1Dans un article de la Revue française de sociologie, Claude Dubar (1977) juge pauvres et décevantes les statistiques nationales sur les effets de la formation continue, alors que selon lui, seules de vraies mesures sur la rentabilité de cette dernière – sociale, économique et culturelle – seraient de nature à éclairer le rapport des différentes catégories sociales à la formation. Cette extrême rareté des données sur les effets tranche « avec l’abondance des études, statistiques officielles, sondages portant sur l’accès » à la formation continue. Pourtant, « la possibilité de tirer profit des formations reçues n’obéit pas nécessairement aux mêmes mécanismes que l’accès à ces formations ». À partir des quelques données existantes, il ne peut qu’émettre une hypothèse. Les différences d’effets sont à rattacher aux « significations distinctes de la formation continue pour chacune des catégories [socio-professionnelles] ».

2Ces significations distinctes de la formation continue sont abordées dans la littérature sur la formation continue supérieure, un segment particulier de la formation continue. L’article de Slowey & Schuetze (2012) souligne l’hétérogénéité des buts des reprises d’études dans l’enseignement supérieur. Les différences ne sont pas reliées aux catégories sociales mais aux niveaux d’études antérieurs. Ces auteurs identifient en premier lieu les formations dites « de seconde chance », pour des personnes n’ayant pas atteint le niveau requis pour postuler dans une formation supérieure et qui cherchent à atteindre ce niveau. En France, le DAEU, diplôme d’accès aux études universitaires, équivalent au baccalauréat et accessible après deux années d’interruption des études, joue ce rôle. Les auteurs repèrent en second lieu « des études différées », pour des personnes ayant le niveau requis pour accéder à l’enseignement supérieur, mais ayant différé leurs études après un passage plus ou moins long sur le marché du travail. Ils évoquent enfin des formations visant à un développement professionnel continu des salariés, pour des personnes déjà en possession d’un diplôme du supérieur, revenant aux études pour actualiser leurs connaissances, pour obtenir une promotion, se reconvertir ou changer d’emploi.

3Trente années plus tard, Fretigné et De Lescure (2007), dans une revue de la littérature sur la manière dont la sociologie appréhende l’objet « formation », reprennent les constats de Claude Dubar. « Les effets de la formation continue sont peu interrogés et difficilement appréhendables ». La mesure des effets est « un problème épineux ». Comment isoler l’effet de la formation pour des publics peu comparables du point de vue de leur formation initiale, de leurs parcours et de leurs expériences ? En plus de ce problème technique, les « explications [sont] d’ordre administratif, la demande par l’État de chiffres portant sur le nombre d’entrants en formation et non sur les résultats des formations suivies, et d’ordre méthodologique, l’accès à des informations est parcellaire faute de systématisation de la démarche de recueil des données ».

4Nous proposons ici de rendre compte des résultats d’une enquête1 portant sur les effets de la formation continue. Dénommée « Impact-Rev », comme son acronyme l’indique, elle porte sur l’Impact des reprises d’études et de la validation des acquis de l’expérience. Elle a été menée auprès des anciens stagiaires de la formation continue diplômante des huit universités de la région Rhône-Alpes, par le service de la formation continue de Lyon 1 (Focal) avec le soutien financier du conseil régional. Elle est centrée sur un segment particulier de la formation des adultes, ayant repris des études à l’université dans le but d’obtenir un diplôme.  Elle s’intéresse aux motivations et aux profils des stagiaires, aux conditions de leur reprise d’étude et aux effets perçus par les stagiaires. Avant de présenter les résultats, il convient de situer la place singulière de la formation continue diplômante à l’université dans le paysage de la formation des adultes (§1). Nous présenterons ensuite la population enquêtée et les effets à un an (§2) pour ensuite analyser l’influence du diplôme (§ 3) et des modalités de la reprise d’études (§4).

1. La formation continue diplômante universitaire dans la formation des adultes

1.1. Une part marginale et stagnante du marché de la formation professionnelle continue (FPC)

5Les universités ont une part très marginale de ce marché et n’ont jamais réussi à développer pleinement cette activité pourtant très ancienne. Depuis 1968, la formation continue est une de leurs missions (Denantes, 2006). De nombreux freins au développement de la formation continue universitaire sont identifiés : absence ou faiblesse du portage politique, manque de moyens humains, faible reconnaissance de cet investissement et de cette activité dans les carrières des enseignants-chercheurs. Selon un rapport de l’IGEANR (2014) :

« La formation continue, en 2012, ce sont 58 670 organismes (dont 97 % privés et 3 % publics et parapublics), un chiffre d’affaires (CA) de 13,1 milliards d’euros (dont 78 % réalisés par les organismes privés et 22 % par les organismes publics), 23,8 millions de stagiaires et 1 152 millions d’heures de formation […] Dans cet ensemble, les universités, en 2012, représentent – avec un peu plus de 300 000 stagiaires – 1,55 % des stagiaires de l’ensemble des stagiaires pris en charge par ces 58 670 organismes, avec une faible progression sur dix ans, 1,96 % de l’ensemble du CA des 58 670 organismes de formation, représentant une progression d’environ 14 % sur dix ans, 4,21 % des heures stagiaires. »

1.2. Un monopole dans la préparation des diplômes et une progression des diplômes nationaux

6Cependant dans le paysage des organismes de formation continue supérieure, seules les universités, avec le CNAM et les écoles2 ont le monopole de la délivrance des diplômes. « En 2013, la part des diplômes de formation continue dans l'ensemble des diplômes délivrés par les universités s'établit à 10 %. »

7Une part importante et croissante de la formation continue universitaire concerne d’ailleurs des cursus diplômants. Deux types de diplômes coexistent, les diplômes nationaux et les diplômes universitaires (DU). C’est la part des diplômes nationaux qui « gagne du terrain » sur tout le territoire, tirés par les licences professionnelles et les masters.

