Introduction

1Depuis 1987, la loi Séguin ouvre l’apprentissage aux formations de l’enseignement supérieur. Renforcée par la loi quinquennale de 1993 puis par l’accord-cadre national pour le développement de l’apprentissage de 2005, les effectifs d’apprentis à l’université n’ont cessé de croitre. Présenté comme une arme contre le chômage des jeunes, l’alternance poursuit son essor s’inscrivant dans une démarche nationale où les passerelles entre le monde universitaire et le monde du travail sont de plus en plus importantes (Hetzel, 2006).

2Alors que de nombreux travaux questionnent les avantages de cette modalité de formation dans le secondaire et dans les filières courtes de l’enseignement supérieur (Cart, Léné, Toutin, 2018 ; Coupié, Gasquet, 2021), assez peu mettent la focale sur le niveau master. Récemment, une étude menée par la Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) montre la plus-value de l’alternance en termes d’insertion professionnelle à l’université et en particulier à bac+5 (Ménard, 2021). L’auteur précise ainsi : « En décembre 2019, les diplômés par la voie de l’alternance bénéficient de meilleures conditions d’insertion que les diplômés en formation initiale sous statut étudiant. Non seulement leur taux d’insertion sont supérieurs, mais les emplois qu’ils occupent sont en moyenne plus stables, plus qualifiés et plus rémunérateurs » (p. 1).

3Toutefois, cette étude du SIES ne prend pas en compte, entre autres, les spécificités de l’offre de formation se heurtant ainsi aux limites de comparaison souvent soulignées entre ces deux publics (Lopez, Sulzer, 2016). Les auteurs rappellent que : « Les comparaisons entre populations d’apprentis et de scolaires sont […] à interpréter avec précaution. En effet, sur de nombreux critères, ces deux populations diffèrent nettement. Ainsi, une partie des écarts observés renvoie à des différences dans les spécialités fines (aux débouchés différents), dans les caractéristiques sociales (origines socioculturelles variées) ou dans les inscriptions territoriales (quartiers plus ou moins défavorisés, tissus économiques plus ou moins favorables) » (p. 4)

4Dans le cadre d’une étude exploratoire centrée sur le niveau master (Beaupère, Collet, Issehnane, 2017), nous nous étions attardés sur les conditions d’insertion professionnelle de diplômés issus d’un même diplôme (mêmes spécialités au sein d’une même université), obtenu pour les uns par la voie classique et pour les autres par l’alternance, afin d’identifier un effet propre de l’alternance sur l’insertion professionnelle. L’enquête que nous avions réalisée au sein de l’Université de Rennes 1, mettait en évidence que les écarts observés relevaient, d’une part, des usages de l’alternance qui diffèrent selon les spécialités de diplômes, et d’autre part, des effets de segmentation du marché du travail liés à la spécialité de formation suivie. Cependant, cette étude ne concernait qu’un faible nombre d’inscrits constituant une recherche expérimentale qu’il s’agit aujourd’hui de prolonger (Cf. Encadré 1).

5Dans un premier temps, nous nous focaliserons sur les profils des alternants en étudiant leurs caractéristiques scolaires et sociales. Nous nous intéresserons ensuite à leurs motivations et aux discours qu’ils tiennent sur l’alternance. Dans un troisième temps, nous évaluerons l’impact de l’alternance sur l’insertion professionnelle en mobilisant des indicateurs classiques (taux d’insertion professionnelle, taux d’emploi à durée indéterminée, accès à un poste de cadre, localisation de l’emploi, salaires, taux de satisfaction dans l’emploi, adéquation formation et qualification). Enfin, l’effet de l’alternance sur la probabilité, d’une part, d’accéder à un emploi à durée indéterminée, à un emploi de cadre et à un salaire supérieur ou égal à 2 000 euros, et d’autre part, d’être satisfait de l’emploi occupé (en termes de responsabilité, de rémunération et d’adéquation avec le master) sera mesuré grâce à des régressions logistiques qui permettent de tenir compte des effets de structure.

