Introduction

1La part des indépendants parmi les actifs en emploi (qu’ils soient non-salariés ou chefs d’entreprise salariés) est en progression sensible depuis le début des années 2000 après des décennies de baisse, largement portée par la création du statut d’autoentrepreneur en 2008, entré en vigueur au 1er janvier 2009 et requalifié microentrepreneur fin 2014. Ce nouveau régime, accessible aux activités commerciales, artisanales et à certaines activités libérales, à titre principal ou complémentaire et sous condition d’un chiffre d’affaires plafonné1, simplifie significativement les démarches liées à la création d’une entreprise et au paiement des cotisations sociales et financières. En 2020, et malgré la crise sanitaire, les créations d’entreprise sous statut de microentrepreneur ont cru de 9 % par rapport à 2019 tandis que les créations d’entreprises classiques diminuaient de 13 % (Gourdon, 2021). En 2019, les microentrepreneurs se déclarant économiquement actifs (i.e. avec un revenu positif) représentaient quatre non-salariés des secteurs non agricoles sur dix (Amar & Théron, 2021) et près d’un compte cotisant sur deux (Laude et al. 2020).

2Cette dynamique modifie en profondeur la population des indépendants qui se diversifie et se renouvelle. Baillot & Juliachs (2022) distinguent sept profils-type d’indépendants dont celui des « étudiants et jeunes créateurs diplômés » qui passe de 3 % à 8 % des nouveaux créateurs entre 2010 et 2018. Cette progression se fait grâce au statut de microentrepreneur pour les trois quarts d’entre eux. Les activités créées concernent principalement les domaines juridiques et de conseil de gestion (30 %), les transports (20 %) et la santé (13 %) et le sont pour des motivations plurielles : assurer son propre emploi (22 %), saisir une opportunité ponctuelle (20%) ou encore développer une activité complémentaire (19 %), etc. Ainsi, créer son activité en début de vie active semble se confirmer comme une alternative au salariat, révélant un désir d’autonomie d’une part croissante de jeunes. C’est aussi le signe d’un besoin pour ces nouvelles générations d’exercer une activité porteuse de sens tout en questionnant leur rapport au travail (Le Goff, 2016). Ces évolutions s’accompagnent cependant de nouvelles formes de précarité, dont les jeunes qui choisissent ce statut portent en quelque sorte la responsabilité (Vivant, 2014 ; Abdelnour, 2014). La régulation et la réflexion sur des garanties sociales s’imposent, notamment lorsque l’activité dépend d’une plateforme numérique (Frouin, 2020).

3Pour accompagner ces évolutions, encourager les étudiants qui le souhaitent à créer leur propre activité mais aussi les armer contre l’imprévisibilité des carrières, l’enseignement supérieur cherche à développer « l’esprit d’entreprendre » de tous les étudiants. Progressivement des formations à l’entrepreneuriat se mettent en place sous forme de diplômes dédiés, d’heures de cours au sein des cursus ou encore d’actions transversales aux enseignements de toutes spécialités2. Lors de travaux précédents, nous avons montré que ces actions avaient bien un impact sur les trajectoires professionnelles des étudiants de niveau bac+5, notamment en augmentant leurs chances d’accès au statut d’indépendant dans les 3 ans qui suivent la fin de leurs études (Béduwé & Robert, 2021). Mais ces formations sont encore très loin d’être une garantie ni une nécessité pour devenir indépendant, tant il existe d’autres conditions – financières, institutionnelles et psychologiques – pour y arriver (Bapteste & Trindade-chadeau, 2014 ; Bonnard & Giret, 2016 ; Dubois & Terral, 2017).

4On voudrait ici prolonger ces travaux dans trois dimensions. On étudiera d’abord l’ensemble des déterminants qui conduisent des sortants de l’enseignement supérieur à s’installer à leur compte. On tentera ensuite de décrire les parcours professionnels de ceux qui s’installent et le rôle d’un projet sur le passage à l’acte. Enfin on s’intéressera aux conditions et au ressenti des jeunes qui se sont installés en tant qu’autoentrepreneur. On s’appuie sur l’enquête Génération 2010 à 7 ans du Céreq qui permet un suivi détaillé des sept premières années de vie professionnelle des étudiants sortis de l’enseignement supérieur en 2010 (cf. encadré 1).

5Les individus repérés comme « indépendants » sont ceux qui se sont déclarés comme travaillant à leur compte dans le cadre de leur activité principale en 2013, 2015 ou 2017 selon la date mentionnée dans le texte. Parmi les 4 659 répondants, 226 étaient indépendants en 2013, 287 en 2015 et 371 en 2017, parmi lesquels 124 étaient autoentrepreneurs (information disponible uniquement en 2017).

