Introduction

1Notre communication2 s’inscrit à l’intersection de l’effet des politiques éducatives, qui ont pris en compte depuis plusieurs années les enjeux liés au territoire, et des parcours scolaires des étudiant·es au moment où ils peuvent entreprendre des études postsecondaires3. Elle examine dans quelle mesure la variation de l’accès aux études postsecondaires au Québec tient aux caractéristiques des régions et à l’appartenance socioculturelle des étudiant·es. Deux questions guident notre analyse. La première cherche à saisir l’effet du lieu de résidence sur l’accès aux études postsecondaires, en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques des étudiant·es. La seconde porte sur l’effet des politiques publiques sur l’organisation des parcours scolaires pendant les études postsecondaires. Ces politiques déterminent les règles qui régissent les établissements, et de là la marge de manœuvre des étudiant·es, notamment l’étendue de leurs options dans l’enseignement supérieur. À partir des caractéristiques géographiques et socioéconomiques des régions administratives du Québec, nous cherchons à voir dans quelle mesure la décision d’entreprendre les études collégiales dans sa région d’origine ou en dehors de celle-ci contribue à la mobilité sociale ou au contraire, à la reproduction des inégalités.

1. Politiques publiques, éducation et développement régional

2Dans les années 1960, le Québec a entrepris une réforme de l’éducation dont le principal objectif était d’assurer une plus grande accessibilité aux études postsecondaires (EPS) sur les plans géographique, social et culturel. Elle a pour but de favoriser le développement culturel des personnes et la mobilité socioprofessionnelle (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1963 ; Corbo, 2002 ; Rocher, 2004). Les promoteurs de la réforme étaient sensibles aux disparités entre les catégories sociales, mais aussi entre les régions du Québec. La réforme a mené à la création de 48 cégeps répartis sur le territoire⁴, qui dispensent des programmes d’EPS sans droits de scolarité afin de réduire à la fois et les disparités régionales et l’effet des différences de revenu. Elle a aussi conduit à la création de l’Université du Québec, dont cinq universités constituantes ont également été établies dans des régions où il n’y avait pas encore d’université afin de réduire les disparités régionales. L’effort de réduction des disparités géographiques s’est poursuivi par la création d’« antennes » par les cégeps et les universités. Ces antennes, plus nombreuses dans les régions éloignées que les dans les régions urbaines, offrent une fraction des programmes de l’établissement dont elles procèdent, celle qui est jugée la plus pertinente dans le lieu où chacune est établie. Avec le temps, et notamment à la demande des acteurs des régions, la création de lieux de formation a également eu pour but de lutter contre l’exode vers les grands centres en permettant aux jeunes et aux adultes d’étudier dans leur région.

3En 1992, le ministère de l’Éducation (MEQ) adopte un plan d’action pour accroître la persévérance scolaire au secondaire et au cégep. Chaque cégep doit adopter son propre plan d’action, qui est évalué par la commission d’évaluation de l’enseignement collégial, et participer au développement des instances régionales de concertation en matière de persévérance scolaire qui réunissent, dans chaque région administrative5, les acteurs du milieu de l’éducation de la région et des intervenants des milieux communautaires.

4Les politiques éducatives ont connu une conversion majeure avec la montée des politiques néo-libérales et de la nouvelle gestion publique (Doray, 2023). Une importante réforme des cégeps a été entreprise en 1993. Leur mission a été modifiée. Depuis cette réforme, ces établissements doivent participer de manière explicite au développement économique de leur région. Cet effort doit se traduire par l’offre de programmes techniques proche des caractéristiques de l’économie régionale, et par l’offre de programmes de formation continue au service des entreprises locales – programmes courts et formations sur mesure destinés aux entreprises de la région. On accentue ainsi l’ancrage des cégeps dans le développement de la main-d’œuvre régionale pour se rapprocher de ce qui se fait dans d’autres sociétés (Achenreiner et coll., 2019 ; Austin, 2012).

