1L’objectif de cette contribution est de mettre en perspective deux ensembles de travaux conduits au Céreq au cours des dernières années :

• le premier porte sur les normes de qualification à partir de l’actualisation d’un précédent exercice réalisé en 2005 (Fournié & Guitton, 2008). La base de données des portraits statistiques de branches (PSB) du Céreq permet de constituer des données rétrospectives sur plus de vingt ans (1995-2017) relatives à l’évolution du niveau de qualification des emplois du secteur privé, du niveau de formation des salariés et de la structure des qualifications ;

• le second ensemble de travaux porte sur les professions intermédiaires et rend compte des principaux résultats d’un programme de recherche conduit entre 2010 et 2012 : l’enquête sur les professions intermédiaires en entreprises (EPIE) portant sur une soixantaine de métiers dans une trentaine d’entreprises (Cadet & Guitton, 2013).

2Les données statistiques sur l’évolution des normes de qualification présentées en première partie contribuent à la mesure de la relation formation-emploi en mettant l’accent sur le « décalage vertical entre la hiérarchie de qualification des emplois et celle des formations » (Giret, 2015). Leur exploitation sur longue période met en évidence un paradoxe : la domination croissante du niveau I-II (bac+3 et plus) parmi les ingénieurs et cadres, mais également parmi les professions intermédiaires et les emplois qualifiés des services, s’accompagne d’une certaine fongibilité des normes de qualification au sens où les différentes catégories socioprofessionnelles (ouvriers, employés, professions intermédiaires, ingénieurs et cadres) sont alimentées, dans des proportions variables, par l’ensemble des niveaux de qualification (du niveau VI au niveau I-II). Les données qualitatives sur les professions intermédiaires présentées en seconde partie permettent d’éclairer ce paradoxe apparent en élargissant la focale de la relation formation-emploi aux relations formation-emploi-travail.

3Alors que la prise en compte des compétences dans l’analyse statistique de la relation formation-emploi se révèle particulièrement complexe (Giret, 2015), les enquêtes en entreprises permettent d’analyser les interactions entre transformations du travail et gestion des ressources humaines. Il en ressort que la montée en compétences des professions intermédiaires (complexification des métiers, polyvalence des emplois, polycompétence des salariés) provoque un double changement de paradigme qui aboutit à relativiser la place du diplôme dans les recrutements et la gestion des mobilités et des carrières :

• pour faire face à leurs besoins en compétences, les entreprises articulent formation initiale, formation continue et professionnalisation. L’important effort de formation des entreprises en direction des professions intermédiaires s’intègre dans un « effort de professionnalisation » plus large qui fait une part accrue à la dimension professionnalisante du travail et à la dimension formatrice des choix organisationnels et gestionnaires ;

• la professionnalisation des salariés est indexée à l’alimentation des emplois et ses modalités diffèrent selon que les postes sont pourvus par la mobilité interne ou par des recrutements externes. Ces arbitrages sont opérés dans le cadre de « conventions de professionnalisation » dont l’objet est de gérer l’emploi et les compétences en situation d’incertitude et dont les multiples déclinaisons possibles permettent d’esquisser une typologie des « régimes d’alimentation et de professionnalisation » en entreprise.

1. Affaiblissement de la relation formation-emploi et recul des normes de qualification

4Les normes de qualification sont des constructions sociales datant des années 1960-1980 qui postulent une relation d’équivalence entre niveaux de formation des actifs et niveaux de qualification des emplois. L’institutionnalisation des normes de qualification est opérée en trois temps : en 1967, le ministère de l’Éducation nationale produit une nomenclature des niveaux de formation (du niveau VI au niveau I-II) ; en 1969, le groupe permanent de la formation professionnelle et de la promotion sociale élabore un tableau de correspondance entre niveaux de formation des actifs et niveaux de qualification des emplois (encadré 1) ; enfin, à partir de 1982, à la suite de la refonte de la nomenclature des Professions et catégories sociales (PCS), l’Insee procède à l’exploitation des recensements successifs en croisant la nomenclature des niveaux de formation et la nouvelle PCS, contribuant ainsi à institutionnaliser la relation d’équivalence entre niveaux de formation des actifs et niveaux de qualification des emplois. En déduisant le niveau de qualification des emplois du niveau de diplôme « normalement » détenu par les actifs supposés les occuper, la nomenclature des niveaux de formation définit une « norme » de mise en relation entre le système éducatif et le système productif, une « relation d’équivalence normale entre diplômes et emplois » (Affichard, 1983).

5L’institutionnalisation des normes de qualification repose sur le postulat d’une adéquation entre les formations et les emplois. Cette vision adéquationniste fait historiquement débat, le Céreq lui préférant la notion de « correspondance » (Giret, Lopez et Rose, 2005). Les enquêtes Génération confirment et relativisent tout à la fois l’existence d’une correspondance, en niveau et en spécialité, entre les formations suivies par les jeunes et les emplois qu’ils occupent en début de vie active (Couppié, Giret et Lopez, 2005). Elles mettent par ailleurs en évidence un phénomène de déclassement massif et enraciné (Di Paola et Moullet, 2018). Objectif ou subjectif (Giret, 2015), « le déclassement caractérise la situation des personnes « sur-diplômées » par rapport à l’emploi qu’elles occupent (Nauze-Fichet et Tomasini, 2002).

