lettres, langues, sciences humaines et sociales, placée au cœur de la région Occitanie. Elle accueille plus de 24 000 étudiants en 2015-16, ce qui la place en deuxième position régionale en nombre d’inscrits, avec 16 % des inscrits à l’université, derrière l’université de sciences, technologies, sport et santé Paul Sabatier (20 % des inscrits). Du fait de ses domaines disciplinaires, elle est plus particulièrement concernée par la diversité de ses publics et répond à un besoin de formation tout au long de la vie, de façon aussi bien manifeste que latente. L’UT2J est dotée d’un service commun de formation continue qui offre quelques formations courtes, accompagne la reprise d’études dans des diplômes dits de formation initiale, gère les inscrits en DAEU (option littéraire) et en VAE et cogère les formations en alternance. L’UT2J est aussi dotée d’un service commun d’enseignement à distance qui en nombre d’inscrits est en tête de classement des services universitaires d’enseignement à distance. Ce service est basé sur le principe d’un accès au plus grand nombre (privilège donné à l’offre licence, accès aux ressources via l’ENT, ainsi que envoi papier au tarif de 196 € ou 260 € selon la zone géographique pour l’ensemble des UE nécessaires à une année de licence). La direction de l’établissement a un temps réfléchi à des moyens de mieux accompagner le public salarié et/ou en reprise d’études, pour également mieux évaluer son poids et mieux le connaître sans aboutir véritablement sur ce point. L’OVE de l’établissement sait l’importance parmi les inscrits de l’université du public salarié et/ou en reprise d’études et mène ponctuellement des enquêtes ciblées sur ce sujet. C’est l’OVE qui a fourni les données sur les inscrits exploitées ici1.

  • 2 Cette défaillance est d’ailleurs plus d’ordre sociologique que social car nous savons que pour diff (...)
  • 3 Depuis peu, une année de césure dans le cursus de formation initiale est encadrée par la loi (circu (...)

7La visibilité du public reprenant à l’université n’est pas optimale2. L’UT2J ne déroge pas à cette règle. Une étude déjà conduite par l’OVE local sur les profils d’inscrits en « reprise d’études » parmi les nouveaux entrants (enquête de l’OVE UT2 sur l’année 2013-2014) indiquait que cette année-là, ils étaient 4 408 sur les 13 506 entrants (32 %). Ici, « reprise d’études » signifie que l’inscrit n’était inscrit dans aucun établissement secondaire ou supérieur l’année précédente. Cela exclut donc les reprenants qui ont repris leur cursus une année antérieure et qui sont en continuité ou en fin de cursus. Cela ne permet donc pas de mesurer le poids total des inscrits en situation de reprise d’études à l’UT2J. Et cela inclut toutes les durées d’interruptions, y compris les plus courtes, pouvant être considérées comme non significatives : parmi eux, 3 % ont interrompu un an, 23 % deux ans, 13 % trois ans, 34 % entre 4 et 10 ans, 27 % plus de dix ans3. Cependant, cela permet de fournir une photographie, parmi le flux d’entrants, de celles et de ceux qui ont connu une expérience de césure dans leur parcours de formation.

8Les reprenants ayant interrompu un an sont jeunes en majorité : 52 % ont moins de 25 ans, 24 % ont entre 25 et 30 ans. L’enquête de 2013-14 se centre ensuite sur ceux qui ont interrompu au moins deux ans. Parmi eux, 46 % sont inscrits en licence, dont 27 % en licence 1. 21 % sont inscrits en master. 10 % sont en DAEU, 8 % en prépa concours, 2 % en doctorat. Sur ceux ayant interrompu leurs études au moins quatre ans (2 751), 36 % sont inscrits sous le régime de la formation initiale, les autres étant bien identifiés : parmi ces derniers, 39 % sont inscrits sur le régime de reprise d’études hors dispositif de formation continue, 13 % sont en DAEU (inscrits considérés comme en « formation continue »), 12 % sont inscrits en formation continue (hors DAEU). Parmi ces mêmes reprenants, 37 % sont inscrits au SED.

9L’année 2014-15, la population étudiante inscrite à l’UT2J pour une formation diplômante est composée de 27 347 individus.

Tranche d’âge

Nombre d’étudiants

%

Moins de 25 ans

16 887

61,7

Entre 25 et 30 ans

5 354

19,5

Plus de 30 ans

5 106

18,6

10Si nous retenions l’âge comme critère unique d’estimation d’un public en formation permanente, en référence aux classifications internationales dominantes qui considèrent les âges-plancher de 25 ans ou de 30 ans, ce serait entre 20 et 40 % des inscrits qui seraient considérés comme tel.

11Nous savons que dans Apogée, trois variables permettent de classer administrativement les inscrits : le statut, le profil et le régime. Les finalités autant que les modalités de ces variables demeurent instables et ne facilitent pas le travail de repérage du public-reprenant.

Variables de gestion (2015-16)

Statut (Apogée) (tarification)

Profil de l’année (Apogée) (mode d’inscription et statistiques)

Régime (encadré par SISE)

(financement et statistiques)

Étudiant

Bachelier

Formation initiale

Auditeur libre

Réinscrit

Formation continue : dispositif FPC

Stagiaires de la formation continue

Réorientation externe

Reprise d’études hors dispositif FPC

Préparations diverses

Reprise d’études

Contrat d’apprentissage

Certificats (publics extérieurs)

DU ne conférant pas le statut étudiant

Auditeur libre

DAEU

Apprenant de la FC

12Des modalités apparaissent dans les tableaux tirés d’Apogée qui n’existent pas dans les dossiers d’inscription. Par exemple, au sein de la Formation continue, un détail est fourni pour distinguer les « stagiaires » de la FC, les inscrits en « DAEU » et les « apprenants » de la FC. Ces derniers ont pu obtenir une exonération totale ou partielle des frais d’inscription auprès de l’établissement.

Variables de gestion (2018-19)

Statut (Apogée) (tarification)

Profil de l’année (Apogée) (mode d’inscription et statistiques)

Régime (encadré par SISE)

(financement et statistiques)

Étudiant (dont FI, reprise d’études non financée, apprentissage, préparations diverses, DU…)

Bachelier

Formation initiale

Auditeur libre

Réinscrit

Formation continue : dispositif FPC

Stagiaire de FC (dont FPC et contrat de professionnalisation)

Réorientation externe

Reprise d’études non financées (interruption d’au moins deux ans)

Reprise d’études (non inscrit l’année précédente dans un établissement du supérieur)

Contrat d’apprentissage

Auditeur libre

Contrat de professionnalisation

13Dans le mémento scolarité de l’année 2018-2019 destiné prioritairement aux gestionnaires, il est ainsi précisé que les stagiaires en reprise d’études relevant d’un dispositif FPC s’inscrivent sous le régime « reprise d’études : FPC », avec le statut de « stagiaire de la FC » et le profil « FC ».

14Or, ce n’est pas toujours le cas. L’erreur la plus fréquente est que le profil de « reprise d’études » qui est censé être conservée par l’inscrit tout au long de son cursus, y compris les années suivant celle de sa reprise d’études, n’est pas respecté. Il semble même plutôt que la variable profil respecte exclusivement le critère de la situation occupée l’année précédente (reprise d’études, réinscription, réorientation externe). L’autre erreur, plus étrange, est que certains inscrits sont placés sous le régime de la formation continue tout en ayant le statut d’étudiant. Cela ne concerne toutefois que 12 inscrits. On note également que le statut d’auditeur libre peut selon les cas se répercuter tel quel dans la variable régime ou bien donner lieu à un classement dans le régime de la formation initiale ou de la reprise d’études non financées. Enfin, malgré l’éclaircissement apporté par le ministère en 2014 sur ce sujet, relativement passé inaperçu localement, le régime de la reprise d’études non financées n’est pas automatiquement attribué à tout inscrit ayant connu une interruption d’études dans son cursus, y compris celles et ceux qui n’étaient pas inscrits dans un établissement l’année précédant leur inscription (Manifet, 2016). Or, il a bien été établi par cette même voie hiérarchique que les frais d’inscription pour une formation diplômante classique doivent être les mêmes, que l’inscrit soit en situation de reprise d’études ou de continuité de formation, à moins que celui en reprise d’études demande à bénéficier d’un accompagnement spécifique du service en charge de la formation continue.

15Retenons également qu’entre les deux périodes, le statut d’étudiant, de plus restrictif, s’est élargi aux situations de formation initiale financées en partie par les fonds de la formation professionnelle continue (contrats d’apprentissage) –l’arbitrage interministériel ayant considéré que c’était de la formation initiale – ainsi qu’à toutes les situations de reprise d’études non financées.

16Parmi les moins de 25 ans, dont on peut penser que la situation est la plus homogène, il n’y a pas moins de 38 situations différentes de compositions entre ces trois variables administratives.

Moins de 25 ans

Statut

Profil

Régime

Effectif

Étudiant

Bachelier

Formation initiale hors apprentissage

3 652

97 %

Étudiant

Réorientation externe

Formation initiale hors apprentissage

4 087

Étudiant

Réinscrit

Formation initiale hors apprentissage

7 856

Étudiant

Reprise d’études

Formation initiale hors apprentissage

830

Autres compositions

462

16 887

100

17Parmi les moins de 25 ans toujours, nous pouvons remarquer que 1 220 inscrits sont vraisemblablement dans une situation de formation permanente (reprise d’études après au moins un an d’interruption, en FI/apprentissage, en DAEU, en formation continue, en contrat de professionnalisation), soit 7 % des inscrits de moins de 25 ans de l’UT2J en 2014-15.

18Pour les 25-30 ans, pas moins de 49 situations composites entre ces trois variables de classification administrative existent.

25-30 ans

Statut

Profil

Régime

Effectif

Étudiant

Réinscrits

Formation initiale (hors A)

2 994

88 %

Étudiant

Réorientations externes

Formation initiale (hors A)

843

Étudiant

Reprise d’études

Formation initiale (hors A)

700

Étudiant

Reprise d’études

Reprise d’études non financée

212

Autres compositions

583

5 354

100

19Parmi cette tranche d’âge, 1 460 étudiants sont vraisemblablement en situation d’éducation permanente sur un total de 5 354, soit 27 %.

20Pour les plus de 30 ans, le statut, le profil et le régime associés donnent lieu à 54 situations d’inscription différentes.

Plus de 30 ans

Statut

Profil

Régime

Effectif

Étudiant

Réinscrits

Formation initiale hors apprentissage

1 469

80 %

Étudiant

Reprise d’études

Reprise d’études non financée

1 008

Étudiant

Réinscrits

Reprise d’études non financée

826

Étudiant

Reprise d’études

Formation initiale hors apprentissage

561

Étudiant

Réorientation externe

Formation initiale hors apprentissage

209

Autres compositions

1 033

5 106

100

21C’est dans cette tranche d’âge aussi que les associations les plus insolites sont constatées. Par exemple, certains inscrits sont sous le statut de stagiaire de la formation continue et sous le régime de reprise d’études non financées. La qualité d’auditeur libre est particulièrement instable. Si c’est le statut d’auditeur libre qui est renseigné, le régime, lui, peut ne pas être celui de l’auditeur libre mais de la formation initiale ou de la reprise d’études non financées et parfois, la qualité d’auditeur libre est octroyée dans le régime mais le statut est celui de l’étudiant.

22On pourrait considérer que les inscrits de cette tranche d’âge vivent tous une expérience d’éducation permanente, du fait de leur âge et du fait aussi des interruptions d’études qu’ils ont très certainement expérimentées. Mais, si l’on tient compte, comme précédemment, des variables d’inscription (statut, profil, régime), ce sont 3 399 inscrits parmi les plus de 30 ans sur 5 106 qui sont en situation d’éducation permanente, soit 66 %.