1. Les déterminants de l’installation à son compte en début de vie active

6La part des jeunes indépendants augmente au sein de la cohorte sortie de l’enseignement supérieur en 2010, passant de 4,5 % à 7,9 % entre 2013 et 2017 et de 5,7 % à 8,8 % si on tient compte des jeunes en emploi. Ce taux relativement faible est à rapprocher des 12 % d’indépendants dans la population active totale en 2019 (Jauneau & Vidalenc, 2020) mais qui sont en moyenne nettement plus âgés (7 % de moins de 30 ans) et moins diplômés (un tiers de niveau bac+2 et plus) (Salembier & Théron, 2020).

7Qu’est-ce qui favorise l’installation de ces jeunes ? Pour le savoir, on a étudié l’impact de différentes informations individuelles présentes dans l’enquête, diplôme et parcours de formation, caractéristiques sociales et débuts de parcours professionnels, sur la probabilité qu’un jeune se déclare indépendant plutôt que salarié au bout de sept ans de vie active. On a en particulier cherché à mettre en évidence le rôle joué par les formations spécifiques à l’entrepreneuriat dans l’accès au statut d’indépendant. Ces formations, proposées sous forme de module complémentaire aux étudiants, obligatoire ou facultatif selon les universités, sont appréhendées selon deux types dans l’enquête : les modules de formation ou de sensibilisation aux carrières d’indépendant et les modules d’accompagnement à la réalisation d’un projet de création d’entreprise. Dans notre échantillon, 13 % déclare avoir été « sensibilisé » à l’entrepreneuriat en dernière année de formation et 5 % dit avoir été accompagné pour une création d’entreprise.

8Les différentes caractéristiques individuelles (genre, diplôme, parcours, etc.) n’étant pas indépendantes les unes des autres, et, qui plus est, certaines aptitudes « entrepreneuriales » des étudiants pouvant jouer à la fois sur leur désir d’être formé à ces carrières et sur leur capacité à devenir indépendant, on a procédé à une estimation « toutes choses égales par ailleurs » particulière (cf. encadré 2).

1.1. Un accès qui dépend beaucoup de la formation initiale

9Les sortants de niveau bac+2/3 dans les domaines de la santé et du social ont une probabilité nettement plus élevée que tous les autres étudiants de s’installer à leur compte, à caractéristiques comparables par ailleurs (cf. modèle 1 annexe 1). En effet, la part d’étudiants installés à leur compte est deux fois plus élevée au sein de ces formations dès 2013 (10 % vs. 5,7 %) et elle s’accroît plus rapidement ensuite (20 % vs. 8,8 % en 2017). Il s’agit, dans la quasi-totalité des cas, de jeunes installés comme professions libérales de la santé (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et autres spécialistes de la rééducation et sages-femmes, etc.).

10Les sortants de licences professionnelles et les sortants d’écoles de commerce ou d’ingénieurs ont, au contraire, une probabilité plus faible que les autres niveaux de s’installer, ces derniers ayant même la probabilité la plus faible. Ce qui explique que, in fine, près des deux tiers des jeunes à leur compte en 2017 ont un diplôme de niveau bac+2 ou 3.

11Toutes choses égales par ailleurs, et notamment à diplôme donné, avoir été accompagné à la création d’entreprise augmente nettement les chances d’installation comme indépendant en 2017 (cf. modèle 1 annexe 1). La méthodologie utilisée permet d’affirmer que l’effet de cet accompagnement est bien dû au passage par ce module et non pas seulement aux aptitudes particulières vis-à-vis de l’entrepreneuriat que ces jeunes pourraient avoir par ailleurs. Cet accompagnement a ainsi permis à 15 % des jeunes de créer leur activité dès 2013 (contre 4 % des étudiants non formés) et 23 % en 2017 (vs. 7 %). Les formations de sensibilisation à l’entrepreneuriat (à l’exclusion de tout accompagnement) n’ont pas d’effet net à sept ans. Ces résultats confirment, prolongent et élargissent ceux que nous avions établis à 3 ans sur les diplômés de niveau bac+5 (Béduwé & Robert, 2021).

12Sans remettre en cause l’effet positif moyen de cet accompagnement, on constate que ce ne sont pas forcément les étudiants qui en ont le plus bénéficié (équation 2) qui s’installent le plus (équation 1) : c’est le cas notamment des sortants d’écoles d’ingénieurs ou de commerce. On note d’ailleurs que les trois quarts des jeunes à leur compte en 2017 n’ont pas été formés spécifiquement à l’entrepreneuriat. En revanche les étudiants sortis des formations bac+2/3, et notamment dans le domaine de la santé, se sont installés au-delà de ce que leur participation à ces modules pouvait laisser penser.

13À caractéristiques individuelles comparables, et notamment en tenant compte du fait qu’ils ont été plus souvent accompagnés à la création d’entreprise, on voit que les étudiants sous statut d’apprenti en dernière année ont une probabilité moindre d’être indépendant en 2017 que les non-apprentis. Une explication serait que ces étudiants, bien qu’attirés par le statut d’indépendant, ont été rapidement embauchés, parfois au sein même de l’entreprise d’apprentissage, et qu’ils ont préféré acquérir une première expérience avant de s’installer.

