Quel parcours d’insertion pour les jeunes d’origine modeste ayant pu accéder à l’alternance mais n’ayant pu obtenir leur diplôme ?
p. 257-270
Entrées d’index
Mots-clés : formation en alternance, non diplômé, insertion professionnelle, enquête Génération, origine sociale
Keywords : sandwich training, non graduate, school-to-work transition, Generation survey, origine sociale
Texte intégral
Introduction
1En France, l’insertion professionnelle des jeunes les plus précaires reste, depuis de nombreuses années, une priorité des politiques publiques. Les gouvernements successifs ont mis en place différentes mesures pour faciliter l’entrée de ces jeunes sur le marché du travail, telles que le développement massif de l’alternance, les aides à l’embauche, ainsi que le lancement du plan « 1 jeune, 1 solution » en 2020, visant à accompagner les jeunes de 16 à 25 ans, notamment dans le contexte de la crise sanitaire. Ces jeunes proviennent souvent de milieux modestes, d’origine immigrée, ou encore de quartiers défavorisés, et peuvent cumuler plusieurs de ces caractéristiques.
2Des études récentes ont montré que l’origine sociale influence fortement les parcours scolaires des jeunes, ceux issus de milieux moins favorisés ayant davantage de difficultés à accéder à des niveaux d’études élevés. Cela complique également leur insertion sur le marché du travail, engendrant ainsi des inégalités professionnelles (Dabet, Epiphane & Personnaz, 2024). L’accès à l’apprentissage, historiquement sélectif, notamment dans les formations professionnelles de l’enseignement secondaire, s’est considérablement élargi ces deux dernières décennies, notamment dans l’enseignement supérieur. Cette évolution a permis une meilleure insertion professionnelle pour les jeunes sortant d’une formation en alternance par rapport à ceux ayant suivi une formation exclusivement scolaire, qu’ils viennent d’un milieu modeste ou favorisé (Ilardi & Lercari, 2024). De plus, il a été démontré que les jeunes résidant en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ayant suivi une formation en alternance ont autant de chances d’accéder à un emploi stable que leurs pairs (Personnaz & Sawadogo, 2024).
3L’effet bénéfique de l’apprentissage et, plus généralement, de l’alternance est largement documenté dans la littérature. Toutefois, l’impact de l’alternance sur les parcours professionnels des jeunes ayant échoué à obtenir leur diplôme reste encore peu exploré. L’objectif de ce travail est de prolonger ces réflexions en s’intéressant aux parcours professionnels de ces jeunes, en portant une attention particulière sur ceux issus de milieux modestes ayant suivi la voie de l’apprentissage, mais n’ayant pas obtenu leur diplôme. Il apparaît pertinent d’analyser les premières années de leur vie active, notamment pour ceux qui, bien qu’ayant signé un contrat d’apprentissage pour préparer leur diplôme, sortent du système éducatif sans cette diplomation. Nous chercherons ainsi à évaluer si leur expérience en apprentissage a un impact positif ou non sur leur parcours professionnel, et à déterminer si cet impact varie en fonction du niveau de diplôme, et, le cas échéant, dans quelle mesure.
4Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux profils de ces jeunes apprentis non diplômés, en les comparant à la fois avec ceux ayant obtenu leur diplôme et avec ceux ayant suivi la voie scolaire au prisme de l’origine sociale. Dans un second temps, nous analyserons leurs débuts de parcours et la situation professionnelle à l’issue de leurs trois premières années de vie active.
1. Le profil des jeunes qui suivent leur formation par apprentissage sans décrocher leur diplôme
1.1. Une sélection à l’entrée de formation en apprentissage davantage marquée dans l’enseignement secondaire
5L’apprentissage s’est considérablement développé dans l’enseignement supérieur depuis les années 1990, avec une accélération notable au cours des deux dernières décennies. La loi du 5 septembre 2018 a également joué un rôle clé en harmonisant les régimes et les conditions d’exécution de l’apprentissage, notamment en repoussant la limite d’âge à 29 ans (contre 25 ans auparavant).
6Cependant, l’apprentissage reste principalement présent dans l’enseignement secondaire professionnel, en particulier dans les formations de CAP et de baccalauréat professionnel, où un tiers des jeunes de notre échantillon (33 %) suivent cette voie, contre seulement 17 % parmi les sortants de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, au niveau secondaire, l’apprentissage est majoritairement masculin (71 % d’hommes contre 29 % de femmes), et il est plus représenté dans les spécialités industrielles, où la part des hommes demeure élevée. En revanche, dans l’enseignement supérieur, les femmes représentent 40 % des étudiants en apprentissage.