23Dans l’ensemble, ce serait donc 6 079 inscrits sur 27 347 qui seraient en situation d’études relativisées, eu égard au croisement des variables d’inscription (statut, profil, régime), soit 22 % de l’ensemble.

24Si l’on considère la rubrique « activité professionnelle », que jusqu’à présent nous n’avons pas croisée avec les données précédentes, ce sont 6 577 inscrits qui déclarent être affiliés à une catégorie socioprofessionnelle sur 27 347 (les autres ayant coché sans…), soit 24 %. Ce ne sont pas nécessairement les mêmes que les 22 % cités précédemment, mais cela conforte l’idée selon laquelle grosso modo un inscrit sur quatre à l’université Jean-Jaurès serait en situation d’études « relativisées ».

Les 22 % d’étudiants en situation de relativisation des études

Les domaines d’étude des reprenants

- de 25 ans

25-30 ans

+ de 30 ans

Sciences, technologie, santé

12

3

2

Arts, lettres et langues

29

23

22

Sciences humaines et sociales

40

41

47

Droit, économie et gestion

1

1

1

Formation associée à plusieurs domaines

3

16

15

Absent ou inconnu

15

15

11

100/Effectif

100/1220

100/1460

100/3399

 

Les niveaux d’études des reprenants

- de 25 ans

25-30 ans

+ de 30 ans

Auditeurs libres

0

1

2

DAEU

14

13

6

DU

2

5

8

DUT1 et 2

3

0

0

Licence 1

51

24

12

Licence 2 et 3 et pro

17

19

23

Master 1

10

19

12

Master 2

2

12

16

Doctorat

2

3

Préparations diverses

1

3

5

Préparations agrégations et autres concours

3

12

Certificats (CLES-C2I)

0

0

1

100/Effectif

100/1220

100/1460

100/3399

 

Situation d’activité des reprenants

Moins de 25 ans

25-30 ans

+ de 30 ans

En activité professionnelle

12

38

71

Sans activité

88

62

29

100/Effectif

100/1220

100/1460

100/3399

2. Les normes de la politique de formation professionnelle continue à l’épreuve de la reprise d’études à l’université

  • 4 Voici la formulation privilégiée : « Tout salarié peut bénéficier de la formation professionnelle c (...)

25La question de ce que, selon les époques et les nations, on appelle l’éducation permanente, la formation continue, l’éducation des adultes, ou bien d’autres formulations encore..., se rationalise en France et depuis la fin du XXe siècle sous le syntagme de « formation professionnelle continue » (FPC). Cela signifie que la formation des adultes est pensée au prisme du travail (s’adresse aux actifs), de l’emploi (en lien à l’emploi occupé, envisagé ou à venir) et des métiers (organisé par secteurs d’activités). Il est vrai que l’appétence des adultes pour la formation est très liée à des motivations liées à l’emploi et dans l’espoir d’une mobilité professionnelle. Les groupes professionnels sont aussi ponctuellement ou plus régulièrement, selon les cas, occupés à la formation continue de leurs membres pour la préservation de leur statut (les médecins et les autres professions de santé, les avocats, les ingénieurs…). Mais, plus généralement, ce sont les « conditions » qui rendent possible la formation, c’est-à-dire les ressources d’une part, et les droits et les devoirs des individus d’autre part, qui valorisent le rapport au travail et à l’emploi de tout projet de formation4. Ces conditions sont établies par les principaux grands acteurs et actants qui financent et normalisent la FPC : les employeurs qui sont prescripteurs et financeurs ; les organisations professionnelles des employeurs, des salariés, et des indépendants ; les opérateurs de compétences (OPCO) établis par la loi de 2018 (anciens OPCA), qui sont les intermédiaires des employeurs financeurs (par exemple : Fongecif, Uniformation, Unifaf, Agefos-PME, Urssaf, Caisse des dépôts et consignations, centre des impôts…) et /ou des organismes expertisant les demandes des travailleurs – ces derniers n’étant pas nécessairement les mêmes que les précédents – organisés en fonction de la nature et du secteur de l’activité ; les prescripteurs-financeurs pour le compte de l’intérêt public (État, conseils régionaux, Unedic, Pôle emploi), le droit du travail, le ministère du Travail et de l’Emploi, et les juristes, en amont ou en aval du droit du travail.

26On peut penser que ces cadres normatifs excluent certains usages et/ou usagers et/ou que ces usages et ces usagers s’adaptent ou se transforment en fonction de cette convention générale et nationale (pour en savoir plus sur cette convention nationale et la mettre en perspective avec d’autres situations et conventions nationales, se reporter à Doray & Manifet, 2017).

  • 5 Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la s (...)
  • 6 Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

27Légalement, le droit à la formation couvre toutes les situations d’activité : le salarié du secteur privé, le contractuel et le fonctionnaire du secteur public, ainsi que l’indépendant (profession libérale, artisan, commerçant, micro-entrepreneur, agriculteur, artiste-auteur5). Les dispositifs de la FPC sont au moins de deux natures : soit, il s’agit d’une formation dans le cadre du plan de formation de l’employeur ou du prescripteur pour les salariés et les demandeurs d’emploi ; soit il s’agit d’une formation dans le cadre d’une initiative personnelle du travailleur et, dans ce cas, celui-ci va potentiellement pouvoir bénéficier d’un autre dispositif, dit « congé » pour formation. Un ensemble de réformes récentes – depuis 2014 et jusqu’à la plus récente prise en compte ici, datant de 20186 – ont apporté des modifications substantielles aux conditions de la FPC, dont il est difficile de mesurer totalement l’impact à ce stade. Ces réformes agissent sur différents plans (financement, organisation et acteurs du service de formation continue, objectifs prioritaires, instruments). Au plan des instruments, on compte désormais 4 dispositifs d’accès :

    • 7 « L'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maint (...)

    le plan de développement des compétences7 ;

    • 8 « La reconversion ou la promotion par alternance (ex-période de professionnalisation), dite Pro-A, (...)

    la reconversion ou la promotion par alternance8 ;

    • 9 « Le compte personnel de formation (CPF) est utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie ac (...)

    le compte personnel de formation (CPF)9  ;

    • 10 « Le conseil en évolution professionnelle (CEP) est un dispositif d'accompagnement gratuit et perso (...)

    le conseil en évolution professionnelle (CEP)10.

28Les objectifs prioritaires de la politique de FPC évoluent. En particulier, les intentions actuelles sont d’aiguiller une part importante des fonds à la « sécurisation » des parcours professionnels des travailleurs les moins qualifiés, des demandeurs d’emploi et des salariés de petites et moyennes entreprises, dans le but de lutter contre le chômage et de réduire les inégalités d’accès au droit à la formation. L’autre volonté, explicite dans les récentes réformes édictées entre 2014 et 2018, est d’« individualiser » le droit à la formation et de placer le salarié dans une position active par rapport à sa formation et son parcours professionnel. Ainsi, en 2014, « le législateur a souhaité faire du compte personnel de formation un "droit universel", attaché à la personne, indépendamment de son statut » (Pluricité & Itinere-Conseil, 2018, p. 68).

29Extrait du rapport Pluricité & Itinere-Conseil (2018, p. 5) :

« Comme l’indique la communication institutionnelle du CPF, "le compte personnel de formation est créé pour permettre à son titulaire d’être le premier acteur de sa formation professionnelle". Ce nouveau droit constitue l’une des pierres d’angle de la réforme de la formation professionnelle de 2014 et apporte de profondes évolutions par rapport au Dif, qui l’a précédé. Droit attaché à la personne et non plus au contrat de travail, capitalisable et transférable, bénéficiant d’une ligne de financement sanctuarisé (le "0,2 %" CPF), le CPF est activable uniquement à l’initiative du titulaire. Par ailleurs, le CPF vise uniquement des certifications, dans un objectif de sécurisation des parcours professionnels. [...]

Prévu pour financer des parcours de formation de 150 heures, le CPF ne peut, seul, solvabiliser un projet de formation qualifiant de plus grande ampleur. Dès sa définition, des possibilités d’abondement ont été ouvertes, permettant au titulaire d’un compte de mobiliser les autres dispositifs de financement auxquels il est éligible. Le financement garanti du CPF peut ainsi intervenir en tant que levier, et appeler une logique de co-investissement sur les parcours de formation pour les différents financeurs. Enfin, la gestion des compteurs d’heures liés au CPF s’effectue à travers un système d’information dédié, dit SI CPF, géré par la Caisse des dépôts et consignation. Un site Internet permet à chaque titulaire de compte d’en visualiser la situation, et d’effectuer une partie des démarches administratives nécessaires à une entrée en formation en ligne ».

30Au croisement des normes de la FPC et des grands constats tirés des travaux sur le sujet, trois dimensions analytiques de l’expérience de reprise d’études ont ici été retenues :

  1. l’accès à la formation ;

  2. la formation en rapport aux transitions dans les parcours ;

  3. la formation en rapport au métier, au travail et à l’emploi.

2.1. Les enquêtés 

31Ce sont d’abord des individus qui suivent une formation diplômante à l’université après avoir connu une interruption plus ou moins longue dans leur parcours personnel de formation. C’est donc le critère de l’inscription à une formation diplômante universitaire qui est le point d’entrée de cette étude sur la formation continue. Ce n’est donc pas le point de départ habituel des enquêtes sur la formation continue qui, elles, partent de la population salariée et des entreprises (enquêtes CVTS et DEFIS par exemple auxquelles participe le Céreq). Ce n’est pas non plus la démarche suivie par l’enquête n°6 du ministère de l’Enseignement supérieur sur la formation continue universitaire qui s’intéresse à l’activité de formation continue des établissements, mais ne dispose que de données limitées sur les publics. L’esprit de cette enquête se rapprocherait plutôt de l’enquête AES (Adult Education Survey) qui cible les adultes, par l’âge, et s’intéresse à toutes leurs expériences de formation, dans un sens large (formelle, non formelle).

  • 11 MEN ESR, 2018. L’État de l’enseignement supérieur et de la recherche, n°11, juillet. [https://publi (...)

32Ensuite, ce sont des individus qui reprennent des études à l’université, soit la part estimée marginale des adultes en formation. Les établissements d’enseignement supérieur représentent moins de 2 % du chiffre d’affaire de la formation professionnelle continue en France. Ils accueillent 460 000 stagiaires, délivrent près de 100 000 diplômes par an au titre de la formation continue, dont 61 000 diplômes nationaux11. 70 % du chiffre d’affaire des universités est d’origine privée : les particuliers et les stagiaires représentent 25 % du chiffre d’affaire des établissements du supérieur tandis que les entreprises, 27 % et les OPCA, 19 %. La formation continue universitaire accueille des stagiaires en plan de formation (34 %), en congé individuel de formation (2,9 %), en contrat de professionnalisation (8,5 %), en recherche d’emploi (13 %) ou bien en tant qu’individus payant eux-mêmes leur formation continue (près de 33 %).

33On connaît les raisons historiques et institutionnelles qui expliquent que l’université ne soit pas le lieu privilégié de la formation professionnelle continue des adultes (Manifet, 2015), même si l’on sait par ailleurs que ce n’est ni une fatalité, ni une nécessité, puisqu’ailleurs dans d’autres pays, il en est autrement (Doray & Manifet, op. cit.). Cela signifie également que par rapport aux dispositifs formels de la FPC énoncés précédemment, la chance qu’un actif se retrouve en formation à l’université est faible, ce qui interpelle sur le profil de ces actifs qui, malgré tout, se dirigent vers l’université, sur la place de leur volonté dans ce choix, sur la place des dispositifs formels de la FPC dans cette situation d’études à l’université.

