Un accès inégal à l’obtention d’un nouveau diplôme en début de vie active
p. 315-327
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Mots-clés : reprise d’études, enquête Génération, origine scolaire, genre, origine sociale, orientation tout au long de la vie
Keywords : resuming education, Generation survey, former schooling, gender, social origin, lifelong guidance
Texte intégral
Introduction
1La France est historiquement marquée par une forte valorisation de la formation initiale. Van de Velde (2015) soulignait, en comparaison d’autres pays européens, l’importance du diplôme en France avec une « extrême valorisation du diplôme initial tout au long de la vie
». Elle évoque la question de l’orientation pour la jeunesse comme un enjeu majeur des parcours avec un rapport au temps marqué par la pression à l’avancement et par l’absence de droit à l’erreur avec « une absence de retour envisagé aux études qui contribue à des trajectoires académiques continues, peu cumulées à l’emploi, et amorcées de façon précoce
». Les trajectoires de formation sont ainsi plus souvent linéaires (Ferry, 2023) et dominées par l’enjeu de l’obtention du diplôme final, marquant l’entrée dans la période d’insertion professionnelle. Les reprises d’études n’apparaissent donc pas a priori comme une étape classique dans les parcours des jeunes avec des parcours d’études non linéaires jugés ensuite défavorablement par les recruteurs sur le marché du travail (Albandea, 2020). Toutefois, à tous les niveaux de diplôme, leur accroissement depuis une vingtaine d’années est évoqué dans plusieurs articles (exemple : Canals & Landrier 2020) et clairement repéré par les enquêtes Génération : « Le nombre de jeunes qui reprennent des études notables dans les sept années suivant la fin de leur formation initiale augmente, passe de 14 % pour les jeunes ayant fini leurs études en 1998 (dont 4 % en alternance) à 23 % pour les jeunes de la Génération 2010 (dont 7 % sous forme d’alternance)
» (Robert, 2020). Les reprises d’études apparaissent également différentes selon l’origine sociale des individus. Mora et Robert (2017) soulignent que, parmi les jeunes qui obtiennent un nouveau diplôme dans les 5 ans qui suivent leur sortie de formation initiale en 2010, ceux disposant d’emblée d’un capital scolaire ou social élevé semblent répondre plus souvent à l’ambition de progresser dans une carrière professionnelle qu’à celle de pallier des difficultés d’insertion sur le marché du travail.
2Pour faire suite à ces travaux de recherche, cette étude s’intéresse, sur une enquête plus récente, au profil des jeunes qui obtiennent un nouveau diplôme au cours des premières années qui suivent leur sortie du système éducatif. Les données mobilisées pour cela sont celles de l’enquête 2023 auprès de la Génération 2017, c’est-à-dire des jeunes sortis du système éducatif au cours de l’année scolaire 2016-2017, tous niveaux de diplômes et spécialités confondus (voir encadré ci-après). En effet, pour mieux documenter les reprises d’études, cette enquête comporte un module de questions permettant de décrire, le cas échéant, le plus haut diplôme obtenu par les enquêté.e.s au cours de leurs six premières années de vie active, peu importe la modalité d’obtention de celui-ci (voie scolaire, alternance, cours du soir, VAE, sans formation, etc.). La date d’obtention du diplôme, ainsi que la date de début de la formation (le cas échéant) sont également recueillies permettant de situer cette nouvelle diplomation dans les parcours des individus dont on connaît par ailleurs la situation professionnelle mois par mois durant leurs six premières années de vie active.
3Cette étude aura ainsi pour objectif d’analyser, à tous les niveaux de diplômes, les inégalités d’accès à l’obtention d’un diplôme post formation initiale. Avec l’accroissement du nombre de reprises d’études, les nouveaux diplômes sont-ils aussi souvent obtenus par les jeunes quelle que soit leur origine ? Existe-t-il des inégalités de genre dans l’obtention de ces nouveaux diplômes ? Les caractéristiques du nouveau diplôme obtenu (écart de niveau et/ou de spécialité par rapport au diplôme préparé en fin de formation initiale) varient-elles selon le genre et l’origine sociale ? Ces questions seront analysées en tenant compte notamment du parcours scolaire antérieur et du parcours vécu sur le marché du travail avant la reprise d’études.