8D’après les statistiques de la Depp :

« En 2013 comme en 2012, plus de la moitié des stagiaires préparent soit un diplôme ou un titre national (33 %) soit un diplôme d'université (19 %). Les stages courts qualifiants, d'une durée moyenne de 34 heures, attirent 25 % des inscrits alors que la fréquentation des conférences à caractère culturel remonte de deux points avec 19 % des inscrits. »
« Le nombre de diplômes nationaux délivrés dans les universités est passé de 15 000 en 2001 à 47 000 en 2012 […] La part des stagiaires inscrits à un diplôme national passe de 29 % en 2001 à 38 % en 2012. La part des inscrits à un diplôme d’université (DU) diminue de 3 points et la part de ceux inscrits en formation qualifiante courte en perd 6. Cette évolution est encore plus flagrante en termes de nombre d’heures suivies par les stagiaires. La part des heures suivies pour des formations aboutissant à un diplôme national a augmenté de 21 points (passant de 54 % à 75 %) » (Grille, 2015a).

9En 2012, les diplômes nationaux délivrés en formation continue universitaire sont pour 13 % de niveau IV (6 000 DAEU, en augmentation légère), 9 % de niveau III (4 000, des DUT essentiellement), 45 % de niveau II (21 000 diplômes en très forte augmentation due au succès de la licence professionnelle dans les IUT – 62 %), et 34 % de niveau I (16 000 masters professionnels, en forte augmentation également). Le nombre de DU reste relativement stable (Grille, 2015b).

1.3. Un tiers des stagiaires en formation continue à l’université financent personnellement leurs études

10En troisième lieu, l’offre de formation continue universitaire se caractérise par un profil original de ses publics, avec un poids élevé des particuliers qui financent eux-mêmes la reprise d’études : un tiers des stagiaires sont inscrits à leur initiative, dans une démarche personnelle sans financement privé ou public.

11Cette spécificité provient de la dualité originale de la formation continue à l’université, cadrée à la fois par le code de l’éducation et par le code du travail, entre régulation publique et régulation marchande (Denantes, 2006 ; Manifet, 2012, 2015). « C’est pour partie un service public financé par l’État, avec l’obligation inscrite dans le code de l’éducation, d’ouvrir aux adultes les cycles de formation initiale […] C’est aussi une offre sur le marché lucratif de la FPC encadrée par le code du travail. […] structurée par les dispositifs issus de la loi de 1971 et ses réformes successives : le plan de formation à l’initiative de l’employeur destiné à l’adaptation des compétences des salariés et le congé individuel de formation à l’initiative de l’individu à visée de promotion sociale ; le contrat de professionnalisation pour les jeunes et pour les demandeurs d’emplois de plus de 26 ans, les stages pour les demandeurs d’emplois développés à partir des années 80 en tant qu’instruments de lutte contre le chômage » (Borras, Bosse, 2016).

12Selon les statistiques ministérielles, « en 2013, 36 % des stagiaires étaient des salariés financés (27 % sur le plan, 2 % en congés et 7 % en contrat de professionnalisation), 12 % des demandeurs d’emplois bénéficiant le plus souvent d’un financement public, 33 % des particuliers inscrits à leur initiative (hors inter-âges, 15 %) et 7 % des actifs non salariés ». Un peu plus d’un tiers des stagiaires a donc bénéficié de financements privés d’employeurs et d’OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), un sur dix de financements publics aux demandeurs d’emplois, de Pôle emploi ou des conseils régionaux, et un tiers des stagiaires a financé lui-même sa formation.

13Depuis le début des années 2000, l’offre a dû s’adapter aux nouveaux dispositifs issus des réformes de la formation professionnelle continue (FPC) : instauration de la VAE en 2002 pour la reconnaissance de l’expérience professionnelle ; mise en place en 2004 d’un droit individuel de formation (DIF) attaché aux personnes, correspondant à vingt heures par an cumulable sur six années et ayant évolué vers le compte personnel de formation (CPF) en 2015 ; instauration de la période de professionnalisation en 2004 pour des salariés peu qualifiés afin de « favoriser l’évolution professionnelle et le maintien dans l’emploi au travers d’un parcours de formation individualisé alternant enseignement théoriques et activité professionnelle pendant ou en dehors du temps de travail » (cf. annexe 1, les dispositifs de la FPC).

1.4. Une offre tirée par le développement des contrats de professionnalisation, à la lisière de la formation continue3

14Enfin, l’offre de formation continue universitaire est principalement tirée par la dynamique actuelle de professionnalisation des formations universitaires, qui s’appuie notamment sur le développement de l’alternance, avec l’apprentissage d’une part et les contrats de professionnalisation d’autre part.

15En 2013 au niveau national, le contrat de professionnalisation représente 7 % des stagiaires en formation continue dans les universités4 et 22 % des heures stagiaires, pour une durée moyenne de formation de 530 heures5, durée la plus longue de tous les dispositifs, cohérente avec la préparation d’un diplôme national. Entre 2003 et 2013, ce dispositif a connu une progression exponentielle du nombre de stagiaires (+343 %). C’est cependant un dispositif à la lisière de la formation continue, car il s’adresse dans 8 à 9 cas sur 10 à des moins de 26 ans n’ayant jamais interrompu leurs études. Si juridiquement, il relève de la FPC, il ne concerne que marginalement des adultes en reprise d’études.

16L’offre est également tirée par le développement de deux autres dispositifs bénéficiant de financements privés, le plan de formation et la formation des professions libérales, des artisans, et des commerçants. Le plan de formation représente 27 % des stagiaires et 16 % des heures, une durée moyenne de formation de 95 heures, plus adaptée à des formations courtes qualifiantes qu’à la préparation de diplômes. Le nombre de stagiaires a augmenté de 14 % entre 2003 et 2013, le nombre d’heure a été réduit de 5 % et donc la durée moyenne des formations.

17En revanche, certains dispositifs sont en perte de vitesse ou stagnants : les initiatives individuelles, qu’elles soient financées par l’entreprise (congé individuel de formation) ou pas (particuliers inscrits à leur initiative/démarches personnelles), les demandeurs d’emploi financés par les pouvoirs publics. Le congé de formation représente 2 % des stagiaires et 5 % des heures, pour une durée moyenne de formation de 366 heures. Le nombre de stagiaires se réduit de 23 % entre 2003 et 2013. Les particuliers inscrits à leur initiative (hors inter-âges) représentent 33 % des stagiaires en formation continue à l’université et 30 % des heures stagiaires, pour une durée moyenne de formation de 145 heures. Les demandeurs d’emplois représentent 13 % des stagiaires et 21 % des heures, ceux qui bénéficient d’une aide financière 8 % des stagiaires et 13 % des heures, pour une durée moyenne de 255 heures. Le nombre de demandeurs d’emplois ayant bénéficié d’une aide financière des pouvoirs publics (conseil régional ou Pole emploi) a chuté de 4 % entre 2003 et 2013.