7Les parcours scolaires des jeunes restent largement influencés par leurs caractéristiques socio-démographiques (tableau 1). En effet, plus de 80 % des jeunes issus de milieux sociaux favorisés, à dominante cadre ou intermédiaire, terminent leurs études dans l’enseignement supérieur, tandis que moins d’un jeune sur deux (45 %) provenant de ménages à dominante ouvrière ou employée parvient à ce niveau.
8De plus, à diplôme comparable, les jeunes issus de milieux sociaux moins favorisés, tels que ceux provenant de foyers d’employés, d’ouvriers ou de parents inactifs, ont moins souvent accès à l’apprentissage. Ce phénomène est particulièrement marqué au niveau secondaire : 40 % des élèves issus de milieux cadres ou intermédiaires choisissent l’apprentissage, contre 33 % pour ceux provenant de ménages ouvriers ou employés et 23 % pour ceux issus de foyers d’inactifs. Ces écarts tendent à se réduire parmi ceux qui poursuivent leurs études dans l’enseignement supérieur (graphique 1). En outre, les jeunes issus de ménages à dominante indépendante ont également plus fréquemment accès à l’apprentissage.
9Les jeunes d’origine immigrée sont moins représentés dans les formations préparées par apprentissage. En effet, 19 % de ceux ayant au moins un parent né en France suivent une formation en apprentissage, contre 26 % pour ceux dont les deux parents sont nés en France. Cependant, cet écart est plus marqué dans l’enseignement secondaire, où il atteint 10 points (26 % des jeunes issus de l’immigration choisissent l’apprentissage, contre 36 % pour les jeunes Français d’origine). En revanche, la différence se réduit considérablement dans l’enseignement supérieur, où elle n’est que de 3 points (respectivement 15 % et 18 %).
Graphique 1. Répartition des apprentis et des scolaires selon le niveau de sortie et l’origine sociale (en %)

Lecture : parmi les sortants de l’enseignement secondaire, 33 % des jeunes issus d’un ménage à dominante employée ou ouvrière sont apprentis.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
1.2. Impact de l’apprentissage sur la réussite scolaire : des bénéfices pour les jeunes issus de milieux modestes uniquement à la sortie de l’enseignement supérieur
10Parmi les jeunes sortants de l’enseignement supérieur, les apprentis ont un meilleur taux de réussite à l’examen que ceux ayant préparé leur diplôme par voie scolaire puisque 82 % d’entre eux obtiennent leur diplôme contre 68 % des autres ; les sortants d’un BTS-DUT ayant le taux de réussite le plus faible (64 % pour les scolaires, 69 % pour les apprentis). Par ailleurs, moins d’un quart de ceux qui sortent de leur formation sur un échec sortent d’une année non terminale (21 %) alors que c’est le cas pour un étudiant sur deux par voie scolaire.
11Cependant, ce constat est beaucoup moins prononcé au niveau secondaire où les apprentis sont à peine plus nombreux que les autres (+2 points) à obtenir leur diplomation, et les sortants non diplômés de l’apprentissage sont là encore moins nombreux que les scolaires à sortir d’une année non terminale. Il s’agit alors principalement de bacheliers professionnels, ces différences étant moins observables pour les sortants de CAP-BEP. On constate également que le taux de réussite au diplôme des apprentis est plus élevé que celui des scolaires pour les hommes comme pour les femmes.
12D’un point de vue des origines sociales, des inégalités s’observent tant entre les apprentis et les scolaires (graphique 2). En effet, quelle que soit leur origine sociale, les jeunes en apprentissage obtiennent plus fréquemment le diplôme qu’ils ont préparé que ceux ayant suivi la voie scolaire. Toutefois, cette tendance ne s’applique pas aux jeunes issus de milieux d’employés ou d’ouvriers, préparant un diplôme du secondaire, pour lesquels l’apprentissage ne semble pas offrir d’avantages en termes de réussite scolaire. En revanche, les jeunes issus de foyers de deux inactifs réussissent davantage leur diplôme du secondaire lorsqu’ils optent pour l’apprentissage.
13Cette plus-value de l’apprentissage en termes de réussite scolaire se révèle particulièrement marquée dans l’enseignement supérieur, où l’écart de taux de réussite entre les apprentis et les scolaires varie de 11 à 21 points, selon les milieux sociaux des jeunes. Les jeunes originaires des milieux les moins favorisés (foyers d’employés ou d’ouvriers ou dont les parents sont inactifs) tirent le plus grand bénéfice de cette modalité de formation. En effet, 80 % des jeunes issus de milieux où les parents sont employés ou ouvriers obtiennent leur diplôme dans l’enseignement supérieur grâce à l’apprentissage, contre seulement 62 % pour leurs pairs ayant suivi la voie scolaire (respectivement 81 % et 60 % pour les jeunes issus d’un milieu dont les parent sont inactifs).
