Étudiantes « sportives » à l’université : une (r)évolution sous gages et conditions
p. 41-54
Texte intégral
Introduction
1Historiquement, le sport s’est progressivement imposé comme un marqueur de la jeunesse. Aujourd’hui, près de 60 % des jeunes âgés de 16 à 24 ans pratiquent au moins une activité physique et sportive en dehors de l’école1. Si l’activité sportive s’est féminisée, les choix de disciplines demeurent particulièrement sexués2 et liés aux profils sociodémographiques des jeunes3. De plus, nombre de sportives abandonnent les compétitions en particulier à l’adolescence4, puis lors des études supérieures ou de l’entrée dans la vie active. Ainsi en 2020, les femmes demeurent minoritaires dans le monde du sport, aussi bien de loisirs que de haut niveau, plus encore parmi les dirigeantes et présidentes de clubs5 ou de fédérations sportives6. Dans ce contexte, les étudiantes dont le parcours confère au sport de compétition une place essentielle présentent un profil « atypique » au sein de la jeunesse féminine.
2Or, le moment du choix des études, a fortiori dans l’enseignement supérieur, constitue pour les athlètes « un temps fort d’indétermination où se combattent les forces contradictoires des ambitions subjectives et de la pression sociale » et « il est moins évident qu’une femme se lance dans une carrière sportive et s’y maintienne » (Papin & Viaux, 2018a, p. 46-49). À l’université, parmi les étudiantes qui maintiennent une pratique sportive compétitive (au niveau régional, national voire international), les unes choisissent le domaine dédié aux métiers du sport, les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), les autres associent un cursus universitaire en dehors des STAPS à une pratique sportive de haut niveau. Ces étudiantes dont la pratique sportive compétitive reste centrale dans leur trajectoire sont-elles des « héritières sportives » (Forté & Menesson, 2012) ou des pionnières, premières de leur famille à vivre un tel parcours7 ?
3Afin d’appréhender les profils de celles qui déjouent les probabilités d’orientation par le sport, nous avons mobilisé une enquête quantitative menée au sein d’une université auprès de jeunes en première année de licence STAPS en 2018 (124 étudiantes, 313 étudiants)8, complétée par des entretiens biographiques auprès de dix-neuf sportives compétitrices étudiantes en STAPS et dans d’autres filières. Certaines étaient aussi inscrites au pôle d’excellence des pratiques sportives (PEPS) dans l’université enquêtée qui propose des mesures afin de faciliter les engagements sportifs intenses et les études. Les entretiens structurés autour de thèmes jalonnant leur cursus scolaire et sportif, les modalités de leur orientation, leurs rapports aux études et au sport, leurs projets, avec un fil conducteur du (non) choix de la formation STAPS, ont fait l’objet d’un traitement thématique attentif à ce que les étudiantes perçoivent de leurs parcours, expériences et perspectives9. Compétitrices sportives et étudiantes, en STAPS ou dans une autre filière à l’université, les récits des étudiantes viennent éclairer les conditions qui rendent possibles leur cursus de formation, structuré par une activité extra-scolaire (le sport) les amenant à entrer dans des espaces qui restent « masculins »10 (Louveau, 2006). Rescapées d’une double sélection scolaire et sportive, elles partagent un « goût du sport de compétition » qui les conduit à choisir des orientations universitaires oscillant entre conformité et atypisme (Érard & Louveau, 2016a ; 2016b).
4La première partie s’intéresse d’abord aux bachelières qui s’inscrivent en STAPS. Si la comparaison classique entre étudiantes et étudiants souligne la similitude de leurs profils, l’attention sur des parcours de bachelières qui s’aventurent dans cette licence scientifique en discontinuité avec leur cursus secondaire au lycée, permet d’approcher les conditions sociales, scolaires et sportives d’une telle orientation dans un espace de formation demeurant majoritairement masculin. La seconde partie s’attache aux bachelières qui optent pour une formation en dehors des STAPS, en privilégiant majoritairement des cursus féminins, et montre comment ces jeunes femmes parviennent à légitimer leur poursuite du sport de haut niveau en donnant des « gages scolaires » à leur famille.
1. Être étudiantes en STAPS : entre héritage et ouverture des possibles
5Au début des années 9011, la filière STAPS comptait 43 % d’étudiantes. C’était avant la suppression en 1995 de la sélection sur dossier et/ou épreuves physiques (cf. chapitre 1). Trente ans plus tard, loin de progresser, la part des femmes est de 33 %. L’accroissement des effectifs en STAPS – de 11 700 inscrits en 1990 à 62 000 en 2020 – et l’ouverture sociale de cette formation auraient pu augmenter la mixité (Guégnard et al., 2019). Or, il n’en est rien. Cette filière s’est masculinisée au fil du temps à l’opposé de bien d’autres formations universitaires alors qu’elle attire de nombreux jeunes, comme en témoignent les vœux des élèves au moment de la procédure d’admission dans l’enseignement supérieur12 (Érard et al., 2019). La filière STAPS demeure sous domination masculine en 2018 sur le plan national ou local avec en première année de licence seulement 27 % d’étudiantes, qui sont pourtant en plus grande réussite que leurs homologues masculins13. Sportives dans un cadre compétitif, entrant dans ce territoire masculin du sport, les « stapsiennes » font figure d’atypiques parmi la jeunesse féminine universitaire.
