1Le site archéologique occupe la partie est de la boucle du Chixoy jusqu’à la quebrada Patulul à l’ouest, soit une superficie de quelque 10 ha. Le centre cérémoniel a utilisé la croupe centrale, la plus saillante vers le nord et la mieux délimitée, sur deux côtés, par des ravins profonds. Il comprend nettement deux parties : l’une plus basse, parfaitement plane, qui constitue la zone proprement cérémonielle, avec 4 structures délimitant une place rectangulaire ; l’ensemble était entouré sur trois côtés par un mur d’enceinte, aujourd’hui simple levée de terre, à peine visible par endroits, et se terminant par 2 plates-formes, A-9 et A-15. Vers le sud, cette partie plane s’élève en pente douce par une série de gradins, sans doute jadis accessibles par des escaliers, jusqu’aux deux plates-formes principales, A-1 et A-2, qui dominent d’une dizaine de m la place cérémonielle (fig. 92). Dans cette partie haute du site, qui n’est plus défendue par le mur d’enceinte, se trouvent 4 ou 5 plates-formes plus petites, elles aussi orientées vers le nord (A-3 à 7), en très mauvais état.

2Une cinquantaine de plates-formes d’habitation ont été relevées par J.P. Courau ; il y en avait sans doute plus. Cet habitat est très dispersé, mais on peut distinguer plusieurs groupes, de limites imprécises sauf l’ensemble B, le plus à l’ouest. Ces plates-formes sont très ruinées, les murs de contention, faits de blocs calcaires et de galets, ont généralement disparu ; la surface des monticules est de plus très érodée. C’est pourquoi nous avons renoncé à les fouiller, considérant que les résultats escomptables ne justifiaient pas une telle entreprise et qu’il valait mieux concentrer nos efforts sur la zone cérémonielle.

3La terrasse du groupe A, qui se raccorde au sud aux pentes du Chuacús, est limitée au nord par une pente assez raide s’abaissant vers une première terrasse étroite, puis vers le río ; et sur les deux autres côtés par des quebradas profondément encaissées, très proches du centre cérémoniel dans sa partie sud (une dizaine de m en face de la str. A-15) mais qui s’en éloignent dans la partie nord, laissant de part et d’autre du mur d’enceinte une zone plane à l’ouest, et en faible pente à l’est. Ces deux zones cependant ne sont pas totalement inoccupées, puisque nous avons relevé deux plates-formes assez vastes à l’ouest, dont l’une construite sur l’extrême rebord, du plateau ; et deux autres plus petites sur un méplat du terrain au nord-est (fig. 90).

4Si nous nous attardons à ces détails du relief, c’est qu’ils éclairent le problème du caractère défensif du Groupe A posé par l’existence du mur d’enceinte. Il faut en conclure que les possibilités défensives du site étaient réelles, car les barrancos, sur deux côtés, constituent des coupures à bord franc qu’il est aisé de rendre infranchissables ; néanmoins ces possibilités n’auraient été que très imparfaitement utilisées puisque, aussi bien à l’est qu’à l’ouest, le mur d’enceinte n’a pas été implanté sur le rebord même des quebradas mais à quelque distance, perdant ainsi en grande partie le bénéfice de ces coupures naturelles. Il faut noter toutefois que les deux groupes de 2 plates-formes occupant les zones extérieures au mur ont une bonne visibilité sur le fond des ravins et constitueraient de ce fait de bons postes de surveillance. Du côté sud, par contre, le site n’est absolument pas défendable.

5Nous reviendrons sur ce problème défensif en étudiant le mur d’enceinte, qui constitue évidemment la caractéristique la plus originale de Chitomax. Nous en avons déjà noté d’autres : l’absence apparente de jeu de balle, la str. à deux “étages” A-13-16, la différence d’organisation entre partie basse et partie haute. On peut y ajouter le manque d’orientation générale des structures cérémonielles, bien qu’il y ait une tendance à l’orientation quelques degrés à l’ouest du Nm (c’est-à-dire vers le nord géographique), et en conséquence leur disposition non orthogonale, donnant au centre cérémoniel un aspect général peu ordonné.

Fig. 94 – Plan du groupe A.

6L’architecture paraît sommaire : les murs de soutènement sont faits de galets et de blocs calcaires ou de caliche plus ou moins bien taillés. La surface des monticules est encombrée de galets en désordre, et le mur d’enceinte se réduit presque partout à une vague ondulation du terrain. Néanmoins, un point positif est l’absence apparente de fouilles clandestines, et le fait que la terrasse ne soit pas cultivée ; peu d’arbres ont poussé sur les monticules, et l’on peut espérer a priori que les structures dissimulées sous les déblais sont assez bien conservées.

Fig. 95 – Plan de la str. A-1.

1 – Fouille de la partie haute de Chitomax 1

La str. A-1

7Dans la partie haute du site, les deux structures les plus au sud, A-1 et A-2, se détachent des autres par leurs dimensions et leur aspect de constructions jumelles. L’ensemble A-sud est nettement séparé des autres structures d’habitation éparpillées sur les pentes du Chuacús, et constitue donc un tout avec l’ensemble nord.

8Nous avons choisi de fouiller la str. A-1, qui semblait en meilleur état, alors que A-2 était partiellement détruite par un gros arbre.

9L’architecture de A-1 est assez décevante : les murs de soutènement sont conservés au mieux sur 2 assises, quand ils ne disparaissent pas complètement, comme dans l’angle sud-est. Le pourtour de la substructure a pu néanmoins être entièrement dégagé ; elle mesure 6,15 x 13,15 m et est orientée 5° à l’ouest du nord magnétique (fig. 95). Il y avait sur la face nord un escalier d’environ 2,50 m de largeur, qui devait avoir au plus 2 ou 3 marches, la hauteur de la plate-forme ne dépassant pas 1 m. Un fait notable est que le mur sud ne rejoint pas le mur est, mais tourne à angle droit vers le nord, parallèlement au mur extérieur : il est possible que A-1 ait été agrandi latéralement de 1,50 m vers l’est.

10La str. A-1 est à 2 étages : la plate-forme proprement dite qui mesure 4,53 x 8,90 m, repose sur la substructure en ménageant un gradin extérieur de largeur variable : 1 m au nord et au sud, 2 m à l’est et à l’ouest. La hauteur du mur de soutènement de la plate-forme ne dépasse pas 50 cm dans son état actuel.

11L’opération de dégagement des murs a donné plus de 2.000 tessons, dont moins de 20 sont sans conteste préclassiques, et une seule pièce à peu près complète (un bol à base annulaire de type Ruano) dans les déblais de la face nord.

12Au cours du nettoyage de la plate-forme, plusieurs arrangements de pierres apparemment artificiels ont été dégagés ; les deux plus importants, e et f, situés en limite de la plate-forme, sont des sortes de caissons rectangulaires limités par des alignements de pierres. Le caisson e, dont les dimensions intérieures sont de 1,30 x 1,60 m, est bordé de murs grossiers, faits de gros blocs calcaires et de galets, appareillés vers l’intérieur ; il est remblayé de pierre ponce ; ce caisson se trouve sur la plate-forme, à une cinquantaine de cm de son rebord est.,

13Le caisson f est placé, lui, juste au pied de la plate-forme dont le mur de soutènement forme le mur est du caisson. Celui-ci est un peu plus grand (1,20 x 2,10 m), moins bien délimité que le premier, et comme lui empli de pierre ponce (fig. 96).

Fig. 96 – La face ouest de A-1, avec le “caisson” f.

14Les autres amas de pierres de la plate-forme sont moins nets ; deux d’entre eux, occupant les angles nord-ouest et sud-ouest, pourraient être récents. Celui de l’angle nord-est, de forme plus ou moins carrée, semble bien être un dallage intentionnel, peut-être un petit autel. Un peu plus au sud, quelques pierres placées de champ dessinent un cercle de 80 cm de diamètre, dont l’intérieur est dallé ; au centre sera mis au jour un bol brun-noir à fines cannelures verticales (du type Río Negro) et 3 petits pendentifs, l’un de jade, les 2 autres d’une pierre vert foncé plus tendre.

15L’opération de nettoyage de la plate-forme a donné en outre une perle d’argile perforée.