1. Qui sont les jeunes qui obtiennent un nouveau diplôme après avoir quitté le système éducatif ?
1.1. Un effet du parcours scolaire
4D’après l’enquête Génération, parmi l’ensemble des jeunes sortis de formation initiale en 2017, tous niveaux de diplôme confondus, 16 % obtiennent un nouveau diplôme au cours des six années suivantes. Ce chiffre est de 15 % parmi les sortants de l’enseignement supérieur et de 17 % parmi les sortants de l’enseignement secondaire.
5Selon le niveau de diplôme atteint en fin de formation initiale, les chances sont très variables d’obtenir un nouveau diplôme dans les six années suivantes. Les jeunes obtenant cette nouvelle certification sont, au premier chef, les sortants dont le plus haut niveau de diplôme est un baccalauréat et ceux dont la fin de formation initiale est associée à un échec au diplôme visé. Les sortants sans diplôme de l’enseignement supérieur, souvent des bacheliers technologiques ou généraux, constituent ainsi le groupe le plus enclin à obtenir un nouveau diplôme au cours de leurs six premières années de vie active (26 % contre 11 % des diplômés du supérieur), suivis par les diplômés de licences générales littéraires (24 %) puis les sortants directs après l’obtention de leur baccalauréat général ou technologique (23 %) et les sortants sans diplôme de l’enseignement secondaire (19 %) (graphique 1). Parmi l’ensemble de la cohorte, 21 % des jeunes n’ayant pas obtenu le diplôme préparé en 2017 ont obtenu un nouveau diplôme dans les six années suivantes contre seulement 12 % de ceux qui ont fini leurs études en validant leur diplôme. Cette étude montre ainsi que la notion d’échec dans l’enseignement secondaire et supérieur devrait être relativisée et nécessite d’être mesurée à distance de la première sortie de formation initiale.
6L’obtention d’un nouveau diplôme en début de vie active est aussi plus fréquente chez les jeunes dont le diplôme détenu en 2017 a davantage un statut de diplôme intermédiaire orienté vers la poursuite d’études que de diplôme professionnalisant orienté vers l’insertion : c’est ainsi le cas de 23 % des diplômés de licence générale (en particulier de spécialités littéraires) contre 9 % des licences professionnelles. Cela peut s’expliquer, d’une part, par le fait que ces diplômes sont moins directement adaptés aux attentes des recruteurs sur le marché du travail, entrainant souvent une insertion professionnelle moins favorable, que pour les diplômes professionnels D’autre part, l’engagement de ces jeunes dans des formations dont l’objectif est souvent de les amener à un niveau de diplôme supérieur suggère une plus grande appétence et préparation de ces jeunes pour les reprises d’études. À l’inverse, l’obtention d’un nouveau diplôme est plus rare parmi les titulaires d’un diplôme d’une école de commerce (7 %) ou d’ingénieurs (5 %) ainsi que les autres diplômés de niveau bac+5 ou d’un diplôme de bac+2/3/4 en santé social (9 %) (graphique 1) – des niveaux de diplômes aux conditions d’insertion particulièrement favorables.
Graphique 1. Part de jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme dans les 6 ans suivant la fin de la formation initiale selon le plus haut niveau de diplôme détenu en 2017 (en %)

Note de lecture : 19 % des jeunes qui sont sortis non diplômés de l’enseignement secondaire en 2017 ont obtenu un nouveau diplôme dans les 6 années suivantes.
Champ : ensemble des jeunes de l’enquête 2023 auprès de la Génération 2017.
Source : Céreq, enquête 2023 auprès de la Génération 2017.
7La spécialité de formation a également son importance au sein des diplômes professionnels : les jeunes issus de spécialités tertiaires reprennent plus souvent que ceux issus des spécialités industrielles. À titre d’exemple, pour les sortants diplômés de bac professionnel : 17 % des spécialités tertiaires sont concernés contre 9 % des spécialités industrielles. De même, pour les diplômés de master, les jeunes issus de spécialités littéraires obtiennent deux fois plus souvent un nouveau diplôme (10 % contre 5 % dans les spécialités scientifiques) lors de leurs six premières années de vie active. Cette plus forte proportion s’explique par une insertion professionnelle moins favorable qu’à l’issue des spécialités tertiaires/littéraires pour ces deux diplômes.