1.1. Une ressemblance en trompe l’œil dans leurs parcours
6Depuis plusieurs années, les STAPS accueillent des bachelières d’origine scolaire et sociale composite avec une répartition similaire à celle des étudiants14 (cf. annexes – tableau 1). Dans l’université enquêtée, plus de la moitié des 124 inscrites en L1 possèdent un baccalauréat scientifique, le quart un baccalauréat économique, 20 % un baccalauréat technologique et professionnel. La moitié des étudiantes ont un parent diplômé du supérieur, près de 30 % ont un parent cadre15 et le quart un parent ouvrier. Elles évoquent les mêmes motifs qui les ont incitées à s’inscrire en STAPS que les étudiants (rester dans le monde du sport, être douée pour le sport, faire des études en lien avec le sport). Elles citent les mêmes facteurs de réussite dont le niveau scolaire (47 %) et surtout la motivation (66 %) comme l’écrit dans le questionnaire Anaïs bachelière littéraire : « Avec de la bonne volonté et de la motivation, on peut déplacer des tapis de gym ! ». La « passion » pour le sport et le fait d’avoir un projet professionnel lié au sport sont aussi deux items évoqués par près de 20 % des jeunes. Enfin, les étudiantes sont tout autant satisfaites de leur orientation en STAPS (98 %) et aussi nombreuses à choisir à nouveau cette formation si c’était à refaire (94 %).
7Les étudiantes ont en commun une socialisation sportive précoce précisée lors des entretiens, « depuis toute petite », notamment dans les familles où le sport occupe déjà une place importante (69 %) : « J’ai toujours fait du sport, beaucoup de sport, j’ai une famille très sportive », « il y a toujours eu l’esprit sportif », « tout le monde est dans le foot »… Les activités physiques et sportives font partie de leurs loisirs, confortées parfois par une scolarisation en section sport étude (19 %), qui se prolonge fréquemment sous forme d’une modalité sportive compétitive et polyvalente avec au moins un sport masculin16. Dans l’ensemble, ces femmes présentent un capital sportif, personnel et hérité, comparable à celui des étudiants : elles ont autant pratiqué à un niveau de compétition (inter)national (44 % versus 42 % via les clubs, associations et UNSS17). Elles affirment, à l’instar des hommes, avoir été parmi les meilleures en éducation physique et sportive (EPS) au collège et au lycée (90 %). Leur choix semble se réaliser dans des configurations familiales où l’activité sportive est importante tant du côté des pères (86 % versus 83 % des étudiants) que du côté des mères qui se démarquent (77 % versus 67 %) de surcroît en compétition, à l’instar de travaux antérieurs repérant ces mêmes tendances18.
8Au-delà d’une carrière d’amateur19 dans le monde sportif, elles ont aussi la particularité d’avoir des engagements sportifs divers (pratique, encadrement) en parallèle de leurs études. Si elles déclarent s’entraîner moins souvent en 2018 (32 % évoquant trois entraînements hebdomadaires au minimum pour 43 % des étudiants), elles encadrent autant des équipes ou des activités sportives et elles ont davantage obtenu des diplômes de moniteur/entraîneur20.
9Elles se distinguent surtout par une meilleure réussite scolaire au regard de leur âge21 et de leur mention au baccalauréat, mais aussi par un souhait d’engagement vers des études sportives qui s’enracine plus tôt dans leur histoire, en primaire ou au collège. Cette projection d’orientation n’est pas sans lien avec un projet professionnel plus fréquemment formulé et elles ont ainsi plus souvent pris une option sport aux épreuves du baccalauréat. Si près de 40 % des étudiantes comme des étudiants souhaitent « devenir prof d’EPS », les métiers de coach, entraineur et préparateur22 physique sont envisagés par seulement 14 % d’entre elles (versus 31 % des étudiants), tandis que la « filière APAS » (activités physiques adaptées et santé) est davantage plébiscitée (11 % versus 6 %). Ces projets préfigurent les distributions dans les diverses spécialités de STAPS23 voire leurs futures insertions professionnelles différenciées (Érard & Guégnard, 2018a).
10Les profils féminins les plus fréquents en STAPS sont des bachelières scientifiques, sportives compétitrices qui disposent d’un capital scolaire et sportif semblable à celui de la majorité des étudiants par leur baccalauréat, leurs disciplines sportives (athlétisme, sports collectifs, sports de combat…), leurs modalités de pratique (compétition [inter]nationale, entraînement trois fois par semaine). Toutes n’ont cependant pas ce profil scientifique : des titulaires d’un autre baccalauréat osent une orientation statistiquement minoritaire, ce qui les différencie doublement au regard de leurs homologues inscrites dans d’autres formations non-scientifiques et/ou dans le prolongement de leur baccalauréat24. L’audace de ces bachelières engagées sur un chemin où elles sont traditionnellement moins attendues mérite une attention particulière : quels sont les ressorts qui rendent possible ce choix basculant ainsi d’une formation secondaire non-scientifique, souvent féminisée, vers une formation universitaire scientifique ?
1.2. Entre audace et héritage : des bachelières non-scientifiques en STAPS
11Les bachelières économiques et littéraires qui optent pour cette filière, sont souvent de famille socialement favorisée et diplômée du supérieur25 et elles se qualifient fréquemment de « multisportive » au cours des entretiens. Leurs propos dévoilent comment un capital non académique (ici sportif) développé en parallèle du capital scolaire devient objet d’investissement dans les études, et les conduit à choisir une formation pluridisciplinaire qui donne une large place à des enseignements scientifiques non directement liés à leur spécialisation acquise au baccalauréat. Comme l’illustre le récit d’Anaïs, c’est un goût affirmé pour le sport qui conduit cette littéraire à s’orienter en STAPS, devenant ainsi pionnière d’une famille non sportive qui valorise les sciences.