16La fouille du caisson e a montré que les murs latéraux, de galets, ne dépassent pas 60 cm ; plus bas, le remblai de pierre ponce fait place à de la terre sablonneuse contenant des tessons assez abondants (il y en avait très peu dans la couche supérieure), et une pierre ponce taillée en forme de barquette. À 1 m de profondeur apparaît un muret de pierres blanches orienté est-ouest, indiquant l’existence d’une plate-forme antérieure très basse, A-1a. À – 120, la fouille atteint la couche de sable stérile. Elle a donné une centaine de tessons, datant tous du

Classique tardif

17Le caisson f est moins bien construit : le mur est – celui de la plate-forme – s’enfonce de 40 cm, tandis que les trois autres ne sont faits que d’une rangée de galets. Le remblai de pierre ponce s’arrête à 20 cm de profondeur, et le gravier stérile apparaît un peu plus bas que dans le caisson e, à – 150. Le matériel est ici plus abondant : 328 tessons, tous classiques à l’exception de 3 préclassiques probables. La fouille centrale, de 2 x 2 m au départ, a été un peu décalée vers l’ouest pour ne pas détruire la cache g. À 30 cm de profondeur est mis au jour un sol de terre battue et un peu plus bas un petit mur ouest-est, large de 40 cm, qui correspond approximativement au muret de la str. A-1a mis au jour dans le caisson e, et doit appartenir à la même plate-forme ancienne. On note sur le profil de la fouille, arrêtée au niveau – 155, que la partie supérieure du mur s’est effondrée vers le sud.

18L’opération a fourni, outre quelques os d’animaux, 380 tessons dont 4 sont probablement préclassiques ; ils proviennent du niveau inférieur, sous le sol de la plate-forme A-1a.

Conclusion sur la str. A-1

19Les données de la fouille sont assez déroutantes. Nous serions tentés de voir dans la str. A-1 l’une des habitations du centre réservées à l’élite, avec les str. A-2, et peut-être A-9 et A-l5. Néanmoins nous n’avons mis au jour sur la plate-forme aucune trace d’occupation domestique, ni de superstructure “en dur” (pierre ou bahareque). Si l’ancienneté de certains amas de pierres est douteuse, elle est cependant confirmée pour la cache g, qui a sans nul doute un caractère rituel : le cercle ne contient pas de charbon (il ne s’agit donc pas d’un foyer) mais une offrande comprenant une poterie fine et 3 objets de parure. On peut interpréter les autres amas de pierres comme de petits autels placés aux angles de la plate-forme.

20Un autre problème est celui des deux caissons latéraux emplis de pierre ponce. L’utilisation de la pierre ponce comme remblai est toujours associée à une structure rituelle ou funéraire : bloc central, ciste, tombe... On peut donc voir dans les caissons e et f (on ne peut parler ici de cistes) deux sortes de “chambres” funéraires qui n’auraient pas été utilisées.

21Ces divers éléments : caissons, autels (?), cache, ne confirment guère l’hypothèse d’une structure d’habitation, même réservée à un haut personnage. On penserait plutôt à une structure cérémonielle, dont la fonction serait, avec la str. voisine (A-2), de limiter au sud le périmètre sacré du centre cérémoniel. Cependant, si la str. A-1, dans son dernier stade, est bien datée du Classique tardif par plus de 2000 tessons, il n’y a rien d’évidemment rituel dans ce matériel, en dehors d’un unique fragment de grand encensoir trouvé dans le caisson f.

22Notre fouille a mis au jour un mur ouest-est révélant l’existence d’une structure ancienne, de même orientation, mais de très faible hauteur, puisqu’il se trouve à peu près au niveau du sol. Dans le sondage central, les traces d’un sol d’argile battue s’étendant au nord du mur donnent le niveau de cette plate-forme ancienne A-1a; elle date elle aussi du Classique tardif.

La str. A-3

23Cette petite plate-forme de 3,40 x 6,70 m est située sur la même terrasse que les str. A-1 et A-2, dans l’axe nord-sud du centre cérémoniel, face à la structure principale A-13.

24Le dégagement des murs de galets, conservés sur 2 assises seulement, et celui de la plate-forme ont donné une grande quantité de tessons (près de 1000) dont 2,5 % de préclassiques ; il y a parmi ces tessons les -fragments de deux encensoirs, l’un à dents, l’autre à effigie, et un encensoir à manche.

25Le sondage central a atteint le gravier stérile à faible profondeur (40 cm) donnant près de 400 tessons, dont environ 4% préclassiques, et une sculpture de basalte très grossière représentant une tête d’animal (I/2, fig. 125b).

26La fonction de la str. A-3 reste problématique. On peut penser à une simple structure d’habitation, mais les débris d’encensoirs, comme sa position sur un axe important du centre cérémoniel, pouvaient lui conférer une signification particulière.

La str. A-4

27Les murs de cette plate-forme de 4 x 9 m ont été dégagés, mais il n’y a pas eu de sondage central ; elle est dotée d’une avancée vers le nord qui était peut-être un escalier. Le matériel, environ 500 tessons, ne donne aucune indication sur une éventuelle fonction cérémonielle. Il s’agit sans doute d’une structure d’habitat, datant du Classique tardif.

La str. A-5

28L’existence de cette petite plate-forme, à l’ouest de la str. A-3, n’a pas été confirmée.

La str. A-6

29Située à mi-pente entre les str. A-2 et A-7, la str. A-6 est une petite plate-forme de 3,20 x 5,30 m, dont les 4 murs sont assez bien conservés. Le sondage central a mis au jour un foyer au niveau – 110, sans matériel associé, mais daté par analyse C-14 de 870 ± 70 ap. J.C. (GIF-5806). Il y a donc deux structures superposées, toutes deux du Classique tardif, avec une faible proportion de préclassique qui augmente dans les niveaux inférieurs du sondage.

La str. A-7

30Les murs ont été partiellement dégagés, ainsi que les traces d’un escalier sur la face nord. Cette structure forme un angle avec le grand mur de contention qui devait limiter vers l’ouest la montée en gradins de la partie basse à la partie haute du site.

31L’abondant matériel récolté (plus de 1500 tessons) aussi bien autour de A-7 qu’entre cette structure et la str. A-9, est essentiellement utilitaire, avec un nombre impressionnant d’anses de jarres, de grands bols ou de comales et aussi quelques poteries plus fines – dont les fragments d’un vase polychrome dans doute importé du Petén –, mais rien de rituel.

La str. A-8

32Ainsi baptisée sur le plan de J.P. Courau, il s’agit en fait des gradins montant de l’ensemble nord à l’ensemble sud. Aucun escalier n’a pu cependant être mis au jour. Le matériel est abondant et essentiellement domestique, avec toujours une faible proportion de tessons préclassiques (40 %). Il y a toutefois quelques fragments (13 au total) de grands encensoirs, très dispersés.

Conclusions sur la partie haute du centre cérémoniel

33Six structures ont été étudiées ; une autre, marquée sur le plan primitif, est douteuse, et de toute façon peu importante.

34Ces structures s’étagent sur 3 niveaux, dont 2 sont nets : le plus bas, avec les str. A-3, 4 et 7, le plus haut avec A-1 et A-2 ; le niveau intermédiaire n’est occupé que par la str. A-6. Plus bas, vers la place, il semble que toute la colline ait été aménagée en gradins étagés (dont les marches ont disparu). À l’ouest, ils formaient un angle brusque, et la str. A-7 occupait ce redan, face à la str. A-9 qui fait déjà partie de l’ensemble nord.

35Sur sa face est, la colline était sans doute bordée d’un mur de contention, seulement conservé dans la partie basse, en face de A-4 ; le ravin est proche.

36Quant à la fonction probable des différentes structures, il y a une différence évidente entre les deux principales, A-1 et A-2, et les 4 autres, qui sont plus petites et plus simples ; il est très probable que ces dernières étaient des habitations communes. Le cas de A-1 et A-2 est moins clair : une fonction cérémonielle est possible, mais on ne peut écarter l’hypothèse de résidences “nobles”, peut-être même de la résidence des plus hautes personnalités du centre (nous verrons que A-9 et A-l5, autres candidates à ce rôle, sont moins élaborées). Notons qu’aucune sépulture n’a été mise au jour dans cet ensemble.

37Dans l’ensemble du groupe sud, les fragments de céramique rituelle, sous forme essentiellement de grands encensoirs, sont très rares ; par contre, les tessons de poteries utilitaires sont extrêmement abondants partout. Ceci confirme le caractère résidentiel de cet ensemble, dont les occupants, néanmoins, de par leur dépendance directe du centre cérémoniel, devaient jouir d’un statut particulier.