Graphique 2. Taux de réussite au diplôme préparé selon l’origine sociale, le niveau et la voie de formation (en %)

Lecture : parmi les sortants de l’enseignement secondaire, 71 % des jeunes apprentis issus d’un milieu de cadre ou de professions intermédiaires ont obtenu le diplôme qu’ils préparaient.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
2. L’insertion professionnelle des apprentis non diplômés en début de parcours
2.1. Une insertion sur le marché du travail plus rapide et plus stable pour les apprentis, même lorsqu’ils ne décrochent pas leur diplôme
2.1.1. Le maintien dans l’entreprise de formation facilite l’accès à l’emploi
14De nombreuses études (Couppié & Gasquet, 2021) ont démontré que l’alternance permettait une entrée plus rapide sur le marché de travail à la sortie de formation initiale. Ce constat est confirmé à travers les trois générations étudiées : tant au niveau secondaire que supérieur, les jeunes ayant suivi une formation en apprentissage accèdent à leur premier emploi plus tôt que ceux ayant suivi un cursus scolaire classique (respectivement 3 et 2 mois plus tôt). Même les apprentis qui n’ont pas obtenu leur diplôme conservent cet avantage par rapport à leurs pairs issus de la voie scolaire.
15À l’issue d’une formation en apprentissage, les jeunes sont en effet plus susceptibles que les scolaires de débuter dans une entreprise pour laquelle ils avaient déjà travaillé, notamment celle qui les a formés (Couppié & Gasquet, 2018). Ainsi, 29 % d’entre eux connaissent déjà l’entreprise de leur premier emploi (dont 21 % y avaient effectué un apprentissage), contre 21 % des sortants de voie scolaire, qui ont pu y réaliser des stages. Néanmoins, le maintien des apprentis dans l’entreprise qui les a formés est moins fréquent parmi ceux qui n’ont pas obtenu leur diplôme : 90 % de ces derniers commencent alors dans une nouvelle entreprise, contre 74 % des diplômés, sans que l’on sache s’ils ne sont pas maintenus faute d’avoir obtenu leur diplôme, ou s’ils n’ont pas obtenu ce dernier, faute d’être resté dans l’entreprise (par exemple à la suite d’une rupture de contrat).
16Les sortants du supérieur sont deux fois plus nombreux à travailler dans l’entreprise qui les a formés que ceux du secondaire (29 % contre 16 %), mais les non-diplômés y sont presque autant pénalisés. Par ailleurs, les jeunes apprentis issus de ménages à dominante cadre ou intermédiaire qui n’ont pas obtenu leur diplôme semblent un peu mieux se maintenir que ceux issus de ménages ouvriers ou employés.
17Les apprentis non diplômés dont le contrat n’est pas prolongé accèdent à leur premier emploi en moyenne deux mois et demi plus tôt que leurs homologues issus de la voie scolaire à la sortie du secondaire, et deux mois plus tôt à la sortie du supérieur. Dans les deux cas, ils accèdent ainsi à l’emploi presque aussi rapidement que les diplômés de la voie scolaire. Que les alternants aient validé leur diplôme ou non à la sortie du secondaire, ceux issus de milieux moins favorisés qui quittent leur entreprise d’apprentissage trouvent un emploi aussi rapidement que ceux issus de milieux plus favorisés, contrairement aux anciens scolaires. Dans l’enseignement supérieur, les apprentis non diplômés d’origine favorisée sont légèrement désavantagés, car ils accèdent au marché du travail un mois plus tard que leurs pairs issus de milieux moins favorisés.
2.1.2. Un accès à l’EDI au premier emploi très marqué par l’origine sociale à tout niveau de sortie
18S’ils accèdent plus rapidement à l’emploi à la sortie des études, les apprentis débutent aussi plus souvent que les scolaires par un emploi à durée indéterminée (EDI), soit en tant que non-salarié, fonctionnaire ou en contrat à durée indéterminée (tableau 2). À la sortie du supérieur, même les jeunes ayant échoué à obtenir leur diplôme profitent de cet avantage, puisque plus d’un tiers d’entre eux (36 %) débutent leur carrière par un EDI, contre seulement 26 % des jeunes scolaires non diplômés. Dans l’enseignement secondaire, seuls les apprentis diplômés bénéficient de cet avantage, avec 37 % d’entre eux obtenant un EDI dès leur premier emploi, tandis que les jeunes non diplômés en apprentissage présentent des taux similaires à ceux des scolaires, diplômés ou non.