1.2. L’importance du soutien familial

14Toujours à caractéristiques comparables (modèle 1 en annexe), avoir un et surtout deux parents indépendants augmente nettement la probabilité d’être soi-même indépendant en 2017 (y compris en tenant compte du fait qu’être issu d’un milieu entrepreneurial augmente les chances de suivre un module d’accompagnement à l’entrepreneuriat). L’acculturation à ce type d’activité semble donc importante. Une origine sociale (parents cadres) ou culturelle (parents diplômés du supérieur) favorisée est également positif, ce qui souligne que s’installer à son compte nécessite d’être soutenu, à la fois financièrement et moralement (Bonnard & Giret, 2016).

15Comme le montrent d’autres recherches (par exemple Abdelnour et al., 2017), les hommes s’installent plus souvent à leur compte que les femmes, y compris en tenant compte du fait qu’ils ont plus souvent bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise lors de leur dernière année de formation. Effectivement, on constate que 54 % des indépendants en 2017 sont des hommes alors qu’ils ne représentent que 46 % des salariés. Le fait d’avoir au moins un de ses parents d’origine étrangère n’a en revanche pas d’effet sur le fait d’être indépendant en 2017, sachant que (équation 1) cela diminue la probabilité d’être accompagné à la création d’entreprise en cours d’études.

1.3. Des débuts de parcours plutôt favorables

16Concernant les sept premières années de parcours professionnel, les jeunes à leur compte en 2017 ont passé deux mois de plus en emploi que les jeunes salariés et deux mois de moins au chômage (Tableau 1) ; ils ont mis autant de temps à accéder au premier emploi (4 mois) et ont connu le même nombre d’emplois (3 en moyenne). Toutes choses égales par ailleurs (modèle 1 annexe 1), on constate que plus le nombre de mois passés au chômage ou en EDD (hors alternance) augmente, plus la probabilité d’être indépendant diminue. L’inactivité ou la reprise d’étude/formation sont sans effet. Il semble donc que ces jeunes ne sont pas devenus indépendants faute de mieux puisque leurs débuts de parcours, y compris dans leurs premières expériences en tant que salariés, sont « normaux » voire favorables. Ces résultats entrent en résonnance avec ceux de Havet et al. (2020) qui avaient montré que les jeunes de la Génération 2010, plus nombreux que ceux de la Génération 1998 à s’installer à leur compte, n’y avaient pas accédé plus tôt mais plus durablement.

17Les indépendants après sept ans de vie professionnelle (2017) ont une ancienneté dans leur activité un peu plus faible que les salariés (42 mois contre 46) et certains d’entre eux ont connu une expérience relativement longue de travail salarié en CDI ou fonctionnaire avant de s’établir (18 mois en moyenne sur 7 ans). À l’inverse, les jeunes salariés en 2017, largement majoritaires rappelons-le, n’ont, eux, que très rarement connu d’épisode de travail indépendant (1 mois sur 7 ans). Ceci montre que l’installation est un processus complexe, inscrit dans la durée et qui n’exclut pas des mobilités entre travail salarié et travail non salarié (Célérier & le Minez, 2020 ; Baillot & Juliachs, 2022).

2. L’installation à son compte se réfléchit et se prépare longtemps à l’avance

18L’objectif de cette seconde partie est d’apporter un éclairage sur les parcours professionnels des jeunes qui s’installent à leur compte. On étudie d’abord à quel moment les jeunes s’installent et pour combien de temps (2.1). On s’intéresse ensuite « au passage à l’acte » des jeunes qui avaient déclaré avoir un projet d’installation lors de l’enquête précédente, en 2013 ou 2015 (2.2). La dernière partie se focalise sur les effets combinés d’un projet préalable d’installation et de l’antériorité dans le statut d’indépendant sur le fait d’être indépendant au bout de sept années de vie professionnelle (2.3).

2.1. Une installation progressive et relativement durable

2.1.1 Une majorité d’installations durables

19Environ 10% des jeunes sortis de l’enseignement supérieur se sont déclarés indépendant à au moins une des trois interrogations, en 2013, 2015 ou 2017. Parmi eux, près de 8 sur 10 (79 %) l’étaient toujours en 2017. Ainsi la majorité des installations entre 2010 et 2017 sont durables, ce qui explique que le taux d’indépendants progresse au sein de la cohorte.

2.1.2. Zoom sur les jeunes qui ont accédé puis quitté le statut d’indépendant

20Les jeunes qui ont accédé et quitté ce statut (21 % des accédants) semblent avoir connu des situations professionnelles relativement fragiles par la suite. En effet, et bien que la faiblesse des effectifs incite à la prudence, ils sont 11% au chômage en 2017 contre 7 % de ceux qui n’ont jamais été indépendants et moins souvent en emploi à durée indéterminée (EDI : CDI ou fonctionnaire) lorsqu’ils sont en emploi (48 % vs. 76 %) (Tableau 2). Leurs emplois sont de niveau comparable (75 % de Cadres ou PI) mais leur diplôme de sortie en moyenne plus élevé (59% de sortants au-delà de bac+2/3 vs. 49 %) pouvait leur laisser espérer mieux. Une part importante d’entre eux est issue de Master (30 % environ contre 15 % à 22 % pour les autres catégories). Ils ont en revanche une origine sociale plus proche de celle des indépendants qui se sont stabilisés que celle des jeunes qui ne l’ont jamais été. De même, bien que moins souvent formés à l’entrepreneuriat que les indépendants stabilisés, ils l’ont été plus souvent que ceux qui n’ont jamais accédé au statut. Il s’agit donc d’une population particulière qui semble se distinguer des salariés du fait d’une certaine « attirance » pour le statut d’indépendant mais sans arriver à s’y stabiliser. Les effectifs ne permettent pas de l’étudier avec plus de détails.

