Les enseignements de spécialité du nouveau baccalauréat : profils, déterminants et effets sur le parcours des lycéens
p. 403-405
Entrées d’index
Mots-clés : lycéen, orientation scolaire-professionnelle, baccalauréat, cheminement scolaire
Keywords : upper secondary school pupil, school guidance and vocational guidance, baccalaureate, school paths
Texte intégral
Résumé
1Le système éducatif français présente une ségrégation et une stratification importantes, dues en partie à des parcours académiques et professionnels distincts (Shavit et al., 2007 ; Merle, 2017). Jusqu’en 2021, le baccalauréat général est divisé en trois filières : scientifique (bac S), sciences économiques et sociales (bac ES) et littéraire (bac L). La voie scientifique a longtemps été la plus prestigieuse, car offrant le plus grand nombre et les meilleurs débouchés dans l’enseignement supérieur, y compris dans les formations non scientifiques (Duru-Bellat & Kieffer, 2008). Or, cette « voie royale » est également marquée par une forte spécialisation sociale et scolaire (Convert, 2006).
2De manière générale, les choix d’orientation des élèves admettent des inégalités de diverses natures. Ainsi, les filles se tournent moins fréquemment vers les enseignements scientifiques que les garçons, bien qu’ils soient les plus déterminants lors de l’orientation dans les études supérieures (Baudelot & Establet, 2007 ; Stevanovic, 2012 ; Blanchard 2021). Les élèves issus des classes sociales les plus favorisées sont plus susceptibles de choisir les enseignements, filières ou options les plus valorisés par les formations du supérieur (Bourdieu & Passeron, 1970 ; Boudon, 1984 ; Blossfeld et al., 2016 ; Duru-Bellat et al., 2022). Les caractéristiques du lycée peuvent également jouer un rôle important dans les décisions d’orientation des lycéens (Bressoux, 2009), telles que la composition socioscolaire de l’établissement scolaire, le statut public ou privé, ou encore, la situation géographique (Le Bastard-Landrier, 2004 ; Nakhili, 2010 ; Van Zanten, 2015 ; Dupray & Vignale, 2022).
3Depuis 2019, la réforme du baccalauréat est venue remplacer les anciennes filières du baccalauréat général par un système de combinaisons d’enseignements de spécialité (EDS). Les lycéens doivent désormais choisir trois spécialités en première, dont deux sont conservées en terminale. Les EDS sont les matières les plus importantes du baccalauréat et déterminent leur profil disciplinaire. Le système d’EDS de la réforme du bac offre donc une plus grande ouverture disciplinaire que les anciennes séries générales, et vient inciter les lycéens à se construire un profil de spécialisation cohérent avec leurs aspirations de poursuites d’études. En cela, ce système diversifie considérablement l’offre scolaire et oblige les élèves à faire des choix de spécialisation précoces. Or, ces deux aspects sont connus pour être fortement vecteurs d’inégalités sociales d’orientation (Boudon, 1984 ; Duru-Bellat et al., 2004). Par conséquent, nous nous demandons dans quelle mesure de tels changements structurels peuvent influencer le parcours des élèves ?
4L’objectif de ce travail de recherche est donc, d’une part, d’identifier de nouveaux profils de spécialisation à partir des choix d’EDS des lycéens, et d’autre part, d’expliciter les déterminants individuels et contextuels de ces choix. Dans une logique longitudinale, nous étudions également le parcours de ces lycéens au travers de leur orientation post-bac via la plateforme d’affectation Parcoursup ainsi que de leur première année de licence. L’idée est ainsi de mieux comprendre dans quelle mesure les choix de spécialisation faits au lycée conditionnent leur accès aux diverses formations universitaires via les critères de sélection, puis leur réussite académique en première année.