12Pour Anaïs, l’entrée en STAPS relève « d’un rêve d’enfant ». Depuis le collège, elle veut « être professeur de sport et puis ça a été encore plus renforcé par un professeur de sport ». Alors qu’elle déclare ses parents peu intéressés par le sport, elle souligne ses multiples expériences de pratiques et d’encadrement :
« Ah j’ai fait plein, plein de sports, on m’a toujours mis au sport de forcing… J’ai fait de la gym, dès que j’ai su marcher, j’ai commencé la gym. Après j’ai fini au hand parce que ça m’a bassiné en gym, j’ai fait sport étude canoë kayak au collège. Et au lycée je me suis mise à la course, au badminton, au rugby et au cirque. »
13Anaïs relate son cursus scolaire en contraste avec sa famille, tous des scientifiques (parents exerçant en médecine libérale et frère informaticien) :
« J’étais très nulle en maths […] Dans ma famille c’est presque que des scientifiques qui ont eu des très grosses mentions au bac. Moi j’ai eu une toute petite mention en L ». Ses parents sont plutôt réticents à l’égard de son choix de STAPS, ce qu’elle explique ainsi : « C’est pas du tout des sportifs, donc ça a été très obscur pour eux que j’aille en STAPS, il y avait eu un gros refus au début, donc je me suis assez battue pour y aller […] Très compliqué, pour eux c’était pas de débouchés et c’était assez soutenu par les autres professeurs dans le lycée… ». (Anaïs, 19 ans, bac L option sport, mention AB, L1 STAPS, gymnastique et canoë kayak en compétition, course, handball, badminton, rugby, cirque, escalade, kitesurf.)
14Les bachelières professionnelles et technologiques sont quant à elles d’origine sociale modeste, toutes boursières, et fréquemment les premières de leur famille à accéder à l’université. Qu’elles aient « choisi » ou non leur baccalauréat, les étudiantes interrogées l’ont réussi au point d’obtenir une mention d’excellence (sauf Zora). Leur réussite scolaire et leurs engagements sportifs souvent polyvalents avec au moins une discipline masculine (football, boxe, VTT, judo) les amènent à envisager une orientation en STAPS, une filière où elles peuvent valoriser un capital sportif et poursuivre des ambitions professionnelles.
15Théa évoque ainsi son projet d’éducatrice handisport dans la lignée parentale et de son choix en seconde : « Le côté infirmier qui revient. Côté sport, papa ; côté infirmier, maman ». En effet, sa mère aide-soignante et son père carreleur, ancien sportif de handball qui continue des activités physiques (VTT, course), ont incité leurs trois filles à faire du sport. Seule Théa, la plus jeune, y a pris goût26 :
« Je suis quand même sportive de base […] j’ai fait de l’équitation, j’ai obtenu mon galop 5, j’ai arrêté pour des problèmes de santé […] la gym j’ai fait, pff, je crois depuis ma maternelle jusqu’au collège et après j’ai arrêté au collège, et j’ai pris le VTT à partir de la 4e […] après j’ai toujours fait du vélo avec mon père. » En fait, STAPS est l’alternative après une hésitation avec la formation d’infirmière et un concours non réussi : « du coup j’ai été à la fac […] ce que je voulais faire en fait, c’était rentrer en APAS pour tout ce qui est rééducation avec les handicapés et vraiment du coup ça rejoint quand même un peu la filière infirmière ». Théa ajoute : « J’aime bien le sport et vraiment les matières aussi elles m’intéressaient, neuro, musculaire aussi, anatomie… » L’intérêt pour ces matières est déjà apparu en 2de où avec 15 de moyenne et malgré les insistances de ses professeurs, elle choisit la série sciences et technologies de la santé et du social : « En fait je n’ai pas voulu faire un bac général… Les matières qui m’intéressent en technologie, c’est vraiment la biologie quoi, tout ce qui est humain, alors que S, ça m’aurait pas intéressée. » Elle obtient d’ailleurs son diplôme avec une mention d’excellence. Théa se projette dans la rééducation et souhaite continuer l’encadrement en club pour « des cours de vélo aux petits », activité qui lui « plaît ». (Théa 18 ans, bac ST2S mention B, L1 STAPS, équitation, gymnastique, VTT, natation, cross, handball.)
16Ces étudiantes interviewées parviennent à déjouer les statistiques en assumant leur orientation atypique dans une filière qui unifie leur passé sportif et scolaire : souvent « héritières » sportives dans leur famille, elles sont les premières à entrer à l’université.
17Cristina, bachelière des métiers de la sécurité, dont les parents ont fait du sport de compétition une voie de professionnalisation, est ainsi la première de sa famille à franchir le cap de l’université dans la perspective d’exercer « un métier d’homme » selon ses propres mots. Cristina relate un parcours avec la danse en héritage et une détermination qui balisera ses choix d’orientation en lycée professionnel puis en STAPS : « depuis toute petite je veux être pompier de Paris, ça a toujours été mon rêve et je ne changerai pas […] donc je me battrai pour arriver ». Face à ce dessein d’enfance, son cursus dans une spécialité professionnelle sélective (12 places pour 200 demandes) lui permet d’effectuer six heures de sport par semaine au lycée, des stages en « gendarmerie, police et sapeur-pompier », en complément de son engagement à 12 ans comme jeune pompier volontaire. Obtenant son baccalauréat avec une mention d’excellence, elle trace sa route passant outre les découragements des enseignants du lycée qui tentent de la dissuader de choisir STAPS et même le proviseur « a fait un dessin d’un avion qui se cassait, qui se crashait ». Soutenue par ses parents et son coach de boxe, pompier à Paris, elle maintient l’université afin de rester dans le monde du sport et de poursuivre ses nombreuses activités :
« Aujourd’hui je suis prof de danse et je fais de la boxe à haut niveau et je ne voulais pas m’arrêter en fait maintenant parce que moi je veux faire pompier de Paris plus tard et je ne voulais pas voilà, donc m’arrêter net dans ma carrière de sportive. »
18Le sport est essentiel dans sa famille (recomposée), notamment pour sa mère qui a trouvé dans la danse un moyen d’émancipation : « mes grands-parents étaient plutôt pauvres donc ma mère elle s’est plutôt libérée dans la danse, en dansant dans la rue » dit-elle lors de l’entretien. Initiée à la danse dès l’âge de 4 ans, participant à de nombreux stages et compétitions internationales, l’enseignant pour « transmettre sa passion » depuis ses 16 ans (dotée du BAFA), Cristina associe deux sports très contrastés, la danse et la boxe découverte à l’âge de 10 ans27. Sa mère, professeure de danse de salon, est devenue responsable de magasin tout en dirigeant l’association de danse et son père plombier-électricien, qui a participé au championnat national de football, s’est reconverti en professeur de danse. Elle a profité de cette lame de fond sportive comme ses plus jeunes frères et sœur (football, rugby, basketball). Cristina prolonge ainsi une histoire voire une ascension familiale par l’intermédiaire du sport. (Cristina 18 ans, bac métiers de la sécurité mention B, L1 STAPS, danse et boxe en compétition, cross.)