19À la sortie du secondaire, l’alternance réduit les inégalités d’accès à l’EDI dès le premier emploi entre les jeunes d’origine modeste et ceux d’origine favorisée qui ont obtenu leur diplôme, mais les creuse pour les jeunes sortants de leur formation sur un échec. Pour les sortants du supérieur, ces écarts ne se réduisent que pour les apprentis diplômés, mais ne varient pas pour les autres.
2.2. Insertion professionnelle des jeunes : les effets contrastés de l’alternance selon le parcours et l’origine sociale
2.2.1. Les apprentis sont un peu moins protégés du chômage lorsqu’ils n’obtiennent pas leur diplôme
20L’alternance favorise une insertion professionnelle plus rapide et de meilleure qualité, tout en offrant une meilleure protection contre le chômage (Cart, Léné & Toutin, 2018), que ce soit à la sortie des études ou plus tard dans le parcours professionnel. En effet, 34 % des apprentis du secondaire et 53 % de ceux du supérieur n’ont pas connu de période de chômage pendant leurs trois premières années d’activité, contre respectivement 25 % et 42 % des jeunes sortis de la voie scolaire.
21Cependant, les jeunes ayant interrompu leurs études sans obtenir leur diplôme préparé en alternance sont moins protégés à la sortie du secondaire : 78 % d’entre eux ont ainsi connu au moins une période de chômage, soit autant que les jeunes scolaires dans la même situation. Toutefois, ils passent moins de temps au chômage que leurs homologues, qui passent quant à eux plus de temps en inactivité, et sont plus enclins à reprendre des études ou une formation. Ainsi, les anciens apprentis non diplômés du secondaire passent plus de temps en emploi que les anciens scolaires : en moyenne 54 % de leurs trois premières années sur le marché du travail, contre 37 % pour les autres.
22Quant aux diplômés du supérieur ayant suivi un parcours en alternance, même s’ils n’ont pas obtenu leur dernier diplôme, ils sont moins fréquemment confrontés au chômage : 56 % d’entre eux, contre 61 % des jeunes scolaires dans la même situation. En conséquence, ils ont passé davantage de temps en emploi (82 % de leur temps en moyenne, contre 66 % pour les scolaires). Leur situation se rapproche ainsi de celle des diplômés du système scolaire classique, parmi lesquels 57 % ont cherché un emploi et qui ont travaillé en moyenne 82 % de leur temps.
23Parmi les jeunes sortants du secondaire, ceux issus de milieux modestes qui n’ont pas obtenu leur diplôme de fin d’études sont plus nombreux que ceux provenant de milieux plus favorisés à avoir connu au moins une période de chômage, quel que soit leur mode de formation. Cependant, lorsqu’ils ont suivi une formation en alternance, ils passent plus de temps en emploi que ceux qui ont suivi la voie scolaire (51 % de leur temps contre 35 %), bien que cet écart soit moins marqué chez les jeunes issus de familles plus aisées (57 % du temps en emploi après une alternance contre 48 % après un parcours scolaire), de sorte que les écarts diminuent.
24À la sortie du supérieur, les apprentis provenant de milieux ouvriers ou employés rencontrent plus souvent le chômage que ceux ayant suivi une formation scolaire (62 % contre 66 %). En revanche, les alternants issus de parents cadres ou de professions intermédiaires y sont un peu moins confrontés que leurs pairs (50 % contre 56 %). Néanmoins, les alternants non diplômés d’origine modeste connaissent à nouveau des parcours davantage marqués par l’emploi que ceux ayant suivi un parcours scolaire dans la même situation.
2.2.2. Plus d’emplois trois ans après les sorties des études pour les apprentis, mais dont la qualité varie selon la réussite au diplôme et l’origine sociale
25Ainsi, trois ans après la fin de leurs études, les anciens apprentis sont plus fréquemment en emploi : 67 % de ceux issus du secondaire et 88 % de ceux issus du supérieur, contre 51 % et 76 % respectivement pour des scolaires (tableau 3). Les jeunes qui n’ont pas obtenu leur dernier diplôme bénéficient eux aussi de cette prime de l’alternance, notamment lorsqu’ils sont sortis du supérieur (12 points d’écart en faveur des apprentis pour ceux du secondaire et 19 points d’écart pour ceux du supérieur).
26Parmi les apprentis non diplômés sortis du secondaire, des inégalités selon l’origine sociale se dessinent tout de même : les jeunes les moins favorisés connaissent un taux d’emploi relativement faible (49 %), tandis que ceux issus de ménages plus aisés sont 63 % à être en emploi à cette date. Ces écarts sont néanmoins moins marqués que chez les scolaires non diplômés (dont 56 % des enfants de cadres ou profession intermédiaires et 39 % des enfants d’ouvriers ou d’employés sont en emploi).
