Préface
p. 9-20
Texte intégral
1En 2012, j’avais mentionné mon projet de créer un réseau pour rassembler les chercheurs qui, en Europe et plus largement en Méditerranée, s’intéressent à l’histoire des techniques et de l’économie antique, dans le but de confronter les méthodes et les résultats, mais aussi de produire les séries documentaires dont nous avons besoin pour reconstituer les pans de cette histoire disparue1. La publication du présent volume est un aboutissement. Elle est le résultat d’un cycle de conférences qui s’est déroulé au Collège de France dans le courant de l’année 2022-2023 et qui portait sur les recherches en cours, les découvertes archéologiques les plus récentes et les chantiers de fouilles encore ouverts dans le monde méditerranéen romain2, ce qui ne signifie pas que le thème soit épuisé. Tel que je l’avais défini lors de mon enseignement, le projet devait englober l’ensemble des questions qui ont été abordées dans le cadre de ma chaire Techniques et économies de la Méditerranée antique. Il s’agissait de montrer le chemin parcouru et celui qui reste à faire dans la collecte et l’exploitation des données archéologiques, de manière à enrichir les connaissances et la littérature technique sur les innovations industrielles de l’époque romaine, tout en explorant les conséquences que ces connaissances ont eues sur la vie et l’organisation sociale des populations. Les aléas de la vie m’ont empêché de mener à bien la grande synthèse à laquelle j’avais pensé, et à travers cette préface je veux esquisser le trajet suivi au cours de la dernière décennie au Collège de France. Certaines de ces problématiques sont d’ailleurs également abordées par les différents contributeurs de ce volume.
2L’exploration de l’histoire humaine est un processus continu dans lequel, tout au long de ma carrière, j’ai tenté d’insérer les données que fournissent les recherches archéologiques. J’ai exposé les raisons pour lesquelles l’archéologie, qui tente depuis plus d’un siècle de se constituer en science avec ses protocoles d’observation, a le pouvoir de bouleverser la donne. Les recherches que j’ai menées sur un certain nombre de thèmes avaient pour but de contribuer à répondre aux questions fondamentales que suscitent l’essor et le déclin de l’Empire romain. Ceci à travers l’étude des techniques que je me suis toujours efforcé de mener en tenant compte de l’évolution économique et démographique de la Méditerranée dans l’Antiquité.
L’archéologie de l’énergie
3Faute de sources, les modèles proposés pour l’économie antique n’ont que marginalement abordé la question de l’énergie dont nous savons qu’elle est fondamentale pour toute civilisation. Elle est devenue cruciale dès les âges des métaux et encore plus durant l’Antiquité classique, lorsque les échanges se sont multipliés et que les techniques se sont complexifiées. Les recherches sur la production et l’usage de l’énergie ont longtemps été négligées parce que, pour l’histoire ancienne, ce sont les documents subsistants qui balisent les champs d’études ; les problématiques ne peuvent évoluer qu’à travers l’interrogation sans cesse reprise des mêmes documents sous différents angles. L’abondance des inscriptions et des textes a ainsi permis un développement notable et une sophistication des études portant sur les religions antiques ou les carrières administratives, mais nous n’avons rien de tel pour l’énergie. Ne disposant que d’un petit nombre de sources littéraires, au demeurant souvent obscures, et non d’archives comptables, de statistiques ou de notices techniques, nous sommes dépourvus d’instruments permettant de cerner les applications des diverses énergies et leurs modes d’utilisation, mais aussi d’en mesurer l’impact. L’état de la documentation archéologique introduit également des déséquilibres considérables3. Un apport récent a ainsi permis un réexamen très fécond de l’usage qui a été fait de l’énergie hydraulique, alors qu’il est beaucoup plus difficile d’appréhender les types d’exploitation qui ont été appliqués aux autres sources d’énergie. Pour aborder ce domaine et en répertorier les lacunes, il faut recenser tous les types d’énergie mobilisés par les anciens. Et pour ce faire, il faut continuer à enrichir la collecte des échantillons scientifiques, accroître le nombre de spécialistes en anthracologie et améliorer le partage des bases de données. Il faut surtout mettre l’accent sur l’importance qu’il y a à étudier, sous tous ses aspects, cet outil fondamental que fut l’énergie pour la civilisation antique.