2. L’effet de la région sur les études collégiales

5Le cégep a été pensé par ses promoteurs comme un moyen d’assurer l’accessibilité et la démocratisation des études supérieures. La dissémination des cégeps sur l’ensemble du territoire dès 1967 a directement participé à la croissance des effectifs d’étudiants et à l’augmentation de la proportion de la population qui détient un diplôme postsecondaire (Kamanzi, 2022). Selon les données extraites de différents rapports administratifs, les effectifs d’étudiants sont passés de 14 077 en 1967 à 78 091 en 1972 (Savard, 2016) puis à 164 273 en 2011 (MESRS, 2015 ; Savard et Bouthaïm, 2006). Cette massification se retrouve aussi dans la croissance du taux d’accès qui passe de 39,3 % en 1975–1976 à 53,3 % en 1985–1986, avant de se stabiliser autour de 60 % depuis les années 1990. La contribution des cégeps se perçoit dans l’augmentation générale du niveau de scolarisation de la population : entre 1975 et 2011, le taux d’obtention du diplôme d’études collégiales (DEC) a augmenté de 21 % à 40 % des cohortes successives d’élèves 13 ans après leur entrée en première année du primaire (MELS et MESRS, 2014).

6En dépit de cette augmentation considérable des effectifs d’étudiants, des inégalités d’accès et d’orientation persistent. Les recherches indiquent que les inégalités selon le genre ont disparu au milieu des années 1970, avant de s’inverser en faveur des femmes (Kamanzi, 2022), bien que leur orientation demeure largement genrée. De même, le taux d’accès chez les francophones a considérablement augmenté et s’est rapproché de celui des anglophones. En revanche, l’origine sociale a exercé un effet déterminant et continue de le faire (Escande, 1973 ; Chenard et Doray, 2013). Cependant, alors que les politiques éducatives de démocratisation scolaire incorporent une dimension régionale, une question reste peu explorée au Québec : qu’en est-il de l’accès et de la réussite selon les régions ? La région a-t-elle un effet significatif sur l’accès aux études collégiales et sur la réussite scolaire ? Si oui, comment interpréter cet effet ?

7Trois pistes ont été explorées. La première consiste à évaluer l’effet de la distance entre le lieu de résidence des parents d’élèves et l’université ou le collège le plus proche au Canada. L’étude de Frenette (2003) met en évidence un effet significatif de la distance, en particulier chez les étudiants de familles moins favorisées (Frenette, 2002). Si la distance peut être en soi un frein à l’accès aux EPS, son effet se fait plus sentir chez les étudiants des familles moins favorisées. La seconde piste se réfère aux modes de gestion ainsi qu’à la nature de l’offre de formation (Buisson-Fenet et Verdier, 2011 ; Burban et Dutercq, 2018 ; Charest et Poulin, 2007). Au Canada, Frenette (2003) souligne que les études collégiales deviennent une alternative aux études universitaires quand il n’y a pas d’université près du lieu de résidence. Au Québec, l’offre de programmes de formation, en particulier en formation technique, varie d’un cégep à l’autre, et entreprendre le programme que l’on souhaite peut forcer á déménager dans une autre région (Donnelly et Gamsu, 2018 ; Prakhov et Bugakova, 2023). La troisième piste consiste à associer l’effet de la région à sa composition socioéconomique ou socioculturelle (Andres et Looker, 2001 ; Oberti, 2005 ; Prakhov et Bugakova, 2023). Si l’accès aux EPS est plus faible dans les régions rurales ou éloignées, c’est que leur population est moins favorisée. Dès lors, l’analyse doit considérer les processus de reproduction sociale qui pour certains relèvent des dispositions sociales, économiques et culturelles, pour d’autres des caractéristiques scolaires.

8Au Québec, des études ont montré que l’accès aux EPS est influencé par la segmentation de l’enseignement secondaire en filières, qui favorise le cloisonnement des publics et la reproduction des inégalités (Kamanzi, 2019). Laplante et all. (2018) montrent comment ces filières sont utilisées par les familles pour reproduire leur position sociale. Jusqu’à maintenant, la recherche s’est limitée à étudier l’usage des filières dans l’ensemble du Québec. Or, l’offre des programmes qui constituent les filières est répartie de manière inégale sur le territoire (Plourde, 2022). Nos données montrent par ailleurs que la distribution du niveau socioéconomique des familles varie selon les régions. Dans les grands centres urbains, Montréal et Québec, et dans la périphérie de Montréal, les diplômés du secondaire proviennent majoritairement de familles qui appartiennent aux quintiles supérieurs. Par contre, ils sont concentrés dans les quintiles inférieurs dans les régions semi-urbaines. Il est donc nécessaire de considérer les différences régionales tant dans l’offre de formation que dans la diversité des populations.

3. Méthodologie

9La première partie de notre étude porte sur l’accès aux études collégiales en fonction de la région de résidence de l’étudiant.e, de la localisation du cégep – situé ou non dans cette région – et de certaines caractéristiques sociales. La seconde s’intéresse à l’obtention du diplôme.

