Au-delà des écarts bruts, analyser les écarts de réussite entre étudiants français·es et résident·es étranger·ères grâce à la décomposition d’Oaxaca-Blinder
p. 421-432
Entrées d’index
Mots-clés : enseignement universitaire, réussite scolaire, inégalités, population d’origine étrangère
Keywords : university education, success at school, inequalities, population of foreign origin
Texte intégral
Introduction
1Cette étude tente de documenter quels sont les facteurs explicatifs des écarts de réussite entre étudiant·es français·es et étranger·ères à l’université. Les données utilisées pour le faire sont issues des systèmes de gestion des établissements d’enseignement supérieur et comprennent très peu d’informations qualitatives sur l’expérience des étudiant·es. Cette évolution est répandue dans la statistique publique où les grandes enquêtes de type panel ont tendance à disparaître (Desrosières, 2005). De fait, les études longitudinales sont dorénavant davantage le fruit d’appariements successifs de données annuelles. L’étude principale sur laquelle se base cette communication (Buffet & Klipfel, 2025) porte sur une comparaison entre la réussite des étudiant·es français·es et de tous·tes les étudiant·es étranger·ères qui sont diplômé·es d’une licence ou d’un master. Cette catégorie regroupe les étudiant·es en mobilité diplômante et les étudiant·es résident·es étranger·ères. Les premier·ères ont traversé une frontière pour venir passer tout ou partie de leurs études en France. Les second·es sont de nationalité étrangère mais ont passé le baccalauréat sur le territoire français. Cette communication, qui approfondit les questions méthodologiques de l’étude ne présentera que les résultats concernant les résident·es étranger·ères. En effet, ce groupe est davantage comparable aux étudiant·es français·es du fait de la fréquentation du même enseignement secondaire. La filière du baccalauréat, variable très prédictive de la réussite en licence est donc disponible aussi pour les résident·es étranger·ères. Mesurer la réussite n’est pas aisé car cette notion est difficilement objectivable et la réussite est tant individuelle que sociale. Si l’obtention d’un diplôme contribue à la réussite sociale, difficile d’évaluer si l’étudiant·es aspirait à cela et si elle ou il en est satisfait·e. On ne peut répondre à ce type de question avec les données du ministère de l’Enseignement supérieur utilisées ici. On définit la réussite comme l’obtention du diplôme dans lequel l’étudiant·e s’est inscrit·e après trois ou quatre ans pour la licence et deux ou trois ans pour le master (Klipfel, 2024a, 2024b). Nous nous interrogerons sur ce que mesure concrètement cet indicateur et ce qu’il omet. Le choix des variables explicatives de la réussite est aussi contraint par les données. Une fois définie, la sélection de facteurs explicatifs de la réussite est difficile car ces derniers sont nombreux et interconnectés. Saeed Paivandi (2018) présente une synthèse de la littérature concernant ces facteurs, et distingue trois courants d’hypothèses principaux : celui qui se concentre sur l’importance de l’origine sociale ; celui se concentrant sur la mobilisation et l’engagement étudiant (notamment l’apprentissage du « métier d’étudiant » [Coulon, 1997]) et celui se concentrant sur des thématiques motivationnelles et comportementales venue des pays anglo-saxons. Ici, les motivations ou affects personnels ne peuvent être investigués. Ce travail se concentre donc sur les effets des caractéristiques socio-démographiques comme l’âge ou l’origine sociale et de la trajectoire scolaire antérieure, objectivée par la filière du baccalauréat. Ces facteurs explicatifs permettent aussi de mesurer la réussite « toutes choses égales par ailleurs ». Toutefois, l’objectif de cette contribution n’est pas d’analyser le poids particulier de chaque variable explicative dans la prédiction de la réussite pour chaque sous-groupe. Il ne s’agit pas non plus de dire en quoi être étudiant·e résident·e étranger·ère plutôt que français·e influence la réussite mais d’interroger le poids des inégalités sociales et scolaires dans les écarts de réussite observés entre ces deux groupes. En s’inspirant de Muller (2012), la méthode de décomposition d’Oaxaca-Blinder (Blinder, 1973 ; Oaxaca, 1973) est mobilisée pour répondre à cette question.
