Introduction

1Depuis près de trente ans, en France, l’université massifiée peine à accueillir les « nouveaux étudiants » (Erlich, 1998) aux profils variés socialement et scolairement. Les travaux sociologiques engagés depuis cette période mettent en évidence les difficultés d’intégration des étudiant·es dans un univers anomique, marqué par l’inertie des pratiques et des modèles pédagogiques (Lapeyronnie et Marie, 1992 ; Dubet, 1994 ; Coulon, 1997 ; Felouzis, 2001 ; Beaud, 2002). Mais, depuis la fin des années 2000, ces « nouveaux étudiants », qui ne sont plus si nouveaux en ce qu’ils constituent plutôt le public ordinaire d’une université ayant largement diversifié son recrutement social, sont l’objet d’un traitement spécifique. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) en 2008 identifie deux « problèmes » de l’université de masse : « l’échec » en premier cycle et les difficultés d’insertion professionnelle des diplômés. Elle introduit alors une solution radicalement nouvelle pour traiter ces problèmes : l’élaboration par les étudiant·es d’un projet d’orientation scolaire et professionnelle. Le monde universitaire était jusqu’alors peu familier de cette pratique, habituellement réservée aux reconversions professionnelles prenant leur source dans le monde du travail (Boutinet, 2012). Depuis, dans cette perspective, de nombreux dispositifs ont fleuri : le projet professionnel de l’étudiant·e, le projet de formation motivé, l’orientation active (avis individualisés aux lycéen·nes apparus dans le plan Réussite en licence), la lettre de motivation à l’entrée des formations sélectives ou des masters… La loi ORE et le système d’affectation Parcoursup en vigueur depuis la rentrée 2018 encouragent explicitement les élèves à définir, avant même d’accéder à l’enseignement supérieur, un parcours d’études cohérent avec ses acquis scolaires et ses intentions professionnelles.

2Le projet de l’étudiant·e est alors pensé comme un instrument mis à son service dans l’objectif de limiter son « échec » en canalisant son orientation (Van Zanten, 2015 ; Cayouette Remblière, 2014 ; Couto et al., 2021) et de favoriser son accès à l’emploi. Relevons d’emblée les ambiguïtés d’un tel programme : premièrement, la notion de projet situe au cœur de l’étudiant·e la responsabilité de ses difficultés d’orientation ou de réussite. Elle contribue, dès lors, à évacuer les causes contextuelles de « l’échec » (faiblesses du système d’orientation et d’accompagnement des étudiant·es). Deuxièmement, affirmer, par le projet, un principe de détermination a priori d’un parcours contribue à faire des parcours linéaires une norme. Et, implicitement, laisse supposer que les parcours construits progressivement, par bifurcations successives, relèvent de « l’échec ». Paradoxalement, en créant une norme intransigeante de réussite, la politique du projet de l’étudiant·e fabrique donc « l’échec » qu’elle entend combattre.

3Cet article étudie le projet de l’étudiant·e comme un dispositif d’accompagnement des étudiant·es. Nous chercherons à observer la manière avec laquelle il est réceptionné par les étudiant·es, en particulier à l’université, où l’invitation au projet semble plus pressante et où les moyens d’y répondre apparaissent moins évidents. Au-delà de l’intention politique, qui vise à éviter les « mauvaises orientations » et les « échecs » qui leur sont consécutifs, que produit effectivement l’injonction au projet ? Alors que le projet est présenté comme un outil d’aide pour l’étudiant·e, ne peut-il pas constituer, pour certain·es étudiant·es les plus soumis à l’impératif de projection, un obstacle supplémentaire dans le parcours d’études ?

4Dans une première partie, nous montrons l’augmentation de l’injonction au projet professionnel à l’université. Dans un second temps, nous tentons de dégager les normes implicites présentes dans « l’attente de projet » à l’Université. Dans un dernier temps, nous appuyons sur le caractère exclusif des attentes institutionnelles préalablement identifiées.

1. Méthode

5L’article se fonde sur l’analyse d’entretiens semi-directifs avec des étudiant·es de l’université qui se sont réorientés et, de manière plus illustrative et anecdotique, sur un traitement secondaire des données de l’enquête Conditions de Vie (2010 et 2020) de l’OVE.

6À partir d’un ensemble de 25 entretiens semi-directifs approfondis, d’une durée moyenne de 2h, nous analysons les pratiques et les représentations des étudiant·es vis-à-vis de leur projet d’études.

