Introduction

1L’expansion scolaire va de pair avec une nouvelle forme de sélectivité sociale des publics : la démocratisation ségrégative (Merle, 2000). Les enfants des classes sociales supérieures se distinguent par le choix de filières et spécialités dont sont en partie exclus les enfants des classes populaires (Reimer et Thomsen, 2019), alors qu’auparavant ils se distinguaient par des durées de scolarité plus longues. Pour autant, via l’expansion scolaire, les classes populaires ont pu accéder davantage à la plupart des filières et spécialités, mais avec des parcours spécifiques. La démocratisation ségrégative s’opère alors non seulement via la filière ou la spécialité de formation du diplôme, mais aussi par la nature du parcours lui-même, selon les types de formation qui ont jalonné ce parcours (Lemistre, 2018). Il s’agit donc de différencier les parcours selon l’origine sociale à diplôme donné, puis de déterminer si un type de diplôme donné offre les mêmes perspectives professionnelles selon le parcours d’études.

2Le parcours professionnel est en effet lié à l’ensemble de la trajectoire dans le système éducatif (Haas et Hadjar, 2020). Par ailleurs, certaines ségrégations dans le système éducatif pourraient ne pas se prolonger sur le marché du travail. Par exemple, pour un diplômé de master, le fait d’avoir acquis dans son parcours un BTS ou un DUT permet une socialisation plus forte et plus précoce au marché du travail que celle des jeunes des filières générales, et donc un possible avantage relatif à l’insertion, quand bien même un jeune serait issu de BTS avec une origine sociale plus modeste que la majorité des diplômés de master. Plus généralement, le passage par une filière ou des filières sélectives au fil du parcours permettrait d’obtenir un avantage relatif via l’acquisition de ressources particulières (socialisation au marché du travail via un BTS ou DUT, capacité d’apprendre à apprendre pour les parcours CPGE).

384 trajectoires d’études sont saisies à partir de deux enquêtes du Céreq pour l’ensemble des diplômés du supérieur, réparti en 7 types de diplômes finaux principaux : BTS, DUT, licence professionnelle, licence générale, master, école de commerce, école d’ingénieurs, 3 catégories autres et docteurs ne sont pas reproduites, divisés en deux domaines de spécialités (sauf écoles). Chacun de ces types de diplômes finaux est décliné en 2 à 10 trajectoires. Sont constitutifs des trajectoires : le type de bac, un possible diplôme intermédiaire du supérieur, le passage par une CPGE. Les trajectoires sont déclinées par genre et selon l’origine sociale, puis confrontées au niveau de salaire trois ans après la sortie du système éducatif.

4La première partie de la communication met en évidence les principales évolutions des trajectoires et leur caractérisation sociale à partir des enquêtes de 2007 et 2013 du Céreq. La seconde examine les salaires associés à ces trajectoires et la prolongation ou non des ségrégations dans le système éducatif sur le marché du travail.

1. Trajectoires d’études ségréguées : logiques de carrière en étude

5Pour simplifier la présentation, certaines des 84 trajectoires ne figurent pas dans les tableaux, pour des raisons de lisibilité, de spécificité de certaines certifications et de limite de taille de la communication : sont occultées les trajectoires « autres » (dont autres bacs+2 et 3 majoritairement du domaine santé et social) et celles des docteurs. Évidemment, elles sont prises en compte dans les estimations.

1.1 Une évolution des trajectoires d’études

6Plusieurs évolutions sont notables de 2004 à 2010, étroitement liées à une expansion scolaire marquée par une forte augmentation du nombre de diplômés de master parmi les sortants du système éducatif et aussi à un accroissement des poursuites d’études des diplômés des filières professionnelles courtes vers la licence. De 2004 à 2010, le nombre de sortants du système éducatif dont le plus haut diplôme est un master augmente de 70 % et de plus de 20 % pour les écoles d’ingénieurs et de commerce (respectivement de 21 % et 27 %, tableau 1). L’augmentation en master repose principalement sur les sciences humaines et sociales (SHS) dont les effectifs ont quasiment doublé (Lemistre et Merlin, 2021). Le LMD a aussi amené à une diminution drastique des effectifs de sortants diplômés au niveau bac+4 de 74 % (tableau 1), soit une division par plus de 3. Cette diminution explique en partie de nouvelles poursuites au niveau master.