2. L’impact des reprises d’études diplômantes à l’université dans l’enquête Impact-Rev

18L’enquête Impact-Rev a été menée auprès des stagiaires inscrits en dernière année de cursus diplômants dans les huit universités de Rhône-Alpes (Grenoble 1, 2 et 3, Lyon 1, 2 et 3, Savoie et Saint-Étienne), hors CNAM et INP, mais y compris les IUT. Elle s’adressait aux inscrits en reprise d’études « classiques » et aux inscrits en VAE. Le champ de l’enquête couvre tous les diplômes accessibles en formation continue à l’université, les diplômes nationaux du DAEU au master, en passant par les Deust, les DUT, les licences générales et professionnelles, ainsi que les diplômes universitaires (DU). Sont exclus les diplômes des écoles d’ingénieurs et du CNAM. Le champ couvre l’ensemble des disciplines universitaires, sciences et technologie, sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), lettres, langues et sciences humaines, droit, économie, gestion… Le taux de réponse est en moyenne de 42 %. Il est plus faible pour le DAEU pour lequel il est de 27 %. Il est plus élevé pour la VAE pour laquelle il est de 58 %. La région Rhône-Alpes représentait en 2013, 11 % du chiffre d’affaires et 12 % des stagiaires en formation continue dans l’enseignement supérieur en France6, principalement via ses universités. Le CNAM et les grandes écoles occupent une place réduite dans la région7.

19Les stagiaires ont été interrogés un an après la fin des études, hors poursuites d’études. La même enquête a été menée six années de suite, entre 2007-2008 et 2012-2013. Les six cohortes ont été agrégées pour l’analyse, soit 14 645 répondants. Au final, 14 262 répondants ont été retenus pour cette exploitation après élimination de 383 répondants ayant des diplômes hors champ ou en nombre trop réduit pour une exploitation : doctorat, diplôme d’ingénieur universitaire, BTS, DCG, préparation concours… Ils ont répondu à des questions sur leur situation professionnelle avant la formation, sur les objectifs et le déroulement de la reprise d’études, sur la perception subjective de l’impact de la reprise d’étude sur l’évolution personnelle et professionnelle, sur la situation professionnelle un an après la formation. L’enquête couvre le champ des diplômés et des non-diplômés : 15 % des enquêtés n’ont pas obtenu le diplôme ayant interrompu la formation (6 %) ou échoué aux examens (9 %). 8

2.1. Un accent mis sur les motivations professionnelles

20Les chercheurs spécialistes de la formation continue supérieure en France soulignent la diversité et l’intrication des motivations professionnelles, personnelles, citoyennes et sociales (Fond-Harmand, 1997). L’enquête Impact-Rev met particulièrement en avant les motivations professionnelles : le choix a été fait de ne pas retenir les stagiaires en études un an après la sortie mais uniquement les personnes entrées sur le marché du travail. Les motivations professionnelles sont détaillées avec plusieurs items comme « construire un nouveau projet professionnel », « faire reconnaitre des compétences acquises », « obtenir un emploi », « préserver un emploi », « obtenir une promotion », à côté d’une seule motivation personnelle - « construire un projet personnel – et de deux motivations éducatives : « acquérir de nouvelles connaissances », « accéder à une nouvelle formation ».

21Les réponses montrent une hiérarchie des motifs. Mais « l’acquisition de nouvelles connaissances » domine dans les réponses (77 %), suivie de la « construction d’un projet professionnel » (60 %), de « la reconnaissance des compétences » (42 %) et de « l’obtention d’un emploi » (42 %) et à moindre titre de « la construction d’un nouveau projet personnel », de « l’accès à une formation », de « l’obtention d’une promotion » ou de « la préservation d’un emploi ».

Graphique 1 • Quels étaient vos objectifs en décidant de suivre cette formation ? (en %)

2.2. Des profils surreprésentés : employés et cadres, secteur public, demandeurs d’emplois

22En l’absence de variables individuelles sur le sexe, sur l’âge ou sur le niveau de formation initiale, seul le statut avant la reprise d’études, et pour les actifs, les caractéristiques de l’emploi occupé avant la reprise d’études, donnent des indications sur le profil des stagiaires. D’après Impact-Rev, les formations continues supérieures diplômantes touchent principalement des actifs, secondairement des demandeurs d’emploi, des étudiants en professionnalisation via l’alternance et des inactifs : avant la formation, 66 % des stagiaires déclarent être en « activité professionnelle », 17 % « demandeurs d’emplois » et 17 % dans une « autre situation », inactifs ou étudiants9. Parmi les actifs, 95 % étaient salariés à tous niveaux de qualification, principalement employés (42 %) ou cadres (32 %). Parmi les salariés, les trois quarts étaient en emploi stable (CDI ou fonctionnaire) et un quart sur des contrats précaires (CDD, intérim, alternance), 33 % occupaient un emploi dans le secteur public10.

23Si on compare le profil des stagiaires ayant repris des études diplômantes à l’université avec le profil de la population active de plus de 15 ans en 2014 en France (Insee, 2015) et en 2012 en Rhône-Alpes (Insee, 2012) sur des indicateurs proches, certaines catégories apparaissent surreprésentées.

24C’est le cas des demandeurs d’emplois. D’après l’enquête Emploi, le taux de chômage en France au sens du BIT avoisine les 10 % en 2014 et d’après les données du PRAO issues du recensement de 2012, le taux de chômage en Rhône-Alpes est de 6 %. Ceci conduit à souligner l’importance de la visée de lutte contre le chômage de ce segment de la formation continue des adultes, à côté des autres visées de formation seconde chance, d’études différées ou de développement professionnel continu des salariés.

25Par ailleurs, les salariés précaires représentent un quart des stagiaires, soit une part équivalente à leur poids dans l’emploi global au plan national et une part plus importante que leur poids dans l’emploi global en Rhône-Alpes (cf. tableau 1). Le constat selon lequel les salariés précaires ont en général moins de chance d’accéder à la formation continue que les salariés stables (Perez, Thomas, 2005) semble invalidé sur ce segment de la formation continue.