6Au final, la population de l’étude est composée de 2 306 diplômés (hors reprise d’études, hors étudiants étrangers) dont 745 alternants. Sur les 2 306 diplômés interrogés, 1 835 ont répondu soit un taux de réponse de 79,6 % (tableau 1). Notons que ce taux de réponse est de 78,2 % pour les diplômés de la voie classique et de 82,6 % pour les alternants.

7La part de l’alternance varie fortement d’une formation à l’autre passant de 10,5 % en Administration des entreprises à 51,9 % en Management des ressources humaines (tableau 1) mettant ainsi en évidence que l’alternance est loin d’être une pratique homogène selon les spécialités de formation. Dans les masters de gestion, des ressources humaines ou des métiers de la banque, elle est une modalité de formation éprouvée, mais elle peut être plus récente dans d’autres formations.

1. Les alternants : un profil d’étudiants particulier ?

8Le tableau 2 présente les caractéristiques individuelles des étudiants ayant obtenu leur master en alternance comparativement à ceux de la voie classique. Certaines variables comme le genre, le type de baccalauréat et l’origine géographique distinguent les alternants. Alors que la répartition hommes/femmes est quasi identique en alternance, les femmes sont nettement moins nombreuses parmi les diplômés de la voie classique (42,5 % contre 57,5 %).

9Un résultat relativement logique dans la mesure où elles sont largement minoritaires dans les mentions de masters où l’alternance est encore assez peu développée (Informatique et Electronique et télécommunications) et largement majoritaires en Management et ressources humaines où la part de l’alternance est la plus importante (tableau 1).

10Les alternants sont également plus souvent titulaires d’un baccalauréat technologique (13,5 % contre 8,8 %). Notons enfin que la proximité géographique joue un rôle important dans le recrutement des alternants puisque ces derniers sont plus nombreux à être originaires de Bretagne ou des régions limitrophes (84,9 % contre 76,4 %).

11Bien que l’on ne constate pas de différences significatives concernant l’origine sociale des diplômés de master, les alternants sont un peu moins souvent issus des classes supérieures (29,3 % contre 33,3 %).

12Assez logiquement les étudiants ayant obtenu leur master en alternance poursuivent nettement moins souvent des études que ceux de la voie classique (6,7 % contre 13,6 %), cette voie de formation étant d’abord destinée à l’insertion professionnelle.

2. Socialisation professionnelle : représentations et motivations des étudiants alternants

13Lors de l’enquête exploratoire que nous avions menée en 2017, les enseignants que nous avions rencontrés valorisaient l’alternance pour son caractère opérationnel en termes d’insertion professionnelle. Selon eux, l’alternance contribue à la socialisation professionnelle des étudiants : ces derniers y apprendraient les codes de l’entreprise et au fil de l’année, adopteraient une posture plus professionnelle (Beaupère, Collet, Issehnane, 2017).

14Les enseignements issus des entretiens avec les responsables de master font écho aux motivations des étudiants interrogés. Dans l’enquête, un peu plus des deux tiers des étudiants déclarent s’être inscrits en alternance pour « faciliter leur insertion professionnelle » (graphique 1). Le fait de « bénéficier d’un revenu pendant la formation » est cité par plus de quatre diplômés sur dix et près d’un quart d’entre eux souhaitait « pouvoir découvrir le contexte professionnel de leur métier ». Des résultats qui rappellent ceux trouvés dans le cadre de notre enquête auprès des diplômés d’une licence professionnelle à l’Université de Rennes 1 (Blanc, 2019).