6L’objet de la première partie de cette contribution est de montrer que l’absence de correspondance en niveau entre formations et emplois et les phénomènes de déclassement qui résultent proviennent du décalage croissant entre les qualifications envisagées comme des normes sociales (postulat selon lequel un niveau de diplôme constitue la norme théorique d’accès à un niveau d’emploi) et comme des normes statistiques (détermination du niveau de diplôme le plus fréquent pour une catégorie socioprofessionnelle donnée, ou catégorie modale).

Encadré 1. Correspondance entre niveaux de diplômes et catégories socioprofessionnelles

1.1. Le niveau de qualification des emplois augmente

7Les données rétrospectives sur 22 ans (1995-2017) illustrent la montée en qualification généralisée des emplois qui se traduit par une augmentation de la part des catégories socioprofessionnelles de niveau supérieur (cadres, ingénieurs et professions intermédiaires) et par un recul de la part des catégories de niveau inférieur (employés et ouvriers).

Graphique 1. Évolution du niveau de qualification des emplois

Graphique 2. Maintien de l’emploi non qualifié dans les services

8La seule exception à l’augmentation du niveau de qualification des emplois concerne les employés non qualifiés dont la part continue à progresser, ce qui accrédite la thèse de la polarisation des emplois (Jolly, 2015). La polarisation du marché du travail au cours des dernières décennies se traduit par la croissance simultanée de l’emploi très qualifié et de l’emploi non qualifié, et par une contraction des emplois dits « intermédiaires » (Reshef & Toubal, 2019), lesquels ne se confondent pas avec les professions intermédiaires qui relèvent, avec les ingénieurs et cadres, des emplois très qualifiés et se situent dans le haut du spectre. La polarisation du marché du travail résulte d’un processus schumpetérien de création-destruction d’emplois au confluent de deux logiques : l’externalisation des tâches routinières et répétitives, délocalisées dans les économies émergentes, et l’essor du numérique, qui conduit à supprimer ces mêmes tâches au profit d’emplois toujours plus qualifiés (Verdugo, 2017). Au cours des dernières décennies, ce sont principalement les emplois d’ouvriers et d’employés qualifiés qui ont fait les frais des restructurations économiques, tandis que les emplois non qualifiés continuent de progresser dans le secteur tertiaire, particulièrement dans les services aux personnes et dans les services aux entreprises.

1.2. Le niveau de diplôme des actifs s’élève

9À la montée en qualification des emplois fait écho l’élévation du niveau de diplôme des actifs avec une forte augmentation des niveaux I-II (bac+3 et plus) : la part des actifs de ce niveau passe de 9 % en 1994 à 22 % en 2017, avec une accélération au cours dernières années (graphique 4).

10La progression est spectaculaire dans l’industrie et les services mais également, dans une moindre mesure, dans la construction. La part des actifs de niveau IV (bac) et III (bac+2) double sur la période dans l’industrie et la construction. Symétriquement, la part du niveau V (CAP) recule dans tous les secteurs dans des proportions voisines.

11La part des actifs sans diplôme (niveau VI) est en net recul (de 38 % à 16 % dans l’industrie, de 43 % à 23 % dans la construction, de 35 % à 16 % dans les services) sans toutefois disparaître (graphique 5).

Graphique 4. Évolution du niveau de diplôme des actifs

Graphique 5. Évolution du niveau de diplôme des actifs (industrie, construction, services)

1.2.1. Les filles sont plus diplômées que les garçons

12La suprématie féminine en matière de diplômes est confortée au cours des deux dernières décennies et se vérifie à tous les niveaux de formation.

Graphique 6. Niveaux de diplôme des actifs : comparaison filles/garçons

1.2.2. Les jeunes sont plus diplômés que les seniors

13La comparaison dynamique (sur 23 ans) du niveau de diplôme des jeunes et des seniors fait apparaître des évolutions contrastées :

• entre 1995 et 2017, le niveau de diplôme des seniors (50 ans et plus) augmente de manière limitée mais régulière et concerne tous les niveaux de formation. La part des sans diplôme parmi les actifs recule très fortement – divisé par deux – sans toutefois disparaître ;

• s’agissant des jeunes, l’évolution se fait par « binômes » : Le niveau I-II augmente très fortement sur la période (de 7 % à 25 %) mais cette progression semble se faire au détriment du niveau III, en léger recul ; le niveau IV augmente également fortement (de 17 % à 31 %) au détriment du niveau V, en net recul (de 35 % à 18 %). Enfin, comme pour les actifs dans leur ensemble, la part des jeunes sans diplôme recule significativement (de 28 % à 12 %) sans toutefois disparaître malgré la montée en puissance des politiques de lutte contre le décrochage scolaire au cours des dernières années.