2.1.3. Les jeunes indépendants stabilisés en 2017

21Les 79 % jeunes qui se déclarent indépendants en 2017 (parmi ceux ayant accédé à ce statut) forment trois groupes : les tardifs qui déclarent ce statut pour la première fois en 2017 et sont indépendants depuis moins de 2 ans (31 %), les semi précoces, qui sont indépendants depuis 2015 et ont entre 2 et 5 ans d’ancienneté (16 %) et enfin les précoces, qui ont déclaré ce statut en 2013 et qui ont entre 4 et 7 ans d’ancienneté (31 %).

22Les indépendants précoces ou semi précoces sont plus souvent issus d’une formation dans le domaine de la santé ou du social que ceux qui se sont installés tardivement (environ 25 % contre 14 %). Ces derniers sont plus souvent issus de formations BTS ou DUT que les précoces (30 % contre environ 15 %) et ils ont, par ailleurs, nettement moins souvent bénéficié d’une formation à l’entrepreneuriat (17 % vs. 35 % et 27 %). Ainsi le niveau d’études et le bénéfice d’une formation à l’entrepreneuriat, dont on a vu précédemment (partie 1) qu’ils influençaient l’accès au statut d’indépendant, semblent avoir également un effet sur la vitesse d’accès et la stabilisation de l’activité.

23Pour en savoir plus, on a estimé la probabilité d’avoir connu un type d’accès plutôt qu’un autre au statut d’indépendant en 2017 (probit multinomial, cf annexe 2). Ainsi, à caractéristiques de formation équivalentes, les hommes sont surreprésentés parmi les indépendants précoces, tandis que les femmes sont plus nombreuses parmi les semi précoces : comme si elles avaient pris, ou s’il leur avait fallu, un peu plus de temps pour s’installer. Elles sont aussi plus nombreuses à avoir quitté ce statut. Une origine sociale favorisée (milieu cadre) ou acculturée au milieu entrepreneurial (parent indépendant), dont on a vu qu’elles favorisaient l’accès au statut d’indépendant semblent sans effet sur le moment d’accès au statut et sa durabilité.

24Les effectifs ne permettent pas d’étudier la nature des activités exercées selon le parcours de ces indépendants. On note quand même que la très grande majorité des activités déclarées en 2017 par nos indépendants ont été codées dans des CSP qui peuvent être considérées comme « qualifiées » (Tableau 2). Plus précisément (Tableau 3) on voit que les activités de niveau PI sont majoritaires parmi les indépendants précoces (48 %) et qu’il s’agit pour 30 % d’entre eux d’une activité de santé (infirmiers, kinésithérapeute, diététicienne, etc.). Les indépendants tardifs sont plus souvent artisans ou commerçants (39 %) ou cadres (24 %). Il s’agit de professions libérales (dans le domaine de l’informatique) ou de professions liées aux arts et spectacles (journaliste, réalisateur, artistes, etc.).

25En 2017, un tiers des jeunes indépendants ont déclaré relever du régime d’autoentrepreneur (AE). Cette proportion décroit avec l’ancienneté dans le statut. Ainsi 39 % des indépendants tardifs (Tableau 3) sont autoentrepreneurs contre 26 % des précoces. On peut penser qu’il s’agit d’une montée en charge du régime ou qu’une partie des AE précoces a déjà évolué vers un statut d’indépendant classique. Il se pourrait aussi que ces installations tardives en tant qu’AE font suite à des expériences salariées peu satisfaisantes. Quoi qu’il en soit, une observation des appellations en clair de leurs activités montre qu’elles ne sont pas très différentes de celles des indépendants classiques.