10Nous nous intéressons donc à deux événements et nous étudions les processus qui régissent chacun d’eux au moyen d’un modèle de survie construit à partir de la régression de Poisson. Les diplômés du secondaire sont à risque d’entreprendre des études collégiales à partir du moment où ils obtiennent leur diplôme et ils le demeurent jusqu’à ce qu’ils entrent au cégep ou que les données ne permettent plus de les suivre. Ces diplômés peuvent être admis dans un cégep qui se trouve dans leur région d’origine ou dans une autre région. Ils forment donc le seul groupe à risque d’un processus qui peut mener à deux destinations différentes. La logique est la même pour l’obtention du DEC, mais avec deux groupes à risque différents : les diplômés du secondaire deviennent à risque d’obtenir le DEC dès qu’ils entrent au cégep, mais ils appartiennent à deux groupes à risque différents selon qu’ils sont demeurés dans leur région d’origine ou qu’ils ont déménagé dans une autre région.

11Nous étudions donc le processus qui régit l’accès aux études collégiales au moyen d’un modèle à risques concurrents en estimant une équation différente pour chacune des deux destinations alors que pour la diplomation du collégial, des analyses séparées sont effectuées à partir de deux groupes à risque distincts.

12Nous étudions le rôle de la région en regroupant les régions où habitent les élèves en suivant la typologie du ministère de l’Éducation et du Québec (MEQ, 2004) qui classe les 17 régions administratives du Québec en cinq types : Montréal, la périphérie de Montréal, la Capitale nationale, les régions semi-urbaines et les régions éloignées

13Pour des raisons d’espace, nous ne présentons en détail que les résultats de la première partie de notre étude. Nous commentons brièvement les résultats de la deuxième dans la conclusion.

3.1 Les sources de données

14Les données utilisées proviennent des fichiers administratifs du MÉES (ministère de l’Éducation et ministère de l’Enseignement supérieur) et des fichiers de microdonnées détaillés du recensement Canada de 2001. Le MÉES utilise trois systèmes de données administratives : « Charlemagne », pour l’enseignement préscolaire, l’école primaire et l’école secondaire ; « Socrate », pour l’enseignement collégial ; le « GDEU », pour l’université.

15Notre échantillon est constitué de 25 % des élèves inscrits à l’école secondaire pour la première fois en 2002. Les informations permettent de reconstituer le cheminement des élèves jusqu’en 2012, soit durant 10 ans. Nous connaissons l’emplacement du domicile de chaque élève, et donc la région qu’il habite, à chaque moment de son parcours scolaire.

3.2 Les variables

16Nous cherchons à comprendre l’effet de la région tant sur l’accès aux études collégiales que sur la réussite scolaire. Nous nous intéressons à deux variables dépendantes : 1) le fait d’entreprendre un programme d’études collégiales qui conduit au DEC, 2) l’obtention du DEC.

17Les élèves ne fréquentent pas tous une seule filière au cours de leurs études secondaires. Nous utilisons la filière que l’élève a fréquentée le plus longtemps pendant ses études secondaires en formation générale des jeunes (FGJ).

18Nous étudions l’influence de l’origine sociale de l’élève sur l’accès au cégep et l’obtention du DEC. Les données du MÉES ne contiennent pas d’information sur le revenu ou la scolarité des parents. Nous utilisons une mesure du statut socioéconomique (SSE) construite à partir des données détaillées du recensement de 2001, le recensement le plus récent au moment où commence l’observation des élèves qui constituent notre échantillon. On trouvera le détail du calcul de cette mesure dans Laplante et all. (2018).

19D’autres variables jouent un rôle dans l’accès et la réussite au cégep, et certaines d’entre elles se retrouvent dans les données dont nous disposons. Nous estimons l’effet du sexe, du lieu de naissance, de la langue maternelle et de la langue d’enseignement, des difficultés scolaires reconnues au secondaire, et du retard au moment de l’entrée au secondaire – c’est-à-dire le fait d’avoir entrepris le secondaire après 12 ans.

20Afin de déterminer si les élèves ont changé de région entre le secondaire et les études collégiales, nous avons déterminé la région de résidence lors de la dernière année passée au secondaire, et nous l’avons comparée à la région de résidence lors de l’entrée au cégep. Si les deux régions sont différentes, alors il y a eu mobilité entre les études secondaires et collégiales, sinon l’élève est resté dans sa région d’origine.