Graphique 7. Niveaux de diplôme des actifs : comparaison jeunes/seniors

14Le fait que les jeunes (moins de trente ans) soient aujourd’hui sensiblement plus diplômés que les seniors (cinquante ans et plus) constitue la conséquence directe du mouvement de hausse d’éducation engagée en Europe et en France à partir des années soixante (augmentation des taux de scolarisation, allongement de la durée des études, massification de l’enseignement supérieur). Cette tendance au « toujours plus » en matière d’éducation (Béduwé & Germe, 2004) renvoie aux grands choix opérés par les gouvernements successifs en matière de politiques éducatives au cours des années 1980-1990 (80 % d’une classe d’âge au niveau du bac, 60 % d’une génération dans le supérieur) et relayés au cours des années 2000 par des réformes communautaires comme le LMD (licence-master-doctorat). Ces orientations font débat, certains observateurs dénonçant « l’inflation scolaire » (Duru-Bellat, 2006) résultant de la stratégie conjointe des entreprises, de l’État et des jeunes et de leurs familles de développer la formation initiale au détriment de la formation continue (Béduwé & Planas, 2002). La hausse d’éducation se traduit par une élévation continue du niveau de diplôme des actifs au cours des dernières décennies et ce mouvement s’opère selon une logique propre au système éducatif, faiblement articulée à l’évolution de l’économie, à l’origine d’un décalage croissant entre la structure de formation des actifs et la structure de qualification des emplois.

1.3. Les emplois sont occupés à des niveaux de diplômes toujours plus élevés

15Entre 1995 et 2017, le niveau de diplôme des actifs et le niveau de qualification des emplois n’évoluent pas au même rythme. Le niveau de diplôme des actifs progresse plus rapidement que le niveau de qualification des emplois :

• tous secteurs confondus, le nombre d’actifs occupés de niveau I-II progresse de 13% en 23 ans, tandis que le nombre d’emplois d’ingénieurs et cadres n’augmente que de 6 % ;

• le nombre d’actifs de niveau IV et III progresse de 14% alors que les professions intermédiaires n’augmentent que de 5 % ;

• le nombre d’actifs de niveau V régresse de 12 % tandis que la part des emplois qualifiés ne diminue que de 9 % ;

• enfin, le nombre de non diplômés (niveau VI) recule de 20 % alors même que le volume des emplois non qualifiés reste stable.

16De ce fait, les emplois sont alimentés à des niveaux de diplômes toujours plus élevés. Sur longue période (1995-2017), il en résulte une déformation vers le haut de la structure des qualifications (graphique 8).

Graphique 8. Déformation de la structure des qualifications

1.4. D’une génération à l’autre, les normes de qualification se transforment

17La comparaison intergénérationnelle (jeunes/seniors) sur la dernière année disponible (2017) montre une évolution différenciée des normes de qualification selon les catégories socioprofessionnelles et les secteurs d’activité (graphique 9).

Graphique 9. L’évolution des normes de qualification

Panorama de l’évolution des normes de qualification :

• Le niveau I-II (bac+3 et plus) tend à s’imposer comme la norme exclusive d’accès aux emplois d’ingénieurs et cadres et – s’agissant des jeunes (moins de trente ans), c’est le seul niveau de qualification à se caractériser par une coïncidence entre norme sociale et norme statistique. Avec la massification de l’enseignement supérieur et la mise en place du LMD, le niveau I-II constitue plus que jamais la norme d’accès à la catégorie ingénieurs, cadres et professions libérales, ce que confirme l’analyse statistique : entre 1995 et 2017, tous âges confondus, la part du niveau I-II parmi les actifs occupant des emplois d’ingénieurs et cadres progresse de 52 % en 1995 à 68 % en 2017  (graphique 8) ; pour les jeunes (moins de 30 ans), le niveau I-II tend à s’imposer comme la norme exclusive, avec une progression de 76 % à 86 % dans l’industrie et de 61 % à 85 % dans les services.

• Le niveau III (bac+2) constitue la norme théorique mais non exclusive d’accès aux professions intermédiaires. Depuis la création des BTS et des DUT, au cours des années 1960, l’enseignement professionnel supérieur court constitue la norme théorique d’accès aux emplois relevant de la catégorie des professions intermédiaire (agents de maîtrise, techniciens, commerciaux, emplois d’administration-gestion). Mais cette norme n’est pas exclusive, le niveau III étant concurrencé en aval par les niveaux V (CAP) et IV (bac pro) et en amont par les niveaux I-II (licences pro, masters). Tous âges confondus, la norme de qualification (catégorie modale) des professions intermédiaires se déplace du niveau V en 1995 (28 %) vers le niveau III (31 %) en 2017. En ce qui concerne les jeunes, si le niveau III s’impose au cours des années 2000 (48 % dans l’industrie, 42 % dans la construction, 39 % dans les services, en 2005), il régresse ensuite au profit du niveau I-II (34 % dans l’industrie, 27 % dans la construction, 40 % dans les services, en 2017), ce qui contribue à étendre sa domination déjà avérée pour les emplois de niveau supérieur.