26On note également parmi les stagiaires, un poids élevé des professions salariées, occupant des emplois dans le secteur public, une forte représentation de deux catégories socio-professionnelles, qui représentent 74 % des stagiaires à elles deux : les cadres et les employés. La formation continue diplômante supérieure profite assez peu aux ouvriers et aux professions intermédiaires au regard de leurs poids dans les actifs.

2.3. Poids des financements publics (demandeurs d’emplois) et privés (contrat de professionnalisation et congé de formation)

27Une question dans l’enquête avait trait au statut pendant la formation, et donc au mode de financement, par des fonds privés des employeurs en tant que salariés, par les pouvoirs publics pour les demandeurs d’emploi ou par les individus eux-mêmes dans le cadre de démarches personnelles autofinancées : 50 % des répondants ont déclaré être « salariés », 16 % « demandeurs d’emploi (DE) », 18 % en « démarche personnelle (Dem Perso)11 » et 16 % dans une « autre situation »12. Les salariés ont également précisé s’ils étaient sur le « plan de formation » (10 % des répondants), en « congés » (10 %), en « DIF » (5 %), en « contrat de professionnalisation » (20 %) ou en « période de professionnalisation » (5 %).

28Une comparaison avec les statistiques ministérielles peut être menée avec précaution (voir les chiffres détaillés au §1). En effet les catégories sont différentes. Les données ministérielles englobent les formations diplômantes et non diplômantes alors qu’Impact-Rev ne porte que sur les formations diplômantes. Elles isolent les actifs non salariés, ce qui n’est pas le cas dans Impact-Rev. Elles n’isolent pas le DIF et la période de professionnalisation contrairement à Impact-Rev.

29Ces précautions prises en compte, il semble cependant que les financements privés et les financements publics soient plus fréquents pour la population de stagiaires d’Impact-Rev en reprise d’études diplômantes que pour la population de stagiaires de la formation continue au plan national. Inversement, les démarches personnelles sont moins représentées. Parmi les salariés, sont surreprésentés dans Impact-Rev le contrat de professionnalisation et le congé de formation au détriment du plan. Ceci est cohérent avec les durées moyennes de ces dispositifs plus longues et donc adaptées à des cursus diplômants. On verra cependant plus loin que certaines reprises d’études diplômantes sont malgré tout financées par des dispositifs ayant des durées a priori plus courtes comme le plan ou le DIF.

2.4. Un impact subjectif davantage personnel que professionnel

30Les perceptions subjectives de l’impact de la reprise d’études sont globalement positives, sur le plan personnel et sur le plan professionnel, sur le salaire, avec une gradation des réponses. C’est sur le plan personnel, que l’impact est jugé majeur : plus de 9 répondants sur 10 considèrent que la formation suivie a entraîné une évolution personnelle positive, principalement via l’acquisition de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences.

31Deux tiers des répondants considèrent aussi que la formation a entraîné une évolution professionnelle positive et pour 6 sur 10 elle a permis un changement d’emploi ou d’activité. L’impact sur le salaire est présent mais moindre : 4 sur 10 signalent une évolution positive. Cet impact positif de la reprise d’étude sur l’évolution personnelle et professionnelle est d’autant plus fort que le diplôme a été obtenu. Deux tiers des répondants pensent que la formation suivie a entraîné une évolution professionnelle positive, mais 71 % de ceux qui ont obtenu le diplôme.

2.5. Une amélioration de la qualité des emplois : +8 points pour les emplois de cadres

32L’impact objectif de la reprise d’études sur la qualité des emplois ne peut être mesuré que pour les stagiaires qui ont déclaré une activité professionnelle avant et après la reprise d’études, soit 8 043 répondants. Avant la reprise d’études, ces 8 043 stagiaires étaient salariés (96 %), dans le secteur public (33 %), sur des emplois stables (77 %), en tant que cadres (34 %). L’ensemble de ces caractéristiques évolue peu un an après la fin de la formation, si ce n’est un léger accroissement de la stabilité (+2 points pour les emplois stables) et surtout une amélioration significative de la qualification (+8 points pour les emplois de cadres).

3. L’influence du diplôme préparé : DAEU, licence, licence professionnelle, DUT, master et DU

33Parmi les 14 262 répondants, 11 % étaient inscrits en DAEU, 7 % en Deust ou DUT (85 % en DUT et 15 % en Deust), 7 % en licence et 30 % en licence professionnelle, 36 % en master et 9 % en DU. Le master et la licence professionnelle sont les deux diplômes largement privilégiés en reprise d’études. La répartition des diplômes dans Impact-Rev est proche de la répartition dans les statistiques nationales pour ce qui concerne les diplômes nationaux (cf. § 1). Les DU en revanche sont sous-représentés. En 2013, ils comptent pour un tiers des 83 000 diplômes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur et les diplômes nationaux deux tiers restants (Grille, 2015, op.cit.).

34Le taux d’échec au diplôme varie. Il est élevé pour le DAEU (33 %) et la licence (26 %) et faible pour la licence professionnelle (4 %). Il est proche de la moyenne, variant entre 13 % et 16 % pour les DEUST-DUT, master et DU (cf. tableau 2).

35Chacun de ces diplômes présente des spécificités quant au profil des stagiaires et à leurs attentes qu’il convient de prendre en compte pour analyser les effets.

3.1. Le DAEU, une « seconde chance » d’accéder à des études supérieures, pour des employés

36Le DAEU est un diplôme national préparé à l’université qui permet à des non-bacheliers d’obtenir ce niveau pour postuler dans l’enseignement supérieur ou passer des concours nécessitant un diplôme de niveau IV. Il n’est donc pas surprenant qu’il se distingue par l’objectif premier « d’accès à une formation » mentionné par deux tiers des répondants13 comme le montrent résultats de l’enquête Impact-Rev pour ce diplôme (cf. tableau 8 ci-après). L’objectif « construire un projet personnel » est également plus souvent mentionné que pour les autres diplômes. À la fin des années quatre-vingt-dix, une enquête invitait à considérer ces « accès dérogatoires à l’enseignement supérieur », « réinsertions tardives dans l’enseignement supérieur succédant à une exclusion plus ou moins précoce » comme une « réhabilitation sociale, culturelle et personnelle » (Poliak, 1991). La dimension personnelle de la reprise d’étude est encore fortement présente.