15Si faciliter leur entrée sur le marché du travail a été la première source de motivation des étudiants pour suivre leur master en alternance, c’est aussi le bénéfice qu’ils estiment en avoir le plus souvent retiré. En effet, interrogés cette fois-ci sur les apports de leur formation, 71,9 % des alternants déclarent avoir connu une insertion professionnelle rapide (graphique 2). Des déclarations qui se confirment dans les faits puisque le processus d’insertion semble un peu plus rapide pour eux que pour ceux passés par la voie classique, le temps moyen de recherche du premier emploi étant respectivement de 0,7 mois contre 1,3 mois. Ici, de manière assez intuitive, nous pourrions penser que les apprentis ont bénéficié de l’effet « contact », c’est-à-dire la possibilité d’être directement embauché dans l’entreprise où s’est effectué le contrat d’apprentissage (Cart, Léné, Toutin, 2018).

16Une hypothèse qui est toutefois très vite balayé dans notre enquête puisque si 32 % des apprentis ont effectivement été embauchés à l’issue de l’alternance en master, 33 % des diplômés de la voie classique ont été embauché dans l’entreprise où s’est réalisé le stage en master. Ici, l’effet « contact » joue également en faveur des diplômés de la voie classique puisqu’au sein des masters considérés un stage de 4 à 6 mois vient clôturer l’année de formation. Un résultat qui vient donc relativiser l’éventuelle plus-value en termes d’insertion professionnelle des alternants au sein de formations naturellement professionnalisantes.

17Plus des deux-tiers des alternants déclarent également avoir acquis « une expérience significative dans leur métier » et pour près de la moitié d’entre eux, cela leur a permis de connaître « le contexte professionnel de leur métier ». Interrogés 30 mois après l’obtention de leur diplôme, ces anciens alternants soulignent donc l’apport de ce type de formation pour leur accès à l’emploi, alors que la modalité « une plus grande autonomie financière » arrive en quatrième position, avec 47,5 % des réponses citées.

Graphique 1 • Principales raisons du choix de suivre le master en alternance (deux réponses possibles)

Graphique 2 • « Au final, que vous a apporté votre master en alternance ? » (plusieurs réponses possibles)

18À la question ouverte sur les apports de l’alternance, ils répondent également majoritairement que cette modalité de formation leur a permis d’acquérir une expérience professionnelle reconnue et valorisable sur le marché du travail. Parmi les 485 commentaires laissés par les répondants, deux groupes de réponses se distinguent, ceux qui sont relatifs à la formation et à la plus-value de l’alternance, qui permet « une mise en pratique des connaissances » et ceux qui sont relatifs à l’expérience professionnelle. Ces deux éléments mettent en exergue la dimension de socialisation professionnelle de leur mission en entreprise. Dans leurs réponses écrites, ils mentionnent l’autonomie et la maturité acquises ainsi que la découverte du milieu professionnel. Les extraits qui suivent viennent illustrer ces résultats :

« Grâce à une expérience professionnelle et un diplôme, l’insertion professionnelle se fait plus facilement. Le salaire permet d’être indépendant de la famille même s’il avoisine le smic. Le rythme entre les cours et le travail en entreprise est assez soutenu et permet de montrer sa capacité à s’adapter au changement pour de prochains recrutements. Les cours de cette formation sont adaptés aux besoins des entreprises sur le bassin rennais » (diplômé du master Informatique).

« Il est vrai que l’aspect financier n’est pas à négliger, on rentre petit à petit dans la vie active et on devient autonome mais pour moi le plus important c’est de se professionnaliser sur le terrain et d’être confronté à de réelles problématiques. Cela permet de gagner en compétence et en confiance ainsi que d’avoir une meilleure employabilité en sortie d’étude » (diplômé du master Management des ressources humaines).

« La formation en alternance est un vrai tremplin vers la vie professionnelle. Les cours étaient en totale adéquation avec les connaissances qui m’étaient demandées dans mon poste en alternance. De plus, le système cours et vie professionnelle permet d’avoir un regard plus opérationnel sur les cours qui nous sont dispensés et de poser des questions pertinentes en lien avec notre quotidien professionnel » (diplômé du master Finance, comptabilité, contrôle, audit).