• Les niveaux V (CAP) et IV (bac pro) constituent historiquement la norme théorique d’accès aux emplois qualifiés de l’industrie et des services. Ceci étant dit, la situation des ouvriers qualifiés (OQ) et des employés qualifiés (EQ) diffère sensiblement. Tous âges confondus, la norme statistique d’accès aux emplois d’OQ se maintient au niveau V sur la période 1995-2017 (autour de 48 %), tandis que la part des non diplômés (niveau VI) recule (de 46 % en 1995 à 25 % en 2017). La situation des employés qualifiés est plus composite : en début de période (1995), la norme statistique d’accès aux emplois d’EQ se partage entre les niveaux V (36 %), VI (26 %) et IV (24 %) ; en fin de période (2017), le niveau V a régressé (24 %) au profit des niveaux bac IV (30 %) et III (23 %). La fongibilité des qualifications dans les services est encore plus marquée s’agissant des jeunes, dans la mesure où, si la norme statistique se situe toujours au niveau IV (33 %) en 2017, les emplois qualifiés sont alimentés par des jeunes issus de tous les niveaux de formation : V (14 %), IV (33 %), III (24 %) et I-II (26 %).

• En ce qui concerne les emplois non qualifiés, le niveau VI (sans diplôme) n’a jamais constitué une norme théorique d’accès à l’emploi, sinon par défaut, les actifs sans diplômes ayant vocation à occuper les emplois non qualifiés. Ce postulat se vérifie toujours pour les ouvriers non qualifiés, tous âges confondus, pour lesquels le niveau VI demeure la norme statistique, bien qu’en régression entre 1995 (67 %) et 2017 (44 %) au profit des niveaux V (33 %) et IV (18 %). En ce qui concerne les moins de trente ans, la norme d’accès aux emplois d’ouvriers non qualifiés se déplace du niveau VI en 1995 (52 % dans l’industrie, 57 % dans la construction) vers les niveaux V (34 % dans l’industrie et dans la construction) et IV (32 % dans l’industrie, 19 % dans la construction) en 2017. L’évolution est encore plus spectaculaire dans les services. Tous âges confondus, la norme d’accès aux emplois non qualifiés du tertiaire se déplace du niveau VI en 1995 (56 %) vers le niveau V en 2017 (31 %) et, pour les moins de trente ans, elle passe des niveaux VI (39 %) et V (39 %) au niveau IV (44 %).

18Trois constats s’imposent en conclusion de ce rapide panorama :

• pour les jeunes, la détention d’un baccalauréat ou même d’un diplôme de l’enseignement supérieur tend à devenir la norme (statistique) pour accéder aux emplois qualifiés, mais également aux emplois non qualifiés, dans l’industrie comme dans les services ;

• la domination du niveau I-II s’étend, au-delà des ingénieurs, cadres et professions libérales, aux professions intermédiaires et même aux emplois d’employés qualifiés des services ;

• la déformation vers le haut de la structure des qualifications s’accompagne du maintien d’une certaine fongibilité des normes de qualification.

2. Des normes de qualification aux conventions de professionnalisation : une lecture au prisme des professions intermédiaires

19Dans la nomenclature de l’INSEE, la catégorie socioprofessionnelle des professions intermédiaires regroupe les agents de maîtrise, les techniciens, les commerciaux et les emplois d’administration-gestion des entreprises1, soit près du quart de l’emploi salarié privé, avec une évolution différenciée selon les catégories : stabilité de l’emploi des agents de maîtrise, forte progression des techniciens et des professions intermédiaires administratives et commerciales (PIACE), ce qui en fait une catégorie socioprofessionnelle à la fois plus féminine et moins âgée que la moyenne (Cadet, Delanoë & Guitton, 2019). Fortement hétérogènes, les professions intermédiaires ont une double caractéristique commune. En premier lieu, leur identité est définie en quelque sorte par défaut (ni ouvriers ou employés ni cadres), ce que synthétise l’expression de professions « intermédiaires », à la fois sur l’échiquier social, au cœur des classes moyennes, et dans l’espace de l’entreprise, à l’interface entre conception et exécution. En second lieu, le niveau III (enseignement professionnel supérieur court – BTS, DUT) constitue la norme théorique d’accès à ces professions.

