Le cumul des inégalités chez les sapeurs-pompiers volontaires : effets du genre, du diplôme et de la situation familiale
p. 157-158
Entrées d’index
Mots-clés : pompier, représentation du travail, inégalités, professionnalisation
Keywords : fireman, perception of work, inequalities, professionalization
Texte intégral
Résumé
1Face aux difficultés de recrutement qu'ils rencontrent, les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) souhaitent diversifier les profils des sapeurs-pompiers volontaires habituellement présents dans les rangs (Pudal, 2011, 2016). Ils multiplient ainsi les campagnes de communication à destination des publics moins familiers du milieu, comme les femmes, les individus très diplômés ou les chargés de famille. Si cette politique d'ouverture constitue une réponse pragmatique aux besoins actuels, il convient de s'interroger sur son efficacité sur le terrain et les résistances auxquelles elle peut être confrontée.
2En effet, dès leur engagement, les sapeurs-pompiers volontaires doivent suivre une formation leur permettant de développer les compétences nécessaires à l'exercice des missions qui leur sont confiées. Celle-ci constitue une étape importante de leur processus de professionnalisation (Wittorski, 2009), mais est exigeante en termes de disponibilité, en particulier au regard du statut de cette population, engagée par ailleurs dans une vie professionnelle et parfois dans une vie familiale. Il est par ailleurs attendu des nouvelles recrues qu'elles participent activement à la vie de la caserne dès la validation des premiers modules de formation initiale. Si aucune loi ou réglementation n'impose un minimum d'activité ou de présence aux sapeurs-pompiers volontaires, les SDIS définissent régulièrement une obligation minimale de service, adaptée à leurs besoins, et peuvent décider de suspendre ou de résilier l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire trop peu investi.
3La volonté d'élargissement des profils recrutés pourrait ainsi se heurter à la réalité de l'activité, qui exige une disponibilité et un investissement importants. Ces éléments amènent finalement à se questionner sur les profils qui composent effectivement les rangs de sapeurs-pompiers volontaires, dans un milieu historiquement jeune, marqué par des normes masculines et dans lequel s'investissent essentiellement des individus issus de classes sociales populaires. Plus particulièrement, cette communication propose de mettre en lumière les inégalités observées dans les parcours de sapeurs-pompiers volontaires, en examinant comment certains facteurs sociaux, notamment le genre, le niveau de diplôme et la situation familiale, s'accumulent pour créer des inégalités.
4Si l'impact de certaines caractéristiques individuelles sur le parcours des sapeurs-pompiers volontaires a déjà été étudié (Born, 2023, 2024 ; Pfefferkorn, 2006), nous souhaitons à présent explorer l'effet cumulatif des inégalités, en examinant les obstacles rencontrés par des personnes au profil inhabituel dans leur engagement de sapeur-pompier volontaire. La recherche a été réalisée au sein d'un SDIS de l'Est de la France, au sein duquel les sapeurs-pompiers volontaires représentent 86 % des effectifs. Au regard de la problématique, il a paru intéressant de porter une attention particulière aux individus ayant rapidement quitté le milieu. Pour ce faire, quarante-deux individus ayant mis un terme à leur engagement au cours des trois premières années ont été interrogés par entretien semi-directif. Il s'agissait de mieux comprendre leurs motivations à l'engagement, leur vécu durant leurs années d'engagement, les difficultés qu'ils ont pu rencontrer dans leur parcours et leur décision de rompre cet engagement. En amont, les caractéristiques individuelles des enquêtés ont été recueillies. Les données ont essentiellement été analysées par l'intermédiaire d'une analyse thématique des entretiens. Il apparaît en premier lieu que les femmes sont surreprésentées parmi les individus décrocheurs. Il apparaît ensuite que si les individus interrogés présentaient une motivation forte au moment de l'engagement, le cumul des obstacles dans leur parcours de sapeur-pompier volontaire les a conduits à finalement renoncer de manière anticipée à leur engagement.
Bibliographie
Born, P. (2023). La sélection informelle en formation initiale de sapeur-pompier volontaire. e-JIREF, 9(1), 103-121.
Born, P. (2024). Une approche genrée de sélection au cours des premières années d’engagement chez les sapeurs-pompiers volontaires. Savoirs, 65(2), 43-58.
Pfefferkorn, R. (2006). Des femmes chez les sapeurs-pompiers. Cahiers du Genre, 1(40), 203-230.
Pudal, R. (2011). Du « Pioupiou » au « Vieux Sarce » ou comment en être : ethnographie d’une socialisation chez les pompiers. Politix, 24(93), 167-194.
Pudal, R. (2016). Retour de flammes. Les pompiers, des héros fatigués ? Paris : La Découverte.
Wittorski, R. (2009). À propos de la professionnalisation. Dans J. M. Barbier, E. Bourgeois, G. Chapelle & J. C. Ruano-Borbalan (dir.). Encyclopédie de la formation (p. 781-793). Paris : Presses universitaires de France.
Auteurs
-
Pauline Born
CIRNEF, Université de Rouen Normandie.
-
Marie Gey
CIRNEF, Université de Rouen Normandie.

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