27Dans le supérieur en revanche, les apprentis non diplômés issus de milieux moins aisés affichent un taux d’emploi assez élevé, autour de 80 %, assez proche de celui des diplômés par voie scolaire issus du même milieu social (et même +17 points par rapport aux scolaires non diplômés). À voie de formation et réussite au diplôme données, les écarts selon l’origine sociale sont plus faibles que dans le secondaire et varient peu (entre 3 et 6 points à chaque fois).
28Parmi les jeunes en emploi à ce moment-là, environ la moitié des anciens apprentis du secondaire qui n’ont pas obtenu leur diplôme et les trois quarts de leurs homologues du supérieur sont en EDI, soit à chaque fois autant que les jeunes sortis diplômés de voie scolaire (les sortants non diplômés de la voie scolaire étant les plus pénalisés, aussi bien dans le secondaire que dans le supérieur).
29Les apprentis diplômés du secondaire ont aussi accès à l’EDI au terme de leurs trois premières années de vie active peu importe le milieu social dont ils proviennent. En revanche, lorsqu’ils sortent non diplômés de l’alternance, même s’ils accèdent à l’emploi, les jeunes les plus modestes sont plus pénalisés que leurs homologues issus d’un milieu plus favorisé (44 % d’entre eux sont en EDI contre 59 % pour les autres). Ils ont quand même un taux d’EDI similaire à celui des scolaires non diplômés issus d’un milieu social favorisé.
30À la sortie du supérieur, les jeunes ayant obtenu leur diplôme par alternance ont des taux d’EDI relativement proches indépendamment de leur origine sociale. Néanmoins, des différences notables apparaissent selon l’échec ou la réussite de leur parcours pour les apprentis les plus modestes, et pas pour les plus aisés, de sorte que les premiers qui n’ont pas obtenu leur diplôme ont une proportion d’EDI bien plus faible que leurs pairs issus de foyers de cadres ou de professions intermédiaires, avec un écart de 17 points.
31Quel que soit le niveau de sortie, le salaire médian des alternants qui sont en emploi trois ans après la fin de leurs études est plus élevé que celui des jeunes ayant suivi un parcours scolaire. Les sortants du secondaire qui n’ont pas obtenu leur diplôme bénéficient autant de cette prime de l’apprentissage que ceux qui ont validé leur formation. Les sortants de l’enseignement supérieur en profitent également, mais un peu moins que les diplômés.
32Chez les jeunes sortants du secondaire, l’avantage de l’alternance est constaté aussi bien chez ceux dont les parents sont ouvriers ou employés que chez ceux issus de milieux cadres ou de professions intermédiaires. Cependant, les différences de salaire en fonction de l’origine sociale se creusent chez les apprentis : les jeunes issus de milieux favorisés en tirent davantage parti que ceux d’origine plus modeste. À l’inverse, les jeunes non diplômés d’une formation du supérieur d’origine modeste profitent légèrement plus de cette prime de l’apprentissage, sans pour autant rattraper leurs homologues d’origine plus aisée.
Tableau 1. Situation professionnelle au terme des trois premières années de vie active selon la voie de formation et l’obtention du diplôme
Taux d’emploi trois ans après la sortie des études (en %) | Part de jeunes en EDI parmi ceux en emploi trois ans après la sortie des études (en %) | Salaire médian de ceux en emploi trois ans après la sortie des études, arrondi à la centaine d’euros | ||||
01 - Secondaire | 02 - Superieur | 01 - Secondaire | 02 - Superieur | 01 - Secondaire | 02 - Superieur | |
Voie scolaire - Non diplômé | 40 | 65 | 42 | 59 | 1 200 | 1 400 |
Voie scolaire - Diplômé | 63 | 83 | 51 | 74 | 1 300 | 1 700 |
Alternance - Non diplômé | 53 | 84 | 48 | 76 | 1 300 | 1 500 |
Alternance - diplômé | 75 | 89 | 69 | 87 | 1 400 | 1 900 |
Voie scolaire | 54 | 78 | 48 | 70 | 1 200 | 1 600 |
Alternance | 67 | 88 | 62 | 85 | 1 400 | 1 800 |
Lecture : trois ans après la sortie des études, environ 67 % des alternants sortis du secondaire sont en emploi, et 62 % de ces derniers sont en emploi à durée indéterminée.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
33Quelles que soient leur voie de formation ou leur réussite au diplôme, les jeunes en emploi sortis du secondaire sont aussi peu souvent cadres ou professions intermédiaires (moins de 15 % à chaque fois), mais plutôt ouvriers, notamment les anciens alternants (56 %, et 40 % des scolaires), ou employés (resp. 27 % et 41 %). L’obtention du diplôme de sortie joue alors assez peu (seuls les scolaires non diplômés sont alors un peu moins souvent employés et un peu plus ouvriers). Chez les sortants du supérieur, au contraire, les jeunes qui n’ont pas obtenu leur dernier diplôme sont pénalisés : ils sont trois fois moins souvent cadres que les homologues (10 % des alternants comme des scolaires, contre 27 et 28 %). Les anciens alternants dans ce cas sont aussi moins fréquemment professions intermédiaires que les diplômés, ce qui n’est pas le cas pour les scolaires. Quand ils sortent non diplômés d’une formation préparée en alternance, les jeunes occupent plus des emplois d’ouvriers que leurs pairs diplômés, tandis que ceux qui n’ont pas obtenu un diplôme à l’issue de la voie scolaire sont plus souvent employés.