7L’échantillon se compose de 13 femmes et 12 hommes, principalement issu·es des classes moyennes et supérieures, c’est-à-dire dont les parents exercent des professions intermédiaires (enseignant·es, travailleur·euse·s sociaux) ou libérales (médecins, chef·fes d’entreprise, indépendant·es), et/ou sont diplômé·es du supérieur. Seulement un quart des étudiant·es de l’échantillon sont d’origine populaire et ont des parents agriculteur·ice·s, ouvrier·es, employé·es, en recherche d’emploi, inactif·ve·s et/ou non-diplômé·es ou diplômé·es du secondaire. Concernant le type de baccalauréat obtenu par les étudiant·es, l’échantillon se divise approximativement en deux grands ensembles : d’un côté les bachelier·es technologiques ou professionnels (40 %), de l’autre les bachelier·es scientifiques (45 %), les quelques autres bachelier·es généraux ayant privilégié des spécialités littéraires ou économiques (15 %). Au moment de l’entretien, un tiers de l’échantillon est inscrit en STAPS, un autre tiers en psychologie, et le dernier tiers dans d’autres disciplines en LSHS (sociologie, anthropologie, lettres). Toutefois, les étudiant·es interviewé·es ont toutes et tous rencontré une situation de « réorientation » en cours d’études : leur inscription actuelle diffère de leur inscription initiale, et ce en termes de filières, de disciplines, ou de localisation géographique.

8En reprenant les travaux de Pierre Cam (2007), nous distinguons ainsi trois types de réorientation : le fait de changer de filière, c’est-à-dire de suivre une formation dans un autre type d’établissement que l’établissement d’inscription initiale (université, IUT, STS, école privée) ; le fait de changer de discipline ou de spécialité tout en restant dans le même établissement; et enfin le fait de rejoindre une formation proposant (quasiment) la même discipline ou spécialité que l’établissement d’inscription initiale.

9Lors de leur première inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, 70 % des étudiant·es interviewé·es s’étaient inscrit·es dans une filière universitaire, dont 30 % en première année de préparation aux études de médecine (PACES/PASS). Plus de la moitié des étudiant·es interviewé·es est concernée par une réorientation disciplinaire en interne, un quart par un changement de filière, un autre quart par un changement de cursus avec maintien de spécialisation (lié à un déménagement notamment). Cependant, cette distribution ne rend pas compte des situations de recoupement identifiées au cœur des parcours individuels : en effet, un quart des étudiant·es sont ce qu’on pourrait appeler des « récidiveur·euse·s ». Iels ont effectué plusieurs fois le même type de réorientation et/ou cumulent différents types de réorientation au fil de leur parcours d’études. De plus, si on inclut la « réorientation postbac » dans la catégorie « changement de filière », on passe d’un quart à près de la moitié de l’échantillon concerné par ce type de réorientation, et à un tiers de « récidiveur·euse·s ». Nous avons donc choisi de considérer la réorientation postbac, par exemple le fait d’intégrer une formation professionnalisante courte quand on est bachelier·e scientifique, comme un type de réorientation supplémentaire, dans la mesure où les bachelier·es technologiques ou professionnels interviewé·es considèrent leur inscription initiale à l’université comme une « réorientation par le haut ».

2. La montée du projet de l’étudiant·e, symptôme d’une injonction nouvelle

10Le tableau suivant montre l’évolution de la part des étudiant·es déclarant un projet professionnel selon les différentes filières de l’enseignement supérieur.

11Dans l’enquête Conditions de vie de l’OVE, la question sur le projet professionnel concerne l’entrée dans l’enseignement supérieur : « Lors de votre première inscription, quelle(s) raison(s) vous ont amené·e à vous inscrire dans cette formation ? » – un « projet professionnel précis » étant une des modalités non exclusives de réponse. Il faut comprendre que la question interroge rétrospectivement les étudiant·es sur leur projet et ne permet pas d’appréhender les projets construits pendant le parcours d’études. C’est donc une mesure imparfaite du projet tel qu’on essaye de l’analyser dans cet article, avec sa temporalité diffuse à l’ensemble du parcours et dans ses dimensions diverses (projet professionnel, mais aussi projet d’études ou d’orientation).

12Néanmoins, le tableau 1 nous livre deux enseignements importants. D’abord, on observe une augmentation générale de la déclaration de projet professionnel : dans toutes les filières, les étudiant·es justifient plus leur entrée dans l’enseignement par un projet professionnel en 2020 qu’en 2010. Il faut peut-être y voir un effet direct des réformes de l’enseignement supérieur, et en particulier de la loi ORE mise en place à la rentrée 2018 : avec des dispositifs tels que le projet motivé de formation ou le contrat pédagogique, les étudiant·es sont évidemment plus amené·es à coder leur orientation en termes de « projet ». On peut penser que la montée du discours de responsabilisation des étudiant·es et l’exigence de projet depuis une quinzaine d’années produisent leurs effets ici. Mais, dans cette tendance à l’affirmation du projet professionnel, tout n’est probablement pas dû à l’idéologie du gouvernement de soi. Si les étudiant·es déclarent plus des projets professionnels aujourd’hui, c’est aussi parce que la question de l’insertion professionnelle prend une importance nouvelle. Le déclassement des diplômé·es devient un sujet de préoccupation fort des jeunes et un véritable problème public (Peugny et Van De Velde, 2008 ; Maurin, 2009 ; Delès, 2018). Tantôt analysée comme une preuve de la libéralisation de l’enseignement supérieur (Laval et al. 2011), tantôt comme une réactivation de la tradition adéquationniste française (Charles, 2014 ; Tanguy, 2017), la montée de l’enjeu d’insertion professionnelle apparait particulièrement forte en France. Les enquêtes comparatives sur la jeunesse et sur l’expérience étudiante montrent bien la spécificité du cas français en la matière : en France, bien plus qu’ailleurs, les parcours d’études sont précipités et finalisés professionnellement (Van De Velde, 2008 ; Charles, 2015 ; Chevalier, 2018).