5Une base de données d’environ 15 000 bacheliers de la session 2022 a ainsi été constituée à partir des données Parcoursup de l’Université de Bourgogne et des bases publiques sur les établissements scolaires du secondaire. Il s’agit donc de lycéens ayant candidaté à au moins une formation de cette université. Pour identifier différents profils d’élèves, nous nous appuyons sur une classification ascendante hiérarchique ainsi que sur des modèles de régression logistique. Ces méthodes révèlent cinq profils de spécialisation, avec des différences genrées, scolaires et sociales fortes, au niveau individuel comme contextuel. En nous appuyant sur ces profils de spécialisation, nous examinons ensuite les possibles liens entre ces choix de spécialisation et certains aspects du parcours scolaire ultérieur : les candidatures auprès des formations universitaires de notre échantillon, le classement obtenu sur Parcoursup, et le devenir en première année de licence (passage ou non en deuxième année, abandon, etc.). L’intérêt est donc d’avoir une vision jusqu’à bac+1 du parcours des bacheliers généraux de la nouvelle formule du baccalauréat, et en particulier des inégalités d’orientation et de réussite vers et dans l’enseignement supérieur qui caractérisent ce public.
Bibliographie
Baudelot, C. & Establet, R. (2007). Quoi de neuf chez les filles ? Entre stéréotypes et libertés. Paris : Nathan.
Blanchard, M. (2021). Genre et cursus scientifiques : un état des lieux. Revue française de pédagogie, 212, 109-143. https://doi.org/10.4000/rfp.10890
Blossfeld, H.-P., Bucholz, S., Friedrich, O., Skopek, J. & Triventi, M. (2016). Models of secondary education and social inequality: An international comparison. Cheltenham : Edward Elgar Publishing.
Boudon, R. (1984). L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles. Paris : Hachette.
Bourdieu, P. & Passeron, J.-C. (1970). La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris : Éditions de Minuit.
Bressoux, P. (2009). Des contextes scolaires inégaux : effet-établissement, effet-classe et effets du groupe de pairs. Dans M. Duru-Bellat & A. Van Zanten. Sociologie du système éducatif : les inégalités scolaires (p. 131-148). Paris : PUF.
Convert, B. (2006). Les impasses de la démocratisation scolaire. Paris : Raisons d’agir.
Dupray, A. & Vignale, M. (2022). Quelles inégalités d’accès à l’enseignement supérieur selon l’origine géographique ? Éducations & formations, 103, 27-43. https://www.education.gouv.fr/admission-post-bac-le-portail-apb-reflet-des-problematiques-d-affectation-dans-l-enseignement-341198
Duru-Bellat, M., Mons, N. & Suchaut, B. (2004). Organisation scolaire et inégalités sociales de performances. Les enseignements de l’enquête PISA. Éducations & formations, 70, 123-131. https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/10690/education-formations-n-70-decembre-2004-chap-8-organisation-scolaire-et-inegalites-sociales-de-perfo?_lg=fr-FR
Duru-Bellat, M. & Kieffer, A. (2008). Du baccalauréat à l’enseignement supérieur en France : déplacement et recomposition des inégalités. Population, 63(1), 123-157. https://doi.org/10.3917/popu.801.0123
Duru-Bellat, M., Farges, G. & Van Zanten, A. (2022). Sociologie de l’école (6e éd.). Malakoff : Armand Colin.
Le Bastard-Landrier, S. (2004). Les déterminants contextuels de l’orientation scolaire en classe de seconde. L’effet établissement. Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, 37(2).
Merle, P. (2017). La démocratisation de l’enseignement (3e éd.). Paris : La découverte.
Nakhili, N. (2010). Orientation après le bac : quand le lycée fait la différence. Céreq Bref, 271.
Shavit, Y., Arum, R. & Gamoran, A. (Éds.). (2007). Stratification in Higher education. A comparative study. Redwood City, CA : Stanford University Press.
Stevanovic, B. (2012). Orientations scientifiques des filles en France : un bilan contrasté. Questions vives. Recherches en éducation, 6(16), 107-123. https://doi.org/10.4000/questionsvives.964
Van Zanten, A. (2015). 5. Les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Quel rôle joue le lycée d’origine des futurs étudiants ? Regards croisés sur l’économie, 16(1), 80-92. https://doi.org/10.3917/rce.016.0080
Auteur
-
Faustine Vallet-Giannini
Institut de recherche sur l’éducation : sociologie et économie de l’éducation, Université de Bourgogne.

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