« Un salaire, une expérience en entreprise très appréciée par les futurs employeurs, une insertion professionnelle plus rapide, une mise en situation tôt qui permet de confirmer ou infirmer le choix de notre parcours et de gagner en maturité » (diplômé du master Administration des entreprises).

« Essentiel pour se rendre compte de la réalité professionnelle. Surtout dans un modèle bancaire extrêmement changeant et qui demande de plus en plus de compétences. Il faut savoir que ce sont des métiers avec une pression commerciale et client constante (qui augmente toujours davantage), donc il faut vraiment aimer ce métier. Si beaucoup plus d’étudiants faisaient de l’alternance, ils arriveraient en poste plus compétents et moins en souffrance... Pour être finalement relégué à un poste moins haut même avec un bac+5 ou se rendre compte après quelques mois que la banque n’est pas pour eux » (diplômé du master Banque finance).

« Je ne peux que les recommander ! J’ai mon bac+4 et +5 en alternance. Cela m’a permis de financer mes études mais surtout de créer mon réseau, mon expérience et d’enrichir mes compétences avant même d’avoir terminé mes études » (diplômé du master Marketing).

« Le développement du réseau professionnel, un enrichissement de la formation, la découverte d’entreprise et son adéquation éventuelle avec son projet professionnel » (diplômé du master Électronique et télécommunications).

3. L’insertion professionnelle des alternants et non-alternants diplômés d’un même master

19Comme nous l’avons vu précédemment, l’entrée dans la vie active des anciens alternants s’est généralement faite plus rapidement que celle des diplômés par la voie classique. Trente mois après l’obtention du diplôme et sans poursuite d’études, les situations d’emploi sont-elles toujours à l’avantage des diplômés issus de l’alternance ?

20Tout d’abord, l’enquête montre que les alternants ont un taux d’insertion professionnelle un peu plus élevé que ceux de la voie classique (+2 points) et occupent un peu plus souvent un emploi à durée indéterminée (+2,6 points). Les diplômés de master issus de la voie classique connaissent quant à eux un meilleur positionnement professionnel que les alternants. En effet, ils sont davantage recrutés sur un statut de cadre (75,2 % contre 65,3 % pour les alternants). Toutefois, ce sont les alternants qui se montrent les plus satisfaits des responsabilités qui leur sont confiées (94 % contre 89,9 % pour les diplômés issus de la voie classique).

21Pour la localisation de leur emploi, les diplômés de la voie classique semblent plus mobiles, près de six sur dix exercent leur emploi en dehors de la Bretagne, contre la moitié des alternants (Tableau 3). Mais cette mobilité géographique est à relativiser selon la région d’origine des diplômés : sur l’ensemble des diplômés, 57,9 % des Bretons restent travailler dans la région contre seulement 28,4 % des diplômés non originaires de Bretagne. Le recrutement de proximité des apprentis (cf. partie 1) explique probablement cette tendance. La mobilité s’effectue principalement au profit de la région parisienne pour les diplômés de la voie classique (26,5 % contre 15,3 % pour les alternants).

22Concernant la rémunération, les diplômés de la voie classique bénéficient d’un salaire net mensuel médian un peu plus élevé que les alternants (2 000 € contre 1 950 €). Cet écart – faible au demeurant – peut s’expliquer par les conditions d’insertion des diplômés, les étudiants issus de la voie classique ont plus souvent le statut de « cadre » et sont plus nombreux à travailler en région parisienne où les salaires sont généralement plus élevés. Un écart qui est d’autant plus à relativiser que ce sont finalement les alternants qui se montrent les plus satisfaits de leur rémunération (76,6 % contre 72,2 % pour les diplômés issus de la voie classique).