4. Résultats

21Les deux tableaux de résultats détaillés ont la même structure. La première colonne, qui n’est pas numérotée, présente les coefficients de l’équation dans laquelle se trouvent toutes les variables indépendantes que nous examinons y compris le type de la région dans laquelle résidait l’élève pendant la dernière année de ses études secondaires. Les cinq autres colonnes, numérotées de 1 à 5, présentent les coefficients de l’équation qui contient les mêmes variables indépendantes, mais estimée séparément à partir du sous-échantillon des élèves qui habitaient dans chacun des cinq types de régions.

22Les tableaux 1 et 2 présentent les résultats d’un modèle à risques concurrents. Le premier tableau contient les résultats de l’équation qui représente le processus qui mène à entreprendre des études collégiales sans déménager hors de la région de résidence à la fin de ses études secondaires. Le deuxième tableau contient les résultats du même processus en déménageant hors de la région de résidence à la fin des études secondaires. Techniquement, ces deux tableaux rapportent les résultats d’équations qui, respectivement, comparent le risque d’entreprendre les études collégiales sans déménager puis celui d’entreprendre ses études en déménageant au risque de ne pas entreprendre d’études collégiales. Pour cette raison, les résultats s’interprètent principalement en comparant les coefficients des deux tableaux.

23La première colonne du tableau 1 montre que le risque d’entreprendre des études qui conduisent au DEC sans déménager varie selon le type de région de résidence à la fin des études secondaires, mais que cette variation est d’ampleur relativement modeste. Le risque est le même à Montréal et dans la région de la Capitale-Nationale (ville de Québec), un peu plus élevé dans les régions éloignées, mais un peu plus faible dans la périphérie de Montréal et le plus faible dans les régions semi-urbaines. La première colonne du tableau 2 montre que le risque d’entreprendre les études collégiales en déménageant hors de sa région est à peu près le même et le plus élevé à Montréal et dans les régions éloignées, plus faible dans les régions semi-urbaines, encore plus faible dans la périphérie de Montréal et encore plus faible à Québec. L’examen, au sein de chacune des cinq autres équations de chaque tableau, du taux net selon le nombre des années écoulées depuis l’obtention du diplôme d’études secondaires permet d’interpréter les différences entre types de régions qui apparaissent dans la première colonne de chacun des deux tableaux.

24Dans toutes les régions, la filière fréquentée à l’école secondaire a l’effet attendu sur le fait d’entreprendre les études collégiales sans déménager : fréquenter une autre filière que les classes ordinaires de l’école publique, peu importe laquelle, augmente ce risque. Cet effet est net de celui du SSE de la famille dont on sait qu’il détermine en partie la filière fréquentée. Dans toutes les régions sauf celle de la capitale nationale, le SSE de la famille a un effet net distinct de celui qu’a la filière : le risque d’entreprendre des études collégiales sans déménager augmente en raison du statut de la famille et cet effet semble légèrement plus élevé dans les régions éloignées. Au contraire, ces deux variables ont peu d’effet sur le risque d’entreprendre les études collégiales en déménageant. On note qu’à Québec, le fait d’avoir fréquenté les programmes enrichis de l’école publique réduit le risque d’entreprendre les études collégiales en déménageant et que l’effet du SSE sur ce risque n’est appréciable que dans les régions éloignées où il est encore plus fort que sur le risque d’entreprendre les études collégiales sans déménager. La filière ne semble donc avoir d’effet que dans le processus qui régit l’accès au cégep près du lieu où on habite. En revanche, dans les régions éloignées, entreprendre les études collégiales est manifestement lié au SSE de la famille, ce qui laisse soupçonner que dans ces régions, et uniquement dans celles-ci, favoriser les études loin du domicile pourrait être une stratégie de reproduction sociale.

25Sans surprise, les filles sont plus à risque d’entreprendre les études collégiales sans déménager que les garçons dans tous les types de région. On retrouve cette différence dans le risque d’entreprendre les études collégiales en déménageant, sauf à Montréal où la différence entre les filles et les garçons semble nulle, ce qui tend à penser que la diversité de l’offre de formation comble « les besoins ».

26À Québec et dans la périphérie de Montréal, être né au Canada, mais hors du Québec, réduit le risque d’entreprendre les études collégiales sans déménager, mais augmente celui de les entreprendre en déménageant. Dans les régions éloignées également, être né ailleurs au Canada augmente le risque d’entreprendre les études collégiales en déménageant. À Montréal, être né à l’étranger augmente le risque d’entreprendre les études collégiales en déménageant.