2Dans une première partie seront présentées les données et le champ de cette étude. Suivra une description de l’indicateur de réussite choisi, ses limites et la comparaison des étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères d’après ce critère. Une seconde partie s’attachera à expliciter la méthodologie d’Oaxaca-Blinder avant de présenter les résultats pour la licence et le master.
1. Que peuvent les données administratives pour mesurer la réussite ?
3Cette première partie vise à montrer ce qu’il est possible d’étudier à partir de données de gestion des universités concernant la réussite. Nous présenterons les évolutions qui mènent à l’emploi de ces données et le champ de cette étude. Suivra une présentation de l’indicateur de réussite calculé pour les étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques et de scolarité antérieure.
1.1. Les données administratives se substituent aux données d’enquêtes pour construire des cohortes d’étudiants pour des études longitudinales
4Mesurer la réussite à l’université ou tenter d’expliquer les facteurs qui la favorisent le plus précisément possible est facilité lorsque l’on a accès à des déclarations d’étudiant·es permettant de pouvoir analyser leur biographie ou leur expérience à et de l’université. Les enquêtes qui le font sont peu nombreuses. L’enquête Trajectoires et Origines (Teo), les enquêtes sur les conditions de vie des étudiants menées tous les trois ans par l’observatoire de la vie étudiante ou encore le panel des bacheliers permettent d’interroger directement les étudiants sur des thèmes comme le logement, l’emploi étudiant, les aspirations, la santé ou encore les discriminations perçues et ses conséquences sur la scolarité (Bonnevialle & Klipfel, 2023 ; Chauvel et al., 2023 ; Ferry & Tenret, 2017 ; Ichou, 2013). Ces enquêtes sont pensées pour répondre à des questions de recherche précises (Desrosières, 2005) mais disparaissent (le panel des bacheliers s’est achevé en 2022), ou ne sont disponibles que rarement (l’enquête Teo a deux millésimes, en 2008-2009 et 2019-2020). Avec la fin des grandes enquêtes, on s’interroge moins sur les données nécessaires pour répondre à telle problématique mais davantage à quelle problématique peuvent répondre les données disponibles. Les données que nous utilisons pour cette étude sont issues de la collecte du système d’information pour le suivi de l’étudiant (SISE) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il s’agit d’une enquête auprès des établissements et non pas auprès des étudiant·es. Ces données de gestion sont quasi exhaustives sur le champ de l’enseignement supérieur et ont l’avantage d’être disponibles annuellement. Elles contiennent, entre autres, des informations sur la scolarité antérieure de l’étudiant, leur diplôme d’inscription, et s’ils ont validé l’année universitaire. Pour pouvoir mener des études longitudinales, la clé d’appariement, ici l’INE, est primordiale.
5Le champ de cette étude se compose des étudiant·es français·es ou résident·es étranger·ères inscrit·es pour la première fois en licence ou en master en 2018-2019. L’INE permet l’appariement avec les tables « SISE inscrits » et « SISE diplômés » des années antérieures pour vérifier la primo-inscription. La cohorte ainsi créée est suivie grâce aux millésimes successifs de ces deux tables. On utilise les tables « inscrits » et diplômés de 2016 à 2022. Il n’a pas été fait de distinction par nationalité puisque l’étude publiée porte sur tous les étudiant·es étranger·ères et qu’introduire cette variable augmentait grandement le champ des comparaisons possibles si on souhaitait conserver la distinction étudiant·es résident·es étranger·ères et en mobilité diplômante. On gardera toutefois en tête que la réussite n’est pas homogène au sein du groupe des étudiant·es résident·es étranger·ères (Ichou, 2013).