23Afin de mesurer l’adéquation formation-emploi, nous proposons un indicateur (Cordazzo, 2013) qui combine à la fois l’adéquation entre, d’une part, le secteur disciplinaire de la formation et l’emploi, et d’autre part, le niveau de qualification et l’emploi (Cf. Graphique 3). Dans notre enquête, les alternants déclarent plus souvent exercer une activité professionnelle en adéquation avec la formation reçue en master (83,1 % contre 79,2 %) ce qui s’explique probablement par leur connaissance plus précise des postes qu’ils peuvent occuper en début de carrière. En effet lors du processus de sélection des apprentis, une bonne connaissance des métiers et des parcours professionnels est un prérequis attendu pour les candidats (Sarfati, 2015).

24Ces résultats descriptifs montrent des différences entre l’insertion des alternants et celle des diplômés par voie classique, mais sont-elles essentiellement liées à l’effet de l’alternance ou peuvent-elles s’expliquer par d’autres facteurs ?

25Afin de neutraliser les effets de structure, nous avons analysé la probabilité d’occuper un emploi à durée indéterminée (effet légèrement plus favorable pour les alternants), de niveau cadre (effet nettement moins favorable pour les alternants) et avec un salaire supérieur ou égal à 2 000 € en raisonnant « toutes choses égales par ailleurs » à partir d’un modèle de régression logistique. Ce modèle inclut des caractéristiques sociodémographiques (sexe, origine sociale), des caractéristiques liées au contexte d’études (type de formation, type de bac et spécialité de master) et une caractéristique liée à la location de l’emploi comme variables explicatives. Un second modèle de régression logistique, incluant les mêmes variables explicatives, cherchera à mesurer l’effet de l’alternance sur la satisfaction de l’emploi occupé (en termes de responsabilité, de rémunération et d’adéquation avec le master).

4. Mesurer l’effet propre de l’alternance sur les caractéristiques de l’emploi 30 mois après l’obtention du master

4.1. Mesure de l’effet de l’alternance sur la qualité de l’emploi

26La régression logistique infirme les résultats de l’analyse descriptive puisque nous montrons qu’il n’existe pas d’effet négatif significatif de l’alternance sur l’accès à un emploi de niveau cadre, lorsqu’un ensemble de variables de contrôle sont prises en compte (type de formation, type de baccalauréat, sexe, milieu social d’origine, mention de master et bassin d’emploi). En revanche, les hommes et les diplômés issus des classes sociales supérieures ont nettement plus de chances de connaitre un meilleur positionnement professionnel. De la même façon, la spécialité de formation et le bassin d’emploi jouent un rôle important puisque les diplômés travaillant en région parisienne, et les sortants d’un master scientifique – Informatique et Électronique et télécommunications – et dans une moindre mesure ceux d’Administration des entreprises ont nettement plus de chances d’accéder à ce type de qualification que ceux de Marketing et de Management des ressources humaines.

27Concernant la stabilité de l’emploi, la régression logistique confirme les résultats de l’analyse descriptive puisque les alternants ont légèrement plus de chance d’accéder à un emploi à durée indéterminée 30 mois après être sortis de formation que ceux issus de la voie classique (Cf. Tableau 4). Toutefois, l’impact de l’alternance ne semble pas significatif contrairement à d’autres variables (milieu social d’origine, mention de master et région d’emploi). Là encore, les diplômés issus de la classe supérieure et ceux travaillant en région parisienne ont nettement plus de chances d’accéder à ce type d’emploi. Les spécialités de formation « Banque-finance », « Informatique » et « Finance, comptabilité et contrôle de gestion » ont également un effet positif significatif.

28Enfin, nous avons voulu estimer la probabilité d’accéder à un emploi avec un salaire net (hors prime et 13^e mois) supérieur ou égal à 2 000 euros (salaire médian de notre population)2. Là encore, toutes choses égales par ailleurs, nous montrons qu’il n’existe pas d’effet significatif de l’alternance. Une fois de plus, les hommes, les diplômés issus d’un milieu social favorisé et ceux travaillant en région parisienne ont nettement plus de chances d’émarger à 2 000 euros ou plus. À l’inverse, les diplômés des mentions Marketing et Management des ressources humaines sont nettement moins bien lotis que les autres spécialités (ce qui s’explique par leur moindre accès aux emplois de cadre).