2 – Fouille de la partie basse (centre cérémoniel proprement dit)

La str. A-9

38Elle occupe une position symétrique de la str. A-15 ; on peut penser que ces deux structures, situées aux extrémités du mur d’enceinte A-11, avaient pour mission de garder les accès au centre cérémoniel. C’est pour vérifier ce point que nous avons, dès la première campagne, cherché à établir comment s’articulait le grand mur avec les deux plates-formes. Dans le cas de A-9 malheureusement, il devint vite évident qu’une fouille ancienne avait détruit les vestiges d’un passage ou d’un petit escalier permettant de franchir la muraille, s’il existait.

39Notre travail en 1982 a consisté uniquement en un sondage de 2 x 2 m au centre de la plate-forme, dont les limites avaient déjà été précisées ; elle mesure 6,26 x 10,30 m pour une hauteur inférieure à 1 m ; son orientation est de 10° à l’ouest du Nm.

40Le sondage a mis au jour au niveau de la place un sol marqué par une mince couche de cendre et de charbon, et par les restes d’un mur de galets orienté nord-sud, conservé sur 35 cm de hauteur (fig. 97). La couche jaune stérile a été trouvée au niveau – 30.

Fig. 97 – Plan et profil de la fouille centrale de la str. A-9.

41Les trois couches stratigraphiques : 1 (terre noire superficielle), 2 (remblai argilo-sableux brun) et 3 (remblai gris foncé) ont donné un matériel assez abondant (583 tessons au total), classique tardif avec seulement 2 tessons préclassiques ; il n’y a pas de changement notable dans le matériel au niveau 0. La céramique est entièrement domestique, aussi bien dans le sondage que dans les déblais extérieurs. A-9 peut donc être considérée comme une structure d’habitation, construite au-dessus d’une structure ancienne datant déjà du Classique tardif.

La str. A-15

42La str. A-15, à l’angle sud-est de la place, occupe une position symétrique de celle de la str. A-9 à l’ouest ; cette plate-forme rectangulaire, orientée presque exactement vers le nord magnétique (3° à l’est), est reliée sur sa face nord au grand mur d’enceinte ; celui-ci se poursuit au sud de la plate-forme et rejoint le mur de soutènement est-ouest qui marque la limite de la place et de l’ensemble sud. Dans cet espace long de 7,40 m, le mur est vertical vers l’extérieur – il n’y avait donc pas d’entrée de ce côté – mais doté vers la place d’un escalier de 3 marches qui permettait d’accéder indirectement à la plate-forme A-15.

43La str. A-15 proprement dite mesure 5,60 x 9,60 m et 0,90 m de hauteur. Les murs de galets sont conservés au mieux sur 70 cm de hauteur. Elle semble avoir été construite au-dessus d’une plate-forme basse et un peu moins large, dotée d’un trottoir ou d’un gradin vers la place (fig. 98a). Cette structure ancienne s’étendait par contre un peu plus vers le nord, et était déjà directement reliée au mur d’enceinte (ce qui prouve que celui-ci est ancien). La construction du mur de soutènement ouest est particulièrement soignée : il est fait de deux murs parallèles distants de 60 cm formant une sorte de coffrage remblayé de terre.

44La fouillé centrale de la plate-forme (opération L) a mis au jour à 20 cm de la surface un sol d’argile qui doit correspondre à la dernière surface d’occupation ; puis, au niveau +10, un deuxième sol bien conservé, qui est celui de la plate-forme primitive. Entre les deux sols, le matériel est très peu abondant : une soixantaine de tessons, dont 20 préclassiques, le reste étant classique.

45Plusieurs traits intéressants ont été découverts sur le sol de la plate-forme ancienne, dont une moitié environ a été dégagée. C’est tout d’abord un bloc de pierre parallélépipédique situé vers l’angle nord-ouest ; assez grossièrement construit, il mesure 0,90 x 1,10 m et 70 cm de hauteur. Sa fonction reste problématique, mais contrairement au bloc de la str. A-10 décrit plus loin, il semble reposer ici sur la plate-forme et pourrait donc être une sorte d’autel. Il existe dans l’angle nord-est en face de ce bloc, un amas de pierres qui pourrait être interprété comme un deuxième bloc-autel très détruit faisant face au premier.

46Un peu au sud de ces deux blocs est apparu un ensemble de galets dessinant la base d’un mur circulaire de diamètre 1,42 m, dont l’intérieur est entièrement dallé de galets plats ; ce cercle se prolonge vers l’ouest par deux lignes de pierres parallèles formant un couloir large de 70 cm, conservé sur 1 m de longueur (fig. 98b). L’intérieur du cercle était couvert de cendre avec du charbon particulièrement abondant dans la partie est, face à l’entrée ; on y a trouvé quelques tessons appartenant à une olla rustique. Des traces d’un revêtement d’argile ont été relevées à la jonction du couloir et de la chambre, sur le seuil de celle-ci.

47Cette construction est trop grande et trop élaborée pour être un simple foyer. On peut penser à un temascal très simple, sans système de drainage ; la superstructure aurait été de forme conique, comme on en rencontre de nos jours dans la région de Sacapulas, ou faite de matériaux périssables. Ce “bain de vapeur” a pu être daté, par l’analyse du charbon, de 750 ± 70 ap. J.C. (GIF-5807).

48La fouille L n’a pas été poursuivie plus bas.

49La str. A-15 est très probablement une plate-forme d’habitation, dont la fonction était peut-être de surveiller le mur d’enceinte et la face est du centre cérémoniel (bien qu’il n’y ait pas d’ouverture apparente de ce côté). Elle a été construite en deux temps. Durant la première phase, cette structure très basse était déjà reliée au mur d’enceinte, qui date donc de cette période. La partie nord de la plate-forme a livré des détails d’aménagement (domestique ou rituel ?) comprenant un ou deux blocs-autels et un ensemble : couloir-chambre circulaire qui pourrait être une sorte de bain de vapeur rudimentaire. Le charbon trouvé à l’emplacement probable du foyer de ce temascal permet de le dater du Classique tardif.

Fig. 98 La str. A-5. a/faces ouest et nord. b/temascal ?

50Durant la deuxième phase, la plate-forme primitive a été surélevée d’une soixantaine de cm. La structure tardive était elle aussi reliée au mur d’enceinte sur ses deux faces ; on y accédait par un escalier extérieur latéral.

51Le matériel céramique abondant trouvé dans les déblais au cours du dégagement des murs est essentiellement classique tardif, avec une très faible proportion de préclassique (1 %). Ce matériel, mis à part quelques fragments de grands encensoirs à excroissances, est domestique, ce qui confirme la fonction d’habitation que nous attribuons à la str. A-15 tardive. Il faut cependant noter que, par son emplacement comme par l’organisation de sa plate-forme, la structure ancienne, avec ses autels et son temascal (si l’on admet ces interprétations) devait remplir une fonction très particulière : plus qu’à de simples pratiques hygiéniques ou médicinales, l’utilisation du bain de vapeur pouvait être liée à un ensemble de rites de purification réservés au personnel religieux du centre.

La str. A-10

52Située à l’ouest de la place cérémonielle, elle fait face à la str. A-14, qui a sensiblement les mêmes dimensions (mais non la même orientation). Assez haute, elle présente sur sa face est une sorte de bloc saillant très allongé à l’endroit où devrait être l’escalier.

53Au début de notre deuxième campagne, elle était presque intacte. L’un des sondages de V. Fialko, au cours de la reconnaissance, avait été pratiqué sur la face est, dans la partie haute du saillant ; il avait mis au jour une sépulture d’adulte à même le sol. En 1979, R. Torres fit seulement dégager une partie du mur de soutènement est, constatant qu’il était de construction particulièrement soignée.

54En 1982, il nous intéressait tout spécialement de comprendre la fonction de cette étrange avancée, ressemblant à un escalier de longueur démesurée.

55La str. A-10 mesure 6,10 x 11,10 m. Elle est orientée 5° à l’ouest du Nm. Sa hauteur maximale est de 1,83 m.