Recherches sur la production de parfums
4L’étude de l’artisanat des parfums dans l’Antiquité, un secteur important de la vie économique, générateur d’un commerce de luxe dès l’époque archaïque, est largement redevable à la découverte et aux fouilles qui ont été faites de plusieurs ateliers de parfumeurs en Grèce et en Italie (Délos, Paestum, Pompéi4). L’expérience que j’ai retirée de ces recherches m’a permis de réfuter certaines interprétations qui voyaient, parfois à tort, des parfumeries dans telle ou telle installation. Nous avons ainsi pu retracer les grandes lignes qui accompagnent l’évolution des parfums antiques, faire une étude systématique de leurs usages et passer en revue l’ensemble de la documentation concernant les ateliers de parfumeurs, de l’âge du Bronze à l’Antiquité tardive, tout en utilisant de nouvelles analyses archéométriques pour reconstituer les processus de production. Les deux premiers siècles de l’Empire romain marquent l’apogée de l’utilisation massive des parfums : la fréquentation plus importante des thermes et la hausse moyenne du niveau de vie, que les archéologues et certains historiens s’accordent à reconnaître pour cette période, ont provoqué une large diffusion de l’usage des parfums et des cosmétiques, usage reflété par le dépôt d’un ou de plusieurs vases à parfum dans quasiment toutes les tombes féminines. Il y a ensuite une régression dans le courant du iie siècle, et nous constatons, par exemple, que la ville de Délos, enrichie grâce à la production de parfums, est progressivement abandonnée, avec le départ de la clientèle aisée et cosmopolite, en même temps que l’industrie du parfum disparaît. Par la suite, l’appauvrissement des classes inférieures et moyennes de la population de l’Empire romain a précipité l’abandon de leur usage en Occident au cours de l’Antiquité tardive.
Le commerce entre l’Empire romain, l’Arabie et l’Inde à la lumière des fouilles archéologiques dans le désert Oriental d’Égypte et l’exploitation des ressources naturelles
5Le commerce que l’Empire romain a entretenu avec l’Arabie et l’Inde dans le désert Oriental d’Égypte a été éclairé par les informations issues des riches données archéologiques qu’ont fournies certaines fouilles étrangères. La raison d’être de l’établissement des routes militaires et commerciales à travers le désert ainsi que la chronologie de leur aménagement progressif sont les éléments clés de cette recherche. Il apparaît ainsi que ces routes ont été tour à tour militaires – notamment celle de Bérénice à Edfou, établie pour convoyer des éléphants de guerre sous les premiers Ptolémées – et commerciales. C’est par elles qu’a transité, au gré des fluctuations politiques, une part grandissante des marchandises qui étaient importées, de l’océan Indien principalement, contre de l’or et de l’argent monnayés. D’Arabie, de la Corne de l’Afrique, d’Inde et de Ceylan affluaient certaines des matières premières de la parfumerie, notamment des résines odorantes, ainsi que des épices, surtout le poivre de Malabar. Les voies de commerce ouvertes par ces épices ont ensuite été empruntées par bien d’autres marchandises – étoffes, ivoire, écailles de tortues, etc. – dont le texte connu sous le nom de Périple de la mer Érythrée fournit, pour le milieu du ier siècle de notre ère, des listes détaillées en mentionnant les transactions qui étaient réalisées dans les différents ports de l’océan Indien et de la mer Rouge. L’administration romaine se voit ainsi contrainte d’équiper complètement les routes caravanières reliant Coptos aux ports de la mer Rouge lorsque le trafic commercial vers l’Arabie et l’Inde se fait de plus en plus intense à partir du règne d’Auguste. Les résultats des fouilles menées dans onze forts permettent désormais de retracer l’évolution du contrôle exercé sur les pistes et le commerce oriental à partir de l’époque de Strabon, témoin de l’essor du commerce vers l’Inde qui se développera très largement ensuite5. Par ailleurs, la chronologie de la fin de l’occupation militaire romaine du désert Oriental a pu être établie grâce aux résultats des fouilles réalisées dans des fortins et des ports de la rive égyptienne de la mer Rouge.