4.2. Mesure de l’effet de l’alternance sur la satisfaction de l’emploi occupé

29La seconde régression logistique confirme certains résultats de l’analyse descriptive puisque nous montrons qu’il existe un effet positif significatif de l’alternance sur la probabilité d’être satisfait de son emploi en termes de responsabilités et, dans une moindre mesure, de sa rémunération lorsqu’un ensemble de variables de contrôle sont prises en compte (type de formation, type de baccalauréat, sexe, milieu social d’origine, mention de Master et bassin d’emploi).

30En revanche, la régression logistique infirme les résultats de l’analyse descriptive puisque nous montrons qu’il n’existe pas d’effet positif significatif sur la probabilité de déclarer occuper un emploi en adéquation (niveau bac+5 et en lien avec la spécialité du diplôme) avec le master (Cf. Tableau 5).

31Ici aussi, l’effet de la spécialité de formation semble manifeste et les diplômés des mentions « Finance, comptabilité et contrôle de gestion » et « Informatique » qui connaissent de meilleures conditions d’emplois (Cf. partie 4.1) sont logiquement les plus satisfaits de leur emploi.

Conclusion

32Cette étude permet de comparer le devenir d’anciens étudiants issus d’un même niveau de formation, d’un même établissement et de mêmes spécialités de master. Pour répondre aux contraintes liées aux effectifs, cinq enquêtes ont été « empilées » offrant un outil de comparaison entre alternants et non-alternants tout à fait opérant.

33Un premier résultat probant montre que les alternants ne bénéficient pas plus souvent de « l’effet contact », c’est-à-dire la possibilité d’être directement embauché dans l’entreprise où s’est effectué le contrat d’apprentissage, que les diplômés de la voie classique qui ont réalisé un stage long (entre 4 et 6 mois) en clôture de leur master.

34Ensuite, si une analyse descriptive montre que les alternants occupent un peu plus souvent un emploi à durée indéterminée mais sont moins souvent recrutés sur un statut de cadre, une analyse toutes choses égales par ailleurs vient nuancer ces résultats. En effet, nous mettons en évidence que l’alternance en master n’a pas d’effet propre sur la qualité de l’emploi à 30 mois (CDI, Cadre et salaire supérieur à 2 000 euros) et que les écarts observés renvoient à des spécificités de l’offre de formation (spécialités de master aux débouchés différents), du bassin d’emploi (plus favorable en région parisienne et en lien avec la mobilité des étudiants) et des caractéristiques sociodémographiques (les hommes et les diplômés issus des classes sociales supérieures connaissant de meilleures conditions d’insertion professionnelles que les autres).

35Si l’alternance n’a pas d’effet propre sur la qualité de l’emploi à 30 mois, elle a en revanche un effet positif significatif sur la probabilité d’être satisfait de son emploi en termes de responsabilités et, dans une moindre mesure, de sa rémunération. Un résultat qui souligne l’importance d’aller au-delà des mesures objectives dans ce type d’analyse.

36Au final, visant initialement à lutter contre le chômage des jeunes, l’usage de l’alternance à un niveau de formation et au sein de spécialités offrant déjà des débouchés favorables répond probablement à d’autres enjeux.

37Un enjeu pédagogique d’abord parce qu’il permet à un public moins aguerri aux enseignements théoriques (bacheliers technologiques, étudiants issus des classes sociales un peu moins favorisées) de poursuivre des études à bac+5. Une méthode d’enseignement qui fait également écho aux discours des étudiants demandant plus de « pratique » et plus de relation avec le monde de l’entreprise.

38Un enjeu financier aussi par le biais de la taxe d’apprentissage qui permet aux universités de se doter de moyens contribuant à l’amélioration de la qualité des formations dont bénéficieront in fine les entreprises partenaires.