20Parmi les résultats de l’enquête EPIE, un certain nombre de constats enchâssés permettent de structurer l’analyse des changements de paradigme en cours dans les politiques de gestion des ressources humaines des entreprises :

• les transformations du travail, des organisations et du management provoquent une « montée en compétences » généralisée des emplois occupés par les professions intermédiaires ;

• la « montée en qualification » des professions intermédiaires (glissement de la norme de qualification du niveau III vers le niveau I-II) reflète pour partie cette montée en compétences, l’élévation des niveaux de diplômes requis pour occuper les emplois constituant l’un des éléments de réponse apportés par les entreprises ;

• le statut de la formation continue évolue : l’effort de formation des entreprises en direction des professions intermédiaires demeure important mais s’intègre de plus en plus dans un « effort de professionnalisation » plus large ;

• pour nombre d’entreprises, les plus grandes mais pas exclusivement, la professionnalisation des salariés est indexée à l’alimentation des emplois dans le cadre de « conventions de professionnalisation » plus ou moins formalisées dont les multiples agencements possibles permettent d’esquisser une typologie des « régimes d’alimentation et de professionnalisation ».

2.1. Montée en compétence et montée en qualification

21Il est difficile de rendre compte de la réalité du travail des professions intermédiaires sans revenir brièvement sur la distinction entre qualifications et compétences, d’une part, entre compétences et comportements, d’autre part. Le passage des qualifications aux compétences, au cours des décennies 1970-1990, traduit le recul de la logique de poste dans une organisation du travail de moins en moins taylorisée. La production de masse reculant au profit de la personnalisation de la production de biens et de services, les entreprises « font face à des exigences de souplesse, de réactivité, de polyvalence et de créativité » (ISERES 2001). La tertiarisation de l’économie accélère le processus : « Dans une économie de services, les qualités d’une prestation sont inséparables des qualités de celui qui produit cette prestation » (Goux & Maurin, 1998). Les compétences renvoient à l’individu, à ses savoir-être autant qu’à ses savoir-faire, alors que les qualifications, héritées de la logique industrielle fordiste, sont des constructions collectives objectivées par les classifications qui font une place plus ou moins centrale à la relation formation-emploi à travers le diplôme (Caillaud, 2013).

22Une seconde distinction doit être opérée entre compétences et comportements (Guitton, 2013 a). Les grilles de classification dites à critères classant, qui se substituent aux « grilles métiers » (grilles Parodi) à partir des années 1980, se caractérisent en effet par l’identification de normes de comportement professionnel (initiative, autonomie, responsabilité) distinctes des compétences proprement dites (techniques, relationnelles, procédurales, etc.). Alors que le management des compétences vise l’optimisation de l’aptitude professionnelle des salariés, l’injonction à l’initiative, à l’autonomie et à la responsabilité vise à renforcer l’implication des salariés et leur engagement dans le travail. Cette distinction entre compétences professionnelles et normes comportementales est heuristique pour prendre la mesure des transformations du travail des professions intermédiaires mais également des politiques de gestion de ressources humaines des entreprises.

2.1.1. Une montée en compétence généralisée des professions intermédiaires

23La convention statistique distingue classiquement parmi les professions intermédiaires des entreprises entre les agents de maîtrise, les techniciens, et les professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises (PIACE) (Möbus & Delanoë, 2013). Cette distinction entre maîtrise, techniciens, commerciaux et administratifs reste pertinente mais l’enquête EPIE fait apparaître une interpénétration croissante entre ces différentes dimensions des métiers étudiés (Guitton, 2013 a) :

• le management n’est pas l’apanage de la maîtrise : nombre de techniciens et de PIACE encadrent des collaborateurs, animent des équipes, conduisent des projets, supervisent des opérations, dans le cadre d’une relations hiérarchique ou non (1 métier étudié sur 2) ;

• dans l’industrie, la distinction perdure entre techniciens d’études (conception, méthodes) et techniciens d’atelier (production, essais, maintenance) mais c’est dans les services que s’opère l’extension de la catégorie (technico-commerciaux, techniciens administratifs, techniciens de la santé, techniciens du numérique) en lien avec la tertiarisation de l’économie. L’augmentation du nombre de techniciens s’accompagne d’une technicisation accrue des emplois dans leur ensemble (totalité des métiers étudiés) ;

• le durcissement de la concurrence et le déploiement de la fonction commerciale en amont et en aval de la vente provoquent une augmentation du nombre de commerciaux ; au-delà, la montée de l’injonction commerciale et de l’orientation-client accroissent la dimension commerciale de nombre de professions intermédiaires (1 métier étudié sur 2) ;

• la dimension administrative et gestionnaire constitue une composante à part entière des emplois (totalité des métiers étudiés). La généralisation de la bureautique et la quasi-disparition des postes de secrétariat contraignent les salariés à prendre en charge la composante administrative de leur activité. La montée du « managérialisme » (Dupuy, 2012) résultant de la volonté des directions d’entreprise de compenser leur éloignement du terrain par des exigences de reporting sans cesse accrues provoque une inflation des outils de gestion (tableaux de bord, indicateurs, statistiques) et aboutit à redoubler la dimension technique, commerciale ou administrative des métiers par une dimension gestionnaire particulièrement chronophage.