2.2. Un effet prédictif de l’envie d’entreprendre

26Alberola et al. (2016) ont montré que les jeunes français, contrairement à leurs aînés, voient le travail indépendant comme un espace de liberté et de conciliation entre vie privée et vie professionnelle et qu’ils associent moins souvent qu’eux salariat et sécurité de l’emploi. Ils sont également très peu à se soucier de la faible protection sociale associée à ces statuts. Il existe pourtant un écart important entre le nombre important de jeunes qui souhaitent créer leur propre activité (59 % des moins de 35 ans selon l’IFOP (2018) et le faible taux de passage à l’acte, tout particulièrement en France (Fayolle & Laffineur, 2017). Pour ces auteurs, cet écart est à mettre en relation avec le peu de jeunes pensant avoir les compétences pour se lancer dans la création d’une entreprise ou se sentant capables de saisir une telle opportunité si elle venait à surgir dans leur environnement. Développer les compétences entrepreneuriales des jeunes contribuerait ainsi à combler cet écart. Le cadre théorique de cette approche est celui du comportement planifié proposé par Ajzen (1991) qui donne « une explication du comportement humain en faisant de l’intention le prédicteur de tout comportement » (Fayolle & Laffineur, 2017). Pour autant le passage de l’intention à l’action reste encore difficile à comprendre (Chabaud et al., 2017), même si on montre que « ceux ayant une meilleure confiance en leur capacité entrepreneuriale passent de l’intention à l’action » (Fayolle & Laffineur, 2017).

27En 2013, 17 % des jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2010 déclarent ainsi avoir un projet concret d’installation dans les cinq ans3, et ils sont encore 15 % deux ans plus tard, en 2015. Cette « intention d’entreprendre non encore concrétisée » concerne les jeunes de tous niveaux, dans des proportions très comparables. Ainsi les installations déjà réalisées n’ont pas épuisé tous les projets d’installation.

28Que disent nos données longitudinales sur le lien entre l’envie d’entreprendre et l’installation effective ? Très peu des jeunes installés à leur compte en 2017 n’en avaient pas le projet au moment des enquêtes précédentes (1 %). Il se peut que l’installation se soit décidée brusquement, du fait d’une opportunité ou d’une situation professionnelle insatisfaisante. En revanche, l’enquête montre que les installations effectives sont nettement plus nombreuses dès lors que le projet préexistait. Ainsi 7 % des jeunes qui l’envisageaient en 2013 sont indépendants en 2015 (contre 1,5 % sinon) et 15 % (contre 2,5 % sinon) en 2017. De même, 13 % de ceux qui avaient ce projet en 2015 sont devenus indépendants en 2017 (contre 1,5 % sinon). L’intention est donc l’expression d’une motivation qui pousse à l’action.

29Le projet d’entreprendre peut perdurer plusieurs années : ainsi 46 % des jeunes qui déclaraient avoir le projet de s’installer en 2013 l’ont toujours en 2015. Et ce sont ces jeunes qui portent leur projet depuis au moins 4 ans qui sont finalement les plus nombreux à être installés en 2017 : 16 %, alors qu’ils ne sont que 10 % lorsque leur projet datait seulement de 2015. Un projet d’installation à son compte peut donc prendre du temps de réflexion, de préparation et de maturation avant de pouvoir être concrétisé.

30Ce que montrent également nos données, c’est que souhaiter s’installer et avoir renoncé à ce projet (projet 2013 mais pas en 2015) conduit quand même à s’installer plus souvent à terme : 6 % sont installés en 2017, contre 1 % de ceux qui n’avaient jamais eu de projet. L’envie d’entreprendre, que certains jeunes portent en eux, parfois de manière intermittente, semble donc souvent prédictive du fait de le devenir un jour. Même si, par ailleurs, peu de jeunes concrétisent leur projet à l’horizon des sept premières années de vie active.

2.3. Toute « expérience entrepreneuriale » favorise l’accès au statut d’indépendant

31On s’est ensuite intéressé aux effets combinés de l’envie d’entreprendre et de l’antériorité dans le statut d’indépendant sur le fait d’être indépendant en 2017, au bout de sept ans de vie professionnelle. Mesuré ainsi, par l’envie et la réalisation, le public attiré par l’entrepreneuriat représente 30 % des jeunes sortis de l’enseignement supérieur au-delà du niveau bac+2 en 2010 : 7 % se sont installés et 23 % ont déclaré avoir un projet concret mais ne l’ont pas encore mis en œuvre (Tableau 4, col 1). Ce résultat confirme ce qu’ont montré d’autres enquêtes, nationales ou internationales (exemples : IFOP 2018, OCDE/UE 2012), quant à la part très importante des actifs, et notamment des jeunes, qui sont attirés par le statut d’indépendant.

32Si les jeunes installés à leur compte en 2013 et en 2015 ont toutes les chances de l’être encore en 2017 (86 %), ceux qui, au contraire, avaient quitté le statut en 2015 sont quand même 10% à être redevenus indépendants en 2017 (Tableau 4, col 2). Ils sont dix fois plus nombreux que ceux qui n’avaient jamais expérimenté le statut. Il s’agit donc d’une expérience qui « laisse des traces » et qui peut se répéter, sans que l’on puisse savoir si celles-ci sont vécues de manière positive ou négative. Célérier & Le minez (2020) montrent que ces mobilités entre travail salarié et non salarié sont nombreuses et qu’elles tendent à augmenter : « En 2015, la moitié des non-salariés ont eu au moins une expérience de salariat les dix années précédentes alors qu’à peine plus d’un tiers d’entre eux étaient dans ce cas en 2006 ».