1.2. La cohorte des étudiant·es primo-inscrit·es en licence et en master en 2018-2019 : des étudiant·es résident·es étranger·ères d’origine sociale plus défavorisée que les étudiant·es français·es mais aux comportements scolaires assez similaires
6En 2018-2019, environ 12 000 étudiant·es né·es à l’étranger de parents étrangers et ayant passé leur baccalauréat en France sont présent·es dans la cohorte des primo-inscrit·es. Il y a un peu plus de 9 000 étudiant·es en licence et près de 3 000 étudiant·es en master. Les étudiant·es résident·es étranger·ères sont plus âgés que les étudiant·es français·es. Cela peut s’expliquer par les années d’intégration dans l’enseignement primaire ou supérieur si ces étudiant·es étaient allophones lors de leur entrée dans le système d’enseignement français. Dans une étude de la DEPP, Laurence Brun (2023) montre que 53 % des élèves allophones au collège sont au moins « en retard » d’un an sur l’âge théorique de ce niveau de formation. Après le lycée, celles et ceux qui poursuivent dans l’enseignement supérieur choisissent davantage des filières courtes comme le BTS ou le DUT (Brinbaum et al., 2016). C’est donc une minorité que l’on étudie ici. Les étudiant·es résident·es étranger·ères sont plus défavorisé·es que les étudiant·es français·es. Par exemple en licence, près de la moitié (49 %) ont une origine sociale « défavorisée » contre un quart (25 %) des étudiant·es français·es. La majeure partie des étudiant·es en licence sont titulaires d’un baccalauréat mais on distingue des différences dans les filières. Chez les étudiant·es français·es, 79 % des étudiant·es ont obtenu un baccalauréat général alors que ce n’est le cas que de 64 % des étudiant·es résident·es étranger·ères. Ces derniers sont 14 % à être bachelier·ères professionnel·les, contre 6 % des étudiant·es français·es. Cette orientation est peut-être plus souvent contrainte que choisie. En utilisant le panel d’entrée en sixième 1995, Caille (2007) montre que parmi les enfants d’immigré·es scolarisé·es en lycée professionnel, près de deux tiers estiment que cela relève d’une orientation contrainte. En master, les résident·es étranger·ères sont 10 % à être non-bachelier·ères. Ces résultats sont conformes avec les analyses de Pierre Merle (2020) sur les inégalités de trajectoire scolaire en fonction de l’origine sociale. Enfin, en licence, les choix disciplinaires sont relativement similaires entre les deux groupes. Les résident·es étranger·ères sont 25 % à être inscrit·es en licence de langues (13 % des étudiant·es français·es sont inscrits dans ces disciplines). En master, les résident·es étranger·ères sont plus souvent inscrit·es en sciences économiques, gestion et administration économique et sociale (AES) que les étudiant·es français·es (22 % contre 16 %). L’inverse est vrai pour les arts, lettres, langues et sciences humaines et sociales où les premier·ères sont 39 % à être inscrit·es dans ces disciplines et les second·es 48 %.
1.3. Des écarts de réussite entre étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères en licence et en master mais des facteurs de réussite similaires pour les deux groupes
7La réussite que l’on calcule est le produit de l’enquête SISE, donc de variables des systèmes de gestion des universités. Les indicateurs de réussite sont calculés comme les ratios entre le nombre d’étudiant·es qui obtiennent le diplôme sur la totalité des inscrit·es. Ils autorisent une année de redoublement, de changement disciplinaire au sein d’un même diplôme ou encore d’une césure. Il s’agit bien de la réussite de l’étudiant·e dans le diplôme d’inscription en L1 qui est mesurée ici. De fait, les réorientations « par le bas », par exemple de la licence au DUT (Bodin & Millet, 2012) se soldent donc par des « échecs » en termes statistiques dans cette étude. Une autre approche consiste aussi à se détacher d’une analyse linéaire dans un diplôme en suivant les étudiant·es tout au long de leur parcours dans l’enseignement supérieur grâce à la construction de cohortes (Wirth & Bonnevialle, 2025).
8En licence, 45 % des étudiant·es français·es inscrits obtiennent leur diplôme en trois ou quatre ans. Ce n’est le cas que de 34 % des étudiant·es résident·es étranger·ères. Les premier·ères sont 75 % et les second·es 67 % à obtenir un master en deux ou trois ans. La réussite est déterminée par les mêmes variables pour les étudiant·es résident·es étrangerères et les étudiant·es français·es. Par exemple, plus l’âge d’entrée en licence est élevé et moins les étudiants réussissent à obtenir leur diplôme. Ainsi, le taux de réussite des résident·es étranger·ères ayant 18 ans ou moins à l’entrée en licence est de 43 % contre 23 % pour ceux âgés de plus de 20 ans. Les étudiant·es résident·es étranger·ères titulaires d’un baccalauréat sont 34 % à obtenir leur diplôme de licence en 3 ou 4 ans. Comme pour les étudiant·es français·es, leurs résultats dépendent de la série du baccalauréat et de la mention obtenue. Si 45 % de celles et ceux qui ont obtenu un baccalauréat général valident leur licence en 3 ou 4 ans, ce n’est le cas que de 16 % des bachelier·ères technologiques et de 10 % des bachelier·ères professionnel·les. En master, ce sont dans les disciplines relevant des sciences économiques, gestion et administration économique et sociale (AES) et dans les disciplines relevant des sciences et de la santé que les étudiant·es réussissent le plus. Les résident·es étranger·ères sont 78 % à obtenir leur master en deux ou trois ans dans le premier groupe de discipline, 80 % dans le second groupe.
