Formia. Piazze Mattej et Bonomo. Capitolium
p. 57-60
Texte intégral
1L’existence d’un Capitolium à Formies est attestée par plusieurs inscriptions. Il a peut-être succédé au temple de Iuppiter dont l’existence est mentionnée par Tite-Live (cf. fiche Localisation incertaine (Formia). Aedes Iouis). Certains1 le placent sous l’église S. Erasmo, mais les fouilles menées sous cet édifice n’en ont révélé aucune trace ; d’autres2 le situent sur le plateau au sud à côté de la Rampa Capo Castello (plateau qui communiquait avec la uia Appia par des escaliers dont les vestiges sont encore visibles via Mamurra). Il paraît plus cohérent de supposer avec N. Cassieri que le Capitolium s’élevait sur le forum, c’est-à-dire dans la zone aujourd’hui occupée par la piazza Mattej et la piazza Bonomo3.
Sources épigraphiques
2a. Aurigemma 1926, 313, n°1 ; AE 1927, 124 ; Aigner 2005, 169-171.
Durant les travaux de fondation du mur bordant le sud de l’actuelle via Vitruvio, furent découverts en 1920-1921, sept cippes, dont l’un en calcaire local présente une inscription faisant mention d’un Capitolium (fig. 56). Celui-ci, tout comme les autres, est conservé à titre d’ornement devant le Musée archéologique national (piazza della Vittoria, Formia).
Fig. 56

Formia. Piazze Mattej et Bonomo. Capitolium. Inscription à Caius Clodius Hilarus (photo P. Caprio).
© DR
3Ce cippe possède une hauteur de 1,60 m, une largeur de 0,68 m (10 cm de plus au niveau de la corniche) et une profondeur d’environ 0,70 m. La corniche modelée supporte un dé dans la surface supérieure duquel se remarquent encore les traces de fixation de la statue qui surmontait le cippe. L’inscription gravée à l’intérieur d’un cadre comporte dix-huit lignes, avec des lettres dont la hauteur varie entre 15 et 38 mm4.
C(aio) Clodio Hilaro
biselliario
cui ordo conscript(orum)
ornamenta decur(ionalia) dedit
quod is ob honor(em) biselli
HS X̅X̅V reip(ublicae) obtulerit; ex quib(us)
familia glad(iatoria) ex postulatu
uniuersor(um) per ipsum edita est;
ad cuius inpensas insuper
uniuersa plebs adampliand(a)m
muneris eius famam
optulit insuper HS X̅X̅V n(ummum),
ordo Augustal(ium) pec(unia) sua.
Ob cuius dedic(ationem) pauit in Capitol(io)
pane et uino promiscue posito,
et dedit sportulas
dec(urionibus) August(alibus) Regal(ibus) sing(ulis) denarios quinos.
L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum).
« À Gaius Clodius Hilarus, honoré du siège à deux places, à qui l’ordo conscriptorum offrit les insignes décurionaux parce que celui-ci, en retour de la distinction du siège à deux places, avait fait don à la cité de 25 000 sesterces ; avec ceux-ci fut produite par son entremise, à la demande générale, une équipe de gladiateurs. En plus de cette contribution, l’ensemble de la plèbe, pour accroître la renommée de sa charge, offrit encore la somme de 25 000 sesterces. L’ordo des Augustales [participa] à ses propres frais. En retour de cette dédicace, il offrit de la nourriture dans le Capitole, mettant à la disposition de tous du pain et du vin et il offrit des sportules d’un montant de cinq deniers à chacun des décurions, des Augustales, des Regales. Espace concédé par décret des décurions. »
4La dédicace gravée sur le cippe supportant la statue garde donc mémoire du personnage représenté et de sa dignité. Elle renvoie à une riche figure locale, C. Clodius Hilarus, qui, en reconnaissance de l’octroi du bisellium, c’est-à-dire d’un siège de théâtre à deux places5, offrit à la cité 25 000 sesterces. Suit une évocation des honneurs concédés en retour par l’ordo conscriptorum (c’est-à-dire les décurions) à ce bienfaiteur et des nouveaux présents qu’ils suscitèrent de sa part. L’érection de la statue à C. Clodius Hilarus, ainsi que les divertissements populaires qui furent organisés, devaient célébrer le don des insignes décurionaux fait à ce personnage.