33On constate ensuite que les jeunes installés en 2015 ont un peu plus de chances de l’être toujours en 2017 lorsqu’ils en avaient le projet dès 2013 : 69 % contre 65 % (Tableau 4, col 2). Ainsi plus l’installation est pensée en amont, plus elle a des chances de s’avérer durable. De même, 17 % des jeunes qui avaient un projet en 2013 et 2015 sont indépendants en 2017. Au final, seuls 7,5 % des jeunes indépendants de 2017 n’avaient ni expérience préalable ni projet en ce sens plus de 2 ans auparavant (Tableau 4, col 3).

34Enfin, on constate que le niveau d’« expérience entrepreneuriale » de ces jeunes en 2017, sous forme d’ancienneté dans le statut et/ou d’antériorité de leur projet, est corrélé avec le taux de formation à l’entrepreneuriat (Tableau 4, col 4). Devenir indépendant est une situation qui se pense et se prépare longtemps en amont, y compris au moment des études, et les formations à l’entrepreneuriat, dont on a montré qu’elles renforcent l’intention d’entreprendre (Beduwé & Robert 2023), semblent également soutenir voire accélérer le passage à l’acte.

35Pour valider les effets respectifs de la formation, du projet et de l’antériorité de l’installation sur le fait d’être indépendant sept ans après la fin des études, nous avons réalisé un nouveau modèle probit bivarié récursif (modèle n°2 annexe 1). La probabilité d’être à son compte en 2017 est estimée en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques (sexe, niveau de formation, origine sociale), de la participation à une action de formation à l’entrepreneuriat pendant les études, et de la typologie « d’expérience entrepreneuriale » ci-dessus (Tableau 4).

36Les résultats confirment, toutes choses égales par ailleurs, que plus l’expérience entrepreneuriale et le projet d’installation sont anciens et plus l’accès au statut d’indépendant est probable. De plus, à expérience entrepreneuriale donnée, avoir été accompagné dans un projet de création d’entreprise en dernière année d’études conserve un effet positif (et non biaisé) sur l’installation. Ainsi, et quelles que soient les configurations testées, nos résultats montrent qu’accompagner un jeune dans un projet de création d’activité s’avère toujours efficace, et ce, même s’il n’avait pas de « prérequis » ou d’aptitudes particulières.

3. Les autoentrepreneurs : des indépendants comme les autres ?

37S’il facilite la création et la gestion d’une activité indépendante, le statut d’autoentrepreneur correspond, comme le soulignent nombre d’études, à des situations souvent précaires mais très diverses. Les données de l’enquête 2017 apportent un éclairage original sur ces « nouveaux » indépendants.

3.1. Portrait statistique des microentrepreneurs dans la littérature

38De manière générale, et comme on va le voir, les microentrepreneurs connaissent des situations professionnelles spécifiques et souvent plus « fragiles » que les indépendants « classiques » même si la diversité des profils (Gros, 2019 ; Baillot & Juliachs, 2022) et des activités (le Boëtté, 2019 ; Jolly & Flamand, 2017) introduisent une infinité de nuances.

39Depuis la création de ce nouveau statut en 2009, les microentrepreneurs se substituent progressivement aux autres indépendants là où l’activité nécessite peu d’immobilisation en capital (livraison, commerce de détail, services personnels divers, activités de santé non réglementées, certaines activités spécialisées (design, traduction, etc.), l’enseignement, les arts, spectacles et activités récréatives, etc.). En revanche, ils sont quasiment ou totalement absents dans les secteurs nécessitant des frais d’installation importants ou une qualification professionnelle (pharmacie, chauffeurs de taxi, métiers de bouche) ou dans les professions réglementées n’ouvrant pas droit à ce statut (médecins, dentistes, professions paramédicales, sages-femmes, professions juridiques). Les femmes et les jeunes y sont surreprésentés mais avec des profils très différents selon les secteurs. Compte tenu de ces spécificités et du plafonnement de leur chiffre d’affaires, leur revenu est en moyenne nettement plus faible que celui des indépendants classiques et beaucoup plus homogène (Salembier & Théron, 2020). De fait, un tiers des autoentrepreneurs sont pluriactifs (10 % des autres indépendants), et c’est souvent l’activité salariée, parfois sans rapport avec celle exercée comme indépendant, qui leur permet de vivre.

40Les études de suivi ont montré que l’activité des autoentrepreneurs était moins pérenne que celle des autres indépendants (Juliachs, 2021) : au bout de cinq ans, les autoentrepreneurs immatriculés en 2010 ne sont plus que 33 % à être encore actifs contre 53 % des autres indépendants, mais avec de fortes variations selon les secteurs. L’effet « tremplin » est faible puisque seuls 10 % des autoentrepreneurs entrés dans le statut en 2010 sont devenus indépendants hors autoentrepreneuriat en 5 ans et plus de la moitié d’entre eux (56 %) sont alors salariés ou au chômage, ce qui témoigne de mobilités importantes, pas toujours vers l’emploi (Bertrand et al., 2020). Ces auteurs montrent également que, toutes choses égales par ailleurs, cet effet « tremplin » est plus élevé pour les jeunes, tout particulièrement pour les jeunes hommes.