56Les murs de soutènement sont faits de blocs calcaires taillés et superposés avec soin ; c’est le cas du mur est, par exemple (fig. 99b) ; sur la face nord, la base du mur, seule conservée, est faite de gros blocs de caliche taillés. En dégageant l’angle nord-ouest, nous avons constaté qu’il était “doublé” extérieurement d’un autre mur, comme si l’on avait prévu un agrandissement vers le nord de la substructure, qui n’aurait pas été réalisé. Une explication plus plausible est que, la partie ouest de la terrasse étant plus basse que la place de quelque 60 cm, il a fallu renforcer de ce côté la base du mur de soutènement ; on note en effet sur cette face la présence de deux marches ou gradins bas, faits de galets (alors que le mur est de blocs calcaires), la plus haute atteignant le niveau 0, et dépassant la substructure vers le nord, tandis que la plus basse ne fait pas toute la longueur de la substructure.

57Sur la face est, on remarque que le mur de blocs calcaires, bien conservé sur 70 cm de hauteur, s’arrête brusquement au nord de l’avancée ; au-delà, seule la base est conservée. Nous verrons que cette interruption du mur pourrait correspondre à l’angle de l’escalier ancien.

58L’avancée, large de 2,20 m, est légèrement décalée vers le sud. Elle a été plaquée contre le mur de la substructure, qui ne présente pas d’interruption à cet endroit. Les murs de ce saillant, faits de galets et de blocs calcaires, diminuent progressivement de hauteur pour disparaître à 5,50 m de la str. A-10 ; leur longueur primitive devait être proche de 6 m. On note aussi un léger rétrécissement du saillant, qui passe de 2,20 à 1,95 m vers la moitié de sa longueur.

59La fouille de l’avancée (fig. 99d) ne nous a apporté aucune lumière sur la fonction possible de cette construction : elle n’a donné en effet qu’un remblai de terre sablonneuse, avec des pierres abondantes, et 642 tessons, dont une dizaine de préclassiques. Il faut en conclure que l’avancée était simplement un plan incliné permettant d’accéder à la plate-forme, en remplacement de l’escalier qu’on attendrait sur cette face, et qui, effectivement, a dû exister. En effet, deux détails révélés par la fouille ont attiré notre attention :

• le mur de soutènement de A-10 se poursuit à l’intérieur de l’avancée ; protégé par celle-ci, il aurait dû se conserver sur une hauteur supérieure. Or, il n’en est rien. Ceci prouve que l’avancée a été construite contre le mur est alors que sa partie supérieure était déjà détruite.

• nous avons mis au jour au niveau de la place et à 1,40 m du mur de la substructure un alignement de pierres, orienté nord-sud et long de 3,60 m, qui déborde l’avancée au nord et au sud. Il pourrait s’agir soit d’une ancienne plate-forme d’habitat, soit plutôt de la base de l’escalier ancien de la str. A-10. Ceci confirmerait notre observation antérieure sur l’interruption du mur est au nord de l’avancée.

60En résumé, nous pensons que l’avancée est une construction tardive, qui est venue remplacer l’escalier primitif après que celui-ci ait été entièrement détruit.

61L’opération de dégagement des murs a fourni une grande quantité de tessons, en majorité du Classique tardif ; mais il y a aussi quelques tessons préclassiques, quelques tessons épiclassiques (motif de la grecque mexicaine, manche d’encensoir tubulaire, etc.) et peut-être du Classique ancien. Les fragments de grands encensoirs sont abondants, surtout sur les faces est et ouest.

La fouille centrale (opération B)

62Les limites de la plate-forme ne sont pas visibles, sauf sur une faible longueur à l’est. La fouille initialement prévue de 2 x 6 m dût ensuite être agrandie vers le sud et vers l’est. On peut estimer qu’environ la moitié du volume total de la substructure a ainsi été exploré.

63Le remblai de terre sablonneuse brun-jaunâtre contient dans la partie supérieure une grande quantité de galets de rivière, parfois très gros, sans ordre apparent. Ces pierres diminuent vers le bas et disparaissent presque complètement, si ce n’est sous forme de blocs isolés, à partir du niveau +130 (le niveau de départ de la fouille est de +180).

64À +150 apparaît au centre de la fouille un squelette d’adulte jeune en décubitus dorsal, axe du corps sud-nord (B/2). Les bras sont allongés sur les côtés. Il est protégé par des galets alignés formant une sorte de caisson grossier (fig. 101b). Le mobilier comprend deux poteries de type Ruano à décor négatif : un vase cylindrique, placé contre le tibia droit, et un bol tripode contre la hanche droite (B/3 et 4, fig. 113). L’individu était de grande taille (1,60 m).

65À peu près au même niveau et un peu au nord est mise au jour la sépulture B/6 ; le crâne est proche des pieds du squelette B/2 (fig. 101a). Il s’agit encore d’un adulte jeune, dont la position et l’orientation sont les mêmes ; mais le bras droit est replié vers le haut, main sur la poitrine (cette position, typique du Classique tardif, se retrouvera dans une sépulture de la str. A-12). Il n’y a pas de caisson de pierres, et la seule offrande est un bol à base annulaire de type Ruano sous le bras gauche.

Fig. 99 – La str. A-10. a/face nord. b/face est. c/angle nord-ouest. d/fouille de la rampe.

Fig. 100 – Plan et profil de la str. A-10.

66La fouille sera abaissée jusqu’au niveau 0 sans autre découverte, si ce n’est, au niveau +100 environ, l’apparition, dans la partie sud-ouest de la fouille, d’une petite construction de galets, de forme parallélépipédique, que nous considérons d’abord comme un caisson funéraire ou comme un autel (fig. 101c). Ce “bloc” mesure 0,90 x 1,50 m ; sa hauteur est de 0,70 m, mais la partie supérieure a pu être détruite. Le fait curieux est qu’aucun sol n’est visible au niveau de la base et qu’il semble donc être “en l’air” dans le remblai. La fouille révèle que l’intérieur est rempli de pierres et que les murs ne sont nullement appareillés sur leur face interne : il ne s’agit pas d’un caisson, mais d’un bloc solide, dont la fonction restera problématique. Deux autres structures de Chitomax (dont A-15), ont livré des constructions analogues.

67Au niveau 0 – celui de la place – nous mettons au jour, dans le prolongement du mur nord de l’avancée, la base d’un mur fait de gros blocs calcaires, appareillé vers le sud, et dont 2 à 3 assises sont conservées. Il s’agit du mur sud d’une plate-forme ancienne qui a été recouverte par la str. A-10. Au niveau – 20 et à faible distance de ce mur, la fouille, élargie vers l’est, découvrira une troisième sépulture (B/8) qui n’a rien à voir, elle, avec la str. A-10. Le squelette est celui d’un adolescent (ou d’une femme ?) en décubitus dorsal, axe du corps ouest-est, parallèle à la plate-forme ancienne (fig. 101d). Il n’y a pas d’offrande, mais un ornement d’oreille en argile est trouvé in situ, à la base du crâne.

68Aucun vestige de sol d’occupation n’est visible au niveau 0 et le remblai se poursuit vers le bas, très homogène et contenant le même matériel que dans les niveaux supérieurs. Ce matériel, abondant – près de 2000 tessons pour l’opération B – se répartit entre préclassique (env. 1 %) et classique tardif (90 %). Nous n’avons donc pas de raison de supposer que la sépulture B/8 soit préclassique : elle devait être associée à la plate-forme ancienne, qui date elle-même du Classique tardif.

69L’opération B est arrêtée au niveau – 20.

Conclusion sur la str. A-10 (fig. 102)

70Cette structure, certainement cérémonielle, a été construite en une seule fois – nous n’avons noté aucune superposition – au-dessus d’une plate-forme d’habitation et d’une sépulture plus anciennes, mais datant déjà du Classique tardif.

71La déclivité du terrain vers l’ouest a été compensée par deux gradins bas servant de contreforts. Dans une première phase, la structure devait être dotée d’un escalier sur sa face est, escalier qui aurait été ultérieurement détruit et remplacé par un plan incliné très allongé sur la place.

72En l’absence de toute trace de superstructure et de sol d’occupation, la fouille de la substructure ne donne que peu d’indications sur la fonction exacte de A-10. La présence d’un petit bloc de pierre dans le remblai est inexplicable. Deux adultes jeunes, trois peut-être si l’on tient compte du sondage de V. Fialko (dont l’emplacement exact est douteux), ont été enterrés à faible profondeur, accompagnés de quelques poteries assez fines mais sans doute de fabrication locale (le type Ruano est commun dans la vallée). Au-dessus des sépultures, le remblai, jusqu’ici de terre sablonneuse jaune assez homogène, contient une abondance de galets, souvent très gros. Il est difficile de dire si les sépultures sont intrusives, ou si la plate-forme a été surélevée après cet enterrement. La fouille d’autres structures comparables (A-13 à Chitomax, A-1 à Guaynep) nous éclairera sur ce point, comme sur la fonction probable de A-10, qui devait être une structure funéraire en début d’utilisation, prenant peut-être le relais de la str. A-13, elle-même “saturée”...

