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Médecine expérimentale

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Alain Fischer

Introduction

Serge Haroche

Texte intégral

1La médecine a toujours été présente au Collège de France. Pour préparer mon introduction à cette leçon inaugurale, je me suis livré à une recherche historique dans la longue liste de nos professeurs, recherche qui m’a réservé quelques surprises. J’ai d’abord appris que le premier lecteur royal en médecine fut, en 1542, l’Italien Guido Guidi, médecin de François Ier puis du grand duc de Toscane. On voit à l’énoncé de ce premier nom que la mondialisation de la science a été très tôt appliquée par le Collège de France et que la tradition d’y nommer des professeurs étrangers est ancienne, même si elle a connu une éclipse de plusieurs siècles, avant d’avoir été rétablie avec succès il y a une vingtaine d’années.

2Ma deuxième surprise fut de compter soixante-huit noms de médecins entre 1542 et 2014, soit environ 9 % de tous les professeurs qui ont enseigné au Collège royal puis au Collège de France depuis cinq siècles. Cela fait, en moyenne, une nomination de médecin tous les sept ans. Nous sommes loin de respecter cette cadence aujourd’hui, même s’il est vrai que les chaires de biologie sont venues remplacer certaines chaires baptisées simplement « chaires de médecine » dans le passé. Par comparaison, je n’ai compté que quarante-cinq chaires de mathématiques, une discipline pourtant représentée comme la médecine dès les débuts du Collège royal, seulement vingt-six chaires de physique et dix-neuf de chimie, disciplines nées au Collège de France, il est vrai, seulement à la fin du xviiie siècle.

3J’ai également appris qu’il y avait eu des dynasties de lecteurs royaux médecins, à commencer par Martin Akakia II, III et IV qui, de père en fils et d’oncle en neveu, ont occupé des chaires de médecine aux xvie et xviie siècles. L’étrangeté du nom – qui signifie « sans malice » en grec – ainsi que la filiation médicale évoquent irrésistiblement les inénarrables Diafoirus père et fils du Malade imaginaire, et on ne peut qu’espérer pour la réputation de notre institution que ce ne sont pas des lecteurs du Collège royal qui ont inspiré Molière.

4J’ai enfin constaté que, pour être nommé à une chaire de médecine au Collège, il ne nuisait pas, dans les temps anciens, d’être au service du souverain. François Ier, Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII ont fait de leurs médecins des lecteurs royaux. Cette tradition a même survécu à l’Ancien Régime en la personne de Jean-Nicolas Corvisart, que Napoléon tenait en grande estime. Il est vrai que, dans ce dernier cas, on ne peut soupçonner que sa nomination dans notre institution ait été entachée de favoritisme puisque Corvisart, dont les mérites étaient indiscutables, entra au Collège en 1797, avant de devenir le médecin personnel de l’empereur et de Joséphine.

5Quoi qu’il en soit, les choses ont beaucoup changé depuis cette époque lointaine. Les professeurs ne sont plus nommés en fonction de services personnels rendus au chef de l’État ; ils sont choisis par leurs pairs sur leurs qualités de savants et de chercheurs, et c’est bien entendu sur ces critères que nous vous avons élu Alain Fischer pour occuper à partir d’aujourd’hui la chaire de Médecine expérimentale du Collège de France. Ma digression historique ne doit pas laisser penser que vous succédez sur cette chaire à des médecins de cour. La médecine est devenue une véritable science expérimentale au début du xixe siècle et vos prédécesseurs ont été, depuis deux cents ans, de grands pionniers de la physiologie et de la médecine. Il me suffit d’évoquer les noms de Laennec, de François Magendie, de Claude Bernard ou de Charles Nicolle et, plus près de nous, d’Antoine Lacassagne et de Jean Dausset, sans oublier le dernier titulaire de cette chaire, votre prédécesseur direct, notre collègue et administrateur honoraire Pierre Corvol.

6Je ne dirai que quelques mots, Alain Fischer, de vos parcours parallèles dans le monde académique et médical, qui vous inscrivent dans la lignée de ces professeurs prestigieux. Après un internat en pédiatrie, vous avez intégré les équipes d’immunologie et d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants malades, que vous n’avez pas quitté depuis et dont vous avez été le chef de service de 1996 à 2012. Vous avez été nommé en 1988 professeur de médecine à Paris-Descartes et vous avez dirigé de 1991 à 2013 l’unité mixte de l’Inserm « Développement normal et pathologique du système immunitaire ». Vous êtes membre de l’Académie des sciences et de l’Académie de médecine. Vous avez été membre du Comité consultatif d’éthique de 2003 à 2009 et vous dirigez depuis 2011 l’Institut des maladies génétiques Imagine, qui fédère les chercheurs de vingt-et-un laboratoires dans une recherche translationnelle visant à acquérir des connaissances fondamentales en immunologie et en génétique, et à les traduire le plus vite et le plus efficacement possible sur le plan clinique. Vous avez reçu de nombreux prix français et internationaux, dont le Grand Prix de l’Inserm en 2008 et le prix Louis Jantet de Médecine en 2001.

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