41En mobilisant leurs caractéristiques socioéconomiques4 et en compilant les enquêtes emplois de 2013 à 2016, Gros (2020) montre que les autoentrepreneurs « s’apparentent plus au salariat précaire qu’au monde stable des CDI et de l’indépendance classique » avec cependant une certaine polarisation entre des actifs d’origine sociale modeste ou peu diplômés et d’autres mieux dotés. Cette polarisation est également mise en évidence par Richet et al. (2018) entre profils de créateurs avec d’un côté les jeunes diplômés, notamment dans la santé ou l’enseignement qui créent leur activité, éventuellement en complément d’une activité salariée, et ceux, chômeurs ou anciens salariés, plus âgés et moins diplômés, qui tentent de reprendre pied dans l’emploi. Polarisation que l’on retrouve aussi au sein même du profil des créateurs « étudiants et jeunes diplômés » entre les très diplômés (2nd cycle) et moins diplômés (niveau inférieur au bac) et activités peu ou très qualifiées (Baillot & Juliachs, 2022).

42Le statut de microentrepreneur suscite de nombreux débats sur l’avenir du travail et la protection sociale des travailleurs indépendants, souvent centrés autour de la figure emblématique des microentrepreneurs des plateformes collaboratives et du développement de « zones grises entre salariat et non‑salariat et la tendance à l’hybridation de ces deux statuts » (Célérier & Le Minez, 2020). Ces activités, extrêmement diverses, peu qualifiées (livreurs, chauffeurs, etc.) ou au contraire très qualifiées (experts, enseignants, etc.) sont généralement exercées par des autoentrepreneurs mais dans des situations assez claires de dépendance économique à l’égard d’une unique plateforme numérique (Gros, 2019). Elles se sont développées chez les étudiants du fait de l’indépendance et la flexibilité qu’elles autorisent mais sans vraiment modifier les types d’activité et sans qu’on puisse, pour l’instant, parler « d’überisation » (Tenret, Trespeuch, Verley, 2022). Abdelnour et Méda (2019) ont, elles, montré que les « travailleurs des applis » sont essentiellement des salariés déguisés, précaires, exerçant un travail très éloigné de l’idéal d’indépendance dont les plateformes se réclament. Lebas (1999) souligne le rapport ambivalent au travail de ces travailleurs, activité transitoire pour certains, durable pour d’autres. Ces activités ne concernent toutefois que des effectifs d’autoentrepreneurs relativement faibles (16 % des nouveaux microentrepreneurs en 2018) mais concentrés dans certains secteurs (65 % dans le transport) (Richet & Bignon, 2020). Et si elles concernent 38 % des créateurs du profil « étudiants et jeunes diplômés », elles sont la source principale de chiffre d’affaires de 9 % d’entre eux (Baillot & Juliachs, 2020).

3.2. Les autoentrepreneurs de l’enquête Génération 2010 à 7 ans

43Les autoentrepreneurs (activité déclarée comme principale) représentent 32 % des jeunes à leur compte en 2017, sept ans après leur sortie de formation initiale5. À l’instar de Gros (2020), on a tenté d’évaluer leur situation professionnelle en 2017 en les comparant aux indépendants « classiques » (IC), aux salariés en emploi à durée indéterminée (EDI : CDI ou fonctionnaire) ou en emploi à durée déterminée (EDD) et aux jeunes en recherche d’emploi.

3.2.1. Des profils proches des indépendants classiques

44Les indépendants sous statut d’autoentrepreneur (AE) en 2017 ont des niveaux et des spécialités de formation initiale très proches de ceux des indépendants classiques (IC) de 2017 mais ils ont été moins souvent qu’eux accompagnés à la création d’entreprise (7 % contre 16 %) et moins souvent sensibilisés à l’entrepreneuriat (9 % contre 12 %) pendant leurs études. Les jeunes à leur compte en 2017 sont nombreux à exercer en tant que Commerçants ou Professions Intermédiaires (PI), notamment dans la santé et le social (Figure 1), à l’image de la population générale (Salembier & Theron, 2020). Les AE exercent un peu moins souvent ces métiers que les IC et, à l’inverse, un peu plus souvent des activités de PI hors santé, tels que graphistes, photographes ou encore techniciens du spectacle...

45En revanche, « l’expérience entrepreneuriale » des AE est plus faible que celle des IC : ils ont passé moins de mois en tant qu’indépendant depuis sept ans (54 % vs. 63 % de leur temps) et leur ancienneté à leur compte en 2017 est plus faible (37 mois au lieu de 44). Ceci confirme qu’une partie de ces jeunes se sont installés plus récemment, profitant sans doute de ce nouveau régime pour sauter le pas.

