Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ?
p. 17-19
Texte intégral
1Sur le coteau appelé Colle delle Monachelle, Case delle Monache, Montevago ou Villa Placitelli qui surplombe la uia Appia à un kilomètre environ du centre historique de Fondi, ont été mis au jour d’importants vestiges qui ont pu être identifiés avec les ruines d’un temple dédié à Isis1, notamment sur la foi d’un témoignage épigraphique dont la nature et la lecture sont controversées. Cette inscription (CIL X, 6280) se trouve sur un long mur dans le lieu-dit Montevago (sur la uia Appia, entre les kms 121, 200 et 121, 350, fig. 6-7). La restitution en est difficile. Certains2 ont lu : V(alerius) Varonianus p(ontifex) I(sidis) f(aciendum) c(urauit) (« Valerius Varonianus, pontife d’Isis, s’occupa de faire [ceci] »). Th. Mommsen propose pour la fin de l’inscription p(rimi)p(ilaris) f c. L. Borsari3 suggère p(ublica) i(mpensa) f(aciendum) c(urauit), hypothèse sans doute la plus crédible. La restitution p(ontifex) I(sidis) paraît d’autant plus douteuse que la charge sacerdotale de pontife d’Isis nous est inconnue. L’authenticité de l’inscription elle-même est par ailleurs discutée : L. Quilici4 la fait remonter seulement au xvie s., par analogie avec une inscription latine de cette époque (citée dans CIL X, 6280) figurant sur une porte aménagée plus loin dans le mur d’enceinte et qui fait référence au même personnage. Il pourrait donc s’agir d’un montage érudit inventant un sanctuaire à Isis. Une autre inscription découverte à proximité, mentionnant la dédicace d’un autel, pourrait, sans certitude, se rattacher à ce supposé sanctuaire. Quoi qu’il en soit, des mains en terre cuite auraient été découvertes sur la Colle delle Monachelle, ce qui semble bien indiquer que nous avons affaire à un lieu de culte.
Fig. 6a

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? « Muro Varroniano » sur la Via Appia porteur de l’inscription CIL X, 6280. Reconstitution (Quilici 2004b, 443, fig. 2).
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Fig. 6b

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? « Muro Varroniano » sur la Via Appia porteur de l’inscription CIL X, 6280. Vues générales (Palmieri 1980, tav. 20).
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Fig. 7


Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? « Muro Varroniano » sur la Via Appia (détails) (Quilici 2004b, 446, fig. 4 et 5).
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Sources épigraphiques
2Quilici, Quilici Gigli 2012b, 274.
G. Sotis aurait découvert en 1878 une inscription gravée sur un cippe dans une petite ferme du lieu-dit Gegni.
M(arcus) Lucceius, M(arci) f(ilius), C(aii) n(epos) II
IIII (seuir) i(ure) d(icundo) signum aram
ex s(enatus) c(onsulto) dedicauit.
« Marcus Lucceius, fils de Marcus, petit-fils de Gaius, sévir pour dire le droit, a dédié cette statue et cet autel en vertu d’un senatus-consulte »
3L. Quilici et S. Quilici Gigli5 relient cette inscription au supposé sanctuaire de Colle delle Monachelle, en raison de la proximité entre cette colline et le lieu de découverte du cippe.
Sources archéologiques
4Le prétendu sanctuaire (fig. 8), qui fut déjà signalé à la fin du xviiie s., occupe une position dominante par rapport à l’Orto del Vescovo. S’installèrent sur son site d’abord un monastère bénédictin qui fut dévasté par les Sarrasins en 1534, puis une villa au début du xxe s.
Fig. 8

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Restes du supposé sanctuaire dans le contexte actuel (Quilici 2004b, 445, fig. 3).
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Structures
5Est visible un imposant soubassement rectangulaire (de 64 m de largeur et dont la profondeur varie entre 67 et 79 m environ, fig. 10), en opus polygonal de calcaire (de la IVe manière), dont la façade est orientée au sud-ouest). Ce soubassement est formé de plusieurs rangées de blocs colossaux (formant des cubes irréguliers de 60 à 65 cm de côté). À l’angle nord, des murs en opus incertum (de 110 cm d’épaisseur) prennent directement appui sur le soubassement. De tels éléments ne peuvent néanmoins être retenus comme la preuve assurée de la présence d’un lieu de culte : ils pourraient tout autant appartenir à une uilla.
Fig. 10

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Soubassement du prétendu sanctuaire (photo. D. Quadrino).
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6Au centre de la zone, subsistent trois absides en demi-cercles en opus incertum, voûtées en cul-de-four (fig. 9 et 11), dont les murs, couverts d’enduits, devaient avoir une épaisseur de 60 cm environ. L’abside centrale, la mieux conservée, s’élève jusqu’à une hauteur de 4 ou 5 m ; elle apparaît un peu plus grande que les autres (son diamètre est de 4,6 m, soit 40 ou 70 cm de plus que les diamètres des deux autres). Ces absides furent intégrées dans le plan du monastère bénédictin et même partiellement englobées dans l’aménagement de la villa moderne. La présence d’une cella à absides voûtées en cul-de-four a été rapprochée par L. Quilici6 de la forme architecturale du temple romain de Venus Genitrix sur le forum de César, consacré en 46 av. J.-C.7, mais dans ce temple l’abside est unique et non pas triple.
Fig. 9