19Ces bachelières non-scientifiques se lancent dans une formation a priori inattendue qui présente une opportunité de valoriser leurs activités sportives extrascolaires et de transformer leur intérêt, voire leur passion, en métier. Elles s’offrent ainsi des perspectives d’études plus larges que les voies traditionnelles où se retrouvent massivement les étudiantes du supérieur. Cette ouverture des possibles scolaires et professionnels s’effectue grâce (et au prix ?) d’engagements réalisés de longue date dans le monde masculin du sport, et d’un passage dans le filtre d’une double sélection scolaire et sportive. Une telle orientation en STAPS s’inscrit dans une démarche volontariste et audacieuse, faisant fi des découragements institutionnels souvent rencontrés. Elles se retrouvent aux côtés des bachelières scientifiques avec qui elles partagent un dénominateur commun : une activité sportive compétitive tournée vers une modalité de pratique masculine (par le type de sport, par sa modalité d’exercice fréquemment polyvalente et/ou de haut niveau). Ainsi, ces sportives compétitrices aux profils sociaux et scolaires bigarrés se (re)trouvent-elles en STAPS.
2. Être étudiantes (hors STAPS) et sportives de haut niveau : donner des gages
20Dans l’université enquêtée, un pôle d’excellence des pratiques sportives (PEPS) a été créé en 2010 afin de soutenir les jeunes de haut niveau sportif et optimiser leurs cursus universitaire et sportif (cf. encadré). Les jeunes femmes représentent près du tiers des effectifs inscrits dans ce dispositif au cours de ces dix ans28. La plupart s’inscrivent en filière STAPS qui peut apparaître comme une voie d’études privilégiée pour des sportives de haut niveau : 61 % versus 72 % des étudiants. Pourtant des bachelières n’empruntent pas le même chemin et s’orientent vers un autre domaine comme le droit, les sciences de la vie et de la terre, les sciences humaines… rarement en médecine ou sciences et techniques. Les étudiantes29 rencontrées, qui se singularisent par une pratique compétitive intensive et un parcours universitaire hors STAPS, continuent fréquemment des études dans le droit fil de leur série de baccalauréat, plus conformes aux attentes des parents et aux orientations généralement privilégiées par les bachelières30, et connotées féminines. Ainsi affirment-elles à l’unanimité avoir choisi leur baccalauréat et leur formation supérieure sans hésitation (sauf Céline).
21Si certaines étudiantes apparaissent comme premières de leur famille à investir le champ de la compétition sportive, d’autres ont bénéficié d’une socialisation sportive souvent précoce initiée dans une famille où le sport est un élément plus ou moins central dans leur style de vie (Forté, 2006). Mais face au « double jeu scolaire et sportif » (Papin & Viaux 2018a), toutes semblent pouvoir maintenir leur pratique du sport à haut niveau à la condition de donner des « gages » scolaires à leur famille (bonnes notes, obtention du baccalauréat, mention). Si ce type de parcours ne semble pas être l’apanage d’un milieu social particulier, toutes ont dû convaincre leurs parents en faisant leurs preuves tant dans les résultats sportifs que scolaires.
Au pôle d’excellence des pratiques sportives (PEPS)
Dans l’université (de province de taille moyenne) enquêtée, ce pôle est destiné à soutenir les cursus universitaires de jeunes qui sont engagés dans la compétition sportive sans forcément figurer sur les listes ministérielles des sportifs de haut niveau. L’inscription qui s’effectue après une sélection officielle et une étude du dossier de candidature, leur donne un statut particulier leur permettant de ne plus être pénalisé en cas d’absence à un cours obligatoire. Le PEPS propose divers services d’accompagnement personnalisé : suivi médical, pédagogique et de préparation physique, aide au logement universitaire, à l’alimentation-restauration, cours de soutien et de tutorat, aménagement des études (adaptation des dates d’examen lors des compétitions, cursus sur plusieurs années…).
Depuis sa création, 1 353 jeunes dont 445 femmes (soit le tiers) sont passés par le PEPS pour une ou plusieurs années, au fil des cursus universitaires et des exploits sportifs. Sur les dix ans, la part des femmes a évolué de 31 % des inscrits en 2011 à 41 % en 2021. Cette tendance est proche des chiffres nationaux : parmi les 15 000 athlètes de haut niveau en France, seulement 38 % sont des femmes en 2020 contre 30 % en 1994 (INJEP, 2020).
2.1. Premières de leur famille à faire du sport de compétition un élément central de leur parcours
22Les bachelières, sportives compétitrices inscrites au PEPS, cumulent un parcours sportif et universitaire hors STAPS et mènent ainsi de front un double projet estimant qu’ils peuvent s’articuler sans se confondre, contrairement aux « stapsiennes ». Elles sont loin d’être toutes des héritières issues de famille socialement et culturellement favorisée, qui ont bénéficié d’une socialisation sportive dès leur plus jeune âge. Si elles ont parfois rencontré quelques résistances dans leur choix sportif ou scolaire, le soutien ou l’accompagnement des parents est majoritairement inconditionnel dans leurs propos.