5Ce riche habitant de Formies était probablement, si ce n’est affranchi lui-même, du moins d’origine affranchie, car, comme l’a montré H. Solin6, dans les cités d’Italie la plupart de ceux qui se voyaient offrir les honneurs décurionaux possédaient ce rang social : c’était une manière de répondre à l’ambition de ceux qui ne pouvaient prétendre aux classes supérieures7 ; d’ailleurs, on remarque que le prénom du père n’est pas mentionné dans la formule onomastique.
6Une telle dédicace présente donc l’intérêt d’attester la présence à Formies des Augustales, ainsi que des Regales, corporation locale composée selon H. Laaksonen d’affranchis et de membres de la classe moyenne8 pour laquelle nous disposons d’une seule autre mention (CIL X, 6094). Elle rappelle surtout la présence d’un Capitolium sur le territoire de cette cité, comme il pouvait en exister dans d’autres cités italiennes telles que Capoue, Benevento ou Pompei. Toutefois S. Aurigemma9 fait remarquer que toutes les cités dans lesquelles on trouvait un Capitolium étaient des colonies (Gell., 16, 43). Formies s’est bien vu octroyer le statut de colonie, mais seulement à l’époque d’Hadrien. Il semblerait donc que cette inscription soit du iie s. ap. J.-C., plus précisément du milieu10 ou de la seconde moitié du siècle11. L’hypothèse du iie s. ap. J.-C. est envisagée aussi par S. Aurigemma qui privilégie cependant, après examen des caractères épigraphiques, une datation du ier s. de l’Empire12.
7b. CIL X, 6073 ; Arnaldi 2007, 92 nt 53.
Un cippe (fig. 57) comportant une inscription mentionnant le magisterium de Iuppiter Optimus Maximus fut retrouvé dans la supposée « villa de Cicéron ».
Fig. 57

Formia. Piazze Mattej et Bonomo. Capitolium. Inscription sur cippe (Laboratorio grafico di Epigrafia dell’Università di Roma Tor Vergata).
© DR
[---]
magisteri I(ouis) O(ptimi) M(aximi) p. d. m. [sic]
s(ua) p(ecunia) p(osuit), cuius dedicat(ione)
decur(ionibus) in luc(o) publice
uescentib(us) sing(ulis) HS XX n(ummum)
dedit. L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum).
« [---] du magisterium de Iuppiter Optimus Maximus, p. d. m., établit [ceci] à ses frais ; à l’occasion de sa dédicace, il donna dans le lucus aux décurions qui banquetèrent aux frais publics une somme de vingt sesterces par tête. Espace concédé par décret des décurions. »
8L’inscription, datable de la première moitié du iie s. de notre ère13, atteste donc aussi l’existence d’un Capitolium à Formies, ainsi que celle d’un lucus (cf. fiche Localisation inconnue (Formia). Lucus. Divinité inconnue). La dédicace dont il est question pourrait faire référence à la réfection ou à l’embellissement du temple de Iuppiter Optimus Maximus, travaux pris en charge par le magister Iouis, sans doute le président d’une association consacrée au culte de ce dieu14.
9Il est difficile de déchiffrer l’abréviation de la première ligne de l’inscription : G. Henzen15 propose : p(atre) d(eorum) m(agno), ce qui crée une incohérence, sinon sémantique, du moins grammaticale (en raison de l’incompatibilité des cas) avec la reconstitution de Th. Mommsen : I(ouis) O(ptimi) M(aximi). A. Arnaldi16 établit la correction suivante : p(atris) d(eorum) m(agni), tout en indiquant que cette lecture est incertaine. Elle suggère aussi d’intégrer à la première ligne [--- ob honorem], supposant qu’il est fait allusion au versement d’une somme ob honorem magisterii, mention relativement fréquente sur les bases honorifiques.
10c. CIL X, 6102 ; Kock 1934, 533.