13Le tableau 1 présente un second résultat intéressant : si toutes les filières sont concernées par l’augmentation du projet professionnel, l’université possède le taux de déclaration le plus élevé et présente la tendance la plus prononcée. De façon troublante, c’est donc à l’université, c’est-à-dire dans la filière qui délivre les savoirs les plus génériques et les moins définis professionnellement, que le projet professionnel est le plus manifesté. Les STS, écoles d’ingénieurs ou de commerce, qui préparent plus directement à l’emploi, suscitent moins la déclaration de projet professionnel. Nous avions montré, dans un article précédent, que dans ces formations, le projet relevait en quelque sorte du pléonasme pour les étudiant·es, les choix d’orientation définissant déjà des choix d’avenir professionnel (Delès, 2017a). De plus, la mise en œuvre concrète de la préparation à l’emploi est prise en charge par l’institution (stages, périodes d’alternance, réseau de professionnels…), pouvant rendre superflu le travail introspectif et prospectif de l’étudiant·e. Le tableau 2 renforce encore le paradoxe.

14L’université est donc la formation dans laquelle on attend le plus des étudiant·es qu’ils précisent et explicitent un projet professionnel à l’entrée, tout en les accompagnant de manière insatisfaisante à continuer de le construire en cours d’études. Ce faible niveau de satisfaction étudiante tient certainement à une caractéristique intrinsèque de l’université, qui entretient plus de distance avec le monde professionnel (Delès, 2017b). Mais il renvoie évidemment aussi au manque de moyens d’une institution pour changer son modèle pédagogique et accompagner les étudiant·es de manière personnalisée. L’accompagnement au projet semble alors se réduire à une commande, à laquelle l’université massifiée ne pourrait joindre les moyens concrets de sa mise en œuvre pour l’étudiant·e.

15Si certain·es étudiant·es peuvent s’offrir le luxe d’échapper à l’impératif de formulation du projet, soit parce qu’iels ont des ressources scolaires, soit parce qu’iels s’engagent dans des formations qui les professionnalisent de facto (telles que les formations professionnalisantes courtes), à l’université, et en particulier chez les étudiant·es les moins armé·es, inscrit·es notamment dans les filières en lettres et sciences humaines et sociales, le projet prend un caractère d’injonction : ce serait en réalité celleux qui seraient le moins capables de répondre à la commande de définition d’un projet professionnel, qui y seraient le plus soumise·s.

16Pour comprendre le système d’injonctions qui pèse sur ces étudiant·es, nous souhaitons identifier, à partir de l’analyse des entretiens avec les étudiant·es, les attendus normatifs précis cachés derrière la commande de projet.

3. Le triptyque normatif du projet

17Nous souhaitons donc être attentif·ve·s à la façon dont les étudiant·es retracent leur parcours de réorientation, afin d’analyser les problèmes de « cohérence » qui pourraient être rencontrés au moment de la formalisation d’un projet. Ainsi, les entretiens nous permettent de comprendre les conséquences des pratiques de réorientation sur l’activité de justification d’un parcours. Le projet est alors apparu dans les reconstructions narratives des étudiant·es réorienté·es comme un moyen de redonner de la « tubularité » à un parcours réticulaire, et ce en vue de satisfaire les critères de sélection informels à l’entrée des formations souhaitées.

18L’analyse des entretiens fait apparaitre trois registres de justification chez les étudiant·es en situation de bifurcation et mis face à la nécessité d’expliquer les raisons de leurs choix d’orientation : il « faut » s’expliquer sur ses résultats scolaires, sur la cohérence et enfin sur le rythme de son parcours. Il est alors possible de faire apparaitre les trois normes implicites du projet : la norme scolaire, la norme de cohérence, et la norme de célérité.