23Alice découvre ainsi l’haltérophilie tardivement en classe de 2e avec son professeur d’EPS, puis s’entraîne à l’UNSS et devient championne de France dès la première année. Ni sa mère conseillère à pôle emploi, ni ses frère et sœur ne pratiquent de sport et seul son père, responsable de magasin, a pratiqué « un peu le handball ». Elle raconte la surprise parentale de la manière suivante : « quand j’ai commencé déjà ils [ses parents] se sont demandés pourquoi je voulais faire ça […] c’était pas du tout l’image qu’ils avaient de moi, vu que je faisais de la danse avant. Après ils m’ont toujours soutenue… » Pionnière de par son choix en haltérophilie, « une passion » découverte en 2e dans une famille non sportive, elle tente de se « qualifier aux championnats d’Europe » tout en poursuivant ses études avec succès. Lors de la transition lycée-enseignement supérieur, dotée d’une mention d’excellence pour son baccalauréat S en section AbiBac (bac français et Abitur allemand), Alice choisit les sciences et vie de la terre. (Alice, 19 ans, bac S et Abitur, mention B, L1 SVT, haltérophilie haut niveau, danse, équitation.)
24Comme Alice, Marie excelle dans une activité sportive individuelle masculine, la lutte, alors que ses parents techniciens supérieurs ont peu pratiqué de sport. Pourtant, elle a suivi très tôt les traces de son frère (qui arrête la lutte en école d’ingénieur) et devient championne de France dès la 4e :
« J’ai commencé à 3 ans. Au début j’étais un peu jeune mais je voulais faire comme mon frère qui a quatre ans de plus. Et au début ils [ses parents] m’ont laissée parce que je m’amusais bien. Et en fait quand j’ai commencé à grandir en 4e j’ai voulu partir en sport étude mais déjà c’est loin les Pyrénées. Ils n’étaient pas trop pour, ils ont commencé à être un peu réticents. Sauf que j’ai fait championne de France en 4e donc je n’avais pas le choix si je voulais continuer et ils m’ont toujours soutenue du coup… »
25Après une orientation en lycée sportif (pôle espoir de lutte) et l’obtention du baccalauréat ES, Marie s’inscrit sans hésitation en licence intéressée par le droit du sport mais aussi par la possibilité d’aménager son cursus via le PEPS avec pour horizon les J.O. :
« Mais là maintenant à la fac si j’ai décidé de le faire en deux ans, c’est parce que j’ai mes priorités sur la lutte. Je favorise la lutte, les cours je pourrai toujours continuer après. Moi je compte continuer jusqu’à Paris 2024 ! » (Marie, 20 ans, bac ES, L2 droit, lutte haut niveau.)
2.2. En position d’héritage sportif, une stratégie scolaire qui prime
26D’autres étudiantes bénéficient d’une socialisation marquée par l’importance donnée au sport (notamment du côté des mères) mais dans laquelle la réussite scolaire et le prestige de la formation universitaire demeurent prioritaires. Le parcours d’Alix met en relief les tensions créées par sa volonté de poursuivre la compétition sportive qui renvoie à un héritage sportif maternel et le souhait d’investissement scolaire de sa mère.
27Alix présente ainsi sa « passion » du handball transmise par sa mère (secrétaire) :
« C’est une ancienne grande handballeuse, enfin, elle a joué en D2 quand même donc c’est la deuxième division française. Donc, c’est elle qui m’a transmis vraiment la passion… Toute petite j’allais dans tous les gymnases à ses matchs avec mon père… »
28Quant à son père (comptable), il a placé au second plan sa pratique du football pour accompagner la carrière sportive de sa femme. Seul son frère aîné n’est « pas vraiment sportif » malgré de nombreuses initiations (handball, natation, tennis, football). Très jeune, Alix exerce trois sports en même temps (handball, natation, tennis) puis elle opte pour le handball quand les entraînements commencent à se multiplier et suit une section sportive dès le collège et ensuite au lycée. Elle définit son parcours scolaire comme « très atypique » du fait qu’elle obtient son baccalauréat S en deux ans au lieu de trois (comme prévu pour les élèves en lycée sportif, pôle espoir). Elle s’inscrit en droit avec le projet professionnel de devenir juge. Alix raconte aussi les réticences parentales et surtout celles de sa mère qui privilégie les études :
« Ma mère, c’est compliqué parce que j’avais vraiment des bonnes notes et tout et ma mère au final voulait que je me lance à fond dans les études, elle voulait me mettre dans un lycée privé. Au début donc j’ai dû me battre parce que pour elle, le sport de haut niveau n’avait aucune garantie on va dire. Donc j’ai dû me battre face à ma mère qui était très craintive jusqu’à ce que j’aie le bac mention bien, ça l’a rassurée. Elle sait vraiment maintenant que je ne délaisse pas les études. » Pour autant, son projet est déterminé, devenir « professionnelle » dans ce sport, un « rêve d’enfant ». (Alix, 18 ans, bac S mention bien, L1 droit, handball haut niveau, musculation, natation, tennis.)