7Deux autres diminutions d’effectifs importantes interrogent davantage, a priori. En effet, le nombre de sortants détenteurs d’un BTS ou d’un DUT a diminué de respectivement 26 % et de 42 % (tableau 1), alors que le nombre de diplômés est resté stable de 2000 à 2010 pour le DUT et a continué d’augmenter pour les BTS (Blanchard et Lemistre, 2022). Les moindres sorties sont liées à un accroissement de la poursuite d’études de ces diplômés qui ne sont alors plus considérés comme sortants. Témoigne de ces évolutions la part nettement croissante des diplômés de niveaux supérieurs à bac+3. C’est la licence professionnelle, dont les effectifs ont fortement augmenté sur la période, qui en a absorbé une part importante. Les effectifs de sortants des licences professionnelles ont doublé avec près de 90 % de diplômés de BTS et DUT pour chaque génération (tableau 1). Les effectifs de sortants de licences professionnelles sont néanmoins inférieurs de moitié environ aux effectifs de diplômés. La raison est cette fois l’accroissement des poursuites d’études vers le bac+5, les diplômés de licence professionnelle étant de plus en plus nombreux à aspirer à la poursuite d’études (Lemistre, 2019a). Par exemple, pour les seuls diplômés ou les licences professionnelles ont pu être distinguées dans le cursus au vu des effectifs, soit les masters en SHS, les effectifs de la trajectoire concernée ont été multipliés par près de 10 (tableau 1).

8Dans le même temps, de plus en plus de diplômés de DUT et BTS empruntant d’autres voies (intégration en 3^e année d’écoles de commerce ou d’ingénieurs, en licence dite générale) accèdent au niveau bac+5. Les augmentations sont notables en écoles, particulièrement pour les détenteurs de DUT en écoles d’ingénieurs et plus encore pour les masters en SHS après une licence générale, la trajectoire pour laquelle les effectifs ont plus que doublé (M2SHS_LG_DUT_BTS tableau 1). Comme cela a été évoqué plus haut, l’augmentation des effectifs la plus significative concerne les master 2 SHS et elle est portée principalement par les bacheliers généraux dont la trajectoire est « classique », au sens d’une licence générale suivie d’un master.

9On observe également des évolutions inverses pour un même type de diplôme final. Par exemple, parmi les sortants de BTS, le parcours bac pro se renforce nettement pour le tertiaire (plus 44 % d’effectifs), alors que celui des bacs technologiques est en net recul (moins 37 % en effectifs). Les bacheliers technologiques obtenant un BTS constituent de fait une part importante des jeunes qui poursuivent en licence professionnelle, même si la sélection forte à l’entrée continue à assurer la domination des bacheliers généraux en licence professionnelle (Kergoat et Lemistre, 2014).

1.2 Des évolutions de trajectoires qui renouvellent la distribution des publics selon le genre et l’origine sociale

10On le sait, les diplômes selon la filière sont fortement genrés : plus de filles dans les domaines de spécialités tertiaires et SHS et plus de garçons en industrie ou sciences. Ces clivages par diplôme sont nuancés selon la trajectoire. Par exemple, les filles ne sont pas majoritaires pour les BTS industriels (53,5 % de garçons, tableau 2), pour autant elles le sont pour la trajectoire des sortants de BTS issus d’un baccalauréat général (55 %). À l’inverse ce sont les garçons qui sont majoritaires pour les DUT tertiaires obtenus après un bac S (53 %), alors que les filles dominent pour l’ensemble des trajectoires des sortants de DUT tertiaire (53,1 %).

