1 – LA RECONNAISSANCE

1Le site d’El Jocote fut découvert le 23 Février 1979 par l’équipe de reconnaissance dirigée par Jean-Pierre Courau et Vilma Fialko, avec 5 peones de l’aldea de Pasulup. Les travaux préliminaires, comprenant relevés topographiques et sondages, ont duré 4 jours :

• sondages entre les str. 6 et 7 afin de vérifier l’existence d’un jeu de balle, qui se confirme. La mise au jour de l’angle intérieur sud-ouest permet de préciser que le plan du jeu est en I et qu’il est donc postclassique ;

• dégagement d’une partie de la façade ouest de la longue structure 2 ;

• sondage dans le str. 1, profitant de la tranchée nord-sud faite par les chercheurs de trésors, tranchée qui a coupé en deux le monticule. Ce sondage (opération 00) de 1 x 2m, commencé au niveau + 166 – le niveau 0 étant celui de la place – a été abaissé d’environ 1 m. Il a mis au jour différents alignements de pierres et plusieurs objets qui datent apparemment de

• la période classique : une “perle” de coquillage, deux bols grossiers associés à deux disques de pierre, incomplets, portant des traces jaunes qui proviennent sans doute d’incrustations de pyrite décomposée ;

• petit sondage dans la str. 5, qui paraît plus ancienne et a été largement éventrée par les pillards, en vue de récolter du matériel permettant de dater cette structure ;

• récolte de matériel en surface.

2Un examen superficiel de l’architecture des différentes structures prouve qu’il y a eu à El Jocote au moins deux périodes d’occupation : l’une tardive, au cours de laquelle les murs de soutènement étaient soigneusement construits de pierres taillées et recouvertes d’un enduit de stuc ; l’autre plus ancienne, dont les murs sont faits de pierres brutes et non stuqués.

3Les sondages et l’examen du matériel confirment ce fait, et suggèrent l’existence d’une troisième période d’occupation, qui pourrait être classique (tardive ?). D’autre part, une partie du matériel, en particulier celui venant de la str. 5, est préclassique.

4Ces résultats importants vont nous inciter à consacrer à El Jocote la moitié de notre campagne de fouilles 1979-1980, malgré les graves dégâts qu’ont subis les deux structures principales (1 et 5). Ce choix est basé sur plusieurs considérations. Dans l’ordre d’importance :

1. La succession de plusieurs périodes d’occupation (au moins deux, sinon trois) n’est pas un fait exceptionnel dans la vallée ; mais il est très rare que des sites tardifs, c’est-à-dire postclassiques, se soient installés au même emplacement que des sites plus anciens, préclassiques ou classiques. El Jocote fournirait un exemple apparemment unique – dans l’état actuel de nos recherches – de réoccupation ou d’intégration (?) d’un site ancien (préclassique-classique) à un site plus tardif (postclassique ou protohistorique).

2. El Jocote, petit centre civico-religieux au Postclassique, était doté d’un jeu de balle. Or, si le grand centre de Cauinal a son jeu de balle, les centres secondaires jusqu’ici reconnus en sont dépourvus : il faut aller jusqu’à Guajilote, bien au-delà de la limite amont de la zone de retenue du barrage, pour en trouver un. El Jocote devait donc avoir un statut spécial dans l’ensemble des sites postclassiques de la vallée, intermédiaire entre le “centre-recteur” – Cauinal – et les centres secondaires.

3. Enfin le centre cérémoniel d’El Jocote est de dimensions réduites et ne comporte que six structures. On peut espérer le fouiller entièrement dans le délai limité qui nous est imparti : environ deux mois.

2 – LES FOUILLES

5Les fouilles à El Jocote ont duré du 5 novembre 1979 au 14 janvier 1980, soit 50 jours de travail effectif. Supervisées par le directeur du projet, elles étaient dirigées par Rita Grignon Cheesman, licenciée in fieri en archéologie de l’Université de San Carlos de Guatemala. Une moyenne de 15 peones, des aldeas de Chicruz, Pasulup et Cauinal, y ont participé ; en janvier, 6 ouvriers seulement, dirigés par R. Grignon, ont achevé l’étude des zones d’habitation.

Méthodologie

6Chaque phase de nos travaux, ou “opération”, portant en général sur une structure, a été baptisée d’une lettre de l’alphabet. Le total de ces opérations étant de 32 (sans compter le sondage préliminaire 00 dans la str. 1), les 6 dernières ont reçu une lettre double : AA, BB, etc. La liste des 33 opérations est donnée en annexe 1. La fig. 6 indique l’emplacement de chaque opération dans le groupe cérémoniel A.

7Dans le cadre de chaque opération, le matériel récolté a été classé par lots d’après sa provenance (par exemple chaque face d’une structure, chaque niveau d’un puits stratigraphique). D’autre part, tout objet – le terme étant entendu au sens le plus large – sélectionné au cours de la fouille pour son intérêt exceptionnel, porte la lettre de l’opération correspondante et un numéro attribué dans l’ordre chronologique de sa découverte. La liste de ces objets classés (ou “artefacts”) est donnée en annexe 2.

Hypothèses et programme de travail

8Notre programme de travail est basé au départ sur une série d’hypothèses établies par R. Grignon à partir des données de la reconnaissance.

1. Alors que l’installation du site postclassique eut été possible sur la terrasse beaucoup plus ample de la Vega de Ixquel, le choix d’un emplacement déjà occupé avant cette période doit obéir à des considérations mettant en jeu essentiellement le facteur économique : un simple agrandissement (ou l’intégration) des structures anciennes permet une grande économie d’énergie (main d’œuvre, temps, matériaux) et un meilleur contrôle des forces de travail.

2. Au niveau du centre cérémoniel, le problème est celui de la réutilisation, et éventuellement de l’intégration du centre cérémoniel préclassique à un centre plus tardif. Il y a d’autre part un problème chronologique : s’il y eut abandon du site entre le Préclassique et le Postclassique, cet abandon doit correspondre à un phénomène plus général touchant l’ensemble du peuplement de la vallée.

3. Quel pouvait être le statut et le rôle d’El Jocote dans l’ensemble des sites postclassiques dépendant plus ou moins directement de Cauinal ?

4. Au niveau des ensembles résidentiels, l’implantation et l’organisation de ces ensembles a dû varier en même temps que celle du centre cérémoniel.

9Notre programme de travail comprenait en conséquence deux aspects :

• pour le centre cérémoniel, deux problèmes essentiels : y a-t-il eu ou non intégration (encore faudra-t-il préciser ce terme) du centre postclassique au centre préclassique ? et que s’est-il passé entre-temps, au Classique ? Il est donc indispensable de dater chaque structure, et les éventuelles superpositions au sein de chaque structure, de déterminer sa fonction probable ; de préciser l’organisation du centre au cours de chaque période successive (orientation, relations entre les structures civiques, religieuses, funéraires, d’habitation, etc.).

• pour les zones d’habitation, il faudra rechercher leur emplacement, qui n’est pas visible d’emblée (dans la Vega, sur les terrasses, sur les pentes...), les dater et en déduire l’évolution de la structure du peuplement, de la densité de la population, des zones probables réservées aux cultures, etc.

• il faudra enfin rechercher s’il existe, sur les pentes dominant le site, des zones sablonneuses qui auraient été utilisées comme cimetières au Postclassique, par analogie avec Cauinal.

Fig. 6 – Localisation des fouilles (“opérations”) dans le groupe A.