L’inscription suivante fut découverte parmi les ruines de la supposée « villa de Cicéron ».
T(ito) Acilio P(ubli) f(ilio) An(iensi tribu)
Florentino
equo publ(ico), praef(ecto) coh(ortis)
(quintae) Breucorum,
Formiani omnium
ordinum uiri,
quod is testamento suo
HS C̅ M n(ummum) legauerit, ex qua
summa tensae Mineruae
ex argenti libris centum
[c]um parergis suis to[tis
fierent].
« À Titus Acilius Florentinus, fils de Publius, de la tribu Aniensis, [disposant d’un] cheval public, préfet de la cinquième cohorte des Breuci, les hommes de Formies de tous ordres, parce que lui, par son testament, a laissé en héritage une somme de cent mille sesterces, somme avec laquelle furent construites à partir de cent livres d’argent les tensae de Minerua avec tous leurs ornements ».
11Il s’agit d’une inscription du iie s. ap. J.-C.17 à caractère honorifique, par laquelle la population de Formies tout entière, sans doute constituée en assemblée, témoigne sa reconnaissance à T. Acilius Florentinus (le praenomen est plutôt Publius pour R. Zucca18) pour la donation contenue dans ses dispositions testamentaires. Ce personnage, sans doute originaire de la cité, était une figure de haut rang qui avait dirigé la cinquième cohorte des Breuci, une unité de Pannonie. La somme qu’il légua servit à la construction de tensae, c’est-à-dire de chars de procession, sur lesquels à Rome on transportait les attributs de la divinité en procession jusqu’au cirque (Fest. p. 364 L.). Il s’agissait d’attelages luxueux, recouverts de matières précieuses (argent et même ivoire, si l’on en croit Festus), ce qui justifie que fut dépensée à cette occasion la somme de cent mille sesterces.
12Sur les monnaies de la gens Rubria19, sont représentées les trois tensae de la triade capitoline, chacune tirée par quatre chevaux et surmontée d’une Victoire ailée. Chaque divinité possédait donc, semble-t-il, son propre char. En dehors des périodes où elles étaient exhibées, les tensae étaient ordinairement rangées au Capitole (Chapot 1969, 115). Il se peut donc fort que l’inscription fasse allusion à la Minerua capitoline, et constitue une preuve supplémentaire de l’existence d’un Capitolium pour cette cité.
Bibliographie
Arnaldi 2007: A. Arnaldi, «Sacerdozi municipali a Formiae», Formianum, Atti del Convegno di studi sull’antico territorio di Formia (1999), 7, Marina di Minturno, 2007, 81-93
Arnaldi à paraître2: A. Arnaldi, «Il culto imperiale a Formiae», Formianum, Atti del Convegno di Studi sull’antico territorio di Formia (2002), 10, Marina di Minturno, à paraître
Aurigemma 1926: S. Aurigemma, «Formia. Scoperte epigrafiche occasionate dai lavori per il prolungamento di via Vitruvio nel giardino della Signora Chiara Sorreca in Tardone», NSA, 1926, 309-327.
Aurigemma, De Santis 1964: S. Aurigemma, A. De Santis, Gaeta, Formia, Minturno, Rome, 1964 (2e éd).
Babelon 1885-1886: E. Babelon, Monnaies de la République romaine, 2, Paris, 1885-1886, 405.
Cassieri 2001b: N. Cassieri (éd.), Via Vitruvio, una strada lunga duemila anni, Rome, 2001.
De Rossi 1980: G.M. De Rossi, Lazio meridionale. Itinerari archeologici, Rome, 1980.
Di Fazio 2006: M. Di Fazio, Fondi ed il suo territorio in età romana. Profilo di storia economica e sociale, British Archeological Reports. International series, 1481, Oxford, 2006.
Fora 1996: M. Fora, Epigrafia anfiteatrale dell’Occidente romano. IV. Regio Italiae I, Latium, Rome, 1996.
Formia 1977: AA. VV., Formia archeologica. Guida per il turista e lo studioso in cerca di antiche testimonianze, Formies, 1977.