29S’orienter vers une filière universitaire en dehors des STAPS, en lien avec un projet professionnel, permet de (se) donner des garanties scolaires susceptibles de légitimer vis-à-vis de la famille, la poursuite d’une pratique sportive intensive, à l’image de Marie qui pointe à nouveau les prudences parentales :
« En fait mes parents ne sont pas pour que je fasse du droit… Ils pensent que ça va être compliqué avec la lutte. Du coup, l’an dernier quand c’était le moment des choix ils étaient contre. Mais moi je pense que je peux y arriver. Et en voyant mes résultats du premier semestre, ils disent qu’il faut encore un peu travailler mais maintenant ils pensent que je peux y arriver parce qu’ils ont vu que j’ai bien travaillé. »
30De même, Alice relate que ses parents souhaitent « par-dessus tout qu’elle ait un avenir professionnel » et l’encouragent pour ses études. Elle relève aussi parmi les facteurs explicatifs de son choix universitaire, la difficulté de gagner sa vie dans l’haltérophilie, pas aussi populaire que « le football, la natation ou le hand » :
« C’est un sport qui ne paie pas trop, on sait très bien qu’on ne va pas en vivre toute notre vie donc il faut quand même faire des études à côté ». Alice ajoute que la carrière s’arrête « vers 30 ans » : « C’est un peu compliqué dans notre sport vers 30 ans c’est déjà… Les carrières internationales elles s’arrêtent. Donc peut-être que je continuerai mais par loisir après. »
31Ces sportives passionnées sont rarement déconnectées des réalités et du temps éphémère de leur carrière sportive, dont elles connaissent les faibles chances de professionnalisation pour les femmes31 et les difficiles conciliations avec une vie de famille. Alix explicite aussi :
« Moi je pense en tout cas que je n’irai pas jusqu’à 30 ans ou en tout cas maximum. Je connais des filles dans notre équipe qui ont 31 et 34 ans sans famille, enfin voilà elles n’ont pas de conjoint, pas d’enfant. Et moi, je ne veux pas attendre cet âge-là pour commencer à créer quelque chose au niveau familial. Je veux me fixer une limite. »
32Malgré leurs aspirations, leurs performances sportives et leur « passion » du sport, ces bachelières n’envisagent pourtant pas de faire du sport leur métier, se détournent d’une formation en STAPS pour plusieurs raisons : la surcharge d’entraînement physique, leur perception négative des débouchés offerts par la formation et enfin, la difficile reconnaissance et professionnalisation des femmes dans le sport. Elles optent pour des études universitaires dont elles estiment qu’elles ne mettent pas en danger leur investissement sportif et (se) donnent des « gages scolaires » permettant de rendre acceptable la poursuite d’une pratique sportive de haut niveau. Elles expriment un « intérêt pour les études, la culture générale », qualifient leur formation supérieure de « théorique », « générale », « intellectuelle » et leur attribuent parfois un prestige qu’elles n’accordent pas à la filière STAPS, considérée sans véritable perspective à l’exception du professorat d’EPS.
33À titre d’exemple, Jeanne, golfeuse, inscrite en L3 lors de l’entretien, s’oriente après son baccalauréat vers une formation par intérêt des matières :
« J’ai fait un bac ES et j’étais intéressée par l’économie, les entreprises, l’actualité, tout ça. Donc c’était ça ou la BSB, l’école de commerce. On m’a dit que l’IAE était très bien, l’institut d’administration des entreprises qui prépare aux métiers liés au management. Et moi j’aimerai me spécialiser dans le marketing. »
34Leurs histoires singulières tant par le choix de leur sport que leur cursus scolaire soulignent cependant une autre particularité. Plusieurs se placent en position de double projet sportif et scolaire pouvant à terme ne faire plus qu’un. Jeanne projette ainsi de faire « un master en alternance marketing pour un équipementier sportif », Marie met en exergue son intérêt pour le « droit du sport », Céline explicite son choix de sociologie avec pour projet « l’insertion sociale des enfants par le sport », Anna souhaite prolonger son activité professionnelle en devenant « masseuse sportive » et Clémentine espère continuer dans « la recherche nutrition dans le monde sportif » en précisant : « il y a toujours ce domaine du sport qui reste un peu mais ce n’est pas ciblé vraiment sur le sport. »
35Ces étudiantes mènent de front deux parcours d’excellence, scolaire et sportif, en lien avec la représentation qu’elles ont de leurs performances, de leurs perspectives à l’horizon des grandes compétitions (inter)nationales. Si quelques-unes formulent l’espoir de devenir professionnelle et de faire de leur sport un métier, elles ont toutes choisi des études universitaires qui ne mettent pas en danger leur investissement sportif, tout du moins durant les premières années, se dotant ainsi d’une sécurité par des gages scolaires face au caractère éphémère et risqué des carrières sportives, notamment féminines (Érard & Guégnard, 2022).
Conclusion
36Loin d’une orientation à l’université par défaut, les étudiantes enquêtées, en formation de STAPS ou en dehors, présentent le point commun de poursuivre un loisir sportif sous forme compétitive, de haut niveau parfois, ce qui les différencie notoirement au sein de la jeunesse féminine, l’espace du sport de compétition restant largement sous domination masculine32. Les parcours de ces femmes sont atypiques à plus d’un titre : par leur capital et investissement sportif qui peut s’expliquer par un héritage familial (mais pas toujours), par l’accès à l’université (premières de leur famille mais pas toujours), par le choix d’une filière scientifique masculine dotée d’un baccalauréat non scientifique, par le maintien d’une pratique sportive de haut niveau couplé d’une excellence scolaire… et plusieurs réussissent33…
37Entre héritage et ouverture de nouveaux possibles, entre l’espace scolaire et le monde sportif, ces bachelières déploient des façons de « (dé)faire le genre » qui sont différentes tout en s’octroyant la possibilité d’accéder à un espace de formation légitime à leurs yeux. En entrant en STAPS et/ou en maintenant une pratique sportive de haut niveau, elles déploient des parcours qui les amènent à accéder à des espaces masculins socialement distinctifs et pour lesquels certaines ont dû « se battre », « faire leurs preuves », « donner des gages ». Les unes se placent en position de « conversion » de leur capital sportif en STAPS, dans une licence scientifique connotée masculine, et combinent des activités de pratiquante/joueuse, de bénévole/salariée, autant d’espaces sociaux où elles renforcent la valeur de leur capital sportif et se créent des opportunités. Les autres visent un « cumul » parallèle des capitaux, un double projet sportif et universitaire, et privilégient un engagement intense dans leur carrière sportive durant leurs premières années à l’université et elles optent pour une filière connotée féminine dans le prolongement de leur baccalauréat.