9Après avoir mis en évidence des écarts « bruts » de réussite entre les étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères, une analyse « toutes choses égales par ailleurs » a été menée. Les variables explicatives mobilisées sont le genre, l’âge à l’entrée dans le diplôme, l’origine sociale mesurée en quatre positions, le fait d’être boursier·ère1, le type de baccalauréat obtenu et la discipline choisie. Les résultats sont présentés en annexe. Ce modèle n’incluant qu’un terme d’interaction entre l’âge et le statut ne nous renseigne que sur l’influence différenciée de cette variable dans les deux populations étudiées. La décomposition d’Oaxaca-Blinder a été adoptée pour plusieurs raisons que nous exposons maintenant.
2. La méthodologie d’Oaxaca-Blinder pour documenter les écarts de réussite et participer aux débats publics sur la réussite des étudiant·es étranger·ères
10Nous l’avons vu, les étudiant·es résident·es étranger·ères et français·es diffèrent au niveau de leur caractéristiques sociodémographiques et de scolarité antérieure et ces variables influencent la réussite différemment au sein des deux groupes. Nous nous interrogions donc sur le poids de ces différences de caractéristiques dans l’écart de réussite observée. Nous présentons maintenant la décomposition d’Oaxaca-Blinder qui répond parfaitement à cette question. Elle permet aussi de fournir des éléments d’explication afin que les chiffres « bruts » ne soient pas repris pour tirer des conclusions hâtives sur la capacité des étudiant·es résident·es étranger·ères à réussir dans l’enseignement supérieur français.
2.1. Présentation théorique de la méthode
11On suit ici la méthode de (Fairlie, 2005) adaptée aux cas non linéaires. L’équation de la décomposition est la suivante :

12Où Yi = 1 représente la réussite en trois ou quatre ans en licence et en deux ou trois ans en master, la probabilité estimée de réussite et Xi les variables utilisées dans les régressions logistiques. Les indices F et E représentent respectivement les étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères.
13Dans une première étape, on estime un modèle logistique séparément sur le sous-champ constitué des étudiant·es français·es. Les variables explicatives mobilisées sont le genre, l’âge à l’entrée dans le diplôme, l’origine sociale mesurée en quatre positions, le fait d’être boursier·ère, le type de baccalauréat obtenu et la discipline choisie. La méthode consiste ensuite à décomposer l’écart entre les taux de réussite moyens entre les étudiant·es français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères. L’écart expliqué correspond à l’écart estimé entre la réussite moyenne des étudiant·es français·es et celles qu’ils et elles auraient si leur profil sociodémographique et scolaire moyen était le même que les étudiant·es résident·es étranger·ères. Cette dernière quantité est une probabilité contrefactuelle de la réussite. Pour déterminer la contribution de chaque variable dans l’écart de réussite expliqué, on utilise une pondération (Yun, 2004) qui prend en compte l’écart entre les caractéristiques des deux groupes pour chaque variable ainsi que l’importance de cette variable dans la prédiction de la réussite. Plus l’écart de caractéristiques est grand et plus la contribution de cette variable dans l’écart expliqué est grande. Plus la variable est importante dans la détermination de la réussite chez les étudiant·es français·es et plus la part dans l’écart expliqué sera grande.
14L’expression de la pondération est :

15Où sont les coefficients estimés pour la variable k dans le groupe des étudiant·es français·es.
16Enfin, l’écart inexpliqué est calculé comme étant la différence entre la probabilité de réussite qu’auraient les étudiant·es résident·es étranger·ères si leurs caractéristiques moyennes étaient valorisées à la hauteur de celles des étudiant.es français.es et la réussite moyenne de ce groupe.