24L’interpénétration des dimensions managériale, technique, commerciale, administrative et gestionnaire constitue un facteur de polyvalence fonctionnelle des emplois. La polycompétence devient la règle pour la majorité des professions intermédiaires et provoque une extension du périmètre des compétences-métiers à laquelle doivent faire face les individus et les organisations.

25L’enquête EPIE a par ailleurs mis en évidence la nécessité de prendre en compte, au-delà des compétences professionnelles, le poids des normes comportementales (initiative, autonomie, responsabilité) dans la professionnalité des professions intermédiaires. Le recul de la prescription du travail se traduit en effet, pour les professions intermédiaires plus encore que pour les ouvriers et employés, par un double déplacement du management du travail :

• de l’amont vers l’aval : l’activité étant de moins en moins prescrite et de plus en plus encadrée, le management se concentre sur l’amont de l’activité (fixation d’objectifs) et l’aval (contrôle, évaluation) ; la formalisation porte sur les objectifs à atteindre, les conditions de réalisation, le suivi de l’exécution du travail et les modalités de son évaluation ;

• de l’organisation vers l’individu : en raison de leur position névralgique au sein des organisations, à l’interface entre conception et exécution, entre management et opérateurs, entre entreprises, clients et fournisseurs, les salariés des professions intermédiaires font l’objet d’une injonction croissante à l’initiative, à l’autonomie et à la responsabilité (normes comportementales).

26La professionnalité des salariés des professions intermédiaires repose sur un triptyque :

• un socle de « compétences-métiers » qui fonde leur expertise technique ;

• un ensemble de « compétences transversales », notamment relationnelles, qui déterminent leur capacité à exercer des fonctions d’encadrement de proximité ou de conduite de projet, à gérer la relation de service avec les clients ou encore à jouer un rôle de relais de la direction dans la transmission de l’information et la conduite du changement ;

• une série de « normes comportementales » qui déterminent leur capacité à faire preuve d’autonomie, d’initiative et de responsabilité dans l’exercice de leur activité professionnelle.

• les salariés des professions intermédiaires se trouvent confrontés à une injonction paradoxale : développer leurs compétences, exercer leurs missions et satisfaire aux normes comportementales en vigueur alors qu’ils sont eux-mêmes placés en régime « d’autonomie contrôlée » (Appay, 2005) du fait de leur position d’interface au sein des organisation, singulièrement ceux qui exercent des fonctions de management de proximité, d’encadrement d’équipe ou d’animation de collectifs de travail et qui se retrouvent bien souvent « entre le marteau et l’enclume » (Conjard & Gillet, 2013).

2.1.2. Une montée en qualification qui reflète la montée en compétence des professions intermédiaires

27Le niveau III demeure la norme de qualification (catégorie modale) pour les professions intermédiaires dans leur ensemble (tous âges confondus), en progression au cours des deux dernières décennies malgré un léger déclin au cours des dernières années.

28Pour les jeunes, en revanche, la situation évolue sensiblement au cours des deux dernières décennies. Les jeunes de niveau III (BTS, DUT) font l’objet d’une double concurrence pour l’accès aux professions intermédiaires, par les jeunes de niveau IV (bac pro) et IV+ (études BTS ou DUT sans diplôme), d’une part, et par les jeunes de niveau I-II (licences professionnelles, masters), d’autre part, en raison de la féminisation et de la montée en compétence des professions intermédiaires (Guitton & Molinari, 2013). Les professions intermédiaires sont toujours alimentées par l’ensemble des niveaux de formation (VI V, IV, III et II-I) mais l’évolution se traduit par un déplacement de la norme de qualification (catégorie modale) du niveau III vers le niveau I-II à partir des années 2000.

29Dans quelle mesure cette montée en qualification résulte-t-elle d’un effet « travail » (montée en compétence des emplois) et/ou d’un effet « marché du travail » (abondance d’une main-d’œuvre juvénile diplômée et disponible) ? Les deux bien évidemment, nombre d’entreprises compensant l’incertitude associée à l’évolution des métiers par une surqualification à l’embauche. Dans le cas des professions intermédiaires, on peut faire l’hypothèse que les recrutements au niveau I-II visent moins à anticiper l’évolution des compétences-métiers ou même des compétences transversales, transmissibles par la formation continue, qu’à faire face à la réévaluation des normes professionnelles.

2.2. Alimentation des emplois et professionnalisation des salariés

30Les entreprises font face à la montée en compétences des professions intermédiaires en mobilisant tout ou partie des palettes de la gestion des ressources humaines, au point que, pour nombre d’entreprises enquêtées, la professionnalisation tend à s’imposer comme le nouveau paradigme gestionnaire des relations formation-emploi-travail. On peut définir la professionnalisation comme l’espace ouvert à la gestion des ressources humaines par le recul de la prescription du travail et l’incertitude associée à l’évolution des emplois sous l’effet conjugué des transformations du travail (compétences-métiers, compétences transversales) et du management (normes professionnelles).