34Enfin, ce sont des reprenants à l’université qui ont répondu à une demande d’entretien. Ce qui n’est pas sans risquer un excès d’optimisme des profils et des résultats. En effet, il y a des chances ou un risque pour que celles et ceux qui ont répondu perçoivent leur expérience comme « communicable ». Concrètement et pour chacun d’entre eux, cela peut vouloir dire diverses choses : que ceux qui ont été d’accord pour un entretien sont aussi parmi ceux pour lesquels la reprise d’études se passe bien ; que ceux qui sont d’accord sont ceux qui respectent, même grossièrement, les cadres formels et que, supposément, les adultes inscrits en tant qu’étudiants en formation initiale, auront été moins enclins à répondre à la sollicitation ; que ceux qui ont répondu le font parce qu’ils correspondent aux figures valorisées de la reprise d’études et/ou parce qu’ils ont confiance en eux, ce qui fait que les publics les plus fragiles qui peuvent quand même être à l’université n’ont pas répondu.

35Tous ceux ayant répondu à la sollicitation durant la période consacrée (10 semaines) ont été enquêtés. Des candidats à la VAE, ayant assisté à une réunion d’information, ont également été sollicités par l’intermédiaire du service de formation continue de l’université. Parmi eux (une vingtaine), deux personnes ont répondu favorablement à la demande d’entretien. Toutefois, à ce stade du dépouillement de notre matériau, sur les 33 entretiens réalisés, seuls 13 ont pu être traités.

Identifiant

Age Avril 2017

Formation suivie

Régime d’inscription

Qui finance ?

Dispositifs FC

Emma

23

L1 Anthropologie

Formation initiale

Bourse sociale du supérieur

Néant

Jules

29

Doctorat Cognition-Ergonomie

Formation initiale

Contrat CIFRE

Néant

Ferdinand

31

DU Médiathécaire/Documentaliste

Formation continue

Lui-même, a bénéficié d’un tarif réduit auprès de l’université

Formation dédiée à la FC ; Tarif FC

Virginie

34

M2 Ergonomie cognitive, Psychologie

Formation initiale

Elle-même

Néant

Armelle

34

M2 Psychologie

Formation continue

Stagiaire

Congé pour formation (salaire+cotisations+sur tps de W)

Florence

39

M1-IP-BEP (ESPE)

Formation continue

Stagiaire

Congé pour formation (salaire+cotisation+ sur tps de W)

Pierre

43

L2 Psychologie (SED)

Reprise d’études hors FC

Lui-même

VES (1 semestre validé du L1), SED, Bénéficie d’un 80 %, puis 50 % de Tps de W

Joachim

44

Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale (D.E.I.S.)

Formation continue

Stagiaire

Congé pour formation (3 ans) (frais tot. pris en charge, 1 semaine/mois/Tps W pdt 10 mois)

Martine

44

Doctorat Géographie

Reprise d’études hors FC

Elle-même

Néant

Pharel

50 ans

M2 Psychologie clinique (VAE)

Formation continue

Son Employeur (Cotisations à OPCA)

VAE

Tanguy

50

M2 Mention Cinéma Audiovisuel

Formation continue

Lui-même

VAE

Yann

54

L2 Psychologie (SED)

Reprise d’études hors FC

Lui-même

VES (1semestre), SED, envisage le droit du travail à temps partiel

Jane

55

DEIS

Formation continue

Stagiaire

Congé pour formation (3 ans) (frais pris en charge, 1 semaine/mois /Tps W pdt 10 mois)

2.2. L’accès à la formation

36La politique de formation professionnelle continue est marquée par un premier paradoxe selon lequel ce sont des milliards qui y sont consacrés (14 milliards si l’on s’en tient à la part que gèrent annuellement les anciens OPCA), mais les conditions d’accès sont complexes et inégalitaires. Le paysage institutionnel est en effet foisonnant, entre les prescripteurs publics pour lesquels les publics cibles sont les chômeurs et les travailleurs jeunes et plus âgés les moins qualifiés, les employeurs dont le profil va déterminer des chemins spécifiques (grandes entreprises de + de 300 salariés, petites et moyennes entreprises, indépendants, fonction publique), les commissions paritaires et interprofessionnels (syndicats d’employeurs et de salariés) qui vont, par exemple, décider des critères d’éligibilité des formations financées et dont les priorités changent d’une branche d’activité à une autre, les organismes (anc. OPCA devenant OPCO en 2018) qui collectent, gèrent et distribuent les enveloppes, leurs clients sont de moins en moins les employeurs ou les commissions paritaires et de plus en plus des individus actifs mais leur mission reste dépendante de leurs secteurs d’emploi de référence et des moyens disponibles pour l’abondement des formations. Ainsi, l’étude conduite pour le compte de la Dares en 2018 évoquait des mécanismes de fonctionnement, construits « en silos ». La prise en charge peut assez nettement différer d’un organisme à un autre et l’étude qui portait sur la comparaison de quatre OPCA notait que le taux des demandes acceptées d’utilisation du CPF variait entre 14 et 67 % en 2017 (Pluricité & Itinere-Conseil, 2018, p. 18 pour les données). De plus, les conditions de prise en charge pouvaient sensiblement varier également, entre la prise en charge des coûts pédagogiques, celle des frais annexes et l’impact sur le salaire. La même étude indiquait que les plafonds de prise en charge des coûts pédagogiques au titre du CPF variaient de 9 € de l’heure (pour les personnes en recherche d’emploi) à 80 € de l’heure pour l’OPCA le plus généreux, les autres proposant des plafonds de 25 à 50 euros.

37Le système est donc marqué par la complexité et l’inégalité, et se répercute sur l’expérience de ceux qui souhaitent faire financer leur formation.

38Nous devons tout d’abord noter que, parmi nos interviewés, près de la moitié n’utilise pas, ni les financements, ni les dispositifs directement adossés à la FPC bien que l’on puisse les considérer comme des adultes « actifs ». Ils peuvent exploiter les outils du droit du travail (travail à temps partiel), ainsi qu’utiliser les aménagements pour la formation continue propres à l’université (VES, VA). Ainsi, Emma, par exemple, la plus jeune, a presque tout le temps été en emploi durant les cinq années d’interruption après son baccalauréat. Elle bénéficie bien d’une aide de la collectivité, via une bourse sociale de l’enseignement supérieur. Concrètement, comme elle le dit elle-même, elle a fait une « entrée tardive » dans les études supérieures. Jules a lui suivi un parcours long de formation initiale (master), avec un redoublement et une année d’interruption, a candidaté à une offre de contrat doctoral sous convention CIFRE et paie les mêmes frais d’inscription qu’un étudiant en poursuite de formation initiale. Bien que hautement qualifiée, du fait qu’elle est détentrice d’un doctorat, Virginie peut être considérée comme éloignée de l’emploi, du fait que le temps du doctorat, financé les trois premières années, a été allongé du fait de deux maternités et qu’à la suite du doctorat, elle n’a eu que des expériences réduites en emploi (moins d’un an). Elle a depuis lors épuisé ses droits au chômage et autofinance sa formation avec l’aide de son mari, qui est lui en emploi. Quant à Yann et Pierre, inscrits en licence, et étudiant « à distance », ils assument les coûts de leur formation : le coût financier n’est pas élevé – les frais de service d’enseignement à distance (SED) de l’UT2J s’élèvent à 196 €+ 170 € de frais d’inscription annuelle pour une licence – et le temps de travail de l’étudiant est positionné en dehors des heures du travail salarié. Il faut ajouter que, dans ces deux derniers cas, il s’agit d’une nouvelle orientation professionnelle, et que dans le cas de Pierre, le droit du travail à temps partiel a également été exploité (80 % d’abord, puis 50 %). Enfin, Tanguy, professionnel indépendant, utilise certes le dispositif VAE associé à la politique de FPC mais autofinance totalement son diplôme.

39En creux, ces témoignages de ceux qui n’exploitent ni les fonds, ni les instruments de la FPC montrent qu’il existe d’autres moyens d’accès à la formation, lorsqu’on est un adulte actif, dont ceux propres au secteur public de la formation, en l’occurrence, ceux de l’université (service d’enseignement à distance, aménagement des études que permettent les validations d’acquis, régimes d’examen en contrôle continu ou en examen terminal…). Cela signifie également que l’entrée en formation compte une part importante de motivation personnelle pour s’affranchir des contraintes. On peut supposer que certains de ces enquêtés auraient dû pouvoir bénéficier de la politique de FPC. On pense en particulier à Virginie et à Tanguy. Comme explications, il y a sans doute de leur côté, de la méconnaissance et la crainte d’une perte de temps dans des procédures bureaucratiques stériles et de l’autre, un manque de communication et de prise en compte de certaines situations d’activité (actifs qualifiés dans des domaines pointus mais relativement fermés, actifs indépendants).

40Quoiqu’il en soit, les témoignages de ceux qui ont bénéficié de la politique de FPC nous en disent davantage sur les éventuelles difficultés d’accès.

41Ferdinand : « Je pense qu’on est une cinquantaine de candidats [chômeurs ou bénéficiaires du revenu minimum d’activité] à demander le financement de cette formation et 5 dans la promotion l’ont obtenue. J’avais travaillé quelques mois de manière intensive afin de mettre de l’argent de côté et de pouvoir me financer la formation. 2 600 euros, c’était le devis initial mais le service commun de formation continue de Jules Jaurès fait un effort énorme pour moi et pour beaucoup : on est tombé à 1 000 euros, l’année » (Ferdinand, 31 ans, DU).

42Joachim témoigne d’une expérience précédente qui l’a profondément agacé. Il s’agissait d’obtenir un diplôme en VAE qu’il considérait « comme un droit » du fait des années passées dans le métier. Or, en raison d’un changement précipité des dates de dépôt des candidatures, il a dû attendre deux ans de plus pour obtenir ce diplôme : « ils n’ont rien voulu entendre hein ! À deux jours près. Ils avaient changé les dates et ne m’ont pas pris mon dossier à deux jours près. Ensuite, ils ont retardé mon financement parce que je n’étais pas dans les dates. Si bien que j’en suis arrivé à constituer un dossier administratif [comme un juge instruirait un dossier à charge], je leur disais, quand je les appelais, que je les enregistrais » (Joachim, DE, 46 ans). La colère est ici engendrée par le décalage entre les raisons perçues comme insignifiantes du refus et l’importance que revêt la demande pour l’individu. Elle est attisée par le sentiment d’injustice ressenti, alors que le projet, certes personnel, est perçu comme légitime, en accord par rapport aux droits des salariés établis à l’échelle de la collectivité.

43Florence dit s’être trouvée dans une situation paradoxale de quelqu’un qui, bien que chargée pendant 15 ans de l’accompagnement de personnes en recherche d’emploi, se trouve démunie et sans savoir comment faire pour s’inscrire elle-même en formation. Après avoir franchi cette étape, elle a déposé une demande formelle auprès de son OPCA, a vu sa demande refusée une première fois, du fait qu’elle ne faisait pas partie des publics prioritaires (elle est déjà diplômée d’une licence). Heureusement, sous le conseil de proches, elle a fait appel et a finalement obtenu gain de cause.