73Restent deux problèmes non résolus : la fonction de l’avancée (dont nous n’avons aucun autre exemple) et celle du bloc parallélépipédique noyé dans le remblai.

La str. A-12

74Elle a été la première fouillée en 1979. Notre but était de vérifier si elle formait avec l’ensemble voisin A-13-16 un terrain de jeu de balle. Ceci n’était pas évident compte tenu de la dissymétrie entre les structures encadrantes, et de la difficulté de calculer leur orientation exacte par suite de leur état de destruction (fig. 103).

Fig. 101 La fouille centrale de A-10. a/les deux sépultures superficielles. b/la sépulture b/2. c/bloc de pierres, de fonction indéterminée. d/sépulture B/8 au niveau de la place.

Fig. 102 Plan et profil de la str. A-10 avec localisation des sépultures.

Fig. 103 – Le jeu de balle et la str. A-13-16.

Fig. 104 – La str. A-12, ouest du jeu de balle. a/plan et profil. b/couloir et banquette ouest. c/foyer et sépulture du Classique tardif sous la str. A-12.

75La str. A-12 (fig. 104) est entièrement construite de galets. C’est une plate-forme basse (1,20 m) et allongée (14,35 m sur 4 m de largeur) dont seul le mur ouest a pu être mis au jour sur 1 m de longueur. Seule la partie enterrée a été conservée : c’est la banquette qui s’étend sur la face est du monticule, large de 1,65 m et limitée par un mur en talus qui borde le couloir central du jeu. Ce mur est fait de dalles calcaires plates mais de formes assez irrégulières, qui ont été complétées par des galets pour atteindre la hauteur voulue : 0,60 m. Nous avons déjà vu cette technique utilisée pour les jeux de balle de San Juan las Vegas et de Chirramos.

76Le dégagement de la banquette de A-12 a résolu le problème du jeu de balle de Chitomax ; nous n’aurons pas de mal à mettre au jour la banquette est, symétrique, qui borde les str. A-13 et A-16, ces dernières formant ainsi un seul bloc. La largeur du couloir est de 4,60 m, son orientation de 15° à l’ouest du Nm. Il est ouvert à ses deux extrémités, et le sol du court se trouve au niveau de la place.

77Ces opérations de dégagement des murs ont donné environ 1700 tessons dont 10 % sont datés du Préclassique, le reste étant classique tardif. Les fragments d’encensoirs sont assez abondants, surtout sur la face ouest ; un cristal de roche et un fragment de grand couteau de silex proviennent de la face est.

78Pour la fouille centrale de la str. A-12, une tranchée de 1 x 4 m a été tracée dans l’axe ouest-est de la plate-forme. Dans le remblai de terre sablonneuse riche en tessons apparaît au niveau +30 un foyer circulaire fait de pierres brûlées (fig. 104c). Ce niveau d’occupation n’est pas marqué par un sol net, mais il y a des débris osseux d’animaux (cerf...) au sud du foyer. Un peu plus bas est mis au jour un squelette d’adulte aux molaires très abrasées, en décubitus dorsal, axe ouest-est. Le bras droit est le long du corps, le gauche replié, main à hauteur du menton. La fouille agrandie vers le sud découvre seulement un amas de gros blocs de pierre ponce qui pourraient annoncer une tombe ; mais le sol stérile est atteint à -20 cm.

79Sépulture et foyer sont bien datés, par le matériel associé, du Classique tardif ; la position du squelette, l’un des bras replié, le confirme. La fouille centrale a donné environ 900 tessons, dont une proportion anormalement forte de préclassique (33 %).

Fouille du couloir

80La tranchée transversale tracée au centre du court, dans l’axe ouest-est, met au jour, immédiatement sous le sol du couloir marqué par une couche de terre jaune un peu plus dure, un ensemble de pierres qui semble recouvrir une cavité (fig. 105a) ; ce sont des galets de rivière, une grande dalle calcaire sur laquelle repose une dalle de schiste taillée en forme de V, dont les branches sont dirigées vers le nord. Cet ensemble recouvre une cavité circulaire d’environ 75 cm de diamètre, aux murs de galets, remplie d’une terre meuble qui s’est infiltrée par les interstices. Ce puits cylindrique a 45 cm de diamètre intérieur et 60 cm de profondeur. Il contient un grand encensoir représentant un jaguar accroupi qui tient entre ses pattes un bol à “dents” ; l’animal fait face à l’est. Dans le récipient ont été placés 2 statuettes de schiste micacé (camahuiles) et divers petits objets de parure : perles et pendentif de pierre verte, fragments d’un disque d’ardoise sans doute incrusté de pyrite (camahuiles et perles portent des traces jaunes provenant de la pyrite décomposée). L’encensoir lui-même montre des vestiges de peinture blanche et rouge sur la tête, jaune et noire sur le corps de l’animal. Celui-ci est incomplet : manquent une oreille, l’extrémité de la queue et l’une des griffes. La hauteur de l’encensoir est de 42,5 cm, il occupe donc entièrement la cache cylindrique.

Fig. 105 La cache centrale du jeu de balle, a/dalles recouvrant le puits, b/encensoir à effigie de jaguar.

Conclusion sur le jeu de balle

81La str. A-12, limitant le jeu de balle à l’ouest, est une plate-forme basse, dotée de 1 ou 2 gradins sur sa face ouest (aujourd’hui détruits), tandis que la face est se prolonge par une banquette de 60 cm de hauteur, 1,65 m de largeur, limitée à l’est par un mur incliné qui forme le côté du couloir central. Cette structure a été construite en une seule fois, au-dessus d’une sépulture et d’un foyer datant du Classique tardif.

82Une banquette symétrique court le long des str. A-13 et A-16. Ces deux structures réunies forment un ensemble beaucoup plus imposant que A-12 ; cette disproportion entre les constructions encadrant le couloir nous rappelle le jeu de balle de Los Encuentros, et à un moindre degré celui de Chirramos. De même, l’architecture assez maladroite de la banquette – faute de matériaux adéquats – est un trait que l’on retrouve sur d’autres sites.

83La cache contenant l’encensoir-jaguar était creusée sous le sol du couloir, exactement au centre ; elle ne gênait donc en rien le jeu. Le symbolisme bien connu du jaguar paraît ici singulièrement mis en valeur. Cet animal, l’une des plus anciennes divinités mésoaméricaines, est déjà chez les Olmèques associé au monde souterrain : il est Tepeyolotl, “le coeur de la montagne”. Chez les Mayas, il est associé aux grottes, au soleil durant sa course nocturne ; son pelage est comparé au ciel semé d’étoiles. Le fait de trouver cet animal mythique dans sa “grotte”, associé au jeu de balle, confirme le symbolisme infernal de ce jeu, qui a été souvent souligné (en particulier dans le Popol Vuh). Plusieurs attributs de notre jaguar sont intéressants : certains, comme la forme des oreilles, la collerette et la jupe que porte l’animal, évoquent une autre déité animale associée au monde souterrain, la chauve-souris, Zotz. Les deux fruits que l’animal porte en pendentif sont sans nul doute du cacao ; nous avons d’ailleurs plusieurs exemplaires de ce fruit parmi les ornements des grands encensoirs à effigie (à San Juan las Vegas, Chitomax et Guaynep). Mais pourquoi le cacao serait-il associé au jaguar ? Nous en avons trouvé une explication possible dans un encensoir à effigie provenant de Cauinal (donc plus tardif) qui représente le dieu du commerce Ek Chuah sortant de la gueule de son double animal, un jaguar (Ichon et al 1980 : fig. 185). Cette relation du dieu du commerce avec le jaguar est aussi relevée par M. Rivera : “Quizá la jerarquía del clero antiguo veía en los mercaderes... el símbolo de los caminos y el tránsito entre las regiones cósmicas. El jaguar es otro de los intermediarios que unen la superficie de la tierra con el inframundo y por ende, su piel manchada semeja el ciclo nocturno tachonado de estrellas.” (1982). Selon Thompson, Ek signifie “étoile” – l’étoile polaire ? – et serait à ce titre associé au dieu des marchands itinérants ; d’autre part le rapport du cacao, qui sert de monnaie, avec Ek Chuah est évident. Si l’on pose en équation les différents termes de ces rapports, l’association jaguar-cacao devient logique :

84étoiles = EK CHUAH = cacao

85étoiles = JAGUAR = cacao

86Dans les encensoirs des trois sites nommés plus haut, il est vrai que le cacao semble associé à une déité solaire, donc apparemment antithétique du jaguar ; mais ce dernier est aussi “le soleil nocturne” : la déité solaire est en fait ambivalente, comme il est bien visible dans les urnes de Nebaj, où les traits du soleil et du jaguar sont indissociables. D’ailleurs, d’après les échantillons, trop rares, dont nous disposons (car ces grands encensoirs sont presque toujours trouvés rituellement brisés et incomplets), il est aussi possible que ces ornements de dieux solaires représentent le cacao “vivant” au milieu d’éléments végétaux, branches et feuilles (fig. 120b) ; alors qu’au cou du jaguar, les fruits du cacao sont évidemment coupés, donc “morts”.