Grueber 1910: H.A. Grueber, Coins of the Roman Republic in the British Museum, Londres, 1910.
Henzen 1873: G. Henzen, «Iscrizioni Formiane», Bulletino dell’Istituto di Corrispondenza Archeologica, 1873, 87-89.
Laaksonen 1996: H. Laaksonen, «Ordo et populus Formianus», in H. Solin (éd.), Studi storico-epigrafici sul Lazio antico, Acta Instituti Romani Finlandiae, 15, Rome, 1996, 129-153.
Mrožek 1987: S. Mrožek, Les Distributions d’argent et de nourriture dans les villes italiennes du Haut-Empire romain, Bruxelles, 1987.
Solin 1996: H. Solin, «Appunti sulla produzione epigrafica di Formiae», Studi storico-epigrafici sul Lazio antico, Acta Instituti Romani Finlandiae, 15, Rome, 1996, 155-186.
Zucca 1998: R. Zucca, «Le basi onorarie di Formiae», Formianum, Atti del Convegno di studi sull’antico territorio di Formia (1996), 4, Marina di Minturno, 1998, 49-56.
Notes de bas de page
1 Aurigemma, De Santis 1964, 30.
2 Formia 1977, introduzione storica ; De Rossi 1980, 150.
3 Cassieri 2001b, 22.
4 Aurigemma 1926, 309-317.
5 Laaksonen 1996, 147.
6 Solin 1996, 173, nt 65.
7 Laaksonen 1996, 143. Contra Di Fazio 2006, 87.
8 Laaksonen 1996, 144.
9 Aurigemma 1926, 316.
10 Mrožek 1987, 25 ; Solin 1996, 173 ; Arnaldi à paraître2.
11 Fora 1996, 69.
12 Aurigemma 1926, 312.
13 Arnaldi 2007, 92 nt 53.
14 Arnaldi 2007, 87.
15 Henzen 1873, 88.
16 Arnaldi 2007, 92 nt 53.
17 Zucca 1998, 53, n. 17.
18 Zucca 1998, 53, n. 17.
19 Babelon 1885-1886, 405 ; Grueber 1910, 311, pl. 38, 1-3.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell'Italia antica (FTD) - 3
Regio IV: Alife, Bojano, Sepino
Stefania Capini, Patrizia Curci et Maria Romana Picuti
2015
Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell'Italia antica (FTD) - 2
Regio I: Avella, Atripalda, Salerno
Teresa Cinquantaquattro et Gabriella Pescatori
2013
Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell'Italia antica (FTD) - 1
Regio I: Alatri, Anagni, Capitulum Hernicum, Ferentino, Veroli
Sandra Gatti et Maria Romana Picuti
2008
Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell'Italia antica (FTD) - 4
Regio I: Fondi, Formia, Minturno, Ponza
Cristina Ferrante, Jean-Claude Lacam et Daniela Quadrino
2016
Les toponymes paléo-babyloniens de la Haute-Mésopotamie
La Haute-Mésopotamie au IIe millénaire av. J.-C. – MTT I/1
Nele Ziegler et Anne-Isabelle Langlois
2017
Toponyme der mittelassyrischen Texte: Der Westen des mittelassyrischen Reiches
Obermesopotamien im 2. Jt. v.Chr. – MTT I/2
Eva Cancik-Kirschbaum et Christian Hess
2017
Les archives de fouilles : modes d’emploi
Sandra Zanella, Jean-Pierre Brun, Martine Denoyelle et al. (dir.)
2017
Le désert oriental d'Égypte durant la période gréco-romaine : bilans archéologiques
Jean-Pierre Brun, Thomas Faucher, Bérangère Redon et al. (dir.)
2018
Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell'Italia antica (FTD) - 5
Regio X: Ljubljana, Vrhnika
Emanuela Murgia
2018
The Eastern Desert of Egypt during the Greco-Roman Period: Archaeological Reports
Jean-Pierre Brun, Thomas Faucher, Bérangère Redon et al. (dir.)
2018
Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell'Italia antica (FTD) - 6
Regio I: Ostie, Porto
Françoise Van Haeperen
2019