38Ces profils d’étudiantes sportives et compétitives ont toujours existé : historiquement, peu nombreuses, ce sont ces étudiantes de l’université qui ont constitué le vivier des jeunes femmes à l’origine de la féminisation des activités sportives compétitives depuis la fin du XIXe (Louveau, 2006) et le réservoir des enseignantes d’EPS (pour les étudiantes en STAPS et préalablement dans les UEREPS et IREPS34) (Szerdahelyi, 2014 ; Érard & Szerdahelyi, 2019). S’ils ne sont pas nouveaux à l’échelle de la longue durée, ils soulignent à quel point ces parcours demeurent en dehors des normes de genre et ô combien, ils supposent encore des conditions familiales, sociales et scolaires peu partagées et des gages sociaux, scolaires et sexués. Par leur parcours marqué par des pratiques sportives compétitives, ces femmes incarnent une jeunesse à la conquête d’un territoire qui demeure masculin. Ces étudiantes qui font la preuve d’une « insoumission discrète » (Palheta, 2012), contribuent à la « révolution respectueuse » (Marry, 2004) à l’œuvre à l’université et plus encore dans un espace sportif qui résiste fortement à l’entrée des femmes.
Bibliographie
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10.3917/soco.090.0053 :Annexe
Tableau 1 • Profils des jeunes en L1 STAPS (en %)
Femmes | Hommes | |
Scolaire et social | ||
Bac scientifique | 54 | 52 |
Bac économique et social | 25 | 26 |
Bac littéraire | 2 | 1 |
Bac technologique | 13 | 15 |
Bac professionnel | 6 | 6 |
Mentions bien et très bien | 14 | 10 |
Mention assez bien | 26 | 26 |
Bac choisi | 89 | 85 |
Bac à 18 ans | 86* | 78* |
Boursier | 44 | 46 |
Parent diplômé du supérieur | 53 | 51 |
Parent cadre | 28 | 35 |
Parent ouvrier | 25 | 22 |
Sportif | ||
Grande place du sport dans la famille | 69 | 69 |
Pratique sportive père (compétition) | 86 (60) | 83 (66) |
Pratique sportive mère (compétition) | 77* (40) | 67* (34) |
Parmi les meilleurs en EPS au collège, lycée | 90 | 91 |
Section sport étude | 19 | 16 |
Option sport au bac | 30* | 22* |
Pratique sportive en club | 98 | 96 |
Pratique sportive à l’AS/UNSS | 74 | 74 |
Inscription en club/association en 2018 | 77* | 85* |
Entraînement 3 fois et+ par semaine en 2018 | 32* | 43* |
Encadrement d’une équipe en 2018 | 36 | 37 |
Compétition (inter)nationale + 3 entraînements, PEPS | 44 | 42 |
Diplôme sportif, BAFA | 30* | 18* |
Projet sport en primaire ou collège | 26* | 19* |
Effectif | 124 | 313 |
Lecture : 86 % des étudiantes inscrites en L1 STAPS ont obtenu leur baccalauréat à 18 ans pour 78 % des étudiants (écart significatif*).
Source : enquête IREDU 2018.
Tableau 2 • Profils des étudiantes interviewées
Inscription en | Prénom | Âge | Baccalauréat | Sport de compétition | Projet professionnel |
STAPS | |||||
L1 | Anaïs | 19 | L | gymnastique, canoë kayak | professeur d’EPS |
L1 | Théa | 18 | ST2S | équitation | APAS ou motricité |
L1 | Cristina | 18 | Pro métiers de la sécurité | danse, boxe | pompier de Paris |
L1 | Zora | 18 | Pro ASSP | handball | prof de sport |
L1 | Léa | 18 | ST2S | judo, athlétisme | coach sportif, APAS |
L1 | Zoé | 18 | ES | gymnastique | professeur d’EPS |
L1 | Julie | 19 | ES | danse | entraîneur |
L1 | Flore | 18 | S | équitation, horse-ball | gendarme |
L1 | Isabelle | 18 | S | football | sportif |
L2 | Camille | 20 | S | judo | prof d’EPS et de judo |
L3 | Nadia | 24 | S | basketball | professeur d’EPS |
Master | Elsa | 21 | ES | football | assurances |
PEPS | |||||
1 SVT | Alice | 19 | S et Abitur | haltérophilie | sportif |
L2 Droit | Marie | 20 | ES | lutte | droit du sport |
L1 Droit | Alix | 18 | S | handball | sportif ou carrière en droit |
L3 IAE | Jeanne | 20 | ES | golf | marketing équipementier sportif |
2e IUT Biologie | Clémentine | 19 | S | athlétisme | recherche nutrition santé |
L2 Sociologie | Céline | 23 | L | volley-ball | insertion des jeunes par le sport |
DU Massage | Anna | 19 | STMG | football | sportif : monter en D1 |
Source : enquête IREDU 2018.
Notes de bas de page
1 50 % des jeunes femmes et 63 % des jeunes hommes, dont près du tiers des femmes et deux tiers des hommes participent à des compétitions (Gleizes & Pénicaud, 2017).
2 En 2020, parmi les licenciés de moins de 20 ans, le rugby compte 9 % de filles licenciées, la gymnastique 85 %, le football 10 %, la danse 94 %, le judo 28 %… (INJEP-MEDES [Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire - Mission enquêtes, données et études statistiques], données au 28/07/2021.) https://injep.fr/donnee/recensement-des-licences-sportives-2020/
3 Liverneaux, 2004 ; Augustin & Fuchs, 2014 ; Papin & Viaud, 2018a.
4 Le décrochage en termes de pratique sportive est plus important du côté des filles entre 14 et 20 ans avec une baisse de 42 % des licences féminines et 38 % des licences masculines toutes fédérations confondues en 2020 (INJEP).
5 24 % de présidentes dans les associations du secteur du sport sont des femmes (40 % de trésorières et 48 % de secrétaires) (Lecorps, 2023).