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Plan du sanctuaire (en lignes et points les édifices modernes). (Quilici 2004b, 448, fig. 6).
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Fig. 11

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Absides du prétendu sanctuaire (Quilici 2004b, 454, fig. 13).
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7Des traces de murs font supposer que des bâtiments annexes s’articulaient à l’édifice principal. Par ailleurs, à l’intérieur du terrassement se trouvent quatre citernes dont deux sont encore aujourd’hui accessibles par des puits (fig. 12).
Fig. 12

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Dessin de la première citerne du prétendu sanctuaire (Quilici 2004b, 453, fig. 11).
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8La technique de construction utilisée pour la structure du prétendu sanctuaire permet de proposer une datation de la seconde moitié du iie s. ou de la première moitié du ier s. av. J.C.8. La construction du mur d’enceinte de l’Orto del Vescovo en contrebas (fig. 13) fut probablement postérieure (sans doute à l’époque augustéenne).
Fig. 13

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Mur d’enceinte du prétendu sanctuaire, côté nord-est (Quilici 2004b, 453, fig. 10).
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9Dans le parc de la villa sont disposés divers fragments architecturaux à rattacher sans doute à l’édifice, comme un fragment de colonne de calcaire de 34 cm de diamètre et 1,3 m de hauteur, et trois gouttières de calcaire identiques les unes aux autres.
Décor architectural
10Sont aussi conservés des fragments de plaque rectangulaire en terre cuite (de 27 cm de longueur et 39 cm de hauteur), du type dit Campana, qui figure les quatre Saisons. La plaque représente l’Hiver sous la forme d’un personnage féminin vu de profil (dont la tête a disparu), vêtu d’un chiton, se déplaçant vers la droite. Elle porte dans la main gauche une longue branche de pin qui repose sur son épaule, à laquelle sont suspendus à l’avant deux canards et à l’arrière un lièvre ; de la main droite, elle tient par les pattes postérieures un petit sanglier (fig. 14). La plaque conserve des traces de coloration, rouge en particulier. Les autres fragments dispersés laissent deviner des motifs identiques : on aperçoit en particulier une tête dans laquelle il faut sans doute voir le Printemps. Ces plaques remontent à l’époque augustéenne, elles doivent probablement être mises en relation avec une phase de restauration de l’édifice9.
Fig. 14