8À caractéristiques égales (parcours sur le marché du travail et caractéristiques sociodémographiques) par ailleurs, on retrouve une appétence plus forte pour l’obtention d’un nouveau diplôme des sortants de l’enseignement secondaire, des sortants non diplômés de l’enseignement supérieur et des diplômés de niveau bac+2 par rapport aux autres diplômés du supérieur (modèle 1 en annexe). On retrouve également à profil égal par ailleurs, une probabilité plus élevée d’obtenir un nouveau diplôme dans les 6 premières années de vie active pour les jeunes dont le plus haut niveau de diplôme est de spécialité littéraire ou tertiaire. De même, celle-ci est plus élevée pour les jeunes sortants d’un établissement privé et ceux ayant effectué un séjour à l’étranger durant leurs études. Les jeunes dont la dernière année d’études en 2017 a été effectuée en alternance ont en revanche une probabilité d’obtenir un nouveau diplôme dans les six années suivantes plus faible.
9Ces diplômes acquis après la sortie font également plus souvent suite à une interruption de scolarité contrainte – en raison de difficultés personnelles – ou une poursuite empêchée. Les jeunes qui obtiennent un nouveau diplôme sont ainsi plus nombreux parmi celles et ceux qui indiquent avoir arrêté les études en 2017, suite à un refus dans une formation (23 %), des raisons personnelles ou familiales (23 %), des résultats insuffisants (20 %) ou encore une formation trop éloignée du domicile (18 %) ou une absence d’employeur trouvé pour une formation en alternance (18 %). Au contraire, seuls 11 % des jeunes ayant quitté le système éducatif en ayant atteint le niveau de formation souhaité obtiendront un nouveau diplôme en début de vie active. À profil sociodémographique, scolaire et professionnel égal par ailleurs, on retrouve une probabilité plus forte de reprendre des études chez les jeunes n’ayant pas atteint le niveau d’étude souhaité à leur sortie du système éducatif ou ayant été refusés pour entrer dans la formation de leur choix (ou échec au concours d’entrée). Les jeunes ayant quitté le système éducatif par lassitude des études sont eux moins enclins à retourner ensuite en formation pour obtenir un nouveau diplôme.
1.2. Un effet du genre
10Des différences selon le genre sont également visibles : pour la plupart des niveaux de diplôme détenus en 2017, les femmes obtiennent plus souvent un nouveau diplôme dans les six années suivantes. Les écarts constatés dans le graphique 2 sont en partie dûs à des écarts de spécialité puisque les femmes sont plus nombreuses dans les spécialités littéraires ou tertiaires pour lesquelles la proportion de nouvelles diplomations est plus importante. Cela étant dit, la probabilité d’obtenir un nouveau diplôme reste plus élevée pour les femmes même lorsqu’on l’estime à origines sociales, diplômes, conditions d’arrêt d’études et premiers pas sur le marché du travail similaires (modèle 1 en annexe).
Graphique 2. Part de jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme dans les 6 ans suivant la fin de la formation initiale selon le genre et le plus haut niveau de diplôme détenu en 2017 (en %)

Note de lecture : parmi les jeunes qui sont sortis non diplômés de l’enseignement secondaire en 2017, 19 % des hommes et 20 % des femmes ont obtenu un nouveau diplôme dans les 6 années suivantes.
Champ : ensemble des jeunes de l’enquête 2023 auprès de la Génération 2017 (les résultats des femmes pour les baccalauréats professionnels et les bac+2 industriels et des hommes pour les diplômes de bac+2/3/4 santé social ne sont pas affichés en raison d’un effectif trop faible).