3.1. La norme scolaire

19L’échec scolaire est le moment où apparaît la nécessité pour l’étudiant·e de déclarer un nouveau PP en cours d’études. Nous prenons le cas de Louis pour illustrer cela, car il nous semble particulièrement heuristique pour montrer comment le fait de ne pas avoir les résultats scolaires suffisants pour passer au niveau d’étude supérieur participe à donner un caractère prescriptif au projet. En effet, Louis est ce que nous pouvons appeler un « bon » étudiant : bachelier scientifique, il a toujours eu d’excellents résultats scolaires. Il entre en classe de PACES (qui est une année de préparation aux études de médecine et qui se nomme aujourd’hui PASS), et échoue une première fois, puis une seconde fois, à intégrer le numerus clausus. La règlementation de cette filière ne l’autorisant pas à retenter le concours une troisième fois, il doit donc envisager d’intégrer une autre filière s’il veut poursuivre ses études supérieures. Voici ce qu’il nous dit :

« Quand j’ai reçu les résultats, j’ai compris que je l’aurai pas, et là c’était dur, parce que d’un seul coup il fallait que je réfléchisse à ce que je voulais faire plus tard, alors que j’y avais pas du tout réfléchi avant. »

20En réalité, Louis avait intégré la PACES pour « faire médecine », pour « devenir médecin » mais il avait déclaré ce PP de façon un peu générique. D’après lui, il ne s’était jamais « vraiment » posé la question de son PP. Et ce, jusqu’au moment où il échoue. Finalement, Louis choisit de poursuivre ses études en psychologie, et entreprend de rédiger la lettre de motivation qui lui est demandée à l’entrée de cette filière. Il y met en valeur la précision nouvellement donnée à son projet professionnel (il souhaite désormais devenir « neuropsychologue »), mais surtout, il insiste sur les bons résultats qu’il a obtenus en PACES, et écrit, noir sur blanc, qu’il a eu 20/20 en statistiques. Il se targue explicitement d’être un « bon » étudiant, alors qu’implicitement, il cherche à démontrer qu’il reste un « bon » étudiant malgré son expérience de l’échec. De même, Julie est une « bonne étudiante » souhaitant se réorienter en psychologie. Toutefois, si celle-ci écrit dans sa lettre qu’elle est intéressée par le métier de psychologue, c’est « juste pour le principe », et elle n’évoque pas une seule fois ses résultats scolaires, alors même qu’elle n’a essuyé que d’excellentes notes tout au long de sa scolarité. Il se trouve que, contrairement à Louis qui vit comme un échec le fait de ne pas avoir été sélectionné au concours de médecine et subit la réorientation, Julie exprime le désir de se réorienter après une année de biologie couronnée de succès.

21Les différentes stratégies de Louis et Julie montrent bien comment les réorientations sont soumises à un impératif de réussite scolaire. Louis, qui se réoriente suite à un échec, se sent obligé « d’arranger » son dossier scolaire et de valoriser les éléments de réussite afin de rendre acceptable son projet. Au contraire, Julie se réoriente suite à une année réussie et son projet de bifurcation ne semble pas avoir besoin d’être expliqué ou légitimé. D’une certaine manière, dans le cas de Julie, la réussite scolaire tient lieu de passe-droit. Le projet d’études ou le projet professionnel est donc acceptable sans plus d’argument supplémentaire s’il se fonde sur un parcours d’études réussi. Dans les deux cas de Louis et de Julie, donc, ce qui est manifeste, c’est que le projet de réorientation est adossé à une justification scolaire. Leila Frouillou et ses collègues (2019), par une étude comparative sur les procédures de sélection Parcoursup, ont bien montré le poids des résultats scolaires dans la pondération des algorithmes locaux à l’entrée des formations universitaires. Dans le prolongement de ces travaux sur la sélection formelle, nous montrons que le PP entérine une norme scolaire (ou norme des « bons » résultats scolaires). Cette dernière fait office de sélection informelle dans la mesure où les étudiant·es qui connaissent un échec scolaire en cours d’études tentent de rendre la déclaration de leur PP conforme à cette norme, alors qu’iels sont inégalement armé·es pour le faire. En effet Louis peut compter sur son excellence passée, ainsi que sur ses bons résultats dans certaines matières, pour se conformer à la norme scolaire du PP. A l’inverse, les étudiant·es qui doivent faire face aux nombreuses mauvaises notes de leur passé scolaire, mettent en place une tout autre stratégie pour se réorienter suite à un échec, qui tient plutôt de l’omission que de la justification. Ainsi, quand ils le peuvent, ces étudiant·es valorisent leur quelques bons résultats scolaires – issus parfois d’un passé scolaire très lointain - et autrement, s’abstiennent d’évoquer et leurs notes, et leur PP.