Figure 1 • Catégorie socioprofessionnelle en 2017

3.2.2. Parcours et satisfaction professionnelle comparables à ceux des jeunes stabilisés

46Pour approfondir la comparaison, on a analysé la précarité des parcours professionnels l’aide de 4 indicateurs et en distinguant 5 catégories d’actifs en 2017 : AE, IC, salarié en EDI, salarié en EDD et chômeur en 2017 (Figure 2). Les parcours précaires concernent d’abord les jeunes en recherche d’emploi ou en emploi à durée déterminée au bout de sept ans : accès tardif au 1^er emploi et forte intensité du chômage. Sur ces indicateurs, les autoentrepreneurs affichent au contraire des valeurs qui sont comparables à celles des IC et des jeunes stabilisés.

Figure 2 • Indicateurs de précarité selon la situation professionnelle en 2017

47On s’est ensuite intéressés à la satisfaction des autoentrepreneurs vis-à-vis de leur situation professionnelle : elle est élevée et comparable à celle des salariés en emploi à durée indéterminée et des indépendants classiques (IC), et supérieure à celle des salariés en EDD et à fortiori des chômeurs (Figure 3). Cela n’empêche pas la moitié d’entre eux d’avoir trouvé leur parcours difficile, jugement un peu plus sévère que les salariés EDI et les IC. Ils se déclarent également optimistes pour leur avenir professionnel, à l’opposé des chômeurs. Ces déclarations relativement positives laissent penser que ces jeunes ont très vraisemblablement choisi ce statut qui, pour l’instant, leur convient.

Figure 3 • Satisfaction générale sur la situation professionnelle selon la situation en 2017

48Enfin, concernant leur activité, sept autoentrepreneurs sur dix déclarent que celle-ci leur permet « tout à fait » de se réaliser professionnellement, soit une proportion équivalente à celle des indépendants classiques et bien plus élevée que celle des salariés, en EDD ou EDI (Figure 4). Ils sont moins de 10 % à rechercher un autre emploi, soit la proportion la plus faible des 4 groupes de jeunes en emploi. Enfin ils sont plus d’un sur deux à estimer que leur emploi correspond bien à leur formation, ce qui peut en partie s’expliquer par le poids des diplômés de la santé parmi eux.

Figure 4 • Satisfaction vis-à-vis de l’emploi occupé en 2017 selon le statut d’emploi en 2017

49Le portrait des diplômés de l’enseignement supérieur exerçant en tant qu’autoentrepreneur qui ressort de l’enquête Génération montre des jeunes aux parcours « normaux » et relativement satisfaits de leur situation professionnelle, bien plus en tous cas que les salariés en EDD ou les chômeurs. Il semble que ces jeunes ont vu dans le statut d’AE l’opportunité de créer leur activité, en accord avec leur projet, comme ont pu le faire les indépendants classiques. Au sein de cette population, fortement polarisée selon la littérature, ces sortants de l’enseignement supérieur font à l’évidence partie des mieux lotis.

Conclusion

50Le nombre d’indépendants s’accroît depuis 2010, porté par la création du statut d’autoentrepreneur qui facilite singulièrement les démarches et la fiscalité liées à la création d’une activité. L’enquête Génération 2010 du Céreq permet de suivre pendant sept ans la première cohorte de diplômés du supérieur ayant pu bénéficier de ce statut. Elle montre que 8 % des jeunes sont indépendants au bout de sept ans, que cette proportion varie selon les diplômes et spécialités, et qu’elle est plus probable lorsque les jeunes ont été formés à l’entrepreneuriat lors de leur dernière année de formation initiale. Cette installation est un processus qui peut prendre quelques années et succéder à des premières expériences en emploi salarié, pas nécessairement précaires. À l’horizon des sept premières années de vie active l’installation apparait le plus souvent durable. Elle correspond souvent à un projet développé en amont mais qui a mis un peu de temps à se concrétiser.

51Le statut d’autoentrepreneur, déclaré par un tiers des indépendants au bout de sept ans, semble satisfaire une majorité de jeunes (86 %). Rien dans leurs parcours professionnels et leur situation professionnelle ne laisse entrevoir des difficultés particulières, ce qui les oppose aux salariés en EDD et, encore plus, aux jeunes en recherche d’emploi. Ils ont par ailleurs des situations d’emploi et des ressentis très comparables à ceux des indépendants classiques, et, comme eux, déclarent massivement se réaliser professionnellement. Ce qui laisse penser que ce statut, offrant encore peu de protection sociale, correspond pour ces jeunes diplômés de niveau bac+2 à bac+5 à des situations plus voulues que contraintes.

52Ces premiers résultats doivent être confirmés et approfondis. La catégorie des indépendants est à l’évidence très hétérogène et son étude demande de disposer de données permettant de détailler les différents profils qui la composent. Mieux mesurer et mieux comprendre la réalité des situations professionnelles et le devenir des jeunes autoentrepreneurs permettrait, à l’instar de Gros (2019) d’éclairer la controverse qui les entoure et que le chercheur résume ainsi : « Ces petits indépendants augurent l’émancipation d’un cadre salarial rigide ou des formes nouvelles de domination au travail ? ».