87L’offrande du jaguar pose par ailleurs un problème de datation. En effet, le jeu de balle est certainement classique tardif, ou mieux classique terminal – épiclassique – comme nous le verrons. Or, l’encensoir pourrait bien dater, lui, du Classique ancien ou moyen, si nous le comparons aux grands jaguars de La Lagunita qui sont datés de cette période (Ichon 1977 : 54, fig. 45) ; il faut noter d’ailleurs qu’il est incomplet, donc qu’il s’agit d’une pièce réutilisée. De plus, l’offrande contenue dans le récipient à excroissances a bien une allure ancienne ; en particulier les camahuiles, associés aux éléments de collier et au disque de pyrite. Ces statuettes de pierre stylisées, qui proviennent exclusivement d’une zone bien délimitée du département d’El Quiché, à une quarantaine de km à l’ouest de Chitomax, datent parfaitement la période Classique ancien-Classique moyen, et nous pensons qu’ils disparaissent au Classique tardif, ou du moins qu’ils ne subsistent que sous une forme dégénérée. Un seul camahuil a été trouvé jusqu’ici dans la vallée, à Los Encuentros (Ichon et Hatch 1982 : fig. 99j) ; il est de style différent, plus élaboré, et n’est d’ailleurs pas sûrement daté. Les deux camahuiles de Chitomax, eux, sont très semblables à ceux de La Lagunita, et pourraient provenir du Quiché.

La str. A-13

88L’ensemble A-13 – A-16 est inhabituel, encore que nous en ayons un autre exemple à El Jocote, dans l’ensemble A-5 – A-6. Il a été fouillé en 1979 par R. Torres. Nous avons voulu, en 1982, compléter ces premières données par la fouille des deux parties latérales de A-13, dans laquelle seule une tranchée centrale avait été ouverte.

89La str. A-13 est en mauvais état. Il est probable que la façade principale, au sud, était dotée d’un escalier rentrant, mais ses limites exactes n’ont pu être précisées ; la longueur de cette façade était de 17 m. Elle se prolongeait vers l’ouest par la banquette du jeu de balle qui limite le couloir de ce jeu à l’est. Le mur est de A-13, mieux conservé, mesure 6,40 m. Sur sa face nord, elle fait bloc avec A-16, mais la largeur de cette dernière structure est inférieure de 2,40 m, ce qui donne à l’ensemble une forme en L.

Fig. 106 – Fouille de la str. A-13. a/ciste sous l’escalier (Epiclassique). b/sépultures et offrandes superficielles de la plate-forme. c/caisson latéral de la structure ancienne. d/statuettes d’oiseaux décapités du caisson est.

90En dégageant le mur de soutènement sud, on a mis au jour, à 0,90 m de l’angle sud-ouest, la partie inférieure d’un squelette d’adulte dont la tête et le buste ont été recouverts par le mur, qui est donc plus récent. De plus, les déblais le long de ce mur contiennent des restes osseux assez abondants, provenant cette fois de la partie haute de la structure, et qui semblent indiquer une utilisation funéraire de celle-ci. On trouve aussi dans ces déblais deux grands couteaux d’obsidienne.

91La plate-forme supérieure est longue et étroite (environ 2,50 x 7,50 m), trop étroite pour avoir supporté une superstructure. Elle domine de 2,75 m la place. R. Torres a procédé à son nettoyage, mettant au jour une grande quantité d’ossements, ce qui confirme la fonction funéraire de A-13 ; puis à la fouille centrale sous forme d’une tranchée axiale nord-sud. Cette opération a eu deux résultats importants : d’une part elle a mis au jour de nombreuses offrandes céramiques et lithiques, associées à des sépultures ; d’autre part elle a révélé l’existence d’une structure antérieure, entièrement recouverte par la substructure tardive. La description suivante est un condensé des notes de terrain du responsable de la fouille.

92Presque en surface apparaît une zone à peu près carrée, de 70 cm de côté, couverte de pierre ponce, qui signale une cache ; celle-ci contient une offrande de grands couteaux d’obsidienne (3) et de silex (1), et 4 lames d’obsidienne translucide (fig. 127), ces objets étant disposés côte-à-côte, leur pointe vers le nord. Un peu plus bas, c’est une jarre miniature, décorée de pastilles, qui contient 11 éléments de pierre verte, de formes variées (fig. 117) ; puis plusieurs poteries entières mais brisées : petit bol tripode à rebord basal, bols de type Ruano à base plane ou annulaire (au moins 9), vase cylindrique du même type à décor rouge sur brun naturel, bol tripode brun-noir, etc. Ces poteries seront décrites au chapitre matériel.

93La fouille centrale a mis au jour le mur sud d’une construction ancienne, haute de 1,70 m, qui était à deux gradins – le premier de 80 cm – mais sans trace d’escalier sur cette face. Au pied de l’escalier tardif et dans l’axe nord-sud avait été placé un ciste fait de dalles verticales formant une sorte de cylindre de 60 cm de diamètre, haut de 90 cm, et fermé par une dalle servant de couvercle. Ce ciste contenait le squelette d’un adulte âgé, en position accroupie face au nord. Sur le bas des jambes reposait une petite jarre de type Tohil Plombé (fig. 106a) contenant le squelette incomplet d’un raton laveur (Procyon Lotor). Cette sépulture a peut-être été mise en place avant la construction de la structure définitive, ce qui daterait celle-ci, et par contre-coup le jeu de balle, de l’Epiclassique. Il n’est pas impossible cependant qu’elle ait été intrusive, en détruisant la base de l’escalier tardif, qui serait alors antérieur à cette phase.

94Le mur nord de A-13 a été localisé à 3,15 m du gradin ancien. Il descend ensuite, en formant trois marches, vers la str. A-16.

La str. A-13 : fouilles de 1982

95Dirigée par R. Grignon, l’opération D portera sur les extrémités ouest et est de la plate-forme, qui n’ont apparemment pas été touchées en 1979.

96L’utilisation funéraire de la str. A-13 (tardive) pour des sépultures superficielles à même le remblai, disposées tout autour de l’étroite plate-forme supérieure, assez bien délimitées par des rangées de galets, se confirme. Ces sépultures, dont 8 ont été dénombrées, sont en très mauvais état car le monticule a dû être cultivé. On devine néanmoins que les squelettes étaient en connexion, allongés selon le grand axe de la plate-forme. Ils sont accompagnés d’offrandes simples, elles aussi très détériorées : bols ou vases de type “Ruano” et “Río Negro”, ollas et bols rustiques à deux anses (fig. 106b). Il n’y a ni encensoir, ni poteries élaborées : les offrandes les plus riches (obsidienne, jade...) auraient donc été déposées seulement dans la partie centrale de la structure.