27À Montréal et dans sa périphérie, les allophones, peu importe la langue dans laquelle ils ont étudié, sont plus susceptibles que les autres d’entreprendre des études collégiales sans changer de région. À Montréal, les anglophones qui ont fréquenté l’école secondaire en anglais sont moins susceptibles que les francophones qui ont fréquenté l’école française de changer de région pour entreprendre les études collégiales. Dans la périphérie de Montréal, ils sont plus susceptibles d’entreprendre les études collégiales sans changer de région.

Conclusion

28Notre objectif est de cerner l’existence d’un effet de la région où l’on réside sur le processus d’accès au cégep, qui est lui-même largement structuré par les dynamiques de reproduction sociale. Nous désirions saisir cet effet sur le passage à l’EPS avec l’accès au cégep, sachant très bien que nous devrions examiner l’accès au diplôme des études collégiales, qui est une condition formelle de l’accès à l’université6.

29Nos analyses montrent que la région de résidence à un effet sur le plan de l’accès. En même temps, l’étendue du réseau des cégeps fait en sorte que l’objectif d’accessibilité géographique aux EPS est largement atteint, la probabilité de poursuivre les études dans une autre région est plus faible que celle de rester dans la région de résidence.

30Dans l’ensemble du Québec, l’origine sociale (SSE) et le genre participent à la reproduction sociale. Le parcours scolaire au secondaire a l’effet attendu, suggérant que la conversion des dispositions sociales et culturelles en disposition scolaire facilite l’accès aux EPS. La région a un effet. Le risque d’entreprendre des études collégiales est semblable à Montréal et à Québec, mais il est plus faible dans les régions semi-urbaines et dans la périphérie de Montréal. Ces régions regroupent des zones urbaines et des zones rurales : la différence dans l’accès pourrait s’expliquer par la composition de la population. Cela dit, ce risque est plus élevé dans les régions éloignées que dans les régions semi-urbaines et la périphérie de Montréal alors que le nombre des cégeps y est plus faible. C’est également dans les régions éloignées que l’effet de l’origine sociale est le plus élevé et que l’accès au cégep en changeant de région est le plus important. On peut penser que, pour les élites de ces régions, l’éventail des cégeps de destination est plus grand parce que la distance entre le domicile et le cégep, qui peut être grande même à l’intérieur de la région d’origine, n’interdit pas d’envisager de la quitter.

31La seconde partie de notre étude, dont nous ne présentons pas les résultats en détail, montre que l’effet de la région sur l’obtention du diplôme est faible : le risque d’obtenir un diplôme varie peu selon la région, sauf dans les régions éloignées pour les étudiant.e.s qui sont demeurés dans leur région. Dans toutes les régions, deux facteurs influencent positivement le risque d’obtenir le diplôme : avoir étudié dans un programme enrichi et être une femme. Un seul le réduit : étudier dans l’enseignement technique. Cela laisser supposer que l’obtention du diplôme est largement conditionnée par des dispositions culturelles et les expériences scolaires.

32L’EPS québécois est structuré autour d’une double transition. Notre étude ne porte que sur la première, l’accès aux études collégiales. La région de résidence joue un rôle dans la première transition, mais on ne sait pas encore quel rôle elle joue dans l’accès à l’université et dans l’obtention du diplôme universitaire. Le réseau universitaire québécois est moins dense que le réseau des cégeps ; il ne compte que 17 établissements dont plusieurs sont des écoles spécialisées — école d’ingénieur, formation à distance, centres de recherche et école d’administration. On peut se demander si l’effet de la région se fait sentir plus fortement, en particulier sur la poursuite des études en dehors de la région.

33L’EPS québécois est structuré autour d’une double transition. Notre étude ne porte que sur la première, l’accès aux études collégiales. La région de résidence joue un rôle dans la première transition, mais on ne sait pas encore quel rôle elle joue dans l’accès à l’université et dans l’obtention du diplôme universitaire. Le réseau universitaire québécois est moins dense que le réseau des cégeps ; il ne compte que 17 établissements dont plusieurs sont des écoles spécialisées – école d’ingénieur, formation à distance, centres de recherche et école d’administration. On peut se demander si l’effet de la région se fait sentir plus fortement, en particulier sur la poursuite des études en dehors de la région.