6Les recherches archéologiques récemment conduites dans le désert Oriental d’Égypte permettent de comprendre ce qu’a été la période du début de l’Empire au regard de l’exploitation des ressources naturelles, grâce notamment aux travaux réalisés sur les mines et les carrières, et en particulier les carrières impériales de porphyre et de granite. En combinant l’ensemble des données historiques, papyrologiques et archéologiques, nous pouvons désormais brosser un tableau d’ensemble de l’exploitation du désert Oriental telle qu’elle a été menée de la conquête macédonienne à la conquête arabe. L’archéologie des ports de la mer Rouge et des forts établis dans le désert par les armées ptolémaïque et romaine montre que les infrastructures nécessitées par les impératifs stratégiques et utilisées par le commerce érythréen ont connu plusieurs phases au cours desquelles les préoccupations étatiques et militaires ont interagi avec l’exploitation des ressources et les intérêts commerciaux. L’histoire de l’exploitation du désert Oriental et du commerce érythréen a ainsi été le baromètre de la puissance des Ptolémées, puis des empereurs romains. Lorsque le pouvoir était fort, son action était clairement visible sur le terrain : extraction de l’or, des gemmes, du granite et du porphyre, création de routes et de ports, établissement et approvisionnement de détachements militaires. Lorsque la puissance impériale faiblit, toutes ces infrastructures coûteuses furent progressivement abandonnées, d’abord les plus lourdes comme les carrières et les forteresses le long des voies caravanières, puis les ports qui vécurent un certain temps sur leur lancée avant que l’affaiblissement inexorable de la demande et l’accroissement de l’insécurité n’aient condamné définitivement leur activité commerciale.
L’artisanat urbain à l’époque romaine impériale à Pompéi
7Parmi les débats qui agitent l’histoire ancienne, celui qui touche à l’évaluation de la performance économique des villes reste l’un des plus vifs. La ville antique était-elle seulement ou principalement le lieu où les riches propriétaires fonciers venaient dépenser la rente foncière ? Ou bien existait-il des villes productrices et exportatrices de leurs produits ? Si oui, quels étaient ces produits et comment séparer ceux qui étaient destinés à la consommation locale de ceux qui étaient éventuellement exportés ? L’archéologie permet de répondre partiellement à cette question lorsque les villes sont assez bien connues. Pompéi est, de ce point de vue, tout à fait emblématique et a été choisie comme sujet d’étude pour deux raisons. D’une part, cette ville ensevelie par le Vésuve en 79 de notre ère devrait donner l’image de l’activité économique qui pouvait être celle d’une ville moyenne d’Italie à l’époque de la prospérité économique qui caractérise la seconde moitié du ier siècle. D’autre part, le bon état de conservation des vestiges permet d’étudier de nombreux types d’artisanat et de définir des modèles interprétatifs susceptibles d’être employés ailleurs. Les fouilles ont principalement porté sur la ville intra-muros car nous connaissons très mal sa périphérie, à l’exception du faubourg situé à l’est de la porte d’Herculanum. Or l’expansion économique du ier siècle a entraîné une relocalisation hors de la ville des artisans les plus importants et les plus polluants, notamment les potiers et les métallurgistes. Cette expansion hors les murs échappe donc en grande partie à l’interprétation archéologique. Les travaux réalisés à partir de 2000 par le Centre Jean Bérard de Naples ont contribué à préciser l’organisation et la chronologie de plusieurs filières artisanales qui vont du textile à l’alimentaire en passant par la fabrication des parfums et le tannage des peaux6. L’activité économique de la ville se laisse ainsi diviser en quatre grandes catégories qui relèvent toutes peu ou prou de l’artisanat : l’artisanat des matières primaires, l’artisanat du bâtiment et assimilé, l’artisanat alimentaire qui transforme les produits agricoles en nourriture directement consommable, les services.