2.2. En licence, à caractéristiques égales, l’écart de réussite entre étudiant·es français·es et étudiant·es résident·es étranger·ères est d’un point de pourcentage
Tableau 1. Décomposition de l’écart de taux d’obtention de la licence en 3 ou 4 ans entre les étudiant·es français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères selon la méthode d’Oaxaca-Blinder

Le modèle logistique servant à la décomposition est détaillé en annexe, estimé sur la population des étudiant·es français·es uniquement.
* Le statut bousier a été ajouté sans prendre en compte qu’il est déjà un indicateur de réussite car ne sont boursier·ères que des étudiant·es qui sont toujours en études au 15 mars de l’année universitaire en cours.
Note de lecture : le type de baccalauréat obtenu explique 49 % des 9,8 points de pourcentages d’écart expliqué sur les 10,4 points d’écart entre les réussites moyennes des étudiant·es français·es et des étudiant·es résident·es étranger·ères en licence.
Champ : étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères primo-inscrit·es en licence en 2018-2019.
Source : MESR-SIES, système d’information SISE.
Graphique du tableau 1. Décomposition de l’écart de taux d’obtention de la licence en 3 ou 4 ans entre les étudiant·s français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères selon la méthode d’Oaxaca-Blinder

Source : MESR-SIES, système d’information SISE.
17L’écart de réussite observé en licence s’élève à onze points de pourcentage. Près de dix points de l’écart sont expliqués et attribués à des différences de caractéristiques sociodémographiques et de scolarité antérieure entre les deux groupes étudiés (tableau 1). Il ne reste alors que moins d’un point de différence qui n’est pas attribuable à la différence de distribution des variables observées au sein des deux groupes considérés. Le type de baccalauréat obtenu est la variable qui explique le plus les écarts de réussite entre les étudiant·es français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères (49 % de l’écart expliqué). Être bachelier·ère professionnel·le ou dans une moindre mesure bachelier·ère technologique, plutôt que bachelier·ère général·e, fait diminuer les chances de réussite « toutes choses observées égales par ailleurs » (voir annexe). Or, les résident·es étranger·ères entrants en L1 sont plus souvent détenteur.rices d’un baccalauréat professionnel (15 %) ou d’un baccalauréat technologique (18,5 %) que les étudiant·es français·es (respectivement 6 % et 14 %). Ensuite, près de 30 % de l’écart s’explique par une différence de structure d’âge entre les deux groupes. Les étudiant·es résident·es étranger·ères sont plus âgé·es que les français·es, or l’âge joue négativement sur la probabilité d’obtenir sa licence en 3 ou 4 ans. Enfin, l’origine sociale explique 23 % de l’écart constaté et nous l’avons vu, les étudiant·es résident·es étranger·ères sont d’origine sociale plus défavorisée que les étudiant·es français·es.
2.3. En master, la moitié de l’écart de réussite entre étudiant·es français·es et étudiant·es résident·es étranger·ères est expliquée par des différences sociodémographiques
Tableau 2. Décomposition de l’écart de taux d’obtention du master en 2 ou 3 ans entre les étudiant·es français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères selon la méthode d’Oaxaca-Blinder

Le modèle logistique servant à la décomposition est détaillé en annexe, estimé sur la population des étudiant·es français·es uniquement.
* Le statut bousier a été ajouté sans prendre en compte qu’il est déjà un indicateur de réussite car ne sont boursier·ères que des étudiant·es qui sont toujours en études au 15 mars de l’année universitaire en cours.
Note de lecture : Le type de baccalauréat obtenu explique 16 % des 3,7 points de pourcentages d’écart expliqué sur les 7,9 points d’écart entre les réussites moyennes des étudiant·es français·es et des étudiant·es résident·es étranger·ères en master.
Champ : étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères primo-inscrits en master en 2018-2019.
Source : MESR-SIES, système d’information SISE.
Graphique du tableau 2. Décomposition de l’écart de taux d’obtention du master en 2 ou 3 ans entre les étudiant·es français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères selon la méthode d’Oaxaca-Blinder

Source : MESR-SIES, système d’information SISE.