11Concernant l’origine sociale, la démocratisation ségrégative est manifeste et en partie héritée du type de baccalauréat. Ainsi, pour les sortants de BTS industriel, 51 % des jeunes détenteurs d’un baccalauréat professionnel sont d’origine sociale défavorisée, contre 41 % pour les baccalauréats technologiques et 30 % pour les baccalauréats généraux (tableau 2). La sélection est aussi plus forte pour les bacheliers professionnels dont 22 % ont obtenu une mention bien ou très bien, contre 8 % pour les bacheliers technologiques et 3 % pour les bacheliers généraux, ceci alors que la filière professionnelle est celle ou le nombre de mentions délivrées est le plus faible (Lemistre, 2019b). Il y a donc une sursélection des bacheliers professionnels par la performance, plutôt en faveur des classes supérieures qui obtiennent davantage de mentions dans toute les filières (ici 33 % pour les très favorisés de cette trajectoire contre 21 % des défavorisés), performance et origine sociale demeurant liées. Il est également important de noter que ces jeunes issus de baccalauréats professionnels ont certes une origine sociale plus modeste que les jeunes issus d’autres baccalauréats, mais supérieure à celle des jeunes qui sortent du système éducatif après l’obtention du baccalauréat professionnel (Lemistre, 2019c).

12En regard du baccalauréat, on retrouve cette logique aux niveaux supérieurs. Par exemple, les sortants de licence générale SHS, après un parcours classique (L1 à L3) précédé d’un bac S, comptent 29 % de jeunes d’origine défavorisée, contre 19 % avec ce même parcours avec un master également SHS (tableau 2). On retrouve ces logiques à l’étape suivante vers un bac+5, avec un même bac obtenu en amont. Par exemple, les sortants du système éducatif avec une licence générale en SHS précédée d’un bac S (LGSHS_BACS) compte 29 % de jeunes d’origine défavorisée, contre 19 % pour ceux qui ont poursuivi vers l’obtention d’un master en SHS (M2SHS_LG_BACS). Il y a donc bien une démocratisation ségrégative propre au supérieur, même à bac donné. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, les inégalités dans le supérieur ne sont pas essentiellement héritées du secondaire, même si le parcours dans le secondaire détermine très fortement le type de bac obtenu (Brinbaum et al., 2018). Si l’effet bac est hérité de ce parcours antérieur, il n’explique pas à lui seul la ségrégation du supérieur.

13Sans surprise, plus les filières sont sélectives, plus les performances au bac et l’origine sociale s’élèvent. Toutefois, là encore il y a de fortes nuances selon les trajectoires. 38 % des jeunes sortants de master SHS après une licence générale précédée d’un DUT ou d’un BTS (M2SHS_LG_DUTBTS) sont issus de milieu favorisé ou très favorisé, contre 59 % pour les bacheliers S qui ont suivi la seule voie universitaire (M2SHS_LG_BACS), 52 % pour les bacs ES et 48 % pour les bacs L. Pour les détenteurs de DUT ou BTS, les choix de filières vers le bac+5 restent très marqués par l’origine sociale : 51 % des jeunes qui ont poursuivi en école de commerce sont d’origine sociale favorisée ou très favorisée (38 % master cf. supra). Ce pourcentage reste néanmoins très en deçà de celui de la filière « classique » pour ces écoles, soit via une CPGE où il est de 66 %. Ces écarts n’en traduisent pas moins une démocratisation de la filière, plus encore pour les ingénieurs où 33 % des jeunes issus de BTS ou DUT sont d’origine favorisée ou très favorisée, contre 62 % pour ceux issus d’une CPGE, ou 72 % pour ceux qui ont obtenu un master 2 en amont.