37Ce diplôme s’adresse principalement à des employés (72 % pour une moyenne de 42 % tous diplômes confondus), il attire plus fréquemment que la moyenne des demandeurs d’emplois, des salariés précaires et des salariés du secteur public. Avant le DAEU, 26 % des stagiaires sont « demandeurs d’emplois » (17 % en moyenne), 41 % sur des emplois précaires (24 % en moyenne), 38 % des actifs occupent un emploi public (33 % en moyenne).

38Il se caractérise par le poids élevé des démarches personnelles, avec 32 % des stagiaires ayant financé eux-mêmes leur reprise d’étude, et des financements publics, avec 31 % des stagiaires ayant été financés par les pouvoirs publics en tant que demandeurs d’emplois. C’est aussi le diplôme qui est le plus difficile à obtenir en formation continue à l’université : un tiers des stagiaires a abandonné ou échoué.

39Du point de vue des effets, c’est pour le DAEU que l’impact de la reprise d’étude est le plus faible. Il faut cependant noter des perceptions très positives. Près de 9 stagiaires sur 10 estiment que le DAEU a permis une évolution personnelle positive et 4 sur 10 une évolution professionnelle positive. Mais ce dernier indicateur est bien en-dessous de son niveau pour les autres diplômes. La faible réussite au diplôme n’explique pas à elle seule l’impact faible du DAEU. Ainsi, la perception d’une évolution professionnelle positive reste plus faible que la moyenne y compris pour les diplômés : seulement 48 % des anciens stagiaires ayant obtenu le DAEU estiment que la formation a eu un impact professionnel positif.

40Les effets sur le salaire, sur la promotion dans un emploi plus qualifié ou l’accès à un emploi stable sont négligeables un an après la fin des études. Ces résultats seraient à nuancer par des enquêtes complémentaires auprès de stagiaires ayant poursuivi des études, et au-delà d’une année, le bénéfice de la formation pouvant être plus tardif. Surtout, en ne prenant en compte que les perceptions de ceux qui n’ont pas continué leurs études, l’enquête minimise vraisemblablement les effets.

3.2. La licence, une démarche individuelle de cadres, de professions intermédiaires et d’employés occupant des emplois stables

41Aucune motivation saillante ne ressort et la licence répond à une diversité d’attentes (cf. tableau 9). Deux motivations sont cependant un peu plus fréquentes que pour les autres diplômes, la « construction d’un projet personnel » et « l’accès à une formation », ce qui tend à rapprocher la licence du DAEU et est cohérent avec la visée de poursuite d’études et non d’insertion de ces formations. Ce diplôme attire également une diversité de catégories socio-professionnelles : 41 % d’employés, 26 % de cadres, 18 % de professions intermédiaires, avec une répartition assez proche de la répartition moyenne des stagiaires par CSP.

42Mais contrairement au DAEU, la licence attire principalement des actifs salariés et occupant des emplois stables. Avant la licence, 74 % des stagiaires sont en activité professionnelle (66 % en moyenne) et 81 % des actifs occupent un emploi stable (74 %). Parmi les salariés, quasiment une moitié (47 %) occupe des emplois dans le secteur public alors que la moyenne est de 33 %.

43La licence se caractérise par le poids élevé des démarches personnelles, avec 28 % des stagiaires ayant financé eux-mêmes leur reprise d’étude. Mais on note également le poids des financements privés, principalement à travers le congé de formation (16 % des stagiaires). Ceci conduit à souligner la dimension individuelle de ces reprises d’études en licence.

44La licence est également un des diplômes pour lequel le taux d’échec en formation continue est le plus élevé, un quart des stagiaires n’a pas mené la démarche à son terme.

45Si 9 stagiaires sur 10 considèrent un an après la formation que celle-ci a eu un effet positif au plan personnel, seulement 1 stagiaire sur 2 perçoit une évolution professionnelle positive. Comme pour le DAEU, l’impact professionnel de la reprise d’études en licence reste en deçà de l’impact moyen constaté sur l’ensemble des diplômes. Ce résultat est confirmé également pour les diplômés de la licence qui ne sont que 57 % à percevoir une évolution professionnelle positive. Ces résultats seraient à nuancer par des enquêtes complémentaires, auprès de stagiaires ayant poursuivi des études au-delà de la licence ou à plus long terme.

3.3. Une licence professionnelle pour l’insertion de jeunes alternants, à la lisière de la formation continue

46La licence professionnelle est très marquée par la visée d’insertion professionnelle. L’objectif « obtenir un emploi » est en effet mis en avant, cité par 65 % des répondants pour une moyenne de 42 % tous diplômes confondus (cf. tableau 10).

47Mais une grande partie des publics ne sont pas réellement des adultes en reprise d’études. Pendant la formation, la moitié des stagiaires sont en contrat de professionnalisation. Ce sont donc principalement des jeunes n’ayant jamais interrompu leurs études, si on se réfère aux statistiques ministérielles qui montrent que les contrats de professionnalisation touchent quasi exclusivement des moins de 26 ans.

48La licence professionnelle en formation continue, bien que fortement accaparée par des jeunes en alternance reste ouverte à d’autres profils d’actifs salariés. Les 46 % de répondants se déclarant actifs avant la licence, sont quasi exclusivement des salariés, soit des étudiants déjà en alternance à des niveaux d’études inférieurs à la licence, soit des adultes en emploi. Par rapport à la moyenne, ces salariés occupent majoritairement des emplois dans le secteur privé (80 %) ou des emplois précaires (40 % en CDD, intérim ou alternance) et sont sur des postes d’employés : cette catégorie socio-professionnelle représente 58 % des stagiaires salariés avant la licence professionnelle.

49La licence professionnelle se caractérise par le poids des financements privés d’entreprise, au premier rang desquels le contrat de professionnalisation. Mais il est aussi accessible via le congé de formation, le plan de formation, la période de professionnalisation, le DIF. Les dispositifs de la FPC financés par l’entreprise et les OPCA représentent les trois quarts des stagiaires en licence professionnelle.

50Le taux d’échec est particulièrement faible, limité à 4 % et la satisfaction exprimée par les stagiaires est maximale, tant au plan personnel que professionnel, y compris sur les salaires. Concernant la qualité de l’emploi obtenu, la progression entre l’emploi détenu avant la formation et un an après concerne principalement l’accès à un emploi stable qui gagne 11 points. La part des cadres et la part des professions intermédiaires progressent légèrement.