Source : Céreq, enquête 2023 auprès de la Génération 2017
1.3. Un effet de l’origine sociale et des difficultés financières
11Toutes caractéristiques égales par ailleurs (voir modèle 1 en annexe), les jeunes issus de milieux favorisés (ménages avec deux parents cadres, à dominante cadre et à dominance intermédiaire1) ont plus de chances d’obtenir un nouveau diplôme au cours de leurs six premières années de vie active que ceux issus d’un ménage à dominante employée, et davantage encore que les autres issus des milieux les moins favorisés. Pour ces derniers, plusieurs facteurs peuvent jouer en leur défaveur : auto-censure, effets de report dans le temps (notamment pour réussir à économiser assez d’argent), plus grandes difficultés à bénéficier d’un soutien de la famille pour financer un retour aux études, réticence plus grande à retourner à temps plein sur les bancs de l’école à cause de mauvaises expériences scolaires, etc. En revanche, l’origine migratoire (né en France avec au moins un parent né en France, né en France de deux parents étrangers ou né à l’étranger) ne semble pas avoir d’influence significative sur la probabilité d’obtenir un nouveau diplôme.
12L’influence de difficultés financières déjà présentes pendant les études sur l’obtention d’un nouveau diplôme dans les six années suivantes se confirme. Les jeunes déclarant avoir arrêté leurs études en 2017 pour des raisons financières ou ayant eu une bourse sur critères sociaux sans aide de leurs parents pour financer leurs études ou ayant travaillé plus de 8 h par semaine pendant leurs études ou ayant contracté un prêt pour financer leurs études (critères d’approximation de difficultés financières potentielles à l’arrivée sur le marché du travail) semblent moins souvent, à profil égal par ailleurs, obtenir un diplôme post formation initiale. En revanche, habiter dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ne semble pas avoir d’influence.
13Enfin, la situation familiale a son importance dans le processus de retour au diplôme puisque les personnes vivant seules ou en colocation et sans enfant sont plus enclines à obtenir un nouveau diplôme en début de vie active.
1.4. Un effet des débuts de parcours professionnels
14Parmi les jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme en début de vie active, 91 % déclarent avoir suivi une formation pour l’obtenir. Trois mois avant le début de cette formation, 48 % étaient en emploi, 22 % en recherche d’emploi, 19 % étaient déjà en formation (pour obtenir un autre diplôme ou en fin de formation initiale pour ceux dont la formation à ce diplôme ne s’est pas faite dans un établissement scolaire) et 11 % dans une autre situation (de l’inactivité notamment). Ceci souligne des logiques de reprises d’études très différenciées selon les difficultés d’insertion professionnelle rencontrées par les jeunes à leur entrée dans la vie active.
15On s’intéresse maintenant à l’influence du début de parcours professionnel sur la probabilité d’obtenir un nouveau diplôme dans les six premières années de vie active, à caractéristiques scolaires et socio-démographiques égales par ailleurs (modèle 1 en annexe). Ainsi, les jeunes qui ont été majoritairement dans une situation hors de l’emploi, la recherche d’emploi ou la formation (c’est-à-dire inactivité, service civique, démarches de création d’entreprise, etc.) durant leurs six premiers mois de vie active sont significativement les plus enclins à obtenir un nouveau diplôme à profil égal par ailleurs, suivis par ceux qui ont connu sur cette période une situation favorable sur le marché du travail (situation d’emploi majoritaire). A contrario, ceux qui ont été majoritairement en recherche d’emploi lors de leurs débuts sur le marché du travail ont la probabilité la plus faible. À noter que, parmi les caractéristiques prises en compte dans le modèle, est inclus le fait d’habiter en Île-de-France à la fin des études car cette région propose une offre d’emplois plus importante que d’autres régions, mais cela ne semble pas influencer la probabilité d’obtenir un nouveau diplôme.
2. Qui sont les jeunes qui se réorientent par rapport à leur formation initiale ?
16Seuls 40 % des jeunes jugent que le nouveau diplôme qu’ils ont obtenu relève du même domaine que celui du dernier diplôme préparé en 2017 en formation initiale. Pour 21 % il s’agit au contraire en partie d’une réorientation professionnelle et, pour les 39 % restant, d’un changement total d’orientation (graphique 3). Les non diplômés de l’enseignement supérieur sont les plus nombreux à déclarer un changement d’orientation professionnelle : 52 % totalement et 26 % en partie. À l’opposé, 52 % des diplômés de niveau bac+5 et plus, et 51 % des jeunes quittant le système éducatif directement après leur baccalauréat considèrent que le nouveau diplôme obtenu ne correspond pas à un changement d’orientation professionnelle. Ces résultats sont confirmés à profil égal par ailleurs (modèle 2 en annexe).