2. Débuts de carrières : quel prolongement des trajectoires d’études ?

14Ces différences marquées en termes d’origine sociale pour un même type de diplôme final selon le parcours traduisent la démocratisation ségrégative vers le supérieur et pendant le parcours dans le supérieur. Ces trajectoires différenciées vont-elles également se traduire par des insertions professionnelles plus ou moins favorables ?

15Nous retenons une seule variable pour hiérarchiser les trajectoires sur le marché du travail : le salaire trois ans après la sortie du système éducatif. Les estimations ne sont réalisées que sur les individus en emploi, nous avons aussi supprimé les individus qui ont repris des études pendant plus de neuf mois1.

16Les salaires descriptifs (salaire moyen par trajectoire) sont présentés (colonne 1) par rapport aux écarts à une catégorie de référence (diplômés d’école de commerce avec un parcours CPGE) reprise dans les analyses toutes choses égales par ailleurs (TEPA). Les analyses TEPA sont nécessaires, car la hiérarchie salariale descriptive des trajectoires peut être liée au public très spécifique qui les compose. Ainsi, certaines sont plus féminines ou concernent nombre d’étudiants aux performances scolaires élevées, comme en témoignent les mentions au bac. De même, la présence de nombreux jeunes favorisés peut améliorer leur insertion du fait de leur capital social indépendamment de la trajectoire. L’offre éducative locale peut aussi être liée à la présence ou non de certaines trajectoires. Le premier modèle neutralise ces effets moyens du sexe, du territoire (région de l’établissement de formation et résidence au moment de l’enquête en milieu rural), celui des variables sociodémographiques (lieux de naissance du jeune et de ses parents, cote sociale), des éléments de parcours dans le secondaire (mention au bac déclinée par type de bac, retard en 6e, âge à la date d’enquête qui traduit à diplôme donné un éventuel retard). Le premier modèle (colonne 2) permet donc de saisir l’effet propre de la trajectoire sur l’insertion en prenant en compte les spécificités individuelles sociodémographiques et territoriales. Le second modèle (colonne 3) évalue le recoupement entre la démocratisation ségrégative par le parcours à celle plus classique via les choix de spécialités, en ajoutant celles-ci en 50 modalités de spécialité du diplôme final et également la modalité filière apprentissage par niveau (bac+2, 3, 5, soit 6 modalités).

17Tous les modèles sont estimés sur l’ensemble des trois générations pour conserver des effectifs suffisants dans chaque modalité des variables explicatives. Les effets moyens de chaque génération sont intégrés à ces estimations globales. Afin d’analyser de possibles différences à l’insertion pour des types de diplôme donnés selon les parcours, nous nous focaliserons sur les exemples les plus saillants, soit en privilégiant les parcours où les écarts sont les plus conséquents et/ou selon l’origine sociale dominante de chacun. La significativité des écarts est testée entre les coefficients des trajectoires concernées (en changeant la référence qui devient l’une d’entre elles).

2.1 Débuts de carrière des « bac +2 »

Une trajectoire bac techno - BTS industriel valorisée sur le marché du travail

18Concernant les bacs+2, le BTS industriel est le mieux valorisé par les détenteurs d’un bac techno, malgré leur origine sociale plus modeste que les bacheliers généraux de la trajectoire. Les écarts en descriptif se resserrent TEPA pour la première estimation (tableau 2, colonne (2)) et sont non significatifs pour les diplômés de bac pro avec les spécialités ((tableau 2, colonne (3)). C’est donc davantage le parcours bac techno qui conduit à mieux valoriser le diplôme pour une trajectoire où l’origine sociale est moins favorable que pour les bacs généraux. En outre, ces derniers n’ont pas d’avantage salarial par rapport aux bacheliers professionnels.