44Les procédures peuvent d’autant plus assombrir le projet de reprise d’études que celui-ci est le plus souvent chargé d’aspirations fortes. Par exemple, les deux enquêtés inscrits en reprise d’études dans le cadre d’une VAE ne sont pas loin de basculer dans la souffrance plutôt que dans le plaisir, du fait de ce que l’un qualifie de « tracasseries administratives » (Pharel) et de ce que l’autre nomme « l’antichambre » de son véritable projet de reprise d’études : « une étape pénible mais nécessaire », « longue », « pénible » et « facteur de stress » (Tanguy). Il y a bien sûr les exigences impondérables de la VAE : il n’est pas toujours aisé de retrouver tous ses employeurs et de rassembler tous les justificatifs exigés pour justifier de son expérience dans les domaines précis abordés par le diplôme ; l’exercice intellectuel spécifique de la VAE qui exige un récit biographique, réflexif et analytique sur le parcours et l’expérience acquise n’est pas nécessairement accessible spontanément pour le candidat : « moi, je suis quelqu’un qui fait », « le plus difficile, c’est le passage à l’écriture » « tomber des lignes pour formaliser ce que je suis en train d’apprendre ou ce que je sais » (Tanguy). Mais il y a aussi les barrières que l’on peut associer directement à la complexité du système : les candidats ont le sentiment de répétitions entre les procédures à suivre auprès de l’OPCA/OPCO et auprès de l’établissement de formation ; ils considèrent qu’il faut quand même avoir des compétences bureaucratiques, du temps disponible et de la ténacité pour s’en sortir dans les procédures. Et, ces qualités ne sont d’ailleurs pas spontanées mais s’acquièrent le plus souvent dans une « carrière » de formation continue.

45Pharel dit avoir été sujet au stress pendant toute la procédure administrative d’acceptation de sa demande de VAE, c’est-à-dire l’année précédant celle dédiée au diplôme : « J’ai dû appelé plusieurs fois [l’OPCA] à différents moments de la constitution du dossier administratif pour apprendre à chaque fois que des pièces supplémentaires étaient nécessaires [...] et finalement entendre que mon dossier réunissait des pièces non nécessaires ou que, vu les délais de traitement, ma demande ne serait peut-être traitée qu’en septembre [c’est-à-dire après les délais d’inscription à l’université]… Finalement, mon dossier a été accepté [par l’OPCA] au 1er aout. Donc, on m’a fait stresser pour rien » (Pharel, 50 ans, VAE).

46Si les enquêtés insistent sur les difficultés de s’en sortir dans le paysage institutionnel de la politique de FPC, ils évoquent donc aussi le manque de fluidité entre les espaces institutionnels de gestion de la FPC et de la formation en tant que telle, qui, en l’occurrence, sont bien distincts, puisqu’il s’agit ici de formations dans l’enceinte universitaire.

47Ainsi, Armelle a suivi l’année du master 1 tout en travaillant et depuis lors, c’est-à-dire depuis 4 ans, renouvelle systématiquement une demande de prise en charge par son OPCA d’un congé pour son année de M2 : « il n’y avait pas d’autre possibilité, avec 600 heures de stage, plus les cours, plus les examens, plus le mémoire, le rapport de stage, les dossiers, je n’imagine pas trop comment cela serait possible autrement [autrement, c’est-à-dire tout en assurant un travail à temps plein]. Elle raconte son périple : « J’ai fait la demande 4 années de suite en tout. Il faut le faire tous les ans et être au même poste, sinon, on repart à zéro » (Armelle, 34 ans, M2). À la troisième réitération de sa demande, elle avait obtenu le financement mais c’est le jury du master qui ne l’avait pas recrutée. À la question de savoir si le jury était bien informé de l’accord de son OPCA, elle assure qu’elle a tout tenté :

« J’ai même pleuré. Ils ne m’ont pas pris à 0,3 points près ! Au moment de l’oral, si j’avais su que j’avais le financement je l’aurais dit mais je ne le savais pas à ce moment-là. Dès que je l’ai su, je suis revenue les voir pour leur dire et pour leur demander si mon dossier était vraiment très loin par rapport aux autres, et c’est là qu’ils m’ont dit que non, à 0,3 points près [...]. Sachant qu’ils n’avaient pas forcément fait le plein puisqu’ils étaient 18 et qu’il y avait des places quand ils m’ont refusée. Ça, je l’ai su, ils n’avaient pas fait de liste d’attente, ce qui fait qu’ils ont eu des désistements et qu’ils n’ont pas comblé. J’aurais été prise, je n’aurais dérangé personne. Heureusement, j’ai eu le financement l’année d’après mais j’imagine que si on ne m’avait pas renouvelé… » (Armelle, 34 ans, M2).

48Armelle se dit que si cette quatrième tentative avait également échoué, elle aurait abandonné : « [...] après, je passais à un autre projet de vie parce que à un moment donné, on est coincé dans un projet de vie aussi » (Armelle, 34 ans, M2).

49Enfin, pour ceux qui sont en emploi depuis plusieurs années, on remarque que les compétences acquises en matière de maîtrise des dispositifs tiennent à ce que la reprise d’études à l’université s’inscrit en fait dans une carrière de « formation continue » et dans un parcours de demandes répétées d’accès à la formation.

50Ainsi, en est-il pour Joachim : « C’était la règle du jeu de demander tous les ans, de ne pas rater une année, sinon on retourne à la case départ, et là comme je tombais sur l’année de la réforme du CPF, je l’ai obtenue, sinon, j’aurais dû l’obtenir l’année d’après » (Joachim, 44 ans, DE, niveau bac+5).

  • 12 Les enquêtes étant salariés dans de petites ou moyennes structures disent avoir cherché à ne pas ‘c (...)

51Et pour Jane : « elle [l’interlocutrice de l’Opca] m’a dit de faire ma demande cette année-là, que cela pourrait passer. "Il y a de l’abondement", elle m’a dit. "Du fait que personne n’a utilisé le CPF, allez-y". Donc, j’ai fait ma demande en février-mars et en avril-mai, j’avais ma réponse positive. Tout était pris en charge pour les trois années [1 semaine/mois pendant 10 mois/3 ans]. C’est moi qui avais budgété. À chaque fois, c’est moi qui me fais les dossiers. Ce n’est pas la comptabilité [le service comptable de son employeur]12, j’avais fait mon programme de semaine. J’avais dit que je resterai une nuit ou deux en fonction de comment je pourrai m’organiser avec mon fils [...], et mes déplacements, ma restauration... Tout a été pris en charge » (Jane, 55 ans, DU).

52Ces témoignages laissent entrevoir l’ampleur du non-recours en matière de formation continue.

2.3. Formation et transition dans les parcours

53La formation est devenue un moyen perçu comme essentiel de gérer les transitions professionnelles contraintes ou voulues d’actifs et plus largement de personnes dont les parcours sont moins linéaires qu’autrefois. Ainsi, la question de savoir à quoi sert la formation dans le cadre d’un parcours professionnel et personnel est importante, ainsi que celle qui vise à saisir la dynamique des parcours de vie.

  • 13 Actes de la journée d’étude du 7 décembre 2018 organisée par le Conseil national d’évaluations de l (...)

54Les spécialistes distinguent généralement trois, voire quatre types de formation en fonction des finalités : adaptation, promotion, réorientation, récompense. Les formations « récompense » « ne servent à rien mais font tellement plaisir » (Bernard Gazier, 201813 :43). Selon nous, cette dernière catégorie réfère plutôt à l’inadaptation de l’emploi par rapport aux compétences et ambitions professionnelles de la personne, c’est-à-dire que la formation est moins une récompense qu’une « compensation » à défaut d’autre chose, par exemple une promotion fonctionnelle, par exemple des conditions d’exercice du métier adaptées, notamment pour des secteurs particulièrement touchés par les conversions d’activités, comme actuellement le secteur « social ». Quant à la place de la formation dans les parcours de salariés dans leur entreprise (CNEFP-Céreq, 2018), la formation peut entrer dans un parcours « promotionnel » explicite ou non formalisé, ou « ascendant », dans un parcours « descendant » ou « heurté » (ceux pour lesquels l’articulation vie professionnelle/vie familiale est compliquée par exemple), dans un parcours « stable » ou « bloqué », selon le vécu de la personne. Les travaux mettent aussi en évidence que l’utilisation du CPF (anc. Dif) reflète plus spécifiquement les intérêts personnels des salariés, même si, pour certains employeurs, une petite portion du CPF peut être utilisée au service de leur plan de formation.

55Dans la typologie des usages réalisée par Itinere-Conseil en 2018, deux critères sont déterminants de l’interprétation des usages : la finalité du projet et l’origine de l’initiative. Ces deux variables permettent de construire quatre classes – les salariés les plus autonomes pour des formations courtes (moins de 150 heures), les projets co-construits avec l’employeur, le CPF en appui d’une transition professionnelle, le CPF à l’initiative de l’employeur. La finalité du projet oscille entre quatre modalités d’un projet contenant une forte dimension personnelle, la validation d’acquis, le renforcement et le développement de compétences, l’évolution professionnelle et/ou la reconversion et/ou la création d’activité. L’origine de l’initiative évolue elle entre quatre modalités : l’initiative personnelle pour un projet réalisé en autonomie (sans lien avec l’employeur) ; l’initiative personnelle accompagnée ; l’initiative personnelle soutenue par l’employeur, l’initiative de l’employeur.

56Dans tous les témoignages recueillis, la dimension personnelle du projet est dominante et constitue un trait commun à tous les enquêtés. Cela tient sans doute au fait que la formation suivie le soit à l’université – qui n’est pas l’organisme de formation privilégié, ni par les employeurs, ni par les prescripteurs –, mais vu l’intensité de cette dimension personnelle, on peut supposer que la formation tout au long de la vie tient une place positive dans l’esprit de tous les adultes, y compris ceux qui suivent des formations courtes non diplômantes, et/ou bien des formations « compensation ». Chez les enquêtés, la formation est associée au bien-être et au plaisir. Cela ne signifie pas que la formation est une partie de plaisir d’une vie hédonique mais qu’elle tient une place centrale dans la réalisation de soi et dans une quête de sens à caractère existentiel.

Identifiant

Age en avril 2017

Formation suivie

Finalité

Place d’un tiers significatif dans le choix

Emma

23

L1 Anthropologie

Projet d’études (1) Insertion professionnelle promotionnelle (2)

Un proche

Jules

29

Doctorat cognition ergonomie

Insertion professionnelle dans les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche

Non (ou une annonce d’emploi pour un contrat doctoral de 3 ans)

Ferdinand

31

DU médiathécaire/documentaliste

Réorientation professionnelle

Non

Virginie

34

M2 ergonomie cognitive, psychologie

Professionnaliser son profil recherche, Adaptation au marché de l’emploi pour sortir d’une situation de chômage

Non

Armelle

34

M2 psychologie du dvpt de l’enfant

Promotion fonctionnelle

Plutôt non (projet de couple et de famille)

Florence

39

M1-IP-BEP (ESPE)

Forte dimension personnelle, Projet d’études vers le doctorat (1) « Sécuriser » ses compétences métier (2)

Non

Pierre

43

L2 psychologie (SED)

Réorientation professionnelle et Forte dimension personnelle

Non (employeur facilitateur, lié à un sureffectif)

Joachim

44

Diplôme d’État d’ingénierie sociale (DEIS)

Compensation (1) Promotion fonctionnelle à moyen terme (2)

Projet coordonné avec son directeur de service

Martine

44

Doctorat géographie

Promotion fonctionnelle ou Sécurisation du statut d’Indépendant (Consultante)

Non (ou la concurrence)

Pharel

50 ans

M2 psychologie clinique (VAE)

Forte dimension personnelle et Compensation

Non (projet validé par son directeur de service)

Tanguy

50

M2 mention cinéma audiovisuel

Forte dimension personnelle et Sécurisation de son statut d’Indépendant

Non

Yann

54

L2 psychologie (SED)

Forte dimension personnelle et Réorientation professionnelle

Non

Jane

55

Diplôme d’État ingénierie sociale

Compensation

Non

57Pour Emma, il n’est pas dit que les 5 années d’interruption après le baccalauréat lui aient permis de mieux savoir ce vers quoi elle souhaitait s’orienter au plan professionnel. Son inscription en L1 anthropologie entame peut-être au fond un début d’un parcours long de formation supérieure, la conduisant vers les métiers de la recherche. Elle ne dit rien d’explicite en ce qui concerne son projet professionnel, ce qui peut laisser supposer qu’elle n’en a pas elle-même d’idée claire. Dans tous les cas, Emma est créatrice et entrepreneuse, elle foisonne d’idées et a des engagements divers dans des activités artistiques, culturelles, écologiques, bénévoles et associatives. Pendant ces 5 années, elle a pu cumuler des petits boulots classiques (épicerie de gare, restauration rapide, garderie périscolaire) et en même temps porter des projets originaux et entraîner du monde avec elle (budget participatif de rénovation d’une auberge, organisation de sorties vertes autofinancées, création d’une association, organisation d’une comédie musicale…).