3.2. La norme de cohérence

22Le moment de la réorientation apparaît comme un moment charnière où émerge la nécessité de formuler un nouveau projet professionnel en vue de la poursuite d’études. Que l’on passe par Parcoursup pour se réorienter en première année, ou par les plateformes de réorientation comme Apoflux ou E-candidat, il faut justifier son choix de réorientation par écrit. Dans ce cadre, la (re)formulation d’un PP pose problème pour les étudiant·es qui se réorientent, et ce en raison de l’exigence de cohérence entre le parcours passé, le projet de l’étudiant·e, et la formation visée - exigence qui a par ailleurs été formalisée par la loi ORE de 2018. Le cas de Sarah est exemplaire de cette forme prise par l’injonction au PP. Sarah voulait devenir professeur des écoles. Elle choisit de rentrer en psychologie, dans un parcours spécifique, interdisciplinaire, qui propose de former aux métiers de l’enseignement. Finalement, elle ne s’y plait pas, et souhaite se réorienter dans une autre filière pour devenir orthophoniste. Au moment de formuler son PP, elle se trouve en grande difficulté pour rendre compte de la cohérence de son parcours.

« Mais comment leur dire que j’ai toujours voulu faire ça ?! Je ne peux pas ! A côté de quelqu’un qui est allé tout droit, ça ne marche pas. »

23Dans sa lettre de motivation, Sarah décide alors de valoriser une supposée cohérence disciplinaire entre les études paramédicales et les études de psychologie, toutes deux tournées vers des métiers dits « cliniques ». Elle n’évoque pas son désir de « travailler avec les enfants », parce qu’elle postule que ce n’est pas ce qu’attendent les formations. Elle dit avoir confectionné un « mensonge de candidature » en affirmant avoir toujours rêvé de devenir orthophoniste. En ce sens, elle reconstruit son parcours en termes de cohérence disciplinaire afin d’appuyer sur le caractère authentique d’un projet en réalité factice. Cette « acrobatie de justification » à laquelle est contrainte Sarah montre bien la forme très particulière de la commande institutionnelle dans les épreuves de formalisation du projet étudiant. Les errements, les évolutions des aspirations, les parcours d’orientations erratiques, c’est-à-dire tout ce qui pourrait entacher la linéarité de la trajectoire biographique, ne peuvent être retranscrits dans les projets formels.

24Jean-Pierre Boutinet (2007) note l’existence de ce qu’il nomme un « travail de biographisation » dans la formulation du projet. Selon lui, la logique du projet requiert de la part de l’individu non seulement d’anticiper son avenir, mais aussi, de façon rétrospective, de mettre en cohérence ses intentions futures et ses actes passés. Le PP contient donc en lui une exigence de linéarité, de mise en cohérence biographique, qu’il est parfois d’autant plus difficile à construire narrativement que les choix de bifurcation sont radicaux. On perçoit donc l’effet d’entrave d’un tel implicite de cohérence : les étudiant·es qui envisagent des réorientations radicales vont rencontrer une injonction de justification plus forte.

3.3. La norme de célérité

25La reprise d’études, qui concerne les jeunes ayant mis un terme à leurs études de façon temporaire et les reprenant après un temps non reconnu par l’institution (hors césure par exemple), est un moment où apparaît la nécessité de réaliser un projet professionnel, c’est-à-dire de s’y tenir, de ne pas en (re)changer, et cela, pour ne pas « perdre plus de temps ». Après plusieurs bifurcations infructueuses, Jordan décide de prendre une « année sabbatique » dans une logique de développement personnel. Une fois cette année passée, il choisit d’intégrer une formation en lettres pour devenir scénariste. Il ne se souvient pas avoir rédigé de lettre de motivation à l’entrée, s’étant inscrit pendant les phases complémentaires sur Parcoursup. Néanmoins, il se rappelle « les dires des profs » au moment de son arrivée, dires portant sur son projet professionnel considéré comme étant « en dehors de la réalité », ainsi que sur son « retard » dans les études. Il est vrai qu’à 23 ans, Jordan n’est « que » en L1, et sans diplôme. Il explique :

« J’ai quand même perdu trois ans de formation… Donc [les profs m’ont dit] il faudrait savoir, à un moment, tu peux pas toujours repousser. »