3.4. Dualité du DUT : professionnalisation de jeunes alternants et seconde chance d’obtenir un diplôme du supérieur pour des employés

51Dans Impact-Rev les Deust (diplômes d’études universitaires scientifiques et techniques) et les DUT (diplômes universitaires de technologie) sont agrégés. Les DUT représentant cependant 85 % des stagiaires et les Deust 15 %, les analyses ci-dessous concernent principalement les DUT.

52Comme la licence professionnelle, mais de manière moins tranchée, les DUT et Deust en formation continue sont très marqués par la visée d’insertion professionnelle. L’objectif « obtenir un emploi » est mis en avant, cité par 50 % des répondants pour une moyenne de 42 % tous diplômes confondus. Trois motivations sont également plus souvent citées par les anciens stagiaires en DUT-Deust : le souhait « d’accéder à une formation », « de construire un projet personnel » et « de construire un projet professionnel » (cf. tableau 11).

53Un quart des stagiaires étaient des jeunes en contrat de professionnalisation. Une fraction des publics a donc le profil des stagiaires de la licence professionnelle, de jeunes en poursuite d’études via l’alternance, souhaitant se professionnaliser avant leur première insertion sur le marché du travail. Une autre fraction des stagiaires a un profil tout à fait différent, plus proche des profils des stagiaires en DAEU. Les Deust et DUT attirent aussi des actifs salariés et des demandeurs d’emplois peu qualifiés, principalement des employés. Deux tiers des stagiaires étaient en activité professionnelle avant le DUT et 20 % étaient demandeurs d’emplois. Les actifs étaient quasi exclusivement des salariés, sur des emplois dans le secteur privé (78 %) et avec une proportion importante sur des emplois précaires : 41 % des actifs salariés avant la formation sont en CDD, intérim ou alternants. Les employés représentent 71 % des actifs salariés en reprise d’études pour ces diplômes.

54Le taux d’échec est moyen, 15 % n’ont pas obtenu le diplôme, de même que les indicateurs d’impact subjectif. Ils sont un peu au-dessus de la moyenne tant pour ce qui concerne l’impact personnel que l’impact professionnel. En revanche, un an après la fin de ces études, on ne perçoit pas d’effet marqué sur la part des emplois stables ou sur la part des emplois de cadres parmi les actifs. La dualité des profils des stagiaires en DUT, en tension entre des jeunes en professionnalisation et des salariés peu qualifiés qui cherchent à obtenir de manière différée un diplôme de l’enseignement supérieur expliquent sans doute ces résultats peu marquants.

3.5. Un master pour le développement professionnel continu et le passage cadre des salariés

55Trois motivations, moins mises en avant pour les diplômes précédents, caractérisent les reprises d’études en master (cf. tableau 12). Ces motivations sont évoquées plus souvent que la moyenne. Deux tiers des stagiaires en master disent avoir entrepris cette démarche afin de « construire un projet professionnel », 46 % pour « faire reconnaitre leurs compétences » et 30 % « obtenir une promotion ».

56Deux profils de stagiaires sont présents, des actifs salariés qui représentent environ 8 stagiaires sur 10 et des demandeurs d’emploi, environ 2 sur 10. Les salariés sont quasi-exclusivement sur des emplois stables avant la reprise d’études, 40 % occupaient des emplois dans le secteur public. Plus de la moitié étaient déjà cadres, 15 % professions intermédiaires et un quart employés.

57La reprise d’études en master est financée de manière assez diversifiée, par des fonds privés (46 %) et publics (18 %), mais elle mobilise aussi les ressources individuelles (21 %). On note le poids élevé du congé de formation qui représente 16 % des stagiaires. Mais le plan de formation, dont on a vu qu’il correspondait à des durées de formation assez courtes, en moyenne de 95 heures, est également mobilisé par 14 % des stagiaires pour préparer un master. On peut donc faire l’hypothèse que dans ces conditions, les masters sont préparés en partie hors temps de travail, car ils nécessitent des volumes horaires supérieurs.

58Le taux d’échec est moyen. L’impact subjectif personnel et professionnel est élevé, supérieur à la moyenne, mais un peu moindre que pour la licence professionnelle. En revanche, l’impact objectif sur la qualité de l’emploi est particulièrement marqué, sur un indicateur : la part des cadres dans l’emploi des actifs avant et après la formation a progressé de 13 points, au détriment notamment de la part des professions intermédiaires. La part de l’emploi stable est invariante, mais elle était déjà à un niveau élevé avant la formation. Si la principale vocation de la licence professionnelle est l’insertion dans l’emploi durable, le développement professionnel continu des salariés et la promotion sociale semblent être les deux vocations prioritaires du master en formation continue.

3.6. Un diplôme universitaire pour actualiser les connaissances des salariés

59Dans Impact-Rev, les stagiaires ayant préparé un diplôme universitaire en formation continue mettent en avant une motivation centrale : 87 % d’entre eux souhaitaient « acquérir de nouvelles connaissances » contre 77 % des répondants tous diplômes confondus (cf. tableau 13). Tous les autres objectifs d’ordre professionnel sont présents, mais cités moins souvent que la moyenne, ce qui est cohérent avec le fait que les DU ne rentrent pas dans le système de reconnaissance du LMD. Un diplôme universitaire (DU) est, en France, un diplôme propre à une université, contrairement à la licence, à la licence professionnelle, aux DUT ou aux masters précédents, qui sont des diplômes nationaux, c'est-à-dire des diplômes d'État. Chaque université organise comme elle l'entend ce type de diplôme destiné à une spécialisation : mode d'accès, durée de préparation, évaluation. Ils sont accessibles à différents niveaux d’études Au plan national, ils sont majoritairement présents dans les disciplines médicales. D’après la DEPP, 70 % des DU concernent des disciplines médicales (DEPP, 2012).

60Comme en master, deux profils coexistent. Les actifs salariés représentent environ 8 stagiaires sur 10 et les demandeurs d’emploi représentent un peu moins de 2 stagiaires sur 10. Comme en master, avant la reprise d’études, les salariés sont quasi exclusivement sur des emplois stables et 40 % occupent des emplois dans le secteur public. Cependant les stagiaires en DU viennent de catégories socio-professionnelles plus larges qu’en master. La catégorie socioprofessionnelle la plus présente est celle des employés dont la part est de 39 %, suivie des cadres avec 32 % et des professions intermédiaires, 15 %.