58Pour Emma, il faut expliquer l’interruption de son cycle de formation initiale, puis la reprise. Étant une bonne élève, Emma, avait été orientée vers une classe d’élites par ses professeurs de lycée. Mais, dit-elle, cela ne lui convenait pas. Elle souffrait de la concurrence entretenue dans sa classe. Elle se sentait éloignée de ses pairs qui pouvaient être scolairement bons mais humainement assez immatures. Il était donc hors de question pour elle de s’orienter vers une classe préparatoire. Elle avait peut-être aussi besoin d’une pause dans sa scolarité :

« Il y une part de cela. J’en avais marre. Surtout qu’au lycée, je n’ai compris que très tard l’intérêt de certaines matières. Donc, j’avais envie de faire une pause. Après je n’ai pas galéré à avoir mon baccalauréat. Je n’ai pas travaillé comme une forcenée. Mais je dirais c’est plus qu’on avait beaucoup de matières qui nous ouvrent à beaucoup de choses mais on ne nous dit pas à quoi cela sert. Du coup, ce n’était pas forcément utile pour moi et j’avais envie d’étudier quelque chose d’utile pour moi. » (Emma, 23 ans, L1 Anthropologie).

59Sa mère était ergothérapeute auprès de personnes handicapées et son père, beaucoup plus âgé que sa mère, était humoriste de presse. Élevée par sa mère, elle a bénéficié d’une éducation libérale, ce qui s’est traduit pour elle par le défi de trouver sa voie :

« J’ai une super maman ! Ça aide. Qui nous a toujours appris à faire ce que l’on voulait et pas autre chose. Après, moi, pendant tout le lycée, tout le monde m’a toujours demandé ce que je voulais faire après. Donc, j’ai cherché, j’ai cherché, je changeais d’avis tous les ans et d’ailleurs après [pendant les années d’interruption d’études] je continuais à changer d’avis tous les ans. Mon dernier avis, c’était architecture. [...] Il fallait passer des concours que j’ai passé et je ne savais pas si j’allais être prise. Donc, sur post-bac, j’avais coché un truc, la fac de ne je ne sais plus quoi, mais sans intérêt. Et plus on me demandait ce que je ferai si je n’étais pas prise en architecture, plus je me disais que ce ne serait pas grave, que je ferai une année sabbatique. Et plus le temps avançait, plus je me disais que c’est ce dont j’avais envie. En plus, il y avait ce projet de l’auberge de jeunesse en montagne et la possibilité d’un service civique... » (Emma, 23 ans, L1 Anthropologie).

60Emma est plongée dans une quête de trouver le « bon » chemin, celui qui convienne vraiment à sa personne :

« On m’a toujours laissé le choix, c’est bien, mais il faut le faire ! Ils m’ont un peu aidé. Mais il y a plein de choses qui m’intéressent et du coup il faut que je me dise « c’est quoi qui m’intéresse le plus ». Vers quoi, je vais… » (Emma, 23 ans, L1 Anthropologie).

61Cette quête du bon choix dans un environnement de choix multiples ou bien cette crainte de l’engagement dans une route dont on ne peut plus sortir ne l’ont pas empêché d’agir. C’est plutôt le contraire. Elle est partie dans de multiples directions. L’année sabbatique s’est ainsi prolongée en cinq années bien remplies. Ses proches l’interrogeaient régulièrement au sujet des études. Elle-même s’était rendue compte en menant ses projets qu’être jeune avec le seul baccalauréat ne lui permettait pas d’obtenir la légitimité nécessaire auprès des partenaires et des clientèles.

« Par exemple, le financement participatif que l’on a fait pour le gospel, je l’ai mis en œuvre, j’en avais déjà fait qui avait super bien marché, donc ils avaient déjà vu que j’avais réussi à faire ça mais ils ont eu du mal à me donner de la légitimité parce que j’étais jeune et qu’en plus je n’avais pas fait d’études. Et moi, c’est des choses qui m’exaspéraient parce que au bout d’un moment ce n’est pas parce qu’on n’a pas fait d’études qu’on est con. Bon, donc, c’est con mais c’est un fait et que pour inverser la tendance, peut-être il faut passer par les études pour dire finalement que l’on n’était pas obligé de faire des études » (Emma, 23 ans, L1).

62Elle dit quand même avoir pensé abandonner l’idée de faire des études. Or, un élément déclencheur a peut-être été que sa mère est décédée à l’âge de 53 ans en 2015. Emma est désormais engagée dans les études et compte faire sa troisième année de licence à l’étranger et poursuivre ensuite en master.

63Ferdinand et Jules, plus âgés qu’Emma, sont comme elle, dans un parcours d’accès au premier métier qui compte. Jules l’a trouvé au cours de sa formation et d’un stage de master, ce depuis au moins 2013, c’est-à-dire depuis ses 25 ans : il veut devenir enseignant-chercheur. Ferdinand aussi l’a trouvé. Il a, lui, pu exercer un premier métier, menuisier, comme son père et parce qu’après une licence d’histoire, qu’il a suivie avec intérêt mais tout en travaillant et en redoublant, il avait envie de gagner sa vie et de faire quelque chose de concret. Comme il le dit aujourd’hui, la menuiserie est devenue une activité de loisir qu’il affectionne particulièrement. Il ne veut pas, ou plus, en faire son métier. Cette conviction s’est peut-être également façonnée à l’épreuve des conditions réelles d’exercice du métier de menuisier, qui se sont dégradées selon Ferdinand, comme l’illustre, selon l’enquêté, la nature de moins en moins « noble » du matériau à travailler (e.g. le mélaminé versus le bois).

64Pour une bonne part des autres enquêtés qui ont déjà expérimenté le premier métier qui compte, formation et activité rémunérée ainsi que carrière de formation et carrière professionnelle sont étroitement imbriquées. L’inscription à l’université n’est pas la première expérience de formation continue (Armelle, Pierre, Joachim, Martine, Pharel, Tanguy, Yann, Jane).

65Entre 2004, date d’obtention de son diplôme d’éducateur spécialisé, et 2017, Armelle, 34 ans, a effectivement interrompu toute activité de formation pendant cinq ans. En 2009, alors qu’elle est en CDI, elle s’inscrit en deuxième année de licence de psychologie, via le service d’enseignement à distance, puis en troisième année. En 2012, elle est inscrite en master 1 de psychologie du développement, tout en travaillant. Après quatre années de demandes répétées de prise en charge d’un congé pour formation auprès de son OPCA et de candidatures à un master 2, elle est inscrite en M2 en 2016-17, dans le cadre d’un congé pour formation.

66Pierre, 43 ans, a commencé à travailler comme électronicien à 23 ans. C’est à 29 ans qu’il commence à goûter à la formation continue, pour une formation dans un institut privé reconnu de psychologie. Cette première expérience de formation continue durera cinq ans. Durant tout ce temps, Pierre ne cesse pas de travailler et la formation qui, au départ, avait une fin de réparation personnelle, va devenir le fondement d’un projet de réorientation professionnelle. À la fin de la formation en 2008, Pierre crée son cabinet de psychothérapie. En même temps, il intègre la Poste qui va s’avérer un employeur facilitant sa double activité. Souhaitant obtenir le titre de psychothérapeute, il s’inscrit en licence 2 de psychologie en 2016.

67Joachim, 44 ans, après un brevet de technicien supérieur en travaux publics, devient chef de chantier dans le bâtiment, métier qu’il exercera pendant dix ans. Il sera promu conducteur de travaux durant trois ans, trois années intenses où il ne verra pas beaucoup grandir ses deux enfants. En 2008, ou en 2009, il prend un poste d’éducateur technique auprès de jeunes de 16 à 20 ans. Depuis lors (7 ans), il exerce ce nouveau métier. Mais dès 2011, après deux-trois ans d’expérience, il demande à pouvoir utiliser son droit à congé pour formation pour obtenir le diplôme d’état d’ingénierie sociale adossé à ce nouveau métier. Il n’obtiendra l’accord de son Opca que six ans après. Entre temps et en attendant, l’expérience professionnelle dans son nouveau métier s’épaississant, il concoure pour le diplôme d’éducateur spécialisé par VAE, un diplôme qu’il obtient en 2015, juste avant finalement de voir son dossier de demande pour le DE accepté.

68Martine, 44 ans, travaille depuis l’âge de 19 ans, a toujours été en emploi, s’épanouit dans son travail et a toujours été en formation en parallèle. C’est le cas ideal typique de l’imbrication, sans hiérarchie, entre formation et emploi. L’importance de la formation dans la vie de Martine est liée à son parcours professionnel ascendant, au profil de ses emplois – salariée d’office de tourisme puis consultante entrepreneuse –, et à son profil personnel d’entrepreneuse et d’innovatrice. Pendant qu’elle est inscrite en licence de philosophie, elle passe le concours de guide-interprète qu’elle obtient. Elle abandonne la philosophie pour travailler dans un office du tourisme. En parallèle, elle prépare et obtient le BTS tourisme par correspondance avec le CNED. Elle change d’emploi pour un emploi-jeune auprès d’un maire député, un poste qui sera particulièrement enrichissant et formateur. En 1998, elle travaillera pour une entreprise privée dans le tourisme avant d’être démarchée par un comité régional du tourisme pour un poste qu’elle gardera trois ans. Puis, elle sera de nouveau démarchée cette fois par un office du tourisme. C’est lorsqu’elle devient directrice d’office de tourisme qu’elle s’inscrit cette fois en master pour avoir le niveau qui convient pour sécuriser son emploi : « Un directeur d’office de tourisme n’est pas fonctionnaire, c’est un contrat de trois ans, renouvelable une fois » (Martine, 44 ans, Doctorat). Et depuis 2009, elle a créé son entreprise dans le domaine du tourisme et s’est inscrite en doctorat dans le but là-aussi de sécuriser son entreprise dans un contexte fort concurrentiel et pour sortir du lot, voire à terme, si elle renonce à son entreprise, être embauchée par un gros cabinet de consultance.