2.2.1. Effort de formation et effort de professionnalisation

31Le constat statistique de la concentration de la formation continue sur les professions intermédiaires (Möbus & Delanoë, 2009) trouve un écho puissant dans la trentaine d’entreprises étudiées, avec des taux de participation financière qui varient de 2,5 % à 8 %, bien au-dessus de l’obligation légale2. La variété des usages sociaux de la formation (Guitton, 2013b) met en évidence trois grandes finalités :

• L’adaptation à l’emploi

1. Favoriser l’adaptation à l’emploi et l’intégration à l’entreprise et à sa culture propre
2. Pallier les imperfections de la formation initiale et les insuffisances de l’alternance
3. Relayer les processus de rationalisation et de standardisation du travail (formation-formatage)

• Le développement des compétences

4. Permettre aux salariés d’acquérir la polycompétence requise par la polyvalence fonctionnelle des emplois
5. Adapter les salariés à l’évolution des métiers et des compétences, particulièrement dans les métiers à dominante technique
6. Accompagner la dynamique des marchés internes (mobilités promotionnelles et fonctionnelles)

• La professionnalisation

7. Contribuer à la professionnalisation des salariés dans le cadre de pratiques associant travail et formation ou de parcours alternant travail et formation.

32L’effort de professionnalisation des entreprises (Guitton, 2014) ne se réduit pas à leur effort de formation mesuré à partir des indicateurs habituels (taux de participation financière, taux d’accès des salariés, durée moyenne des actions de formation) et ses modalités diffèrent en fonction des multiples combinaisons possibles entre travail et formation : développement des compétences par la pratique professionnelle ; formation en situation de travail (FEST) ; apprentissages professionnels informels (accompagnement par les pairs, coaching par la hiérarchie) ; dispositifs organisationnels (formation tutorée, travail en doublon avec un collègue expérimenté) et gestionnaires (grilles de classification fondées sur la logique compétence). Au-delà de ces pratiques en extension, certaines entreprises, les plus grandes mais pas exclusivement, mettent en œuvre de véritables politiques de professionnalisation dont les modalités diffèrent selon les métiers et les modes d’alimentation des emplois.

2.2.2. Conventions de professionnalisation

33Tout autant que le glissement du niveau III vers le niveau I-II, la persistance d’une certaine fongibilité des normes de qualification reflète la ductilité et le pragmatisme des entreprises qui indexent leur politique de professionnalisation des salariés à leur stratégie d’alimentation des emplois, métier par métier. Les entreprises qui ont un poste à pourvoir doivent en effet opérer une série d’arbitrages en cascade qui vont déterminer leurs choix ultérieurs en matière de professionnalisation : arbitrage entre recours au marché interne (mobilité) et appel au marché externe (recrutement) ; en cas de recours au marché interne, arbitrage entre mobilité horizontale (fonctionnelle) et mobilité verticale (promotionnelle) ; en cas d’appel au marché externe, arbitrage entre recrutement d’un salarié expérimenté ou d’un jeune débutant, sortant de formation initiale ou peu expérimenté ; enfin, en cas de recrutement d’un jeune débutant, arbitrage quant au choix du niveau de diplôme.

34À cet égard, les travaux statistiques sur les professions intermédiaires (Möbus & Delanoë, 2013) mettent en évidence qu’une des spécificités de cette catégorie réside dans la vitalité des mobilités horizontales comme verticales. Les emplois de niveau intermédiaires sont pourvus massivement par la promotion d’ouvriers et d’employés et par des changements d’emplois au sein de la catégorie, ce que confirment les enquêtes en entreprises. De ce fait, l’accès des jeunes aux professions intermédiaires demeure limité (leur part varie entre 20 % et 50 % selon les métiers) et il se fait encore majoritairement au niveau III (BTS-DUT) même si la concurrence du niveau I-II (licences, masters) est croissante (Guitton & Molinari, 2013). Ces résultats soulignent, d’une part, que la formation initiale constitue une source de professionnalisation limitée, pour les entreprises et, d’autre part, que celles qui recrutent des sortants de formation initiale cherchent à limiter les coûts de professionnalisation à l’entrée en relevant leurs exigences en termes de niveaux de diplômes à l’embauche.

35L’analyse des politiques de gestion des ressources humaines des entreprises dans le cadre du programme EPIE a mis en évidence ce que l’on peut définir, en référence à l’économie des conventions (Dupuy, Eymard-Duvernay, Favereau, Salais & Thévenot, 1989), comme des « conventions de professionnalisation » plus ou moins formalisées. Ces conventions font référence aux configurations organisationnelles et gestionnaires mises en œuvre par les entreprises pour gérer l’emploi en situation d’incertitude et alimenter les emplois disponibles avec une main d’œuvre aussi formée et compétente que possible. Ces conventions obéissent à une quintuple détermination en fonction :

• du mode d’alimentation de l’emploi : marché interne vs marché externe ; mobilité verticale vs mobilité horizontale ; recrutement salarié expérimenté vs jeune débutant ;

• du statut de l’emploi : emploi d’entrée, accessible à des jeunes débutants vs emploi d’évolution de carrière accessible par la promotion interne ou le recrutement des salariés expérimentés ;

• du rapport à la norme de qualification : maintien de la norme (niveau III), glissement (niveau I-II), affranchissement (niveau IV, niveau V ou même VI – absence de diplôme requis) ;

• du statut de la formation : formation (adaptation au poste, développement des compétences) vs professionnalisation (pratiques, parcours) ;

• du régime de responsabilité employeur-salarié en matière de formation et de professionnalisation (responsabilité séparée vs responsabilité conjointe).

