1Les travaux menés au sein du GTES se sont intéressés aux étudiantes « du supérieur » d’aujourd’hui. En prenant le parti de se détacher d’une comparaison systématique d’avec les hommes pour privilégier la diversité de leurs parcours et conditions d’accès et d’études, les expériences des femmes peuvent être analysées au regard de la variété de leur origine sociale, de leur formation, de leurs conditions de vie. En choisissant d’étudier celles qui s’inscrivent dans des cursus où elles sont historiquement minoritaires, en sciences, en STAPS, en mobilité internationale et en reprises d’études, ces étudiantes incarnent des parcours porteurs d’un changement social à l’œuvre et à suivre, jusque dans le monde du travail, en y approchant les éventuels compromis, les risques parfois pris, sans oublier les coûts.

2Alors que Delphine Gardey (2000) rappelle que la mixité des formations et l’accès des femmes à l’enseignement supérieur s’entrecroisent dans une histoire longue, elle précise « il semble que c’est in situ, dans le récit de ces expériences singulières, locales et contingentes, et dans leur comparaison, que les mécanismes durables de l’exclusion peuvent être appréhendés » (p. 30). Telle est la perspective proposée dans les différents chapitres.

Thèse de Madeleine Brès par Jean Béraud, en 1875. Le jury de doctorat (1875), 63,5 cm x 48,3 cm, collection privée.

3La présentation des différentes contributions ne pouvait pas oublier de rappeler, même brièvement et sans souci d’exhaustivité, l’histoire de la progressive conquête féminine des espaces de formation de l’enseignement supérieur dont la mixité demeure inachevée1.

4Ainsi, en guise d’introduction, Carine Érard et Nathalie Beaupère (chapitre 1) soulignent les évolutions et permanences observées au prisme de la littérature et des objets des différentes contributions, qui toutes éclairent les enjeux de la mixité et ses limites.

5Partant de l’ensemble des bachelier·es 2014 ayant poursuivi leurs études, le texte proposé par Marianne Blanchard et Philippe Lemistre (chapitre 2) montre la force des effets du genre dans les trajectoires disciplinaires : les femmes s’inscrivent moins en sciences que les hommes, et s’y retrouvent moins à l’issue des trois premières années dans le supérieur.

6Centré sur la spécialité des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), le texte de Carine Érard et Christine Guégnard (chapitre 3) révèle comment des étudiantes à l’université, héritières sportives ou pionnières, se singularisent au sein de la jeunesse féminine en s’orientant en STAPS et/ou en maintenant une pratique sportive de haut niveau, et suivent des chemins escarpés qui les entraînent vers des espaces toujours masculins « en donnant des gages » sociaux et scolaires.

7Magali Ballatore et Jean-Baptiste Bertrand (chapitre 4) proposent d’étudier les caractéristiques sociales des doctorant·es internationaux aujourd’hui en France et de quelle manière leurs expériences, leurs conditions de travail ont été affectées par la pandémie et ses modes de gestion, en fonction du genre notamment.

8Considérant les conditions de vie et d’études de doctorants, Nathalie Beaupère, Pascale Mériot et Céline Schmidt (chapitre 5) mettent en lumière la singularité des expériences de femmes en mobilité internationale et les conditions qui contribuent à concrétiser leur parcours.

9En se consacrant aux reprises d’études, Nathalie Bosse et Isabelle Borras (chapitre 6) étudient les problématiques de conciliation entre famille et travail, qui permettent d’éclairer les parcours de femmes reprenant des études à l’université et révèlent comment ce temps supplémentaire de la formation produit de nouvelles contraintes et tensions, avec lesquelles elles doivent s’arranger pour aller au bout de leur diplôme.

10Enfin, considérant les « choix de compromis » entrepris dans le monde du travail, Magali Jaoul-Grammare (chapitre 7) analyse l’évolution des souhaits de mobilité professionnelle des jeunes femmes actives en emploi entre 1997 et 2015 à l’aide d’un indicateur original, et souligne l’existence encore prégnante d’un projet de vie plutôt qu’un projet de carrière, qui demeure un frein à la mobilité professionnelle des jeunes femmes.