69Pharel a changé d’employeurs tout au long de son parcours et son métier de base a aussi beaucoup évolué. Il a obtenu une maîtrise en psychologie clinique à la fin des années 80 et a commencé à travailler sur des emplois d’éducateur de rue, sans avoir le diplôme consacré. Intervenant auprès de publics touchés par les addictions, il est passé par des conditions d’exercice très variées, de l’éducateur de rue pour l’association AIDES dans la période des années 1990 à un accompagnement social plus bureaucratisé aujourd’hui. Il semble aussi qu’il soit passé de l’exercice d’un métier d’éducateur « sociologisé » à « psychologisé ». Il a aussi pu être plus autonome dans la gestion de son activité et celle-ci avait sans doute une dimension également plus globale en ce qui concerne l’accompagnement des publics, selon des approches territoriales par exemple. Il a pu aussi passer par des postes à responsabilité et de management d’équipe, mais est, de son vœu, revenu à des postes placés à l’interface avec les publics et mobilisant ses compétences de psychologie clinique acquises par sa formation initiale, développées largement dans le cadre son activité et des formations suivies tout au long de sa carrière. Après AIDES, il est ainsi devenu salarié d’une ville moyenne et au début des années 2000 a obtenu l’utilisation d’un congé pour préparer un master professionnel en sociologie sur les phénomènes d’exclusion. Ensuite, il a obtenu le diplôme d’éducateur spécialisé par VAE. Et, en 2016-17, il a donc réitéré, cette fois pour obtenir par VAE le diplôme de master de psychologie clinique.

« J’ai eu plusieurs expériences d’études aussi bien que professionnelles car j’ai changé d’employeur à différents moments. Et là, je suis chez le même employeur sachant qu’à un moment donné, j’ai eu des problèmes personnels à la quarantaine qui m’ont amené à être au chômage et ensuite, j’ai voulu reprendre un emploi et je n’avais, par rapport à la loi de 2002, on ne me prenait plus. Plus personne ne voulait me prendre par équivalence. Également parce que j’avais un CV particulièrement fourni qui pouvait faire peur (sourire). Du coup, je me suis tournée vers la VAE pour faire le diplôme de VEES » (Pharel, 50 ans, M2).

70Pharel a aussi exploité l’offre du plan de formation de ses employeurs. Dans les années 2000, il partait même deux fois par an. Son ancien directeur de service considérait qu’un professionnel de l’intervention sociale se devait de recycler régulièrement ses savoirs. Ces dernières années, cette exigence est moins comprise mais il parvient quand même à partir une fois par an en formation.

71Quant à Tanguy, si l’on tient compte de son diplôme de base et du métier qu’il exerce aujourd’hui et qui s’est construit tout au long des vingt-trois dernières années, on s’aperçoit d’un relatif décalage. Après son baccalauréat obtenu en 1984, il obtient une licence de droit et poursuit en master de gestion des entreprises et des administrations dans un institut de formation privé. Il en sort diplômé en 1989. Tanguy va finalement exercer le métier auquel son diplôme de master le destine pendant 5 ans dans une entreprise de snowboard. Ses passions que sont le ski, le son et la photographie vont l’amener à se lancer dans des expériences de création et de production dans le domaine large de l’image. C’est ce domaine qui va devenir son secteur d’emploi, en tant qu’indépendant le plus souvent. Il a une carrière assez impressionnante. Il est passé par le reportage photographique en terre indienne ou pour l’aviation militaire et civile, par le film et la photographie du ski de type free ride ou Snowboarding, ainsi que par le film d’art contemporain dans le domaine de la création audiovisuelle numérique. Il travaille depuis 2011 en tant que directeur de la photographie et de la couleur pour des réalisateurs de films documentaires dans différents domaines dont la recherche et pour le CNRS. Il intervient d’ailleurs depuis quelques années dans des formations d’écoles audiovisuelles universitaires.

72Son cas permet d’évoquer, à défaut de l’approfondir, un résultat important de cette étude, selon lequel les moyens d’information d’aujourd’hui permettent à l’ensemble de ces enquêtés de se mettre en situation d’apprentissage, tout le temps, quand et où ils peuvent, indépendamment des institutions et des lieux conventionnels de formation…

73Yann a obtenu un baccalauréat en mathématiques-physiques en 1981, a poursuivi en classe préparatoire, puis a intégré l’ENAC-Suparéo. Il est devenu ingénieur de l’aviation civile à Airbus Aerospace. Il a connu une carrière ascendante qui l’a conduit vers des postes de manager. C’est à ce moment-là d’ailleurs qu’il se souvient plus particulièrement avoir bénéficié de formation continue, dans le cadre du plan de formation Airbus pour ses managers. Après avoir été lui-même coaché par un consultant au sein de son entreprise et pour les besoins de son entreprise lors de sa prise d’une nouvelle fonction en 2011 de chef de département, il a de lui-même décidé de s’inscrire à une formation de coaching auprès d’un institut privé basé à l’étranger. Cette formation a été partiellement prise en charge par son entreprise (5 000 euros du coût de la formation pour une entreprise pour son salarié, dispositif Dif). Il est depuis lors « certifié » pour le coaching et a ouvert un cabinet en parallèle de son activité de salarié. Il a également suivi une autre formation en PNL. Depuis 2016, il est inscrit en licence 2ème année de psychologie, par le SED. Pour Yann, cette carrière de formation diplômante en psychologie vise à « étayer une démarche personnelle » de formation, après avoir découvert par ses postes de manager le métier de coaching. C’est une formation pour lui-même bien que cela rentre aussi dans un projet de réorientation professionnelle.

74Jane, 55 ans, trois enfants, deux fois divorcée, est une habituée de la formation continue depuis qu’elle y a goûté, en 1991, à 30 ans. Avant cela, elle a obtenu un baccalauréat littéraire à 17 ans et a poursuivi en BEP comptabilité. Entrée ensuite sur le marché du travail, elle a connu quelques interruptions courtes d’activité et peu fréquentes, non sans lien à son statut de mère et à son choix de vivre à la campagne. Son premier emploi qui compte est celui de gestionnaire de rayon dans la grande distribution. C’est dans cette première période de sa carrière professionnelle qu’elle suit une formation technique de vente dans le cadre du plan de formation de l’entreprise et qu’elle accède également à un congé pour formation pour suivre une formation de comptabilité en entreprise. Avec son diplôme, elle quitte la grande distribution et devient effectivement comptable d’entreprise. Ses expériences de formation continue ne font alors que commencer. Alors qu’elle a 39 ans, elle suit cette fois une formation à distance pour un diplôme universitaire qu’elle obtient, dédié aux technologies de l’information et de la communication. Entre temps, à 43 ans, elle a changé de métier et travaille depuis lors dans une mission locale au sein de laquelle elle gère des financements. À 47 ans, cinq après avoir été embauchée dans son nouvel emploi, elle s’inscrit dans une école de commerce dans le cadre d’un second congé pour formation, pour obtenir un diplôme de niveau master. Et l’année de l’enquête, elle entame donc une formation pour un diplôme d’État en ingénierie sociale. Toutes ces expériences de formation, entre 2001 et 2017, diplômantes pourtant, ne produisent pas les effets escomptés. Selon Jane, aucune de ces formations ne lui a permis d’atteindre vraiment ses objectifs de connaître une mobilité professionnelle, ascendante et/ou horizontale. Chez Jane, les attentes associées à la formation sont fortes, et elles ne sont pas sans lien avec son statut de femme (« être indépendante, ne dépendre de personne »), ni sans lien avec le fait qu’après son baccalauréat généraliste, elle s’est dirigée vers un BEP Comptabilité et qu’elle a tout au long de sa carrière cherché à obtenir des diplômes. C’est aussi une quête de réalisation de soi au travers de l’activité professionnelle, qui se trouve empêchée dans le cas de Jane. Cette dernière aspiration n’aboutissant pas, elle s’est transformée, alimentant un intérêt toujours aussi intense pour la formation :

« Je vais régulièrement voir [la personne en charge des fonds de son OPCA] pour savoir comment je peux faire. Et toutes les formations car j’ai fait aussi beaucoup de formations dans le cadre [du plan de formation de mon employeur]. Non diplômantes mais les plus longues possibles. Quand il y avait deux jours, je prenais deux jours. Et à un moment, il y avait deux fois trois jours et j’ai pris deux fois trois jours et à chaque fois que cela m’a permis de sortir. Après cela n’était pas des trucs bidons quand même, c’était intéressant. [...] Je cherche des astuces pour sortir [...] Ce [diplôme], cela faisait un moment que je tournais autour et comment je pouvais m’organiser avec mon fils, le financement, etc. Et comme moi, je cherchais ma bouffée d’air, elle [la gestionnaire des fonds OPCA] m’a conseillé de faire ma demande car elle savait qu’il y aurait de l’abondement » (Jane, 55 ans, DE).

2.4. Rapport au travail, au métier et à l’emploi : des enquêtés employables ?

75De la loi initiale de 1971 sur la FPC à aujourd’hui, les spécialistes considèrent qu’il y a eu un basculement d’une approche organisationnelle et collective de la formation à une approche individuelle, à « l’initiative du salarié ». La dimension institutionnelle de cette approche individuelle demeure évidemment forte, ce que l’on peut subsumer sous le concept de « l’employabilité ». Corinne Saint Martin cite l’OIT qui définit l’« employabilité » comme « aptitude de chacun à trouver et à conserver un emploi, à progresser au travail et à s’adapter au changement tout au long de la vie professionnelle » (Saint-Martin, 2018, p. 57). Thomas Périlleux, également cité par Corinne Saint-Martin, parle d’idéologie managériale valorisant l’instabilité des carrières et l’entreprise de soi (Périlleux, 2005, cité par Saint-Martin, p. 57). Selon Thomas Périlleux toujours, il s’agit de « l’activation et la mobilisation de soi, la conception de la vie comme une succession de projets, la segmentation et l’intensification de l’activité, la capitalisation du sens de l’existence » (ibid. p. 59). Corinne Saint-Martin rappelle combien cette notion n’est pas nouvelle, mais a connu une accélération d’usages dans les années 1990 et que, bien que polysémique, du fait même qu’elle est l’objet d’une lutte sociale sur son sens, fait référence à des changements dans les modes de production et d’organisation du travail. Nous pouvons donc dire que l’employabilité fait référence à des changements de modèles, qui traversent aussi bien les univers productifs que les univers du soi en société.

76Durant l’enquête, les aspects liés au travail, au métier et à l’emploi ont surgi comme dominants de l’expérience de formation et de vie des enquêtés, à un degré non anticipé par l’enquêtrice. Celle-ci, s’intéressant d’abord aux universités, a été conduite à déplacer sa focale vers les univers du travail et de l’emploi et à se demander ce à quoi pouvait bien servir l’université dans tout cela. Le grand constat, c’est que les enquêtés ont complètement intégré la norme de l’employabilité. On peut même aller plus loin en précisant qu’ils participent à la construire, en partie parce qu’ils ont internalisé cette norme externe, en partie parce que celle-ci rencontre leur quête personnelle d’émancipation personnelle. C’est pourquoi, il convient aussitôt de préciser que les phénomènes actuels d’individualisation du rapport au travail et à l’emploi font en fait écho à une lutte sociale d’intérêts sur le tour que ces phénomènes doivent prendre, ce que l’enquête permet d’éclairer à la lumière des expériences de formation.

77Tout d’abord, un nombre assez conséquent des enquêtés cherche à se retirer de l’univers du travail et de l’emploi : Florence, Joachim, Pharel et Jane.

78Le témoignage de Florence est celui qui dépeint le mieux cette bataille qui se joue autour du travail.

« C’est que ma différence avec les autres copains de la classe qui ont 21 ans, c’est qu’ils sont dans une peur du futur, dans une forme de précarité et de projection. Ils crèvent d’envie d’aller au travail, car ils ont envie d’avoir des sous, envie de consommer et d’entrer dans la vie. Moi, je suis dans le sens inverse. J’ai touché à cela, j’ai bien gagné ma vie, j’ai été quelqu’un dans le monde du travail et aujourd’hui je suis en mode décroissance. Aujourd’hui, mon plus beau salaire c’est ce que j’apprends au quotidien. Mais je n’accuse pas et c’est vraiment très personnel. Je pense qu’on a plusieurs vies et moi j’en suis là et eux vivent autre chose et moi peut-être je reviendrai à ce qu’ils ont envie aujourd’hui » (Florence, 39 ans, M1).