26S’opère alors une transaction singulière entre Jordan, la responsable pédagogique du cursus, et une conseillère d’orientation scolaire et professionnelle, recrutée dans le cadre d’un dispositif d’aide à l’insertion professionnelle implémenté dans l’établissement universitaire en question. Cette transaction prend la forme d’un contrat pédagogique, au sein duquel Jordan est sommé de programmer son parcours, et de se donner des échéances en termes de professionnalisation. En L2, il devra énoncer un projet professionnel « approprié », c’est-à-dire en adéquation avec les réalités du marché du travail, le métier de scénariste étant perçu comme « un peu irrationnel ». Puis, en L3, il devra effectuer un stage en lien avec ce nouveau projet professionnel. Au moment où l’entretien se déroule, Jordan est en L2. Il a redéfini son projet professionnel et souhaite désormais devenir journaliste. Il commence déjà à chercher un stage pour l’année suivante. Pour ce faire, il est accompagné, par le biais d’entretiens individuels plus ou moins réguliers. Cependant, Jordan se sent « surveillé » (voire infantilisé : il ironise sur le terme « accompagnement »). En effet, les entretiens d’accompagnement, compte tenu de leur fréquence, peuvent s’apparenter à une forme de surveillance afin que Jordan ne déroge pas plus avant à la norme de célérité. Cécile Van de Velde (2008) a souligné le caractère d’urgence qui façonne les parcours des étudiant·es français·es. Ces dernier·es sont parmi les plus jeunes d’Europe, avec un âge moyen de 22 ans en 2020 contre 28 ans en Norvège par exemple1. La norme de célérité, caractéristique du système d’enseignement supérieur français, se retrouve dans la précocité de l’injonction au projet de formation motivé sur Parcoursup. En cours d’études, l’injonction à aller vite se trouve entérinée au sein du PP, qui exige des étudiant·es « en retard » un travail supplémentaire de temporalisation, de planification, somme toute d’organisation temporelle, pour s’assurer de la réalisation effective de ce PP « dans les temps ». Le PP apparait donc comme un moyen pour l’institution « d’accélérer » les parcours.

27Ainsi, l’injonction au PP, qui advient aux moments charnières de la bifurcation (l’échec scolaire, la réorientation, la reprise d’étude), met les étudiant·es face au caractère « atypique » de leur parcours, que nous pourrions nommer « écart à la norme » de la réussite du parcours. Dans les cas où la bifurcation les éloigne de la norme scolaire, de la norme de cohérence, ou de la norme de célérité, iels se sentent contraints de fabriquer un PP qui leur permettrait de rendre leur parcours d’études conformes à ces normes. Le travail de mise en conformité effectué par les étudiant·es pour déclarer, formuler et réaliser un PP éclaire donc le caractère triplement normatif du PP. Ce dernier constitue une sélection informelle dans la mesure où il nécessite un certain nombre de ressources (scolaires, temporelles) pour être mis en œuvre, alors même que ces ressources sont inégalement réparties entre les étudiants.

4. Le projet : contraintes sur les réorientations et sélection informelle

28Le projet professionnel contient en lui un certain nombre d’attentes que tou·tes les étudiant·es ne sont pas en mesure de satisfaire. Il exerce alors une sélection informelle, dans la mesure où il freine les possibilités de réorientation des jeunes les moins capables de répondre aux exigences de cohérence, de célérité, et de réussite académique.

29L’analyse de la structure de l’échantillon nous indique l’existence de parcours de réorientation différenciés en fonction de l’origine sociale et du type de baccalauréat obtenu. Cette différenciation se joue au niveau du temps de scolarité effectué.

30En effet, une singularité de notre échantillon se trouve dans le fait qu’au moins les trois quarts des étudiant·es interviewé·es ont connu un « ralentissement » au cours de leurs études : soit iels ont redoublé une ou plusieurs années d’études, soit iels ont interrompu leurs études pendant une durée supérieure à un an (cas de la reprise d’études notamment). Il se trouve que la totalité des bachelier·es technologiques ou professionnels témoignent d’un « retard » précédant ou suivant immédiatement leur réorientation, alors que ce n’est le cas que pour la moitié des bachelier·es généraux. La réorientation ne s’accompagne donc pas nécessairement d’un ralentissement de parcours : un quart des étudiant·es sont même « à l’heure » dans leurs études, bien que cela concerne uniquement des étudiant·es bachelier·es scientifiques d’origine sociale favorisée.

31Ces derniers, en particulier, se distinguent des autres étudiant·es par une appropriation originale des parcours de réorientation. Parmi les 25 étudiant·es interviewé·es, iels sont les seuls à être « à l’heure », alors même qu’iels se sont réorienté·es plusieurs fois. À partir de ce constat, il est possible d’identifier deux « publics » de la réorientation, aux profils et aux comportements idéal-typiques différents. D’un côté, nous trouvons les bachelier·es scientifiques issu·es des classes moyennes et supérieures, appartenant à ce que Pierre Cam (2007) nomme la « métis étudiante » : les étudiant·es qui « réussissent », malgré de multiples réorientations, à obtenir un diplôme « dans les temps », c’est-à-dire que la durée de leur parcours correspond au niveau d’études effectivement atteint. D’un autre côté, il y a les étudiant·es bachelier·es technologiques ou professionnels d’origine populaire, qui ne progressent pas dans les niveaux d’études en même temps qu’iels se réorientent, car iels ont tendance à recommencer une formation « depuis le début » plutôt qu’à circuler entre les niveaux d’études. En réalité, bon nombre des étudiant·es interviewé·es se trouvent aux interstices de cette binarisation des pratiques de réorientation. Néanmoins, l’analyse qualitative de leurs stratégies individuelles témoigne bien d’une différenciation dans les calculs coûts-avantages effectués ainsi que dans les hésitations et les dilemmes rencontrés en vue d’optimiser le temps des études. Parallèlement aux inégalités de transmission des savoirs qui éloignent les étudiants d’origine populaire de la réussite des parcours (Hugrée et Poullaouec, 2022), il y aurait donc des inégalités de capitalisation des savoirs qui les éloigneraient tout autant des « parcours de réussite ». Ainsi, nous comprenons l’enjeu d’obtenir un diplôme « à l’heure » comme le révélateur de situations sociales et scolaires inégales. Par exemple, il apparaît comme une injonction d’autant plus forte chez les étudiant·es d’origine populaire que la question du financement des parcours prolongés se pose avec vigueur.