18L’écart entre les réussites moyennes des étudiant·es français·es et des résident·es étranger·ères est plus faible en master qu’en licence, comme l’est aussi la part expliquée de cet écart. L’écart brut est de 8 points de pourcentage (tableau 2). La moitié de l’écart entre les réussites moyennes des deux groupes est expliquée par des différences de caractéristiques. Contrairement à la licence, ce sont les différences d’âge entre les étudiant·es français·es et les étudiant·es résident·es étranger·ères qui jouent le rôle le plus important dans l’écart expliqué. Un tiers de l’écart expliqué est dû à des différences d’origine sociale. De la même manière qu’en licence, les étudiant·es résident·es étranger·ères inscrit·es en master sont plus défavorisé·es que les étudiant·es français·es. La probabilité de réussite augmentant pour une origine sociale plus favorisée, cet effet de structure pénalise les résident·es étranger·ères. Enfin, et à l’inverse, les résident·es étranger·ères choisissent en majorité des disciplines avec les taux de réussite les plus importants. Si les étudiant·es résident·es étranger·ères faisaient des choix disciplinaires similaires à ceux des étudiant·es français·es, leur réussite moyenne serait donc moindre.
Conclusion
19Cette communication a été l’occasion de montrer comment utiliser des données administratives pour calculer l’indicateur de réussite dans un diplôme à l’université. S’il est une conclusion à tirer de cette étude, c’est que les écarts de réussite en licence et en master entre les étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères sont moins dus à la distinction natif/étranger qu’à des inégalités préalables dans les variables socio-démographiques, et de trajectoires scolaires antérieures. Les résultats de la décomposition d’Oaxaca-Blinder sont toutefois à prendre avec précaution pour deux raisons. Premièrement, alors que des développements méthodologiques permettent d’effectuer des analyses « au-delà de la moyenne » (Boutchenik et al., 2019), l’analyse ne porte ici que sur la réussite moyenne au sein des deux groupes. Deuxièmement, l’interprétation des écarts inexpliqués ne doit pas être celle d’une mesure de la discrimination, s’y ajoutent aussi tous les effets sur la réussite de variables inobservées et non prises en compte dans les modèles retenus. Il est presque certain que ces régressions logistiques souffrent d’un biais de variables omises. De fait, l’écart inexpliqué ne résulte pas d’un « effet pur » du fait d’appartenir au groupe des étudiant·es résident·es étranger·ères plutôt qu’au groupe des étudiant·es français·es. Loin de prôner son abandon pur et simple (Brochier, 2020), il faut avoir en tête les limites techniques de la décomposition d’Oaxaca-Blinder quand on souhaite ne s’intéresser qu’aux facteurs explicatifs des écarts qui existent entre deux populations étudiées.
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Annexe
Modélisation de la probabilité de réussir à obtenir sa licence en trois ou quatre ans ou son master en deux ou trois ans pour les étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères primo-inscrit·es en 2018-2019

Note de lecture : l’individu de référence est une étudiante française, âgée de 18 ans ou moins à son entrée en L1, non boursière, à l’origine sociale assez défavorisée, titulaire d’un baccalauréat général et qui étudie dans une discipline relevant des arts, lettres, langues ou des sciences humaines et sociales. Cet individu de référence a une probabilité de 56,9 % d’obtenir sa licence en trois ou quatre ans. Être une étudiante résidente étrangère plutôt qu’une étudiante française diminue de 18 % « toutes choses égales par ailleurs » les chances d’obtenir sa licence en trois ou quatre ans. Modalité statistiquement significative au seuil de 1 % (***), au seuil de 5 % (**), au seuil de 10 % (*), non significative au seuil de 10 % (n.s.)
* Le statut bousier a été ajouté sans prendre en compte qu’il est déjà un indicateur de réussite car ne sont boursier·ères que des étudiant·es qui sont toujours en études au 15 mars de l’année universitaire en cours.
Champ : étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères primo-inscrit·es en licence en 2018-2019 (225 538 étudiant·es français·es, 9 253 étudiant·es résident·es étranger·ères). Étudiant·es français·es et résident·es étranger·ères primo-inscrit·es en master en 2018-2019 (109 586 étudiant·es français·es, 2 867 étudiant·es résident·es étranger·ères).
Source : MESR-SIES, système d’information SISE.
Notes de bas de page
1A posteriori a été remarqué le fait que les boursier·ères sont identifié·es au 15 mars de l’année universitaire. Appartenir à la base de données annuelle sur les boursier·ères est donc déjà un indicateur de réussite puisque cela signifie qu’on n’a pas abandonné, ni perdu la bourse pour motif d’assiduité.
Auteur
-
Clarisse Buffet
SIES – MESR.

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