Graphique 3. Changement d’orientation professionnelle entre le diplôme préparé juste avant la sortie des études en 2017 et celui obtenu en début de vie active

Note de lecture : parmi l’ensemble des jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme en début de vie active, 39 % déclarent que ce nouveau diplôme correspond à une réorientation totale par rapport au diplôme préparé à leur sortie du système éducatif en 2017.
Champ : jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme durant leurs six premières années de vie active.
Source : Céreq, enquête 2023 auprès de la Génération 2017
17Parmi les jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme lors de leurs six premières années de vie active, à profil égal par ailleurs (caractéristiques sociodémographiques, parcours scolaire et professionnel – voir modèle 2 en annexe), les jeunes sortants de formation dans un domaine industriel ou scientifique, ceux ayant arrêté leurs études parce qu’ils n’avaient pas trouvé d’employeur pour faire une alternance ou pour des raisons personnelles ou familiales et ceux qui avaient, pendant leurs études, une situation financière compliquée sont les plus concernés par une réorientation partielle ou totale. De même, les jeunes habitant seuls ou en colocation après 6 mois de vie active ont une probabilité d’avoir changé d’orientation plus importante. À l’inverse, les jeunes sortants d’un établissement privé et ceux n’ayant pas obtenu le diplôme préparé au moment de leur sortie du système éducatif en 2017 ont une propension plus faible à se réorienter. Le nouveau diplôme obtenu constitue ainsi certainement une poursuite de la formation qu’ils préparaient en 2017.
18En revanche, le genre, l’origine sociale et migratoire, le lieu de résidence à la fin des études, le fait d’avoir des enfants ou d’avoir fini sa formation initiale en alternance et le début de parcours professionnel ne semblent pas avoir d’effet significatif sur la probabilité que le nouveau diplôme obtenu corresponde à un changement d’orientation, au moins partiel.
3. Qui sont les jeunes qui obtiennent un nouveau diplôme de niveau supérieur ?
19Pour plus de la moitié des jeunes (57 %), le nouveau diplôme obtenu correspond à une élévation du niveau de diplôme acquis au moment de la fin des études ; dans 25 % des cas, il est équivalent au niveau antérieur atteint et pour 18 % des jeunes, il est de catégorie inférieure (graphique 4). On retrouve ici les résultats obtenus par Robert et Mora (2017), à partir de l’enquête Génération 2010 à 5 ans, montrant que dans la majorité des cas, les reprises d’études effectuées lors des premières années de vie active visent à compléter le parcours scolaire initial avec un nouveau diplôme situé à l’échelon directement supérieur dans la hiérarchie. Les non diplômés du secondaire ou titulaires d’un diplôme de niveau CAP se distinguent par une propension importante (82 %) à obtenir un nouveau diplôme de niveau supérieur. Les non diplômés du supérieur et les diplômés de niveau bac+2 sont également nombreux à déclarer l’obtention d’un diplôme de niveau supérieur (64-65 %). Les diplômés de bac+5 et plus sont, eux, les plus nombreux à se doter d’un second diplôme de même niveau (56 %).
Graphique 4. Niveau du diplôme obtenu au cours des 6 ans suivant la fin de la formation initiale selon le plus haut niveau de diplôme du jeune en 2017 (en %)

Note de lecture : pour 57 % de l’ensemble des jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme en début de vie active, ce nouveau diplôme est de niveau supérieur au plus haut diplôme détenu à leur sortie du système éducatif en 2017.
Note : le niveau de diplôme détenu en 2017 est comparé à celui obtenu au cours des 6 années de vie active selon 6 catégories de niveau : CAP, bac, bac+2, bac+3/4, bac+5, bac+8.
Champ : jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme durant les six premières années de vie active et dont le niveau du diplôme est renseigné.
Source : Céreq, enquête 2023 auprès de la Génération 2017.