97À partir du niveau +140, qui doit correspondre au deuxième gradin, il n’y a plus de sépultures et l’on note un changement dans la couleur du remblai sablonneux, qui, de gris devient jaunâtre. À +100 apparaissent deux murs parallèles, orientés nord-sud et distants d’environ 6 m, épais de 60 cm, dont la face appareillée, revêtue d’argile, est tournée vers l’extérieur ; ce sont soit les murs de soutènement latéraux d’une substructure ancienne, soit les murs d’une superstructure ultérieurement remblayée. Cette structure ancienne (fig. 103), dont la plate-forme a été trouvée au niveau +40, se prolonge vers l’est et vers l’ouest par deux “ailes” plus étroites constituant des sortes de caissons, d’environ 1 x 1,60 m, remplis de pierre ponce ; les extrémités de ces caissons ont été détruites par la construction ultérieure (fig. 106c). Le remblai couvrant la plate-forme ancienne et le caisson situé à l’est contient 12 figurines d’argile représentant des oiseaux aux ailes déployées et les ailes d’une treizième ; ces objets, tous décapités (les têtes n’ont pas été retrouvées) sont répartis en deux groupes, entre les niveaux +40 et +180 (fig. 123).

98La structure ancienne, A-13a, devait être orientée vers le sud, mais nous n’avons pas trouvé trace de l’escalier. Son organisation – un “bloc” central et deux ailes formant caissons – rappelle, en plus élaborée, celle de la str. A-1, dans l’ensemble d’habitation sud. Dans les deux cas, les caissons, bien qu’apparemment destinés à servir de tombes, ont été simplement remplis de pierre ponce.

99Dans une deuxième phase la str. A-13a fut complètement recouverte par la substructure A-l3b (mise au jour en 1979) ; la largeur est la même – environ 4 m –, la longueur légèrement supérieure ; le mur sud s’élève en deux gradins, mais il n’y a pas d’escalier. Au centre de la face nord, il existe une sorte de chambre ou de “recoin” large de 1,40 m, profond de 1 m, limité par des murs de galets, qui ne peut être interprété que comme un petit escalier intérieur permettant d’accéder à la plate-forme intermédiaire. Celle-ci atteignait à peu près la hauteur définitive ; à partir du niveau +140, elle servait de monticule funéraire.

100Dans une troisième phase, la str. A-13b est recouverte à son tour par la structure définitive A-13c, qui est dotée au sud de plusieurs gradins et d’un grand escalier ; c’est sous celui-ci qu’a été mise au jour une sépulture d’adulte en ciste placée au pied du mur ancien. La plate-forme est légèrement surélevée, dotée d’une sorte de superstructure de galets longue et étroite servant peut-être d’autel, allongée latéralement et dotée à l’ouest d’une banquette qui constitue la partie est du jeu de balle.

101Les deux premières phases de la str. A-13 datent du Classique tardif, comme le prouve le matériel contenu dans le remblai ; la proportion de tessons préclassiques y est cependant importante : environ 30 %, compte non tenu des poteries entières constituant le mobilier des sépultures, qui sont toutes classiques.

102La date de la dernière structure est donnée par la sépulture en ciste, qui a dû être mise en place avant la construction de l’escalier tardif. Le ciste contenant une poterie “Plombée”, il ne peut dater que de l’Epiclassique. La str. A-13c, comme le jeu de balle, serait donc épiclassique (à moins que le ciste ne soit intrusif ; l’état de l’escalier n’a pas permis de préciser ce point).

Fig. 107 La str. A-13-16 : profil nord-sud et reconstitution perspective.

La str. A-16

103La str. A-16, fouillée en 1979 par R. Torres, est une plate-forme presque carrée, d’environ 10 x 13 m, de faible hauteur (1 m), accolée à la face nord de A-13. Le côté ouest forme la banquette du jeu de balle.

104Les murs sont mal conservés et disparaissent même complètement au nord. En nettoyant la surface de la plate-forme encombrée de pierres, se détache une zone carrée d’environ 5 m de côté, couverte de pierre ponce mélangée à des galets. Dès le début de la fouille apparaissent des dalles de schiste en complet désordre et les murs de galets d’une chambre souterraine cruciforme, hauts de 80 cm (fig. 108). Cette chambre, qui ne peut être qu’une tombe, est située au centre de la plate-forme. Le fond est encombré de dalles, dont certaines sont tombées verticalement ; elles proviennent sans doute du toit, mais leur longueur ne permet pas de supposer qu’elles reposaient directement sur les parois de la tombe : en effet la plus grande, l’une des rares encore entières, ne dépasse pas 1,58 m, alors que la largeur de la tombe est de 1,60 m (il n’est pas exclu cependant que des pierres débordantes, formant corniche au haut des murs, aient réduit cette largeur, permettant de couvrir directement la tombe de dalles sans nécessité de poutres de soutien).

Fig. 108 – La tombe de A-16. a/vue de la face nord avec sa niche. b/vue de la face sud et du débouché du couloir d’accès.

105La tombe forme une pièce rectangulaire de 1,60 x 3 m, avec au nord une niche, profonde de 0,65 m et large de 1 m. Au milieu de la paroi sud s’ouvre un couloir de 60 cm de largeur menant à un autre couloir perpendiculaire ; l’une des branches de ce dernier devait déboucher sur la face est de la str. A-16, non loin de son raccord avec la str. A-13 ; elle se trouve actuellement obturée par un mur, appareillé vers l’intérieur, qui double le mur de soutènement de A-16. La branche ouest n’a pu être dégagée que sur 3,20 m ; on ne verrait pas bien son utilité, néanmoins, si elle n’avait débouché elle aussi à l’extérieur de la str. A-16, sur sa face ouest. Le couloir, dont les parois portent encore par endroits un revêtement d’argile, est, comme la tombe, encombré de dalles de schiste prouvant qu’il était lui aussi couvert. À l’endroit où les deux couloirs se rejoignent, une grande dalle, mesurant 1,44 x 0,40 m, est encore in situ.

106Le couloir ouest-est contient, outre les dalles brisées et les galets de pierre ponce, des fragments abondants de grands encensoirs et de poteries communes, mais il y a peu de pièces entières : 3 vers la croisée des couloirs, 1 non loin de l’entrée de la tombe. La poterie est en général domestique, ou plus fine mais encore de fabrication locale (bols de type Ruano ou Río Negro...) ; la plus fine, sans doute importée, est un vase globulaire blanc poli à décor incisé représentant une frise de personnages accroupis (fig. 116), qui nous donne une idée de ce que pouvait être le mobilier de la tombe avant qu’elle ne soit pillée. Il est évident en effet qu’elle a été vidée de son contenu, tout-au-moins des squelettes, dont il ne reste aucun ossement. Outre les poteries brisées et incomplètes, on trouve encore dans le remblai quelques petits objets d’obsidienne, de pierre ou de coquillage : pour les premiers, une soixantaine de fines lames courbes et plus de 100 éclats (il s’agit d’obsidienne noire translucide) ; une dizaine de fragments de perles ou pendentifs de pierre verte, dont la moitié de jade ; plusieurs disques de pierre, incomplets, perforés et taillés en biseau pour l’assemblage ; enfin une plaquette, un pendentif et 6 perles de coquillage.

107La fouille poursuivie sous le sol de la tombe, qui est au niveau de la place, jusqu’à – 80, met au jour quelques os d’animaux, des os humains et des dents appartenant au moins à 2 individus : un adulte jeune et un enfant d’une dizaine d’années ; ainsi que des plaques de bahareque, planes (sol) ou à empreintes (murs d’une ancienne superstructure). Les tessons sont maintenant exclusivement préclassiques ; la proportion de cette céramique était jusqu’ici très faible dans la str. A-16 : environ 1 %.

Fig. 109 – Plan et profil de la tombe de A-16.

Fig. 110 – Plan et profil de l’autel A-17.

Conclusion sur la str. A-16

108C’est en réalité l’ensemble A-13 – 16 qu’il faut décrire, au cours d’une évolution en trois temps que l’on peut reconstituer de la façon suivante (en s’appuyant sur les fouilles de Guaynep, qui ont donné des résultats comparables :

• Dans une première phase, la str. A-13a existe seule, telle que nous l’avons décrite ci-dessus, avec son noyau central et ses deux caissons latéraux ; elle fait face au sud.

• Dans une deuxième phase, cette structure est agrandie, surélevée et orientée au nord, communiquant ainsi avec la str. A-16, qui a dû être construite en même temps. La grande tombe qu’elle renferme est d’abord vide et reste accessible par le couloir ménagé entre les deux structures.

• À la fin de cette phase, marquée par le décès du principal dirigeant du centre, la tombe reçoit son (ou ses) occupant, le couloir d’accès est scellé, les deux structures n’en forment désormais plus qu’une, à deux niveaux : le plus bas, au nord, est destiné au culte du grand ancêtre sur sa tombe recouverte d’un remblai de pierre ponce ; le plus haut, au sud, sert de monticule funéraire pour les membres de l’élite.