34Les jeunes d’origine favorisée non diplômés d’une formation du secondaire préparée par voie scolaire sont aussi souvent ouvriers ou employés que leur homologue d’origine modeste (83 % dans les deux). C’est un peu moins vrai pour les alternants dans le même cas : 76 % de ceux dont les parents sont cadres ou professions intermédiaires sont dans cette situation, contre 84 % de ceux issus de ménages ouvriers ou employés, mais ces écarts sont beaucoup moins marqués que parmi les sortants non diplômés du supérieur. Pour ces derniers, les jeunes issus de ménage plus aisés sont 1,3 fois moins souvent employés ou ouvriers que leurs homologues plus modestes. Ces écarts sont constants selon le mode de formation.
3. L’effet du passage par l’apprentissage sur l’insertion professionnelle pour les non diplômés
35Le tableau 2 présente les résultats obtenus à partir de plusieurs modèles économétriques (régressions logistiques) estimés séparément afin de vérifier si le passage par l’apprentissage apporte une plus-value significative sur le parcours professionnel des jeunes qui ont suivi cette voie même s’ils n’ont pas obtenu leur diplôme de sortie1 au regard de l’origine sociale.
36Ainsi, le modèle 1 est restreint aux jeunes non diplômés (apprentissage et voie scolaire) et qui sont issus d’un ménage à dominante employée ou ouvrière. Le champ du modèle 2 est limité aux jeunes non diplômés comme pour le modèle 1 mais qui sont issus d’un ménage à dominante cadre ou intermédiaire. Les modèles 3 et 4 sont construits de manière analogue que les précédents mais pour les sortants du supérieur.
Tableau 2. Effet de l’apprentissage sur la probabilité d’être en emploi au terme de leurs trois premières années sur le marché du travail (à la date d’enquête) et sur la probabilité d’être en EDI (parmi ceux en emploi)
OR2 de l’apprentissage sur la probabilité d’être en emploi à la date de l’enquête (réf = scolaires) |
OR de l’apprentissage sur la probabilité d’être en EDI à la date de l’enquête (réf = scolaires) |
||
Sortants non diplômés du secondaire | Issu d’un ménage à dominante employée ou ouvrière (modèle 1) | 1,4*** | 1,4*** |
Issu d’un ménage de cadres ou de PI (modèle 2) | ns | 1,7** | |
Sortants non diplômés du supérieur | Issu d’un ménage à dominante employée ou ouvrière (modèle 3) | 2,2*** | 1,3* |
Issu d’un ménage de cadres ou de PI (modèle 4) | 2,2*** | 2,4*** |
* significatif à 10 %, ** à 5 % et *** à 1 %, non significatif (ns).
Lecture : parmi les sortants non diplômés du secondaire et dont les parents sont employés ou ouvriers, les apprentis ont 1,4 chances de plus d’être en emploi à la date de l’enquête que les jeunes ayant suivi leur formation par voie scolaire.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
37Les jeunes apprentis non diplômés du secondaire issus de milieux modestes bénéficient de meilleures conditions d’insertion que leurs homologues de la voie scolaire, toutes choses égales par ailleurs. Ils ont ainsi plus de chances d’être en emploi trois ans après la fin de leur formation mais aussi d’occuper un emploi à durée indéterminée. À ce niveau de formation, les apprentis provenant d’un milieu favorisé et n’ayant pas obtenu leur diplôme n’ont pas forcément plus de chances que ceux en échec de la voie scolaire d’être en emploi à 3 ans, même lorsqu’ils le sont, ils ont plus de chances d’être en EDI. Dans l’enseignement supérieur, quelle que soit l’origine sociale, être passé par l’apprentissage même sans avoir validé le diplôme, apporte un avantage aux apprentis, ces derniers ayant plus de 2 fois plus de chances que les scolaires non diplômés d’être en emploi.