61La reprise d’études en DU est financée de manière assez diversifiée, par des fonds privés (49 %) et publics (15 %), mais elle mobilise aussi les ressources individuelles (21 %). On note à la différence du master, le poids élevé du DIF et du plan de formation. Ces dispositifs représentent à eux deux 32 % des stagiaires. Leurs durées moyennes sont vraisemblablement compatibles avec les durées moyennes des DU inférieures à celles des masters, les DU sont non contraints par les référentiels des diplômes nationaux.

62Le taux d’échec est très bas et l’impact subjectif personnel et professionnel est dans la moyenne. L’impact objectif sur la qualité de l’emploi est également faible. On n’observe pas d’accroissement de l’emploi stable, déjà très élevé avant la formation. L’accroissement de la part des cadres est limité comparé à ce qui est observé pour les masters, puisqu’il ne progresse que de 3 points parmi les actifs. Le DU conformément aux attentes mises en évidence plus haut sert à l’actualisation des connaissances et non au développement professionnel continu avec des visées de promotion.

4. L’influence des modalités de la reprise d’études diplômante à l’université

4.1. Reprendre en VAE, des effets limités

63La VAE, dispositif issu de la loi de modernisation sociale 2002, représente 3 % des diplômes délivrés dans l’enseignement supérieur. D’après les données du ministère, 4 267 personnes ont validé en 2014 tout ou partie de diplôme au titre de la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans les établissements d’enseignement supérieur en France. Ces effectifs restent faibles et varient peu. Les résultats d’Impact-Rev permettent de comparer les profils et les effets d’une reprise d’étude par la VAE et « classique ». Sur l’ensemble des 14 262 répondants, environ 7 % soit 1 022 personnes ont préparé leur diplôme par la validation des acquis de l’expérience (VAE) : 47 % un master, 36 % une licence professionnelle et 11 % une licence. Le taux de réussite en VAE est équivalent au taux de réussite en reprise d’études « classique », autour de 85 %.

4.1.1. VAE : des salariés stables et qualifiés qui cherchent à faire reconnaitre leurs compétences

64Contrairement aux reprises d’études classiques qui mettent au premier rang l’objectif « d’acquisition de connaissances », 85 % des stagiaires en VAE disent qu’ils visaient une « reconnaissance des compétences » et 52 % la « construction d’un projet professionnel ». L’acquisition de connaissances devient secondaire en VAE.

65Par ailleurs, contrairement aux reprises d’études classiques, la VAE concerne quasi exclusivement des actifs. Avant la VAE, 9 stagiaires sur 10 sont des actifs. Avant une reprise d’études « classique » 2 stagiaires sur 3 sont des actifs. On note également le poids des cadres et des salariés stables : avant la VAE, 93 % des actifs sont salariés, 90 % sur des emplois stables, 47 % occupent des emplois de cadre, 28 % dans le secteur public. La VAE profite donc à des salariés stables et très qualifiés.

4.1.2. Poids des démarches individuelles et impact moindre en VAE qu’en reprise d’études classique

66Bien que salariés, les répondants en VAE ont souvent financé eux-mêmes cette démarche : un tiers des stagiaires en VAE signale être dans une démarche personnelle, donc autofinancée, alors que ces démarches personnelles ne concernent que 16 % des reprises d’études classiques. De même le DIF est fortement mobilisé pour la VAE. DIF et démarches personnelles représentent plus de la moitié des financements de reprises d’études diplômantes en VAE dans Impact-Rev.

67L’impact personnel comme professionnel de la VAE est, le plus souvent, moindre que l’impact d’une reprise d’études classique : 87 % des stagiaires estiment que la VAE a entraîné une évolution personnelle positive pour 93 % des stagiaires en reprise d’études classiques ; 58 % estiment que la VAE a entraîné une évolution professionnelle positive pour 67 % des reprises d’études classiques. L’impact objectif de la VAE reste également limité. Le seul effet observé est un accroissement de 1,6 % de la part des cadres sur les actifs. La comparaison VAE/reprise d’études classique tend à montrer la plus grande valeur ajoutée à court terme de la seconde sur les trajectoires des actifs. Peut-on attribuer ce faible impact au moindre soutien des employeurs à des VAE qui relèvent le plus souvent d’initiatives individuelles, autofinancées ou via le DIF ?

4.2. Un impact moindre à l’issue de démarches individuelles

68On a pu noter la diversité des statuts et des modes de financement des reprises d’études diplômantes à l’université. On propose de distinguer ici quatre catégories : les reprises d’études financées par des fonds privés (entreprise et OPCA) sur le congé, le plan de formation, le DIF ou la période de professionnalisation mais hors contrats de professionnalisation, les reprises d’études en contrat de professionnalisation, les reprises d’études comme demandeur d’emploi et les démarches personnelles financées par les individus eux-mêmes. Les contrats de professionnalisation qui concernent des jeunes en poursuite d’études sont traités à part.

69Le type de diplôme préparé varie selon ces quatre catégories (cf. tableau 16). La licence professionnelle représente 75 % des reprises d’études en contrat de professionnalisation. Les financements privés hors contrat de professionnalisation se concentrent sur le master (48 %) et la licence professionnelle (23 %). Les diplômes préparés par les demandeurs d’emploi et en démarches personnelles sont assez diversifiés : le master représente environ 40 % et le DAEU 20 %, les autres diplômes, licence, DU, DEUST-DUT autour de 10 % chacun.

70De même les attentes adressées à la formation dépendent du statut pendant la formation. L’objectif d’obtention d’un emploi caractérise logiquement les stagiaires demandeurs d’emploi et en contrat de professionnalisation qui le mettent au premier rang de leurs attentes avec l’acquisition de connaissances. En revanche les personnes ayant repris des études avec un financement privé d’entreprise hors contrat de professionnalisation, mettent plus souvent en avant l’obtention d’une promotion et la reconnaissance des compétences. Les personnes en démarches personnelles citent plus fréquemment que la moyenne la construction d’un projet personnel. (cf. tableau 17).