6 15 présidentes sur une centaine de fédérations, 10 % d’entraîneures nationales, 19 % de conseillères techniques… et parmi les 16 millions de licenciés, la part des licences sportives délivrées aux femmes est de 39 % au plan national (tableau de bord du sport 2020, INJEP).
7 Le concept de parcours prend en considération un ensemble d’expériences se situant autant à l’extérieur qu’à l’intérieur du système scolaire, englobant les relations entre individus et institution, les articulations entre les événements et leur signification pour l’individu et l’inscription dans des temporalités larges (Doray, 2012).
8 L’enquête qui a bénéficié du soutien de l’INJEP (Danner et al., 2019), vise à identifier les profils sociaux, scolaires et sportifs des jeunes qui choisissent cette filière afin d’appréhender leur éventuelle triple vie (études, sport, salariat/bénévolat) ou « carrières plurielles », « carrières d’amateurs » (Chalumeau et al., 2008 ; Chevalier & Coinaud, 2008 ; Érard & Louveau, 2016a ; Érard & Guégnard, 2018a).
9 Les auteures remercient l’ensemble des jeunes pour leur collaboration et Anne-Sophie Pelachale pour sa participation à cette recherche dans le cadre de son master. Les étudiantes ont choisi des prénoms fictifs pour préserver leur anonymat et leurs propos sont retranscrits en « italique ».
10 Dans la suite du texte, les guillemets pour les qualificatifs masculins et féminins sont implicites. Le terme masculin désigne les espaces et pratiques où les hommes sont largement majoritaires et qui sont construits et considérés socialement et statistiquement (plus de 60 %) pour les hommes (inversement pour les pratiques féminines) (Thomas, 2013).
11 Pour rappel, le DEUG STAPS est créé en 1975, la licence en 1977, la maîtrise et l’agrégation en 1982 et le doctorat en 1984, soit bien plus tardivement que d’autres filières.
12 La licence STAPS est plébiscitée par les jeunes qui la placent dans le tiercé des premiers vœux pour les études supérieures depuis plusieurs années via APB ou Parcoursup.
13 Le taux de passage en L2 des néo-bacheliers inscrits en L1 STAPS en 2018 est de 54 % chez les femmes et 45 % chez les hommes et l’obtention de leur licence en trois ans est de 46 % chez les femmes et 34 % chez les hommes au plan national (MESRI–SIES [ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation – sous-direction des systèmes d’information et d’études statistiques]).
14 Au moment de l’enquête, la filière STAPS de cette université contrairement à d’autres universités était accessible de droit avec le baccalauréat sans tirage au sort ni sélection via l’admission post-baccalauréat (APB).
15 Le terme cadre englobe les professions libérales, cadres, ingénieurs, professeurs. Le regroupement parent cadre diplômé du supérieur souligne un profil social moins favorisé pour les étudiantes (21 % versus 29 % des étudiants).
16 Sport où les hommes sont largement majoritaires (plus de 60 %) au vu des effectifs licenciés de chaque fédération sportive agréée par le ministère des Sports.
17 Union nationale du sport scolaire.
18 Érard & Louveau, 2016a, 2016b.
19 Chalumeau et al. 2008 ; Érard & Louveau, 2016a ; Érard & Guégnard, 2018a.
20 Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA), brevet national de sauvetage et sécurité aquatique, surveillant de baignade…
21 Plus nombreuses à obtenir leur baccalauréat à l’heure (86 % versus 78 % des étudiants).
22 Nombreuses sont les étudiantes à écrire les professions au masculin comme entraîneur, coach, professeur d’EPS, sapeur-pompier…
23 Ainsi, en 3e année de licence éducation et motricité ou en master enseignement, les étudiantes ne comptent que pour le tiers des effectifs et des diplômés (Ménard et al., 2021). Les étudiants représentent plus des trois quarts des promotions pour les autres spécialités (entraînement, ergonomie, management). Seule la 3e année de licence APAS connaît une représentation quasi paritaire.
24 Par exemple, les bachelières L s’orientent souvent en lettres, langues ou sciences humaines, les bachelières professionnelles vont davantage en sections de technicien supérieur (Danner et al., 2021).
25 Près du quart d’entre elles ont au moins un parent cadre diplômé du supérieur, à l’image des bachelières scientifiques (enquête quantitative).
26 Ses deux sœurs travaillent dans le commerce.
27 Christine Menesson (2004) a relevé que les boxeuses de haut niveau s’engagent toujours plus tardivement dans leur activité (pas avant 12 ans) et leurs choix témoignent d’une certaine polyvalence sportive et sexuée avec la danse ou gymnastique, quand celui des footballeuses est exclusif et masculin.
28 Faute de données régionales exhaustives, ces éléments de contexte sont tirés des listings obtenus auprès des responsables du PEPS après saisie et traitement statistique.
29 Les sept étudiantes âgées de 18 à 23 ans pratiquent des sports variés : athlétisme, football, golf, haltérophilie, handball, lutte et volley-ball (cf. annexes – tableau 2). Elles sont d’origine sociale plutôt favorisée même si elles ont rarement leurs deux parents cadres diplômés du supérieur : selon le statut le plus élevé de l’un des parents, trois sont cadres, trois ont une profession intermédiaire et un parent est employé des services comptables.
30 Trois bachelières S, deux bachelières ES, une littéraire et une bachelière sciences et technologies du management et de la gestion inscrites en sciences et vie de la terre, droit, IAE, biologie, sociologie, DU massage.
31 Papin & Viaud (2018b).
32 Davisse & Louveau, 1998 ; Cléron & Caruso, 2017.
33 Alice, Alix, Anaïs, Cristina, Marie et Théa passeront en L2 l’année suivant leur première inscription universitaire.
34 Unité d’enseignement et de recherche en EPS et Instituts régionaux d’éducation physique et sportive.
Auteurs
-
Carine Érard
IREDU, CAR Céreq, Université de Bourgogne.
-
Christine Guégnard
IREDU, CAR Céreq, Université de Bourgogne.
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