32Dans ce contexte, le développement d’outils d’aide à l’orientation en même temps qu’à la réorientation (dispositifs d’accompagnement, passerelles entre les formations) nous apparait être les prémices d’une ségrégation entre les parcours de réorientation (Couto et al., 2021). L’introduction de la sélection à l’université avec Parcoursup, plutôt que d’entamer explicitement le « droit à la réorientation », viendrait en fait encadrer sa pratique de manière exclusive, notamment en généralisant l’exigence d’une lettre de motivation à l’entrée en première année universitaire. Marie-Paule Couto et Marion Valarcher montrent bien comment les ressources sociales et scolaires pèsent sur la rédaction d’une lettre de motivation par les bachelier·es (2022). Nos enquêté·es témoignent également de cette discrimination : Louis, bachelier scientifique issu des classes supérieures, affirme qu’il savait ce qui était attendu par les formations, tandis que Jordan, bachelier technologique issu des classes populaires, reconnaît qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il devait écrire dans sa lettre de motivation pour être sélectionné par les formations. Par ailleurs, l’accompagnement à la rédaction d’une lettre de motivation par les formations joue un rôle, comme l’explique Sarah, qui se sent plutôt à l’aise vis-à-vis de cet exercice parce qu’elle avait déjà suivi des cours de préparation à cette tâche dans sa formation ultérieure. Pour les étudiant·es qui n’ont pas accès à cet accompagnement, la possibilité de demander de l’aide auprès de son cercle familial ou amical est souvent évoqué, mais pose la question des ressources effectivement à disposition des étudiant·es et de leurs proches pour réaliser cette tâche en conformité avec les attentes institutionnelles.

33L’articulation entre la normativité qui se cache derrière la notion de réussite (Bodin et Millet, 2011 ; Bodin et Orange, 2019) et les modalités concrètes d’admission dévoile ainsi le caractère sélectif de l’accès à la « bonne » (ré)orientation. L’analyse qualitative des entretiens montre que le projet de formation est avant tout perçu par les réorienté·es comme un moment servant à justifier leur passé scolaire auprès des formations qu’iels visent, mais que la capacité à reconstruire de la cohérence a posteriori est inégalement distribuée entre les étudiant·es en fonction de leurs capitaux socio-scolaires initiaux. Finalement, si Louis réussit à démontrer les apports de sa formation en PACES pour se réorienter dans la filière de son choix, Jordan et Sarah sont, elleux, contraint·es d’adapter leurs propres aspirations aux exigences des « dispositifs d’orientation-sélection » (Beaud et al., 2010) pour espérer poursuivre leurs études et obtenir un diplôme.

34Pour conclure, nous pouvons dire qu’en entérinant les attentes institutionnelles concernant les parcours d’études et leur déroulement, des dispositifs comme le « projet de formation motivé » sur Parcoursup fonctionnent comme des barrières (pour reprendre le terme de Goblot) à l’entrée des formations, censées maintenir le « niveau » des étudiant·es sous prétexte d’une cohérence elle-même normative, car uniquement fondée sur le passé scolaire.

Conclusion

35A la suite des réformes de l’université engagées à partir de 2008, Bodin et Millet (2011) montraient le caractère très partial des conceptions et des mesures de « l’échec » en premier cycle. Si l’on suit ces auteurs, « l’échec » est en réalité le nom donné à différentes pratiques de non-réinscription ou de réorientation dans l’enseignement supérieur, c’est-à-dire des pratiques qui ne respectent pas une sorte d’idéal de franchissement linéaire et rapide des années d’études. Ainsi conçu, l’échec est la conséquence d’une conception institutionnelle rigide et partiale des parcours d’études. A ce propos, les travaux de comparaison internationale des systèmes d’enseignement supérieur sont utiles pour démontrer le caractère particulièrement inflexible de la norme d’études en France (Charles, 2015 ; Charles et Delès, 2018 ; 2020) : dans d’autres pays, l’échec n’est pas un problème public aussi sensible qu’en France précisément parce que les possibilités de parcours d’études sont plus ouvertes.