71La réussite et l’impact de la reprise d’études varient selon le statut. La réussite est plus importante pour les formations financées sur fonds privés que pour les demandeurs d’emplois et surtout les personnes en démarches personnelles. De même l’impact personnel est supérieur à la moyenne pour toutes les catégories, à l’exception des démarches personnelles. Quant à l’impact professionnel, c’est pour les personnes ayant bénéficié d’un financement d’employeur qu’il est le plus fort (80 % pour le contrat de professionnalisation, 76 % pour la période de professionnalisation, 70 % pour le plan de formation). Inversement, il est le plus faible pour les démarches personnelles (53 %) mais aussi pour les dispositifs de la formation professionnelle continue à l’initiative des individus (il est de 60 % pour le DIF et de 61 % pour le congé de formation). Le congé de formation se distingue cependant par son impact sur le changement d’emploi ou d’activité. Des évolutions positives de salaires sont plus fréquentes en présence de financements privés.

5. La mosaïque de la formation continue diplômante à l’université

72Plusieurs résultats sont à retenir de cette exploitation de l’enquête Impact-Rev. Un an après la fin des études, tous les indicateurs permettent d’affirmer l’impact positif de cette reprise d’études pour les personnes concernées : 85 % ont obtenu le diplôme préparé ; plus de neuf sur dix estiment que la formation suivie a entraîné une évolution personnelle positive et deux tiers qu’elle a entraîné une évolution professionnelle positive. Parmi les actifs, la part des cadres a progressé de huit points, elle est passée de 34 % avant la reprise d’études à 42 % après. La part des emplois stables n’a progressé que de deux points, elle est passée de 74 % à 76 %.

73Deux diplômes à visée d’insertion concentrent plus particulièrement les reprises d’études : le master et la licence professionnelle représentent deux tiers des stagiaires. Mais les autres diplômes nationaux à visée d’insertion, comme le DUT, ou de poursuite d’études comme le DAEU et la licence, sont également présents, de même que les diplômes universitaires. L’impact positif de la reprise d’études est à nuancer selon le type de diplôme préparé. C’est pour le DAEU et la licence qu’on observe les plus faibles taux de réussite, d’impacts personnel et professionnel. À l’inverse, les taux de réussite et l’impact personnel et professionnel sont particulièrement élevés pour la licence professionnelle et le DUT. Le master et le DU se situent entre les deux. Seuls deux diplômes se distinguent par l’accroissement de la part des cadres à l’issue de la formation, de 13 points pour le master et de 8 points pour la licence professionnelle (cf. tableau 14 ci-dessous).

74Ces écarts ne signifient pas cependant une moindre performance de certains diplômes par rapport à d’autres. Ils doivent être analysés à l’aune des profils des stagiaires et de leurs attentes qui différent selon le diplôme préparé.

75Le DAEU attire majoritairement des employés n’ayant pas obtenu le baccalauréat en formation initiale, et qui souhaitent poursuivre des études supérieures. Ses publics occupaient plus fréquemment que la moyenne des emplois précaires ou étaient demandeurs d’emplois. Ils ont plus souvent dû financer personnellement leurs études, ce qui explique en partie les forts taux d’échecs. Il est donc logique que l’impact professionnel du DAEU soit plus faible que la moyenne au regard de sa visée principale, qui n’est pas l’évolution professionnelle à court terme mais la poursuite d’études. Comme le DAEU, la licence répond plus souvent que la moyenne à des objectifs de poursuite d’études ou de réalisation personnelle. Elle résulte d’initiatives individuelles avec une forte part de démarches personnelles autofinancées, ce qui peut expliquer le taux d’échec. Cependant ses publics sont très différents du DAEU avec une diversité de catégories socioprofessionnelles, de l’employé au cadre, avec une forte présence de stagiaires occupant des emplois stables dans le secteur public. Le DAEU est emblématique d’un diplôme offrant une « seconde chance » de poursuite d’études et la licence d’un diplôme permettant de réaliser des « études différées » dans l’enseignement supérieur. Pour ces diplômes, l’enquête Impact-Rev devrait être complétée par des enquêtes auprès de stagiaires ayant poursuivi leurs études ou passé des concours de la fonction publique, et enrichie de questions sur l’impact personnel.

76La licence professionnelle s’adresse principalement à des jeunes alternants en contrat de professionnalisation et de manière plus marginale à des publics salariés, majoritairement des employés occupant des emplois dans le secteur privé, souvent précaires. Financée par les fonds de la formation professionnelle continue, elle joue le rôle attendu, l’accès à l’emploi. Mais une large partie de ses publics sont des jeunes à la lisière de la formation continue. Le DUT présente une dualité originale. Une fraction de ses publics est constituée de jeunes alternants en contrat de professionnalisation, comme en licence professionnelle mais en moindre proportion. Une autre fraction est constituée d’employés souvent précaires et de demandeurs d’emploi, en études différées. Les indicateurs du DUT sont de ce fait moyens.

77Le master, pour sa part, attire des salariés stables, dont plus de la moitié occupent déjà des emplois de cadres. Il se distingue par des motivations d’ordre professionnel, obtenir une promotion ou faire reconnaitre ses compétences. Ces objectifs sont particulièrement bien atteints car c’est pour ce diplôme qu’on note la plus forte progression de la part des cadres parmi les actifs. Enfin, les diplômes universitaires attirent un large éventail de catégories socioprofessionnelles avec une motivation prédominante, l’acquisition de nouvelles connaissances. Ces diplômes, qui ne font pas l’objet d’une reconnaissance LMD, jouent un rôle particulier dans le développement professionnel continu des salariés, celui de l’actualisation des connaissances.

78L’enquête permet également de saisir l’influence des modalités de la reprise d’études. Les personnes semblent tirer meilleur profit au plan personnel comme professionnel d’une reprise d’études classique, que par la validation des acquis de l’expérience. Les résultats tendent globalement à montrer la plus grande efficacité des reprises d’études soutenues par les fonds de la formation professionnelle continue et surtout les fonds privés et une moindre efficacité pour les démarches individuelles, du moins à court terme. L’enquête Impact-Rev présente de nombreuses limites méthodologiques, dont l’absence de variables individuelles, comme le sexe, l’âge, le niveau d’études atteint en formation initiale ou le nombre d’années d’expériences et la nature de ces expériences. Mais elle a le mérite de montrer le paysage de la formation continue universitaire comme une mosaïque de diplômes aux significations et modalités distinctes : poursuite d’études de type seconde chance ou études différées, insertion sur le marché du travail, promotion et passage cadre, actualisation des connaissances.