Des choix de spécialités qui déterminent la valorisation des BTS tertiaires

19Pour les BTS tertiaire, l’origine sociale défavorisée domine pour les bacs technos et pros (55 % et 54 %), suivis par le bac L (49 % tableau 1). Cette fois, les salaires moyens sont défavorables à ces parcours et le demeure TEPA sans les spécialités (tableau 2, colonne (2)), mais pas avec (colonne 3). La démocratisation ségrégative sur le marché du travail par le parcours se traduit donc dans les choix de spécialité.

Pour les DUT, des niveaux de rémunération non impactés par le type de trajectoire

20Les parcours DUT de la filière industrielle présentent l’originalité d’origines sociales comparables pour les détenteurs de baccalauréats généraux ou pros et technos. Les écarts de salaires entre les deux trajectoires sont non significatifs, peut-être en partie en lien avec ce constat. Pour la filière tertiaire du DUT, l’origine sociale des bacheliers S est supérieure à celle des autres bacs, qu’il s’agisse des bacs S et ES ou Pro et techno, pour autant les écarts de salaire ne sont pas significatifs.

2.2 Débuts de carrière des « bac +3 »

Pour les sortants de licences pro SHS, des salaires moins élevés pour les jeunes passés par un Bac pro ou techno

21Pour les licences professionnelles du domaine SHS, en descriptif la trajectoire où le salaire moyen est le plus faible ne comprend pas de BTS ou DUT, en revanche y dominent les bacs généraux S (pour LPSHS_BAC) et l’origine sociale est la plus élevée (44 % de favorisés et très favorisés), soit proche de celle de la trajectoire DUT où dominent également les bacs généraux, mais où les salaires sont plus favorables. TEPA la hiérarchie change et une seule trajectoire a un écart de salaire défavorable significatif aux autres. Il s’agit de la trajectoire comprenant un BTS et un bac pro ou techno (LPSHS_BTS_BACTECHPRO). L’origine sociale est comparable à celle des diplômés de BTS disposant d’un baccalauréat général, c’est donc avant tout un effet type de bac. Ce dernier s’avère lié aux spécialités de formation, les écarts n’étant plus significatif dès lors que ces éléments sont ajoutés.

Pas d’effet du parcours d’études pour les diplômés de Licences pro scientifiques

22Pour les licences professionnelles scientifiques, le parcours est sans effet significatif TEPA sur la valorisation du diplôme alors que les origines sociales sont parfois très contrastées (45 % d’origine favorisée et très favorisée pour LPSC_BTS_BACGEN contre 26 % LPSC_BTS_BACTECHPRO).

Des parcours BTS/DUT – Licence générale plus favorables pour les filières scientifiques

23Pour les diplômés de licences générales en sciences, les sortants dotés d’un BTS ou d’un DUT ont un niveau de salaire très supérieur au salaire de ceux dont le parcours a été effectué en licence générale depuis la L1. En outre, l’écart ne se réduit pas TEPA. Ces sortants diplômés de BTS et DUT ont par ailleurs une spécificité forte : une origine sociale parmi les plus favorisées de licence (42 % d’origine favorisée et très favorisée). Or, celle-ci est comparable à celle de la trajectoire classique, c’est donc un pur effet de parcours. En revanche, pour les sortants de licence générale en SHS, les écarts entre trajectoires ne sont pas significatifs, même si les origines sociales dominantes peuvent différer entre certaines.

2.3 Débuts de carrière des « bac+5 »

Des trajectoires BTS/DUT - Master très avantageuses en sciences

24À bac+5, pour les parcours de sortants de master du domaine SHS, très clairement un parcours professionnalisé aux niveaux bac+2 et 3 (licence professionnelle ou DUT ou BTS) n’est pas un handicap, malgré des origines sociales relativement défavorables. En revanche, les jeunes sortants de master SHS issu de la filière classique (en licence après le bac) sont clairement défavorisés à l’embauche. Toutefois, dès lors que les spécialités sont intégrées au modèle TEPA (tableau 2 colonne (3)), l’écart n’est plus significatif. C’est donc surtout un effet de ségrégation dans les choix de spécialité par ces jeunes bacheliers. Une seule trajectoire de master SHS (hors autres bac+3) est significativement défavorisée à l’insertion : celle ou figure le bac L dans le parcours classique (L1 à 3), ceci alors que l’origine sociale des concernés n’est pas particulièrement défavorable.