20À profil égal par ailleurs (modèle logistique multinomial non présenté avec les mêmes caractéristiques prises en compte que dans le modèle 2 en annexe), les jeunes sortants de formation initiale avec un niveau inférieur ou égal au CAP et les diplômés de niveau bac+2 ont la probabilité la plus forte d’obtenir un nouveau diplôme de niveau supérieur. Les jeunes ayant quitté le système éducatif sans avoir obtenu le niveau de diplôme souhaité et ceux qui vivaient seuls ou en colocation en début de vie active ont également plus de chance d’obtenir un nouveau diplôme de niveau supérieur (plutôt qu’inférieur ou équivalent) à celui détenu en 2017. De plus, les jeunes dont le plus haut niveau de diplôme en 2017 est d’une spécialité scientifique ou industrielle, ceux en couple en début de vie active et les jeunes nés à l’étranger ont une propension plus élevée, à profil égal par ailleurs, que leur diplôme post-formation initial soit de niveau équivalent à celui détenu en 2017. À l’inverse pour les jeunes n’ayant pas obtenu le diplôme de fin de formation initiale, le nouveau diplôme est moins souvent de niveau équivalent. À profil égal par ailleurs, les jeunes sortants de formation par alternance obtiennent plus des diplômes de niveau supérieur ou égal et les personnes qui ont des enfants sont plus concernés par des diplômes de niveau inférieur ou égal. Enfin, l’origine sociale et le genre ne semblent pas avoir d’effet significatif sur le niveau du diplôme obtenu post formation initiale.
Conclusion
21Le nombre important de jeunes qui obtiennent un nouveau diplôme peu de temps après leur sortie du système éducatif témoigne d’une élévation du niveau de diplôme des jeunes au fil des premières années de vie active, soulignant la propension des jeunes générations à la formation tout au long de la vie. Cette étude montre ainsi que la notion d’échec dans l’enseignement secondaire et supérieur devrait être relativisée et nécessite d’être mesurée à distance de la première sortie de formation initiale. Ce phénomène est d’autant plus remarquable que cette étude se concentre sur les seules obtentions de nouveaux diplômes. Un halo d’autres mouvements de retours en formation est, de fait, laissé de côté dans cette étude : toutes les tentatives inabouties ou encore en cours d’obtention d’un nouveau diplôme, mais aussi d’autres formes de certifications (titres professionnels, CQP…).
22Les résultats mettent en évidence que tous les jeunes n’ont pas les mêmes chances d’obtenir un nouveau diplôme en début de vie active avec notamment un effet important du parcours scolaire, de la raison d’arrêt des études, du genre, de l’origine sociale mais aussi du début de parcours professionnel et de la situation familiale. D’autres études ont en effet montré l’importance du financement et de l’impact sur l’ensemble des sphères de la vie que peut avoir une reprise d’études dans les parcours (Borras et al., 2022).
23Si l’acquisition d’un diplôme post-formation initiale apparaît faire l’objet d’inégalités, le type de diplôme visé en termes de niveau d’études et de changement d’orientation professionnelle semble moins influencé par les caractéristiques des jeunes, en dehors de leur niveau de diplôme détenu à la fin de la formation initiale. Ainsi, le genre et l’origine sociale, s’ils jouent sur la probabilité d’obtenir un nouveau diplôme, n’influencent pas le niveau du diplôme post-initial ni une éventuelle réorientation par rapport au domaine de formation initiale des jeunes.
24Pour prolonger et approfondir les résultats de cette étude, il sera intéressant d’analyser également les reprises d’études des jeunes de cette génération qui n’ont pas abouti à l’acquisition d’un nouveau diplôme. L’échec à l’obtention du diplôme peut en effet être une conséquence d’inégalités non visibles dans cette étude.
Bibliographie
Bibliographie
Albandea, I. (2020). La perception des parcours d’études non linéaires par les recruteur.euse.s. L’orientation scolaire et professionnelle, 49(1), 37-66.
Borras, I., Bosse, N., Nakhili, N. & Robert, A. (2022). Reprendre des études : une affirmation de soi en tant qu’adulte. Dans T. Couppié, A. Dupray, C. Gasquet & E. Personnaz (Coord.), Chemins vers l’emploi et la vie adulte : l’inégalité des possibles (p. 118-127). Marseille : Céreq, coll. « Céreq Essentiels » (no 4).