• Dans une troisième phase, la tombe est violée, vidée de son (ou ses) squelette, les offrandes sont brisées et dispersées. On construit en même temps la structure définitive, recouvrant la structure intermédiaire en la prolongeant vers l’ouest d’une banquette qui constituera la partie est du jeu de balle. Cette structure définitive tourne le dos à la tombe désormais désaffectée ; elle est orientée vers la place, et peut-être dédiée au personnage dont nous avons mis au jour la sépulture sous l’escalier. Le mobilier du ciste, comme la pratique du viol des tombes, confirment la datation tardive de cette dernière phase, qui serait épiclassique.

L’autel A-17

109Cette petite construction, totalement invisible à notre arrivée, a été mise au jour à 7,70 m au sud de la str. A-13, dans l’axe de l’escalier. Bien que très ruinée, la position de plusieurs grandes dalles, dont une horizontale (la plus massive) et une autre verticale au sud, permet de supposer qu’il s’agit d’un petit autel carré d’environ 1 m ou 1,20 m de côté. Le remblai est fait de grosses pierres en désordre ; parmi le matériel, classique tardif, un bras d’effigie de grand encensoir et 2 fragments de disques de pierre, sans perforations.

La str. A-14

110Cette structure, étudiée par R. Grignon, occupe une position à peu près symétrique de celle de A-10 par rapport à la structure principale du centre, A-13. Elle a d’ailleurs sensiblement la même orientation et les mêmes dimensions : 10,50 x 6,70 m pour une hauteur d’environ 2,10 m. C’était à notre arrivée un monticule informe couvert de galets en désordre, parmi lesquels on distinguait cependant quelques alignements laissant deviner l’existence de gradins, d’une plate-forme supérieure étroite et sans doute d’un escalier sur la face ouest (fig. 111a).

111Le dégagement complet des murs a permis de noter que la substructure primitive, soigneusement construite de blocs de calcaire taillés et recouverts d’un enduit d’argile, a été agrandie de 1,30 m vers le nord et d’une largeur un peu supérieure à l’est. Les murs tardifs, faits plus sommairement de galets, ont mal résisté au temps : une seule assise au nord, alors que le mur est disparu complètement à faible distance de l’angle nord-est.

112Le mur sud est mieux conservé (il s’agit du mur ancien) ; on trouve à la base les os longs calcinés d’un, ou peut-être de deux adultes, à même le sol. La face nord livre, elle, des restes d’encensoirs à effigie, de disques de pierre ou d’argile, et une perle de jade.

113Sur la face ouest, un escalier est mis au jour ; large de 2,65 m, il est fait de dalles de caliche taillées. Les 4 marches du bas sont conservées (il y en aurait eu 8 ou 10), la dernière en saillie sur la place. Cet escalier n’est pas au centre de la structure tardive, mais décalé de 1 m vers le sud ; il est donc probable qu’il correspond à l’avant-dernière phase de construction et qu’il est resté fonctionnel au cours de la dernière.

114Ce sont les déblais de la face ouest qui ont livré la plupart des objets rituels, sans doute tombés de la plate-forme. Il y avait dans l’angle sud de l’escalier un squelette incomplet, accompagné de charbon ; d’autres ossements non en connexion seront mis au jour au nord de l’escalier, avec les fragments dispersés d’un grand encensoir à effigie de déité solaire, que nous pourrons partiellement restaurer (fig. 121). Les autres objets les plus notables sont un bol-encensoir décoré d’une tête d’oiseau, et deux hochets d’argile ityphalliques, entiers et contenant encore 4 billes formant sonnaille (fig. 123a).

115La str. 14 tardive devait avoir 2 gradins bas, le dernier supportant la plate-forme supérieure.

116La fouille centrale (opération F) permet d’observer presque en superficie (niveau +170) des rangées de pierres dessinant une petite plate-forme (un autel ?) longue de 3m et large de moins de 1 m. Au pied et à l’ouest de cette plate-forme, nous mettons au jour un bol noir poli à cannelures, retourné à côté d’os longs en très mauvais état ; un peu plus bas, au niveau +120, un petit bloc de pierre parallélépipédique analogue aux blocs des str. A-10 et A-15, qui aurait été accolé au mur est de la première structure (fig. 111c). Il mesure 1,30 x 0,80 m et 0,70 m de hauteur ; sa base ne correspond à aucun sol visible. Le remblai de terre sablonneuse jaunâtre mélangé à quelques pierres calcaires contient en quantités à peu près égales des tessons datant du Préclassique et du Classique.

117Au niveau +20 la partie ouest de la fouille est entièrement occupée par une grande quantité de pierres, en majorité des blocs de caliche taillés formant plusieurs alignements nord-sud au-dessous de l’escalier tardif ; on observe à ce niveau un changement de remblai qui correspond peut-être à un niveau d’occupation, bien qu’il n’y ait nulle part de sol net.

118Au niveau – 40 enfin apparaît une sépulture primaire à même le remblai : un adulte de haute taille (plus de 1,60 m) en décubitus dorsal, axe sud-nord, les bras allongés sur les côtés, sans offrande (fig. 111d). Le matériel de ces niveaux inférieurs paraît entièrement préclassique.

119La fouille n’est pas poursuivie au-delà.

Fig. 111 – La str. A-14. a/avant la fouille. b/la face ouest, avec l’escalier, et l’agrandissement latéral. c/bloc de maçonnerie dans le remblai. d/sépulture au niveau – 40 (préclassique? ).

120La fouille de la str. A-14 a démontré qu’elle est en réalité formée de 3 constructions successives.

121La plus ancienne était une plate-forme basse, soigneusement construite et sans doute dotée d’un escalier sur sa face ouest. Nous n’avons pas de données sur ses dimensions ni sur sa fonction ; la sépulture trouvée au niveau – 40 était associée à cette structure ancienne, qui pouvait être préclassique.

122Dans un deuxième stade, la plate-forme primitive a été recouverte d’une substructure rectangulaire de 5,40 x 9.20 m, sans doute haute de près de 2 m, dont les murs soigneusement construits portaient un revêtement d’argile rejoignant celui du sol de la place. Il y avait un escalier sur la face ouest. Le “bloc” de fonction inconnue qui est apparu dans le remblai date de cette période.

123Enfin cette structure intermédiaire a été agrandie sur deux côtés, nord et est ; il n’est pas certain qu’elle ait été surélevée, et l’escalier a continué à être utilisé. La fonction cérémonielle de la str. A-14 à ce stade n’est pas douteuse : les débris d’encensoirs ou autres accessoires rituels et d’objets de parure servant d’offrandes trouvés au pied des murs et de l’escalier en font foi. La pyramide à gradin supportait une plate-forme très étroite servant sans doute d’autel, au pied de laquelle devaient être ensevelis les personnages importants (qui ne trouvaient plus place dans la structure funéraire A-13 ?). Cette fonction funéraire de A-14 serait en somme comparable à celle de la structure A-10, dont nous avons supposé qu’elle commençait à servir de “trop-plein” à la pyramide principale. Notons que toutes ces sépultures étaient superficielles : il n’y en avait aucune dans le remblai du monticule. La fonction funéraire de ce dernier aurait donc été ultérieure à sa construction.

124Quant à leur datation, il est certain que les deux derniers stades de construction datent du Classique tardif, bien que le remblai contienne un fort pourcentage de tessons préclassiques ; ceux-ci deviennent très rares au-dessous du niveau +40, le matériel préclassique atteignant 80 à 100 % du total ; mais il y a encore 4 tessons nettement classiques entre 0 et – 40, ce qui peut s’interpréter de deux façons :

• ou bien les 3 structures successives sont du Classique tardif, la terre de remblaiement utilisée pour la substructure contenant du matériel plus ancien ;

• ou bien la première structure était bien préclassique, mais l’intrusion de la sépulture plus tardive aurait provoqué le mélange de matériel observé dans les niveaux inférieurs.

125Nous préférons la première hypothèse. Les rares constructions qui peuvent être datées du Préclassique dans la vallée, par exemple à El Jocote, sont faites de galets ; le matériel plus élaboré utilisé pour la structure A-14 primitive est identique à celui de la construction ultérieure qui est, elle, sûrement classique.