2.2.3. Régimes d’alimentation et de professionnalisation

36Des multiples agencements possibles entre ces différentes variables résulte une pluralité de « régimes d’alimentation et de professionnalisation » dont on esquisse une typologie des formalisations dominantes au regard des situations rencontrées (voir encadré ci-dessous) en précisant à nouveau qu’elles valent métier par métier et qu’une même entreprise peut recourir à des régimes distincts selon les métiers et le statut de l’emploi (emploi d’entrée vs emploi d’évolution de carrière).

37Quelques exemples – nécessairement limités dans le cadre de cette contribution – permettent d’illustrer la variété des régimes d’alimentation et de professionnalisation, ainsi que le pragmatisme dont font preuve les entreprises. Le premier exemple est celui d’un constructeur automobile français qui procède différemment selon qu’il doit pourvoir des emplois de techniciens ou de chefs d’ateliers. Ces derniers, parce qu’ils relèvent de la maîtrise, sont accessibles uniquement par la mobilité interne (promotion d’ouvriers ou mobilité horizontale de techniciens), donnent lieu à un parcours d’intégration et de professionnalisation au poste de près d’une année et font ensuite l’objet d’une gestion de carrière basée sur un mixte entre pilotage par objectifs et logique compétence (type 3). Quant aux emplois de techniciens, ils sont pourvus principalement par des recrutements de jeunes diplômés au niveau III (BTS ou DUT) prolongés par une formation interne complémentaire avec tutorat d’une durée longue (jusqu’à 200 heures) et leur gestion de carrière, indexée à la logique compétence, prend appui sur un recours intensif à la formation continue (type 1) (Colin, Grasser, Jacquot & Oiry, 2013).

38Le second exemple est celui d’une banque de détail qui recoure simultanément à deux régimes distincts pour pourvoir ses postes de commerciaux (chargés de clientèle particuliers) (Brun-Hurtado & Guitton, 2013). Le premier régime (type 1) concerne les jeunes titulaires d’un BTS banque (niveau III) qui, à l’issue de leur recrutement, passent 18 mois comme chargés d’accueil au guichet d’une agence pour acquérir les fondamentaux du métier avant de prendre un poste de chargé de clientèle particuliers, et dont les perspectives d’évolution de carrière sont limitées sauf exception aux emplois de commerciaux spécialisés (chargé de clientèle entreprises, conseiller en gestion du patrimoine). Le second régime (type 2) est spécifique aux titulaires d’un master (niveau II-I), spécialisé ou non, avec ou sans expérience, qui sont recrutés directement comme chargés de clientèle particuliers à l’issue d’un parcours de professionnalisation d’une année et sont susceptibles d’évoluer rapidement vers des fonctions de commercial spécialisé, d’expertise ou d’encadrement (chef d’agence) (type 2).

39Les grandes entreprises ne sont pas les seules à organiser des parcours de professionnalisation de leurs salariés non cadres, à l’exemple d’une SSII de taille moyenne (Lozier, 2010) qui pourvoit ses postes de techniciens développeurs par le recrutement de jeunes informaticiens au niveau III (type 1). Le recrutement est suivi d’une période d’intégration de six mois alternant participation à des missions chez le client avec tutorat par le chef de projet, mise en doublon avec des consultants seniors, formations courtes d’adaptation et auto-formation. Leur gestion de carrière repose sur la définition de « parcours de professionnalisation lisibles et contractualisés » incluant des formations qualifiantes longues leur permettant d’envisager à terme le passage ingénieur et l’accès au statut cadre.

40Pour conclure ce rapide panorama des régimes d’alimentation et de professionnalisation, il n’est pas inintéressant de présenter une sorte de contre-exemple, celui d’une grande entreprise de la restauration rapide (Bargues, 2013) qui a fait le choix de s’affranchir de toute référence à la norme de qualification et même au diplôme dans ses recrutements, au profit de la motivation, de la compétence et du mérite. Absence de condition de diplôme à l’entrée, formation exclusivement interne et en situation de travail, contrôle permanent de la hiérarchie : cette stratégie de professionnalisation « hors sol » (type 5) vise à fabriquer des professionnels formatés à la culture de l’entreprise (les managers de restaurant) et à constituer un marché interne « maison » tout en faisant l’impasse sur la gestion des carrières, les managers n’ayant que peu de chances d’accéder à la direction d’un restaurant et au statut cadre.