25Pour les masters de sciences, la trajectoire où les jeunes sont entrés en filière générale à l’université directement après le BTS ou le DUT est la plus favorable, non seulement en regard de la trajectoire classique, mais aussi de la trajectoire post licence professionnelle ou pourtant dominent les diplômés de BTS et DUT.

Les parcours via une CPGE plus bénéfiques pour les sortants d’écoles de commerce

26Pour les écoles de commerce, la hiérarchie salariale est très favorable aux jeunes passés par une CPGE, avec des écarts qui se réduisent TEPA mais restent conséquents. La réduction des écarts est sans doute liée à l’intégration des meilleures écoles via les CPGE. L’origine sociale est certes moins favorable aux DUT et BTS, mais proche des détenteurs de licences pour la trajectoire CPGE.

Des rémunérations moins favorables pour les ingénieurs entrés en école après un BTS ou une licence

27Pour les écoles d’ingénieurs, si en moyenne la trajectoire où figure une CPGE délivre le plus haut salaire moyen, l’écart n’est pas significatif avec les trajectoires d’ingénieurs qui ont intégré l’école après un DUT ou un master. En revanche, il demeure conséquent et défavorable en regard de la trajectoire dans laquelle l’école d’ingénieur a été intégrée après un BTS. Une différence qualitative sans doute dans les écoles intégrées, sachant que l’origine sociale des BTS est beaucoup moins favorable. Toutefois, le constat est le même pour les jeunes qui ont intégré une école d’ingénieurs après une licence qui eux ont une origine sociale proche du parcours CPGE. Sans doute les écoles concernées sont très majoritairement les récentes écoles d’ingénieurs universitaires, peut-être moins valorisées sur le marché du travail. Ces éléments nécessitent des investigations complémentaires.

Conclusion

28La carrière est une notion quasiment toujours appliquée à partir de l’entrée sur le marché du travail. Or, les résultats exposés suggèrent que les étapes successives de la trajectoire d’études pourraient bien constituer un premier déterminisme fort pour les trajectoires sur le marché du travail, les secondes étant en tout ou partie la continuité des précédentes, pas seulement un « nouveau départ » après l’obtention d’un diplôme supposé seul « signal » probant de parcours scolaires, pourtant de plus en plus diversifiés pour l’obtention d’un même type de diplôme. L’expansion scolaire récente a produit de fait de nouveaux parcours vers et dans le supérieur, permettant à des jeunes d’origine populaire d’accéder aux plus hauts niveaux. Cette démocratisation quantitative est souvent supposée être annihilée par son caractère ségrégatif entre filières et spécialités. À ces formes de ségrégation pourrait alors s’ajouter une ségrégation par le parcours lui-même à type de diplôme final donné. Ces parcours marqués socialement sont aussi susceptibles d’être moins valorisés sur le marché du travail.

29Les multiples résultats exposés dans cette communication de manière exhaustive (un peu trop sans doute), s’ils confirment une ségrégation sociale via le parcours pour un diplôme donné, relativisent sa prolongation sur le marché du travail. En effet, plus on progresse dans les niveaux de diplôme de sortie de bac+2 à bac+5, plus sont identifiées des trajectoires inclusives, soit favorables en termes de salaire trois ans après la sortie du système éducatif aux jeunes les moins dotés socialement pour un type de diplôme final (présence d’un bac techno pour diplôme de sortie BTS industriel, passage par un BTS ou DUT pour les sortants de licence générale scientifique ou de master scientifique, etc.). L’analyse détaillée de ces constats selon les spécialités prolongera ce travail exploratoire.