Entrer dans l’enseignement supérieur privé. Trajectoires et socialisations des bacheliers « à l’heure »
p. 435-436
Entrées d’index
Mots-clés : accès à l’enseignement supérieur, enseignement privé, cheminement scolaire
Keywords : access to higher education, private education, school paths
Texte intégral
Résumé
1Avec près de 767 000 étudiants à la rentrée 2022, le secteur privé est en augmentation dans l’enseignement supérieur. Cette croissance est supérieure à celle du public. Ce secteur faiblement régulé, aux pratiques de sélection spécifiques et aux droits d’inscription variables, demeure toutefois sous-exploré. Les études menées jusqu’à présent sur l’enseignement supérieur s’intéressent de manière indirecte au secteur privé, soit en étudiant un type de formation particulier où ce secteur est surreprésenté (Blanchard, 2015), soit en s’intéressant à la sélection et aux formations concernées par la plateforme Parcoursup, qui ne couvre qu’une partie des formations du privé (Couto, Bugeja-Bloch & Frouillou, 2021). Ainsi, dans la plupart des études qui contribuent à montrer les inégalités dans l’enseignement supérieur, que ce soit dans l’accès aux formations (Chauvel & Hugrée 2019 ; Frouillou, Pin, & Van Zanten 2022), dans les conditions de vie et d’études (Belghith, Couto & Rey, 2023), ou dans l’insertion des étudiants (Béduwé, Danner & Giret, 2019), le secteur de l’établissement est rarement pris en compte en tant que tel.
2Pourtant, la contribution du secteur privé aux inégalités sociales dans l’enseignement supérieur pourrait être importante, dans la mesure où le coût d’entrée dans les formations privées est élevé. L’orientation dans le privé peut aussi relever de logiques organisationnelles ou de dispositifs d’orientation. En outre, si le secteur privé dans l’enseignement supérieur se spécifie par une dimension marchande, il est aussi caractérisé par une liberté beaucoup plus grande vis-à-vis de l’État que l’enseignement privé – sous contrat – au niveau primaire et secondaire.
3Nous proposons de nous intéresser à l’orientation vers le secteur privé en général dans l’enseignement supérieur, aux profils des élèves qui y ont recours, et à la manière dont les trajectoires peuvent s’organiser autour du privé. Dans la mesure où leur trajectoire scolaire linéaire les rend comparables et facilite leur suivi longitudinal, nous nous concentrons dans cette communication sur des bacheliers « à l’heure ». Dans quelles proportions ces derniers, au moment de l’entrée dans l’enseignement supérieur, rejoignent-ils le secteur privé ? S’agit-il d’élèves plutôt favorisés, dont l’établissement choisi pour les études supérieures s’inscrit dans la continuité d’un établissement privé au lycée ? Dans quelle mesure l’entrée dans l’enseignement supérieur privé peut-elle avoir été préparée par des pratiques éducatives relevant également d’une privatisation de l’éducation ?
4Pour répondre à ces questions, nous mobilisons le Panel 2007 d’élèves entrés en 6e (DEPP), et le dispositif Entrée dans la vie adulte (EVA) porté par l’INSEE, la DEPP et le SIES. À partir de l’analyse de ces données, nous montrons que l’exposition à l’enseignement privé dans la trajectoire antérieure rend plus probable, toutes choses égales par ailleurs, l’inscription dans l’enseignement supérieur privé. Par ailleurs, l’approche longitudinale permet de constater l’importante circulation des élèves d’un secteur à l’autre. Ainsi, la trajectoire « tout privé » de la maternelle à la première année d’enseignement supérieur apparait très minoritaire, tandis que la trajectoire « tout public » est prédominante. Entre les deux, une multitude de trajectoires sont possibles, liées au profil social, scolaire et géographique des élèves.
Bibliographie
Béduwé, C., Danner, M. & Giret, J.-F. (2019). L’évaluation des formations professionnelles de l’enseignement supérieur à l’aune de leurs résultats d’insertion. Revue française de linguistique appliquée, vol. XXIV(1), 67-80.
Belghith, F., Couto, M.-P. & Rey, O. (2023). Être étudiant avant et pendant la crise sanitaire. Enquête conditions de vie 2020. Paris : la Documentation française, coll. « Études & recherche ».
Blanchard, M. (2015). Les écoles supérieures de commerce. Sociohistoire d’une entreprise éducative en France. Paris : Classiques Garnier, coll. « Histoire des techniques ».
Chauvel, S. & Hugrée, C. (2019). Enseignement supérieur : l’art et les manières de sélectionner. Sociologie, 10(2), 173-177.
Couto, M.-P., Bugeja-Bloch, F. & Frouillou, L. (2021). Parcoursup : les prémices d’un accroissement de la stratification sociale et scolaire des formations du supérieur. Agora débats/jeunesses, 89(3), 23-38. https://doi.org/10.3917/agora.089.0023
Frouillou, L., Pin, C. & Van Zanten, A. (2022). Chapitre 2. D’APB à Parcoursup. Deux conceptions de l’affectation post-bac et leurs effets sur les inégalités. Dans M. Simioni & P. Steiner (dir.). Comment ça matche (p. 61-99). Paris : Presses de Sciences Po, coll. « Académique ». https://doi.org/10.3917/scpo.simio.2022.01.0061
Auteurs
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Geraldine Farges
Institut de recherche sur l’éducation : sociologie et économie de l’éducation – Université de Bourgogne.
-
Elise Tenret
Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO) – Université Paris IX – Paris Dauphine.

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