36D’une manière parallèle, par cet article, nous montrons que le projet des étudiant·es, tel qu’il est encouragé par l’institution universitaire, semble avoir pour fonction latente de les sélectionner sur des critères scolaires, de célérité et de linéarité. En réclamant aux étudiant·es (et en particulier aux étudiant·es les plus faibles) d’entreprendre un parcours dont le point d’arrivée est défini a priori, l’institution universitaire produit dialectiquement de l’échec.

37L’article s’insère également dans la littérature récente sur la « canalisation des aspirations » (Bodin et al., 2020 ; Lemêtre et Orange, 2020 ; Couto et al., 2021) : le projet contraint fortement la formalisation des aspirations pour « gérer les risques » d’échec. Mais il se porte en priorité sur les étudiants et étudiantes les plus fragiles, quand d’autres peuvent contourner l’injonction. Il apparait alors comme un outil d’encadrement asymétrique des orientations.

38Enfin, notre travail dit quelque chose de la conception implicite de l’étudiant·e dans l’université française. Tout en ouvrant ses portes à des publics toujours plus divers, l’université maintient une figure étudiante idéale à laquelle il s’agirait de se conformer. Notre article rejoint ainsi certains travaux qui cherchent à caractériser l’étudiant·e implicite des politiques d’enseignement supérieur (« the implied student », Ulriksen, 2009).

39L’analyse des entretiens avec des étudiant·e·s réorienté·e·s montre en effet l’existence d’une triple attente contenue dans le projet. Premièrement, le projet impose d’identifier une direction univoque au parcours d’études. Il agit comme un « redresseur », a priori, des parcours et confirme une norme de linéarité, particulièrement puissante en France. Mais c’est a posteriori que les étudiant.e.s se rendent compte que les parcours faits de tests et d’ajustements de formation sont disqualifiés dans le jeu de la concurrence universitaire.

40Deuxièmement, le projet accentue la pression temporelle subie dans la construction des parcours d’études en France. L’injonction précoce à définir ses choix d’études, avant même de les expérimenter, dévoile une véritable norme de célérité. L’urgence de la diplomation exprimée par les étudiant.es témoigne de la nécessité à « aller vite » dans la réalisation de leur parcours. Cet empressement contraint la construction progressive du projet, et réciproquement, le projet renforce la promptitude du parcours. Les étudiant.es qui ont connu des ralentissements de parcours en redoublant ou en se réorientant, sont forcé.es de se maintenir dans la voie tracée par un projet reconstruit en vitesse, pour ne plus perdre de temps.

41Troisièmement, les attentes implicites de l’exercice de formalisation du projet ne sont pas tout à fait déconnectées des attentes scolaires. L’écriture est importante, tout comme la capacité à mettre en avant sa « motivation », qui n’est jamais mieux démontrée que par un bon dossier scolaire préalable. Ainsi, le projet contient-il en lui une norme scolaire. Les étudiant.es qui ne sont pas en mesure de justifier leur projet en se conformant aux critères scolaires implicites qui le sous-tendent, sont soumis.es à le réformer.

42Le projet de l’étudiant·e peut alors être compris comme un dispositif au sens foucaldien, en ce qu’il n’est pas qu’un instrument d’appui pour l’étudiant·e, qui serait neutre du point de vue normatif. Il contient en lui une intention normative et sert à réaffirmer un triple idéal scolaire, de linéarité, et de célérité. Parce que la définition implicite du « bon » projet et du « bon » parcours apparaît très fermée, elle plonge logiquement dans l’échec ceux et celles qui ne peuvent s’y conformer spontanément.

43Finalement, on peut douter de la réussite de la politique du projet pour lutter contre l’échec à l’université. La mise en valeur par l’institution du projet étudiant ne fabrique pas mécaniquement de la mobilisation scolaire. Dans la mesure où les moyens nécessaires à la définition d’un projet authentique et véritablement utile à l’étudiant·e manquent, le projet se réduit le plus souvent à un exercice de manières afin de se justifier et de se rendre conforme à l’attente de l’institution. Certain·es étudiant·es montrent des difficultés à répondre à l’injonction au projet, si bien que le projet, loin d’être un instrument d’accompagnement du parcours étudiant, se révèle être, dans certains cas, une véritable épreuve de sélection en cours d’études.

44À partir de ce travail, deux prolongements d’enquête se proposent à nous : d’une part, il s’agira d’étudier l’effet de l’intériorisation de ces normes par les étudiant·es sur leurs parcours effectifs, en cherchant les effets d’effondrement et de démotivation qui émergent de la difficulté à construire un PP en cours d’études, et les conséquences que cela amène, en termes d’auto-sélection notamment. Ensuite, il faudra aller observer l’activité de conception des normes, qui tient lieu, semble-t-il, dans l’élaboration des documents tel que le contrat pédagogique de réussite étudiante (CPRE) par exemple.