Canals, V. & Landrier, S. (Coord.) (2020). Reprise d’études à l’université : quels publics, quelles finalités ? Marseille : Céreq, coll. « Céreq Échanges » (no 14).
Ferry, O. (2023). Eurostudent VII (2018-2021). Conditions de vie et d’études des étudiants en France et ailleurs en Europe avant la pandémie de Covid-19. OVE Infos, 47.
Mora, V. & Robert, A. (2017). Retours précoces sur la voie des diplômes : vers une formation « tout au long du début de la vie » ? Céreq Bref, 360.
Robert, A. (2020). Reprises d’études en début de vie active : acquérir un diplôme reste le graal. Céreq Bref, 396.
Van de Velde, C. (2015). Les voies de l’autonomie : les jeunes face à la crise en Europe. Regards, 48(2), 81-93.
Annexe
Modèle 1. Modèle logistique binaire estimant la probabilité d’avoir obtenu un nouveau diplôme lors des six premières années de vie active (odds-ratios)
Caractéristiques |
Odds-ratios |
|
Plus haut niveau de diplôme détenu en 2017 (Réf. : Bacheliers sortant du secondaire) |
Non diplômé du secondaire | ns |
CAP-BEP-Mention complémentaire | ns |
|
Non-diplômé du supérieur | ns |
|
BTS-DUT-Autre bac+2 | ns |
|
Bac+2/3/4 santé social | 0,395*** |
|
Bac+3/4 hors santé social | 0,798* |
|
Master et autre bac+5 | 0,439*** |
|
École de commerce et d’ingénieurs | 0,241*** |
|
Doctorat | ns |
|
Spécialité du plus haut diplôme (Réf : Littéraire ou tertiaire) | Sciences et technique ou industriel | 0,877* |
Genre (Réf. : Femme) | Homme | 0,714*** |
Dernière année de formation réalisée en alternance (Réf. : Non) | Oui | 0,824** |
Secteur de l’établissement de sortie de formation en 2017 (Réf. : Public) | Privé | 1,281*** |
Obtention du diplôme de fin d’études poursuivie (Réf. : Oui) | Non | ns |
Arrêt des études par lassitude (Réf. : Non) | Oui | 0,754*** |
Arrêt des études car niveau souhaité atteint (Réf. : Oui) | Non | 1,769*** |
Arrêt des études par résultats insuffisant pour continuer (Réf. : Non) | Oui | ns |
Arrêt des études par refus dans une formation ou échec à un concours (Réf. : Non) | Oui | 1,388*** |
Arrêt des études car pas trouvé d’employeur pour une formation en alternance (Réf. : Non) | Oui | ns |
Arrêt des études par formation souhaitée pas à proximité (Réf. : Non) | Oui | ns |
Arrêt des études pour raisons personnelles ou familiales (Réf. : Non) | Oui | ns |
Séjour à l’étranger en cours d’études (Réf. : Non) |
Oui | 1,152** |
Résidence en QPV à la sortie des études (Réf. : Non) | Oui | ns |
Résidence en Île-de-France à la sortie des études (Réf. : Non) | Oui | ns |
Indicateur de difficultés financières en cours d’études (Réf. : Non) | Oui | 0,835*** |
Situation d’habitat après 6 mois de vie active (Réf. : Chez les parents) |
En couple | ns |
Seul ou colocation | 1,164* |
|
Enfants avant 2018 (Réf. : Non) | Oui | 0,853* |
Origine sociale (Réf. : Ménage à dominante intermédiaire) |
Ménages avec deux parents cadres | ns |
Autres ménages à dominante cadre | ns |
|
Ménages à dominante employée | 0,755*** |
|
Ménages à dominante indépendante | 0,679*** |
|
Ménages à dominante ouvrière | 0,724*** |
|
Ménages d’un employé ou ouvrier | 0,619*** |
|
Ménages d’inactifs | 0,535*** |
|
Ne sait pas | 0,719* |
|
Origines étrangères (Réf. : Né en France avec un ou deux parents nés en France) |
Né en France avec deux parents nés à l’étranger | ns |
Né à l’étranger | ns |
|
Situation dominante lors des six premiers mois de vie active (Réf : Emploi) |
Autre situation (Inactivité, service civique, etc.) | 1,278*** |
Formation ou mixte | ns |
|
Recherche d’emploi | 0,828** |
Note de lecture : à profil égal par ailleurs, les jeunes sortis de formation initiale en 2017 avec comme plus haut niveau de diplôme un bac+2/3/4 dans le domaine de la santé et du social ont (1-0,395)*100=60,5 % de chances en moins d’avoir obtenu un nouveau diplôme lors de leurs six premières années de vie active que les jeunes de niveau baccalauréat n’ayant pas été dans l’enseignement supérieur.