38Afin de mesurer l’effet de l’origine sociale, les modèles 5 et 6 sont estimés uniquement sur les apprentis non diplômés séparément pour chaque niveau de diplôme. Il en ressort que, dans le secondaire, des inégalités sociales apparaissent pour les apprentis n’ayant pas obtenu leur diplôme puisque les jeunes les plus modestes ont moins de chances d’être en emploi que ceux de milieux favorisés et même s’ils en occupent un, ils ont là encore une probabilité moindre d’être en EDI. En revanche, s’ils ont suivi une formation du supérieur, même s’ils n’ont pas obtenu leur diplôme de fin d’études, les apprentis les moins bien dotés ont autant de chances que ceux venant d’un milieu plus aisé d’accéder à l’emploi ; ils conservent cette plus-value de l’apprentissage. Cependant, lorsqu’ils occupent un emploi, ils ont moins de chances que les autres d’occuper un EDI.
Tableau 3. Effet de l’origine sociale sur la probabilité d’être en emploi au terme de leurs trois premières années sur le marché du travail (à la date d’enquête) et sur la probabilité d’être en EDI (parmi ceux en emploi)
OR de l’origine sociale sur la probabilité d’être en emploi à la date de l’enquête (réf = ménage à dominante cadre ou intermédiaire) |
OR de l’origine sociale sur la probabilité d’être en EDI à la date de l’enquête (réf = ménage à dominante cadre ou intermédiaire) |
|
Apprentis non diplômés du secondaire (modèle 5) | 0,6*** | 0,7** |
Apprentis non diplômés du supérieur (modèle 6) | ns | 0,5*** |
* significatif à 10 %, ** à 5 % et *** à 1 %, non significatif (ns).
Lecture : Parmi les apprentis non diplômés du secondaire, les jeunes provenant d’un milieu d’employés ou d’ouvriers ont une probabilité réduite de 40 % d’être en emploi par rapport à ceux dont les parents sont cadres ou professions intermédiaires.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
Conclusion
39Même si l’accès à l’apprentissage n’est pas neutre du point de vue des origines sociales, les jeunes qui parviennent à y accéder bénéficient d’une plus-value de cette voie de formation aussi bien dans le secondaire que dans le supérieur, s’ils obtiennent leur diplôme ou non comparés aux jeunes scolaires. L’alternance apporte ainsi une plus-value en termes de réussite scolaire notamment pour les apprentis d’origine modeste dans le supérieur.
40De plus, lorsqu’ils sortent diplômés de cette voie de formation, l’apprentissage permet également de réduire les inégalités sociales principalement dans l’enseignement supérieur. Cependant, des disparités s’observent selon le niveau de diplôme pour les apprentis non diplômés. Dans l’enseignement secondaire, les apprentis non diplômés les moins favorisés restent désavantagés comparativement à leurs pairs provenant de milieux plus aisés en termes d’insertion. Dans le supérieur, ces derniers bénéficient d’une prime de l’apprentissage bénéficiant d’une meilleure insertion que les scolaires diplômés provenant d’un milieu cadre ou intermédiaire. Les jeunes étant passés par l’apprentissage, même s’ils sortent sans obtenir leur diplôme, bénéficient toujours d’un avantage comparé aux jeunes non diplômés de la voie scolaire, et ce, quel que soit le niveau de sortie.
Bibliographie
Cart, B., Léné, A. & Toutin, M.-H. (2018). L’apprentissage favorise-t-il toujours l’insertion professionnelle ? Dans T. Couppié, A. Dupray, D. Épiphane & V. Mora (coord.), 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes : entre permanences et évolutions (p. 109-116). Marseille : Céreq, coll. « Essentiels » (no 1).
Couppié, T. & Gasquet, C. (2021). Débuter en CDI : le plus des apprentis. Céreq Bref, 406.
Couppié, T. & Gasquet, C. (2018). Comment l’apprentissage favorise-t-il l’insertion professionnelle des CAP-BEP ? Formation Emploi, 142, 35-56.
Dabet, G., Epiphane, D. & Personnaz, E. (2024). Origine sociale, diplôme et insertion : la force des liens. Céreq Bref, 452.
Ilardi V. & Lercari L. (2024). L’accès à l’apprentissage et l’insertion professionnelle des apprentis selon l’origine sociale. Dans ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France (EESRI).
Personnaz E. & Sawadogo A. F. W (2024). L’alternance, un plus pour les jeunes des QPV, à condition d’y accéder. Céreq Bref, 455.