Fondi. Colle delle Monachelle. Lieu de culte ? Plaque de type Campana avec représentation des Saisons (Quilici 2004b, 456, fig. 16).
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11F.A. Notarianni et B. Amante et R. Bianchi10 rapportent aussi l’existence de bas-reliefs à têtes de génisse couronnée de fleurs et ornés d’étoiles à six ou douze rayons ; seraient gravés le nom varon sous le museau de la génisse, les lettres v à l’extrémité de la corne droite, t à l’extrémité de la gauche et cv sur le côté gauche. Ces bas-reliefs, selon F.A. Notarianni qui se réclame d’un vers d’Ovide (Ov., Ars 1, 77), pourraient corroborer l’hypothèse selon laquelle le prétendu sanctuaire aurait été consacré à Isis, qui y aurait été honorée sous la forme d’une génisse. Or, il n’existe plus trace de ces bas-reliefs aujourd’hui et le lieu de leur découverte, indiqué de manière très vague par les érudits, n’est pas nécessairement à chercher sur le site. D’autre part, les têtes de génisse constituent un motif très répandu dans cette région11 ; de même, les supposées étoiles pourraient n’être que des fleurs à six ou douze pétales, élément décoratif fréquemment employé dans les frises doriques12 et d’usage courant dans les mausolées.
12Un tel témoignage ne saurait donc sérieusement être pris en compte13, pas plus que ne peuvent l’être les spéculations de F.A. Notarianni14, reprises par M. Forte15, qui voient dans le toponyme de la zone, Gegni, une forme dérivée de iuuenca, et ainsi une preuve supplémentaire de l’attribution du supposé lieu de culte à Isis. L. Quilici a avancé deux autres arguments : d’une part la présence d’une source abondante au pied de la colline qui aurait pu favoriser un culte isiaque dans la mesure où celui-ci est communément associé à l’eau, d’autre part l’existence d’une cella à triple abside, qui pourrait répondre à la nécessité cultuelle d’honorer une divinité associée à deux autres, comme cela pouvait être le cas d’Isis couramment honorée en même temps qu’Horus et Anubis par exemple16. Mais la triple abside pourrait bien être plus tardive et se rapporter au monastère. Précisément, L. Quilici et S. Quilici Gigli17 ont supposé plus récemment que ces absides remonteraient au haut Moyen Âge et ont mis en exergue leur ressemblance avec une église d’inspiration byzantine (l’influence byzantine, rappellent-ils, est du reste bien perceptible dans la zone de Fondi, Itri et Terracine). Par ailleurs, « Gegni » serait une forme vulgaire du véritable toponyme Acqua dell’Ingegno18. L. Quilici souligne la fragilité de l’hypothèse selon laquelle se serait élevé sur la colline un temple à Isis et conclut qu’une identification assurée de la divinité honorée en ces lieux s’avère en définitive impossible et qu’il faut peut-être tenter d’identifier cet édifice avec des lieux de culte qu’attestent les sources littéraires et épigraphiques pour le territoire de Fondi, en particulier le temple de Iuppiter mentionné par Tite-Live (cf. fiche Localisation incertaine (Fondi). Aedes Iouis), quoique L. Quilici reconnaisse que ce sanctuaire devait plutôt posséder une localisation urbaine19.
Mobilier
13G. Conte-Colino20 rapporte les propos du sénateur E. Amante qui possédait une propriété sur la Colle delle Monachelle et qui prétend y avoir découvert deux mains en terre cuite, d’une facture grossière. Ces mains datent sans doute de l’époque médio-républicaine. Elles sont en définitive le seul élément qui permette d’identifier les découvertes archéologiques faites sur la colline avec un lieu de culte21.
Bibliographie
Amante, Bianchi 1903 : B. Amante, R. Bianchi, Memorie storiche e statutarie del ducato, della contea e dell’episcopato di Fondi in Campania dalle origini fino ai tempi più remoti, Rome, 1903.
Coarelli 1994b : F. Coarelli, Guide archéologique de Rome, Paris, 1994.
Conte-Colino 1901 : G. Conte-Colino, Storia di Fondi. Cenni dei paesi formanti il suo ex-stato e delle città limitrofe Enola, Gaeta, Formia e Terracina, Naples, 1901.
Di Fazio 1999 : M. Di Fazio, « Frammento di fregio dorico da Fondi », Latium, 16, 1999, 261-268.
Di Fazio 2003 : M. Di Fazio, « Note di toponomastica fondana », Annali del Lazio meridionale, 3, 1, 2003, 20-25.
Di Fazio 2006 : M. Di Fazio, Fondi ed il suo territorio in età romana. Profilo di storia economica e sociale, British Archeological Reports. International series, 1481, Oxford, 2006.
Forte 1998 : M. Forte, Fondi nei tempi, Fondi, 1998 (2e éd.).
Notarianni 1814 : F.A. Notarianni, Viaggio per l’Ausonia, Giornale enciclopedico di Napoli, 7, 11, Naples, 1814.
Palmieri 1980 : R. Palmieri, « Silloge inedita d’iscrizioni fondane e minturnensi di Francesco Daniele », Miscellanea Greca et Romana, 7, 1980, 385-428.
Quilici 2004b : L. Quilici, « Santuari, ville e mausolei sul percorso della via Appia al valico degli Aurunci », in L. Quilici, S. Quilici Gigli (éd.), Viabilità e insediamenti nell’Italia antica, Atlante tematico di topografia antica, 13, Rome, 2004, 441-543.
Quilici, Quilici Gigli 2012b : L. Quilici, S. Quilici Gigli, « Organizzazione del territorio a Fondi, tra bonifiche e romanizzazione », Atlante tematico di topografia antica, 22, Rome, 2012, 155-310.
Sotis 1838 : G. Sotis, Cenno istorico della città di Fondi, Naples, 1838.
Notes de fin
1 Sotis 1838, 17 ; Conte-Colino 1901, 24 ; Amante, Bianchi 1903, 15-16 ; contra Forte 1998, 114-115 qui y voit les restes d’une uilla.
2 F. Daniele en 1778, in Palmieri 1980, 418 ; Quilici 2004b, 444-445.
3 in Conte-Colino 1901, 47.
4 Quilici 2004b, 446 et nt 19.
5 Quilici, Quilici Gigli 2012b, 301.
6 Quilici 2004b, 456.
7 Coarelli 1994b, 79.
8 Quilici 2004b, 456.
9 Quilici 2004b, 457.
10 Notarianni 1814, 60-62 ; Amante, Bianchi 1903, 16-17, 232.
11 Di Fazio 1999 ; Di Fazio 2006, 57.
12 Di Fazio 2003, 24, nt 15.
13 Di Fazio 2006, 31.
14 Notarianni 1814, 60-62.
15 Forte 1998, 71.
16 Quilici 2004b, 456-457.
17 Quilici, Quilici Gigli 2012b, 271-272.
18 Quilici, Quilici Gigli 2012b, 273.
19 Quilici 2004b, 457.
20 Conte-Colino 1901, 50.
21 Quilici, Quilici Gigli 2012b, 295.
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