79Pour Pierre, Tanguy et Yann, la situation est un peu différente car leur travail n’agit pas comme un repoussoir, mais leur expérience de vie signale néanmoins une aspiration au retrait d’un certain nombre de contraintes liées aux univers du travail et de l’emploi qu’ils ont traversés.

80Pierre a aimé son métier d’électronicien mais il s’épanouit désormais dans un autre métier, celui de psychanalyste. Il apprécie ses conditions de travail actuelles en tant qu’électronicien ainsi que son employeur parce que ces conditions et cet employeur lui permettent d’assurer sa transition vers un autre métier. On peut donc supposer que les enjeux de performativité au travail ne se placent plus au sein de cet emploi principal, mais au sein de l’activité secondaire qui va bientôt prendre toute la place. On peut aussi supposer que le statut d’indépendant associé à son activité de psychanalyste n’est pas indifférent à son épanouissement. On peut enfin considérer que Pierre, comme Yann d’ailleurs, qui sont tous les deux en réorientation professionnelle, ont ressenti un manque dans l’univers de travail qui était le leur. Soit l’univers de leur travail ne répondait plus à leurs aspirations personnelles, soit ces aspirations personnelles mises en sommeil jusque-là, sont devenues dominantes.

81Tanguy cherche peut-être à ralentir le rythme d’une activité d’indépendant dans un secteur d’emploi lié à l’image, très sensible aux innovations technologiques, et qui lui impose une constante mise à jour de ses savoirs. Il souhaite aussi se donner les moyens d’une mise à distance, par la réflexivité, que ne permet pas la course à l’innovation.

82Yann, 54 ans, est arrivé à une étape de sa vie où la bataille de l’emploi consiste plutôt à contrer les mécanismes de relégation qui dominent pour les actifs seniors, à démontrer, au contraire, le niveau d’expertise atteint et à s’autoriser à développer la dimension personnelle et existentielle du travail. À la question de savoir si la formation au long cours qu’il suit en psychologie ainsi que le projet de faire de son activité de coaching son activité principale répondent à une quelconque frustration, Yann répond ceci :

« Je ne sais pas comment dire, peut-être de manière insidieuse, aujourd’hui je ne suis plus manager. Je suis consultant [ce qui correspond à une rétrogradation dans sa carrière et en lien à la politique de gestion des ressources humaines de son employeur]. Dans ma pratique de consultant, c’est clair que la maîtrise des états psychologiques m’aide. Après, il se trouve aussi que sur le plan personnel, j’ai toujours eu l’idée de développer quelque chose de personnel, une entreprise, enfin, je ne sais pas, une entreprise peut-être pas, mais une affaire à moi entre guillemets. Et cela se fait petit à petit et c’est vrai qu’aujourd’hui j’aimerais conduire une autre activité que celle de l’ingénierie. Et il y a eu différents événements aussi qui ont fait qu’à un moment donné d’autres portes s’ouvrent et je me souviens qu’en 2013 [donc à 52 ans], je me suis vraiment posé la question de savoir ce que je voulais faire maintenant » (Yann, 54 ans, L2 psychologie).

83Ce besoin de retrait du travail doit toutefois être expliqué pour tout à fait comprendre le fait que, même dans l’extraction de soi des situations d’activité rémunérée, demeure la valeur centrale du travail. Tout d’abord, les enquêtés les plus en retrait par rapport au travail sont aussi ceux qui ont été de « gros » travailleurs, qui ont beaucoup donné dans le travail, et/ou qui voudraient bien continuer à donner beaucoup mais qui s’en sentent empêchés. Les témoignages permettent d’ailleurs de comprendre que le retrait n’a rien de radical, qu’il ne concerne que des pans du travail.

84Florence, dit : « J’adore mon métier parce qu’il me fait exister [...] Je ne suis pas aux études pour fuir mon métier [...]. Moi, les gens [les demandeurs d’emploi] m’ont manqué. Ils me manquent. C’est l’institution que je fuis et par extension le marché du travail » (Florence, 39 ans, M1).

85C’est encore Florence aussi qui exprime combien sa vie, en particulier sa vie de jeune adulte, a été jusqu’ici une vie de labeur :

« Je me sens une privilégiée car aujourd’hui je suis payée, c’est comme un contrat de travail, je cotise et je vais avoir derrière des allocations chômage. Je suis privilégiée, je reçois un salaire pour prendre soin de moi, pour aller étudier. Et je le dis parce que, vous me demandiez les circonstances et parce que c’est la première fois que cela m’arrive. C’est-à-dire que j’ai fait des études [à l’université], mais j’ai toujours travaillé pour payer mes études. Et du coup c’est la première fois de ma vie, en retournant aux études, qu’on me donne de vraies conditions d’études. [...]. Et j’ai un truc qui est fort [et qui est] la motivation, c’est un truc de l’ordre d’une éducation judéo-chrétienne. Je me sens être tellement privilégiée qu’il n’est absolument pas question de ne pas y arriver » (Florence, 39 ans, M1).

86Joachim dit s’ennuyer dans son travail, un ennui qui se définit par le fait même que Joachim a eu un premier emploi qui compte avant celui-ci :

« Je m’ennuie dans mon travail depuis deux ans, trois ans… Parce que cela vient de mon parcours professionnel. Avant, j’étais conducteur de travaux dans le bâtiment. Ça bougeait énormément, j’avais pas mal de pression, j’avais pas mal d’organisation, pas mal d’équipes à gérer, des travaux intéressants parce qu’en montagne. Beaucoup de diversité. Et ensuite, j’ai fait de la formation [en tant qu’éducateur technique] pendant 7 ans, donc ça m’intéressait. Et, on a eu un changement de population, depuis quatre ans, et je m’ennuie parce que je ne peux rien leur apprendre. Ils sont trop en difficultés » (Joachim, 44 ans, DE).

87Il en est de même pour Pharel, 50 ans, qui n’est pas fatigué d’être « créatif » dans un métier, l’intervention sociale qui est pourtant éprouvant, où il faut se réinventer et persévérer chaque jour dans l’accompagnement de personnes en détresse. Le diplôme par VAE qu’il prépare en cette année 2016-2017 le prouve, qui est loin d’être une sinécure. Pharel est au contraire dans une quête d’approfondissement de son métier, dans l’acquisition ininterrompue tout au long de sa carrière d’outils d’analyse pour mieux accompagner les publics tout en maîtrisant toujours mieux les outils de la science qu’est la psychologie. En revanche, ce qui le met dans un état de retrait, c’est plutôt l’environnement organisationnel dans lequel il réalise ses tâches aujourd’hui ainsi que l’évolution qu’il perçoit des métiers du social et des implications sur les nouvelles générations des recrutés. Ainsi, il parle de ses jeunes collègues comme plutôt individualistes et plutôt passifs.

88Jane prolonge cet aspect, se comparant à d’autres qui suivent la même formation qu’elle, elle dit : « pour moi, c’est différent, ce n’est pas parce que je m’ennuie [que je viens en formation] car j’aime ce que je fais [ses missions professionnelles] » (Jane, 55 ans, DE).

89Ainsi, ces enquêtés souhaitent se mettre en retrait de l’emploi et du marché du travail, plus que du travail et plus que de leur métier. Les aspirations au retrait demeurent donc fondamentalement liées à un rapport central au travail. Il s’agit bien du travail dans le sens anthropologique et éthique du terme, c’est-à-dire que dans le travail, qu’il soit laborieux ou non, noble ou non, qu’il produise des œuvres ou des sous-produits à caractère insignifiant ou dilué, il y a toujours un processus d’expression identitaire et que cette voie de réalisation du soi est, sinon unique, au moins centrale dans les sociétés contemporaines.

90Le rôle de la formation est bien sûr important dans ces stratégies de retrait. Jane, qui n’en est pas à sa première expérience de formation continue, rationalise toutes ces expériences comme un moyen de prendre l’air vis-à-vis de situations d’emploi qui ont certes changé en cours de route mais qui n’ont jamais été pleinement satisfaisantes.

91À 29 ans alors qu’elle est gestionnaire de rayon dans la grande distribution depuis 8 ans, elle prépare un diplôme de comptable d’entreprise dans le cadre d’un congé pour formation :

« Pour sortir de mon boulot. Parce que j’étais seule à cette époque, sur le plan personnel, j’étais avec mon enfant. Et sur le plan personnel, la grande distribution, c’est épuisant. Je ne voyais pas non plus mon avenir là-dedans » (Jane, 55 ans, DE).

92Ensuite, alors qu’elle est effectivement devenue comptable d’entreprise, cumulant des CDD sans difficultés, elle s’inscrit en DU, entre 2001 et 2002, à l’âge de 40 ans, pour atteindre des compétences dans les technologies de l’information et de la communication et espérer changer de métier car elle ne trouve toujours pas son compte dans sa situation de comptable :

« Oui, [Je souhaitais] changer. Parce que gestionnaire comptable à l’époque, c’est un peu gratte-papier surtout que…La technique je l’avais mais, [le territoire] après, c’était l’industrie, la mécanique, tout cela ne me parle pas. J’étais recrutée, je veux dire. J’arrêtais un [CDD], je savais que je pouvais en retrouver un le lendemain, mais cela ne me convenait pas. Donc, je me disais, je vais travailler plus dans la formation. Et dans le [DU], il y avait une option "développement de la formation à distance". Bon, cela n’a débouché sur rien, encore ! » (Jane, 55 ans, DE).

93Ensuite, elle postule à un poste de gestionnaire de subventions dans une mission locale, un poste qu’elle obtient. Le métier lui convient mieux et en même temps son activité est encore source d’insatisfaction : « bon gré, mal gré, [j’y suis restée] car j’ai bien essayé d’en sortir et je n’y suis pas arrivée (Jane, 55 ans, DE).

94Entre 2009 et 2011, elle est de nouveau en formation, cette fois pour atteindre un bac+5 : « Donc là je pars en école de commerce et là c’est deux ans, un vendredi et un samedi, tous les 15 jours. C’était quand même assez lourd [...]. C’était juste le vendredi et le samedi et il y avait la semaine de travail » (Jane, 55 ans, DE).

  • 14 Des « congés » qui n’équivalent pas à un arrêt de l’activité, mais correspondent à peu près à une j (...)

95Et donc, en 2016-17 et pour trois ans, elle prépare un diplôme d’état. À la question de savoir si elle se trouve chanceuse d’avoir eu droit à ces divers congés14 pour formation dans sa carrière, elle répond ceci :

« Je ne sais pas mais à chaque fois que je vais voir les directeurs, je dois avoir les arguments qu’il faut je ne sais pas, je dois avoir une tête du genre "vivement qu’elle s’en aille", je ne sais pas (rires). J’ai saisi un concours de circonstances là en fait car l’ancien directeur qui n’arrêtait pas de me casser du sucre sur le dos et de m’emmerder à longueur de temps, il était en train de partir et le nouveau, lui, il est à fond dans les dispositifs de formation professionnelle. Donc, il dit "oui, oui, il faut se former, il faut se former" et c’est le même qui a accepté d’ailleurs là que je parte en DE. Il ne m’augmente jamais, il ne valorise jamais mon travail mais au moins il me donne l’occasion de me former » (Jane, 55 ans, DE).

96Pour le diplôme d’État qu’elle prépare aujourd’hui, elle dit :

« En réalité, quand on demande aux collègues qui sont autour de la table quelles sont leurs motivations [à suivre cette formation], cela en fait partie : "prendre de l’oxygène", surtout dans le travail social » (Jane, 55 ans, DE).

