Quel prix de la maternité en début de vie active ?
p. 145-146
Entrées d’index
Mots-clés : genre, cheminement professionnel, famille, inégalité salariale, enquête Génération
Keywords : gender, occupational paths, family, wage inequality, Generation survey
Texte intégral
Résumé
1On ne compte plus les travaux ayant mis en évidence l’effet pénalisant de la maternité sur les trajectoires professionnelles des femmes (Goldin 1990 ; Meurs & Pora, 2019 pour la France) et ce, dès le début de vie active (Couppié & Épiphane, 2022 ; di Paola et al., 2024). L’arrivée des enfants constitue un moment de bascule dans les parcours féminins sur le marché du travail. Claudia Goldin a notamment montré combien la naissance du premier enfant explique la différence de rémunération entre femme et homme y compris exerçant la même profession. Le préjudice salarial subi par rapport aux hommes est à la fois très élevé et persistant : Auriol et al. (2024) montrent que dix ans après la première naissance, les revenus du travail des mères est inférieur de 38 % à celui que ces femmes auraient eu si elles n’étaient pas devenues mères. Pour les hommes en revanche, leur revenu une fois devenus pères n’est pas affecté par cet événement. Cette pénalité se réduit avec le niveau de diplôme, car les femmes devenant mères réduisent d’autant plus leur temps de travail qu’elles sont peu diplômées. Dans le même temps, pour les salaires les plus élevés, les écarts entre mères et pères s’accroissent davantage que les écarts entre femmes et hommes sans enfant (Georges-Kot, 2020). Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien rémunérées sont les plus affectées par l’arrivée d’un enfant (Pora & Wilner, 2019).
2À partir des données de l’enquête Génération 2017 à 6 ans, cette contribution a pour objectif d’étudier les impacts genrés de l’arrivée des enfants sur les évolutions de salaire en début de vie active. Elle s’inscrit dans la lignée du travail de Bazen et al. (2021) qui comparent les situations des mères et des pères des cohortes Génération 1998, 2004 et 2010. Ainsi, on mobilise également la méthode de l’event study pour mesurer la pénalité à la maternité en analysant l’impact de la naissance d’un enfant sur l’emploi, le temps de travail, les revenus. Cette approche consiste à observer les variations des outcomes avant et après la naissance d’un enfant, en comparant les mères et les pères pour isoler l’effet de la parentalité dû aux inégalités de genre. L’utilisation d’effets fixes individuels permet de prendre en compte les différences non observées entre les individus qui pourraient affecter leur participation au marché du travail ou leurs revenus. Ainsi, on se concentre sur les variations au sein d’un même individu au fil du temps, plutôt que de comparer des individus différents. Cela permet que les caractéristiques constantes observées ou non d’un individu, telles que son niveau d’éducation, ses compétences ou motivations, soient contrôlées, pour identifier l’impact de la naissance d’un enfant. Il s’agira aussi de mettre en lumière les différences entre mères et nullipares et celles entre pères et hommes sans enfant.
3Par ailleurs, on sait que les arbitrages des conjoint·es sur les investissements professionnels (retraits partiels d’activité…) et la spécialisation des rôles avec la construction de la famille sont surdéterminés par les rapports sociaux de sexe et qu’ils ne tiennent pas à un raisonnement économique rationnel qui conduirait à un moindre investissement dans la sphère domestique de celle ou celui qui gagne le moins (Sofer & Thibout, 2015 ; Bittmann 2015 ; Auriol et al., 2024). Aussi, parce que les données mobilisées le permettent, nous prendrons en considération la situation du ou de la conjoint·e (niveau d’études, situation sur le marché du travail, catégorie socioprofessionnelle, position salariale relative).
4Ainsi, si cette recherche n’est pas novatrice dans son objet, elle permettra d’éclairer l’ampleur du préjudice à la maternité en début de vie active pour un génération postmetoo et postcovid dont il est dit qu’elle aurait des attentes et comportements – en particulier en matière d’égalité et de rapport au travail – différents de ceux des générations passées.
Bibliographie
Auriol, E., Landais, C. & Roussille, N. (2024). Égalité hommes-femmes : une question d’équité, un impératif économique. Les notes du conseil d’analyse économique, 83, novembre.
Bazen, S., Joutard, X. & Périvier, H. (2021). Measuring the child penalty early in a career: The case of young adults in France. IZA Discussion Papers, 14763.
Bittmann, S. (2015). Ressources économiques des femmes et travail domestique des conjoints : quels effets pour quelles tâches ? Économie et Statistique, 478-480, 305-338.
Couppié, T. & Épiphane, D. (2022). Lorsque l’enfant paraît : heurs et malheurs dans les carrières des jeunes couples. Céreq Essentiels, 4, 87-96.
Di Paola, V., Dupray, A. & Moullet, S. (2024). Chapitre 8. Les mobilités vers les fonctions managériales en Europe : incidence de la parentalité et des politiques familiales. Cereq Essentiels, 5, 123-135.
Georges-Kot, S. (2020). Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé. Insee première, 1803, 1-4.
Goldin, C. (1990). Understanding the gender gap: An economic history of American women. Cambridge, MA : NBER Books.
Meurs, D. & Pora, P. (2019). Gender equality on the labour market in France: A slow convergence hampered by motherhood. Économie et Statistique, 510(1), 109-130.
Pora, P. & Wilner, L. (2019). Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien rémunérées sont les plus affectées par l’arrivée d’un enfant. Insee analyses, 48, 1-4.
Sofer, C. & Thibout, C. (2015). La division du travail selon le genre est-elle efficiente ? Une analyse à partir de deux enquêtes Emploi du temps. Économie et statistique, 478(1), 273-304.
Auteurs
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Vanessa di Paola
LEST, Aix-Marseille Université, CNRS.
-
Stéphanie Moullet
LEST, Aix-Marseille Université, CNRS.
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Kenza Elass
Bocconi University.

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