Annexe
Tableau A. Répartition des jeunes selon l’origine sociale, le niveau de la classe de sortie et la voie de formation (en %)
Sortants du secondaire |
Sortants du supérieur |
Total |
|||
Origine sociale (PCS ménage) |
Scolaires |
Apprentis |
Scolaires |
Apprentis |
|
Ménages à dominante cadre ou intermédiaire |
11 |
8 |
67 |
14 |
100 |
Ménages à dominante employée ou ouvrière |
37 |
18 |
38 |
7 |
100 |
Ménages à dominante indépendante |
29 |
17 |
44 |
11 |
100 |
Ménages d’inactifs |
50 |
15 |
31 |
4 |
100 |
PCS non connue |
46 |
20 |
29 |
5 |
100 |
Lecture : parmi les jeunes issus d’un milieu social à dominante cadre ou intermédiaire, 11 % sortent de l’enseignement secondaire par voie scolaire.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
Tableau B. Temps moyen d’accès au premier emploi (en mois)
Sortants du secondaire |
Sortants du supérieur |
Ensemble des sortants |
|
Scolaire non diplômé | 10 |
5 |
7 |
Scolaire diplômé | 6 |
3 |
4 |
Ensemble des scolaires | 8 |
4 |
5 |
Apprenti non diplômé | 7 |
3 |
6 |
Apprenti diplômé | 3 |
2 |
3 |
Ensemble des apprentis | 5 |
2 |
4 |
Lecture : en moyenne, les sortants de voie scolaire accèdent à leur premier emploi 5 mois après la fin de leurs études, contre 4 mois pour les sortants d’apprentissage.
Champ : sortant de formation initiale en 2010,2013 ou 2017 ayant eu au moins un emploi durant leurs trois premières années de vie active.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
Tableau C. Part des jeunes qui débutent par un emploi en EDI selon l’origine sociale, le niveau de la classe de sortie et la voie de formation (en %)
Niveau de sortie |
PCS ménage des parents |
Scolaire non diplômé |
Scolaire diplômé |
Apprenti non diplômé |
Apprenti diplômé |
Ménages à dominante cadre ou intermédiaire | 27 |
28 |
28 |
38 |
|
Secondaire | Ménages à dominante employée ou ouvrière | 19 |
19 |
20 |
36 |
Ensemble | 21 |
22 |
20 |
37 |
|
Ménages à dominante cadre ou intermédiaire | 32 |
43 |
49 |
50 |
|
Supérieur | Ménages à dominante employée ou ouvrière | 23 |
32 |
29 |
50 |
Ensemble | 26 |
38 |
36 |
52 |
Lecture : parmi les sortants de l’enseignement secondaire, 27 % des jeunes scolaires non diplômés dont les parents sont cadres ou professions intermédiaires débutent par un emploi à durée indéterminée.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
Tableau D. Taux d’emploi selon la voie et le niveau de sortie, l’obtention du diplôme préparé et l’origine sociale (en %)

Lecture : parmi les sortants de l’enseignement secondaire, 68,9 % des jeunes issus d’un ménage à dominante cadre ou intermédiaire et qui sortent diplômé de la voie scolaire au niveau secondaire sont en emploi à la date de l’enquête.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
Tableau E. Taux d’emploi à durée indéterminée parmi les jeunes en emploi à la date de l’enquête (en %)
PCS des parents |
Scolaire non diplômé |
Scolaire diplômé |
Apprenti non diplômé |
Apprenti diplômé |
|
Secondaire | Dominante cadre ou intermédiaire | 45 |
54 |
59 |
69 |
Dominante employée ou ouvrière | 38 |
50 |
44 |
67 |
|
Supérieur | Dominante cadre ou intermédiaire | 62 |
77 |
84 |
88 |
Dominante employée ou ouvrière | 55 |
70 |
67 |
85 |
Tableau montrant le taux d’emploi à durée indéterminée parmi les jeunes en emploi à la date de l’enquête en pourcentages.
Lecture : parmi les sortants de l’enseignement secondaire en emploi à la date de l’enquête, 45 % des scolaires non diplômés issus d’un ménage à dominante cadre ou intermédiaire occupent un emploi en EDI.
Source : enquêtes Génération 2010, 2013 et 2017, Céreq.
Notes de bas de page
1Des variables complémentaires qui ne sont pas présentés dans les tableaux 2 et 3 sont introduits dans le modèle comme variables explicatives telles que le genre, la classe de sortie, l’origine géographique du jeune (issus de l’immigration ou non), la région de fin d’étude, avoir connu au moins une période de chômage et la situation d’habitat à la date de l’enquête). Ces variables pouvant également être significatives.
2Odds-Ratio.
Auteurs
-
Valérie Ilardi
Céreq.
-
Lola Lercari
Céreq.

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