Destinées professionnelles des jeunes d’origine sociale modeste. Qui devient transclasse ?
p. 59-60
Entrées d’index
Mots-clés : jeune, mobilité sociale, cheminement scolaire, insertion professionnelle, enquête Génération
Keywords : young person, social mobility, school paths, school-to-work transition, Generation survey
Texte intégral
Résumé
1« La France est le pays de la reproduction des inégalités sociales et scolaires
» (Dubet, 2016, p. 14-15). En effet, le système scolaire français ne permet pas à l’ensemble des jeunes, quelle que soit leur origine sociale, d’avoir les mêmes chances de réussir et d’acquérir les mêmes diplômes et, en conséquence, d’avoir les mêmes armes et bagages pour entrer dans les mêmes conditions sur le marché du travail. Depuis les années 1960, l’effet de l’origine sociale sur les parcours scolaires et les niveaux de diplômes atteints est un des faits sociaux les plus documentés en sociologie (Bourdieu & Passeron, 1964 et 1970 ; Baudelot & Establet, 1971 et 1975).
2Au Céreq, des travaux se sont penchés sur la question des effets de l’origine sociale sur l’insertion à partir des enquêtes Génération. Lopez et Thomas (2006) observent qu’à niveau et type de formation initiale donnés, si l’origine sociale joue peu sur le degré de participation à l’emploi, elle a des effets sur les qualités de celui-ci, et notamment sur les salaires. Calmand et Épiphane (2012) dans une étude sur les diplômé·es de l’enseignement supérieur vont dans le même sens et montrent qu’aux inégalités d’accès aux différentes filières s’ajoutent des inégalités sur le marché du travail. Goffette et Vallet (2018) en analysant l’évolution des liens entre origines sociales et trajectoires d’insertion sur vingt ans, concluent également à l’influence de ces origines sur les salaires et niveaux des emplois occupés après les cinq premières années de vie active. Enfin, les travaux de Lemistre (2017) portant plus spécifiquement sur le déclassement intragénérationnel en début de carrière montrent que l’origine sociale a un effet direct, avec un déclassement par rapport au diplôme souvent plus prononcé pour les jeunes d’origine sociale modeste : toutes choses prises en compte égales par ailleurs, une origine sociale favorisée diminue considérablement les probabilités d’être déclassé·e.
3Malgré cet implacable effet de l’origine sociale (Dabet, Épiphane & Personnaz, 2023 et 2024a) largement relayé y compris en dehors du champ scientifique, certain·es défient les mécanismes de reproduction et les statistiques. Les figures de « transclasses », soit des individus ayant franchi les frontières de leur classe sociale d’origine, font l’objet depuis quelques années d’une attention particulière. Les histoires individuelles comme celles de Didier Eribon, d’Édouard Louis ou d’Annie Ernaux, rencontrent un écho médiatique conséquent. Chantal Jaquet, dans « Les transclasses ou la non-reproduction » (2014), explique en quoi la théorie de la reproduction sociale admet des exceptions dont il faut rendre compte et avance comment, à l’instar de la reproduction, la non-reproduction est également le fruit d’une « fabrique ».
4Nous dresserons dans un premier temps un panorama des effets de l’origine sociale sur les parcours scolaires et les trajectoires professionnelles de la Génération 2017 avant de placer la focale sur les jeunes qui peuvent être qualifié·es de « transclasses ». Seront ainsi considéré·es les jeunes d’origine sociale modeste qui, trois ans après leur sortie du système scolaire, sont devenu·es cadre. Quels sont les principaux facteurs explicatifs d’une position professionnelle ascendante par rapport à leurs parents ? Enfin, nous étudierons si ces jeunes « transclasses » connaissent les mêmes modalités d’insertion et les mêmes situations professionnelles que leurs homologues d’origine sociale plus favorisée ; en d’autres termes, nous verrons si les jeunes transclasses sont des cadres comme les autres.
5Cette proposition repose sur une étude effectuée dans le cadre du groupe d’exploitation de la Génération 2017 à 3 ans. Elle vient d’être publiée dans une collection du Céreq (Dabet, Épiphane & Personnaz, 2024b) et s’inscrit dans l’axe 3 de l’appel à communications : Des parcours « improbables » et des trajectoires « atypiques » qui transcendent et bousculent les inégalités.
Bibliographie
Baudelot, C. & Establet, R. (1971). L’école capitaliste en France. Paris : La Découverte.
Baudelot, C. & Establet, R. (1975). L’école primaire divise. Paris : Maspero.
Bourdieu, P. & Passeron, J.-C. (1964). Les Héritiers. Les étudiants et la culture. Paris : Les Éditions de Minuit.
Bourdieu, P. & Passeron, J.-C. (1970). La reproduction. Paris : Les Éditions de Minuit.
Calmand, J. & Épiphane, D. (2012). L’insertion professionnelle après des études supérieures : des diplômés plus égaux que d’autres. Formation Emploi, 117, 11-28.
Dabet, G., Épiphane, D. & Personnaz, E. (2023). Parcours scolaires et insertion professionnelle : l’implacable effet de l’origine sociale. Marseille : Céreq, coll. « Céreq Études » (no 51).
Dabet, G., Épiphane, D. & Personnaz, E. (2024a). Origine sociale, diplôme et insertion : la force des liens. Céreq Bref, 452.
Dabet, G., Épiphane, D. & Personnaz, E. (2024b). Destinées professionnelles des jeunes d’origine sociale modeste : qui devient transclasse ? Dans T. Couppié, D. Épiphane, O. Joseph & E. Personnaz (coord.). Premiers pas sur le marché du travail : quand les inégalités s’en mêlent. Exploitations de l’enquête 2020 auprès de la Génération 2017. TOME 1 (p. 101-119). Marseille : Céreq, coll. « Céreq Échanges » (no 24).
Dubet, F. (2016). Égalité des chances scolaires : le paradoxe français. Après-demain, 38(2), 14-16.
Goffette, C. & Vallet, L.-A. (2018). Les trajectoires d’insertion professionnelle des jeunes portent-elles la marque de leurs origines socio-économique et culturelle ? Dans T. Couppié, A. Dupray, D. Épiphane & V. Mora (coord.). 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes, entre permanences et évolutions (p 151-156). Marseille : Céreq, coll. « Céreq Essentiels » (no 1).
Jaquet, C. (2014). Les transclasses ou la non-reproduction. Paris : PUF.
Lemistre, P. (2017). Déclassements et reclassements selon le diplôme et l’origine sociale. Marseille : Céreq, coll. « Working Paper » (no 4).
Lopez, A. & Thomas, G. (2006). L’insertion des jeunes sur le marché du travail : le poids des origines socioculturelles. Coll. « Insee Références », Données sociales – La société française, éd. 2006, 293-305.
Auteurs
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Dominique Épiphane
Céreq – Centre d’études et de recherches sur les qualifications.
-
Elsa Personnaz
Céreq – Centre d’études et de recherches sur les qualifications.
-
Gaëlle Dabet
Céreq – Centre d’études et de recherches sur les qualifications.

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