97Finalement, Jane met beaucoup d’espoir dans les formations qu’elle suit, qui sont pour elle, à la fois des bouffées d’air et des voies de sortie. Elle a tout au long de sa carrière espéré que la formation lui permette de trouver un emploi qui lui convienne vraiment. Elle ne cache pas sa déception lorsque l’issue ne correspond pas aux attentes.

98La formation est une trêve dans un parcours dans l’emploi. C’est un répit. Néanmoins, ce n’est pas que ce temps de formation est considéré comme des vacances, comme un temps d’oisiveté. C’est que la formation, en elle-même, est considérée comme un répit. Les études qui sont concrètement un temps de travail conséquent, venant s’ajouter aux autres, qui demandent beaucoup d’efforts et de discipline personnelle, sont considérées comme un moyen d’émancipation de situations au travail qui ne conviennent pas. Les études sont une mise en intelligibilité du réel ainsi qu’une mise à distance du réel. Elles sont par nature une voie d’émancipation, même temporaire.

99Parmi les enquêtés, il n’y a pas que ceux qui sont dans un rapport de retrait par rapport au travail, mais il y a aussi ceux qui s’épanouissent dans leur emploi. Le point commun à tous ces enquêtés demeure, dans tous les cas, un rapport existentiel au travail.

Conclusion

100L’objectif était de s’interroger sur la part de marginalité que pouvait contenir l’expérience individuelle de la formation continue à l’université par rapport aux normes que véhicule la politique de FPC. Or, les enquêtés semblent partager une même préoccupation centrale pour le travail qui fait écho aux priorités de la politique française de FPC. Ce sont néanmoins les signifiants attachés au travail qui ne correspondent pas tout à fait de part et d’autre du rapport entre institution ou système et individus, entre une politique de la FPC qui tend à assimiler le travail à l’emploi, dans un schéma cognitif attaché à l’économie et à la production et des reprenants qui sont dans un rapport personnel et existentiel au travail. À l'échelle individuelle, ce que le travail produit, c’est une œuvre dans un sens plus esthétique et humaniste qu’économique, et le travail en tant qu’action s’inscrit moins dans un système de production que dans une trajectoire de vie et dans une quête personnelle (non pas égoïste) de réalisation de soi.

101L’individualisation du rapport à la formation et au travail est encore un point commun qui s’établit toutefois sur un rapport conflictuel entre un système de régulations encourageant une mise à l’épreuve et une responsabilisation individuelle vis-à-vis de la formation comme de l’emploi et des actifs en quête d’autonomie et trouvant dans la formation et l’emploi les moyens pour cette quête.

102C’est paradoxal et, pourtant une convergence s’établit, comme un accord peut parfois être trouvé sur un malentendu.

103Pour l’université enfin, et pour toutes ces raisons ayant trait à la centralité de la reprise d’études pour son environnement large de ressources et de demande (milieux économiques, milieux politiques, sa clientèle directe et véritable), il paraîtrait utile de développer une véritable politique de mise en visibilité de son public en reprise d’études. Ce serait aussi un éclairage utile des tendances plus générales à la « relativisation » des études pour également mieux les maîtriser et se mettre en accord.

Bibliographie

Carloni, P., Lambert, M., Marion-Vernoux, I. & Tallard, M. (coord.) (2019). Parcours professionnels et formation : des liens renouvelés. Actes de la journée d’étude du 7 décembre 2018 organisée par le Conseil national d’évaluations de la formation professionnelle (CNEFP) et le Céreq. Marseille : Céreq, coll. « Échanges » (n° 9).

Doray, P. & Manifet, C. (2017). Professionnalisation des universités et formation des adultes : une comparaison Québec-France. Formation Emploi, 138, 139-163.

Pluricité & Itinere-Conseil (2018). Réalisation d’une étude qualitative à partir de deux régions sur le compte personnel de formation. Rapport final pour la Dares-Ministère du travail, tome 1.

Manifet, C. (2016). Les adultes à l’université. Sociologie de leur invisibilité instituée. Dans P. Lemistre & V. Mora (coord.), Professionnalisation des publics et des parcours à l'université (p. 131-139). Marseille : Céreq, coll. « Échanges » (n° 3).

Manifet, C. (2015). L’éducation des adultes dans les universités en France : une mission hétérodoxe ? Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 14, 267-294.

Manifet C. (2012). La formation continue universitaire en France : un lieu de redéfinition du service public éducatif. Éducation et Sociétés, 30/2, 183-200.

Martin, C. (2018). Regard sur l’employabilité à partir d’une analyse des parcours de professionnalisation d’étudiants-es en formation dans les métiers du social. Dans C.  Béduwé, C. Soldano, S. Croity-Belz (corrd.), La professionnalisation peut-elle ignorer l'employabilité ? (p. 55-86). Marseille : Céreq, coll. « Échanges » (n° 8).

Annexes

Extrait Pluricité & Itinere-Conseil (2018, p. 44-45)

« Typologie des usages du CPF

Classe 1 : les salariés les plus autonomes, pour des formations courtes.

Les salariés relevant de cette classe réalisent des formations courtes (moins de 150 h) à leur initiative, en dehors de leur temps de travail. Ces formations s’inscrivent dans des projets avec une dimension personnelle (par exemple, formation en langue en anticipation de congés dans un pays étranger, permis B –sans objectif d’améliorer sa mobilité en lien avec l’emploi, en première intention), ou plus résolument orientés vers une recherche de changement dans sa carrière professionnelle (projet de changer d’employeur, développement d’une activité secondaire...). Dans cette classe, on trouve également deux cas de formations plus longues dans le cadre d’un départ négocié ou d’un projet présenté à l’employeur dès l’embauche. Quelle que soit la finalité de l’action de formation, l’entreprise n’est pas impliquée dans le projet même si elle est parfois informée "par courtoisie". Les salariés de cette classe ont une certaine appétence pour la formation continue, dont ils ont déjà mobilisé les dispositifs de financement. Le CPF est majoritairement perçu par ces salariés comme une opportunité financière pour mener à bien leur projet personnel, ou plus rarement comme le déclencheur qui a fait germer le projet de formation, dans une logique de mobilisation de leurs droits personnels à la formation.

Classes 2 et 2bis : des projets co-construits avec l’employeur.

Dans la classe 2, les salariés mobilisent des formations courtes à leur initiative (langue, TOSA, VAE), avec un objectif de développement des compétences ou de validation des acquis. Le projet est cependant accompagné par l’entreprise, notamment lorsque celle-ci dispose d’un service RH ou formation structuré. L’accompagnement peut porter sur le volet financier et administratif uniquement mais également sur le choix de l’organisme de formation. La formation se réalise le plus souvent sur le temps de travail mais parfois également hors temps de travail. Dans la classe 2bis, l’initiative du salarié et l’accompagnement de l’entreprise est similaire pour la classe 2 mais il s’agit ici de formations longues (par exemple : CAFERUIS, entrepreneur du bâtiment, gestionnaire paie) avec un objectif de développement des compétences ou d’évolution professionnelle, qui bénéficient d’un abondement de l’OPCA. Dans cette classe, deux cas de projets entièrement co-construits avec l’employeur se distinguent, avec un projet de formation dessiné au cours d’un entretien professionnel.

Classe 3 : le CPF en appui à une transition professionnelle

Les salariés de la classe 3 ont réalisé des formations longues, dans le cadre d’un cofinancement CIF+CPF le plus souvent – ou d’un CPF abondé plus rarement. Les salariés sont accompagnés dans le cadre d’un conseil en évolution professionnelle qui va intervenir en accompagnement du projet professionnel, dont l’aboutissement nécessite de passer par une étape de formation. Les acteurs du CEP accompagnent ce projet de formation, appuient à l’identification de l’organisme de formation, à la constitution des dossiers administratifs et de financement. Il s’agit de projets de reconversion ou d’évolution professionnelle intervenant dans un contexte d’usure professionnelle ou en raison d’aspirations nouvelles. La profondeur et la qualité de l’accompagnement proposé par les opérateurs du CEP (Opacif) sont mis en avant par les salariés interrogés.

Classe 4 : le CPF à l’initiative de l’employeur

La formation est proposée par l’employeur qui incite fortement ses salariés à l’utilisation du CPF pour financer des actions choisies par ses soins. Les formations réalisées sont des formations courtes (langues, habilitation électrique). Si le choix des modalités de financement n’est pas discuté, la réalisation ou non de la formation est laissée à l’appréciation du salarié (appel à volontariat dans certains cas). La formation est systématiquement réalisée sur le temps de travail ».

Notes

1 L’étude basée sur les données d’inscription s’appuie sur une collaboration avec l’observatoire de la vie étudiante de l’UT2J, rendue possible grâce à sa directrice, Nathalie Valière, avec l’appui de Prosper Goudiaby, chargé d’études sur la connaissance des publics et des parcours étudiants.

2 Cette défaillance est d’ailleurs plus d’ordre sociologique que social car nous savons que pour différents acteurs dont les étudiants ces défaillances ont des utilités. Nous le savons par les études passées du groupe sur l’enseignement supérieur du Céreq.

3 Depuis peu, une année de césure dans le cursus de formation initiale est encadrée par la loi (circulaire 2015), ce qui peut contribuer à « normaliser » la césure dans l’esprit des jeunes générations.

4 Voici la formulation privilégiée : « Tout salarié peut bénéficier de la formation professionnelle continue. Elle a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux Différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel, à la sécurisation des parcours professionnels et à leur promotion sociale » (>Formation des salariés du secteur privé> Service-public.fr (Site officiel de l’administration française), Consulté le 9 juin 2019.

5 Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels [legifrance.gouv.fr].

6 Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

7 « L'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper leur emploi, au regard notamment des évolutions technologiques. Pour cela, il doit leur proposer des formations prévues dans le cadre du plan de développement des compétences (ex-plan de formation) » > Service-public.fr (Site officiel de l’administration française), Consulté le 9 juin 2019.

8 « La reconversion ou la promotion par alternance (ex-période de professionnalisation), dite Pro-A, vise à favoriser, par une formation en alternance, le maintien dans l'emploi des salariés les moins qualifiés [Ceux qui n’ont pas atteint une qualification de grade licence] » (Ibid).

9 « Le compte personnel de formation (CPF) est utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie active, pour suivre une formation qualifiante [Doit demander l’accord à son employeur si sur temps de travail]. Le CPF a remplacé le droit individuel à la formation (Dif). Toutefois, les salariés ne perdent pas les heures acquises au titre du Dif et pourront les mobiliser jusqu'au 31 décembre 2020. Depuis le 1er janvier 2019, il est alimenté en euros et non plus en heures [1heure=15€]. Le CPF fait partie du compte personnel d'activité (CPA). », Ibid.

10 « Le conseil en évolution professionnelle (CEP) est un dispositif d'accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle [Sans nécessité l’accord de l’employeur]. Il permet, s'il y a lieu, établir un projet d'évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d'activité...). Il est assuré par des conseillers d'organismes habilités [Pole emploi, Apec, mission locale, Cap Emploi] » (Ibid).

11 MEN ESR, 2018. L’État de l’enseignement supérieur et de la recherche, n°11, juillet. [https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/]

12 Les enquêtes étant salariés dans de petites ou moyennes structures disent avoir cherché à ne pas ‘charger’ le service comptable de leur demande, en traitant une part importante de leur dossier eux-mêmes.

13 Actes de la journée d’étude du 7 décembre 2018 organisée par le Conseil national d’évaluations de la formation professionnelle (CNEFP) et le Céreq publiés dans Céreq Échanges, n°9, 2019.

14 Des « congés » qui n’équivalent pas à un arrêt de l’activité, mais correspondent à peu près à une journée par semaine non travaillée, mais rémunérée, et consacrée à la formation.

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