Champ : ensemble des jeunes de l’enquête 2023 auprès de la Génération 2017.
Source : Céreq, enquête 2023 auprès de la Génération 2017.
Modèle 2. Modèle logistique binaire estimant la probabilité que le nouveau diplôme obtenu corresponde à une réorientation professionnelle (totale ou partielle) par rapport au diplômé préparé en fin de formation initiale (odds-ratios)
Caractéristiques |
Odds-ratios |
|
Plus haut niveau de diplôme détenu en 2017 (Réf. : Non diplômés du secondaire) |
Bacheliers sortants du secondaire | 0,526*** |
Non-diplômés du supérieur | 2,276*** |
|
Bac+2 | ns |
|
Bac+3/+4 | ns |
|
Bac+5 et plus | 0,542** |
|
Spécialité du plus haut diplôme (Réf : Littéraire ou tertiaire) |
Sciences et technique ou industriel | 1,578*** |
Genre (Réf. : Femme) |
Homme | ns |
Dernière année de formation réalisée en alternance (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Secteur de l’établissement de sortie de formation en 2017 (Réf. : Public) |
Privé | 0,761* |
Obtention du diplôme de fin d’études poursuivie (Réf. : Oui) |
Non | 0,63** |
Arrêt des études par lassitude (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Arrêt des études car niveau souhaité atteint (Réf. : Oui) |
Non | ns |
Arrêt des études par résultats insuffisant pour continuer (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Arrêt des études par refus dans une formation ou échec à un concours (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Arrêt des études car pas trouvé d’employeur pour une formation en alternance (Réf. : Non) |
Oui | 1,509* |
Arrêt des études par formation souhaitée pas à proximité (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Arrêt des études pour raisons personnelles ou familiales (Réf. : Non) |
Oui | 1,514** |
Séjour à l’étranger en cours d’études (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Résidence en QPV à la sortie des études (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Résidence en Île-de-France à la sortie des études (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Indicateur de difficultés financières en cours d’études (Réf. : Non) |
Oui | 1,783*** |
Situation d’habitat après 6 mois de vie active (Réf. : Chez les parents) |
En couple | ns |
Seul ou colocation | 1,909*** |
|
Enfants avant 2018 (Réf. : Non) |
Oui | ns |
Origine sociale (Réf. : Ménage à dominante intermédiaire) |
Ménages à dominante cadre | ns |
Ménages à dominante employée | ns |
|
Ménages à dominante indépendante | ns |
|
Ménages à dominante ouvrière | ns |
|
Ménages d’un employé ou ouvrier | ns |
|
Ménages d’inactifs | ns |
|
Ne sait pas | ns |
|
Origines étrangères (Réf. : Né en France avec un ou deux parents nés en France) |
Né en France avec deux parents nés à l’étranger | ns |
Né à l’étranger | ns |
|
Situation donimante lors des six premiers mois de vie active (Réf : Emploi) |
Autre situation (Inactivité, service civique, etc.) | ns |
Formation ou mixte | ns |
|
Recherche d’emploi | ns |
Note de lecture : à profil égal par ailleurs, parmi les jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme lors de leurs six premières années de vie active, ceux sortis non diplômés de l’enseignement supérieur en 2017 ont 2,276 fois plus de chances que leur nouveau diplôme corresponde à une réorientation professionnelle par rapport à leur formation initiale que les jeunes sortis non diplômés de l’enseignement secondaire.
Champ : jeunes ayant obtenu un nouveau diplôme lors des six premières années de vie active.
Source : Céreq, enquête 2023 auprès de la Génération 2017.
Notes de bas de page
1Origne sociale des jeunes définies selon la PCS ménage de l’Insee.
Auteur
-
Alexie Robert
Céreq.

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