8La Pompéi de 79 montre plusieurs évolutions significatives. Les artisanats du textile, du cuir et des salaisons commencent à dépasser les besoins de la ville consommatrice, alors que d’autres, comme la poterie ou la métallurgie, restent liés à la clientèle urbaine ou rurale, sans parler des artisanats par nature destinés à fournir les besoins locaux comme la restauration ou la maçonnerie. Des innovations techniques comme celle de la vis se répandent et le travail en ateliers spécialisés accroît les capacités productrices et la qualité des artefacts fabriqués. Les évolutions politiques et économiques provoquent par ailleurs une progressive relocalisation des artisanats et de commerces jusqu’alors dispersés dans la ville. Les artisans et marchands de luxe restent groupés près du forum, tandis que les artisanats alimentaires et de service vont s’établir le long des axes principaux qui mènent aux portes. Les artisans spécialisés dans le cuir, les métaux et la poterie avaient déjà en partie migré vers les portes, et même au-delà, car ils avaient besoin d’un espace que seule la périphérie moins densément peuplée pouvait leur offrir à un prix acceptable. Les investissements réalisés par la classe supérieure détentrice des capitaux ne concernent plus seulement les domaines agricoles et les productions rentables comme le vin, mais aussi des filières artisanales telles que le textile et le cuir, des artisanats alimentaires ou des services comme les fouleries ou les établissements de prostitution. Les intermédiaires, les hommes de l’art, sont principalement des esclaves et des affranchis. La montée en puissance des affranchis qui s’intègrent quelquefois à la classe supérieure à travers l’admission de leurs enfants à la curie est l’un des signes évidents de l’essor économique que connaît la ville au moment de l’éruption du Vésuve.
L’olivier et l’huile, la vigne et le vin
9Les olives et l’huile d’olive sont parmi les principaux produits agricoles de l’Antiquité avec les céréales, les légumineuses, le vin et les produits de l’élevage. L’utilisation des olives et la domestication de l’olivier remontent au moins au Néolithique. Au fil du temps, ces produits ont été l’objet de productions domestiques, palatiales ou artisanales, de trafics commerciaux, de prélèvements de tribut et de distributions publiques. Les fluctuations des usages en fonction des cultures et le développement de l’oléiculture s’inscrivent dans la longue durée historique et traversent de ce fait les aléas de l’histoire économique et politique. Les origines de la domestication de l’arbre et la diffusion des variétés ont été étudiées à partir des études génétiques et archéobotaniques, rendues possibles par le ramassage systématique de noyaux et de charbons de bois effectué dans les sédiments archéologiques. Dans un second temps, l’archéologie a permis de mettre en évidence les diverses phases du traitement des olives dont les paramètres botaniques imposent des étapes qui, jusqu’à la technologie moderne, ont peu varié.
10Concernant la commercialisation, à partir de l’époque d’Auguste, la multiplication des échanges entre les provinces entraîne une diffusion relativement rapide de certaines améliorations techniques, telles que les moulins rotatifs ou les pressoirs à vis. Cependant, des techniques ancestrales se maintiennent dans nombre de régions, notamment dans les petites exploitations, mais aussi, de façon plus surprenante, dans les grandes installations. Nous constatons donc qu’à l’époque impériale l’adoption des inventions et des améliorations intervient en fonction des particularités climatiques, des matériaux disponibles et des traditions éprouvées, elles-mêmes sanctionnées par des succès commerciaux7.
11Pour ce qui est de la production de vin, j’ai formulé l’idée, en 1986, dans mon livre L’Oléiculture antique en Provence. Les huileries du département du Var8, que les pressoirs romains trouvés en Provence étaient principalement des pressoirs à huile. Nous pensions effectivement que les viticulteurs de la région, contrairement à ceux qui géraient de grands domaines, écrasaient leurs raisins sans utiliser de pressoir. Depuis, de nombreux pressoirs ont néanmoins été découverts ou réinterprétés et il est désormais tout à fait clair que même les petits vignerons des villages romains pressaient leur propre marc. De fait, au fil des années, il est progressivement apparu que la plupart des villae fouillées étaient équipées de pressoirs à la fois pour le vin et pour l’huile, et que la production était répartie assez équitablement entre les deux. Ce processus de révision se poursuit et, dans la Narbonnaise notamment, un certain nombre de sites de production agricole, autrefois associés à la production d’huile d’olive, sont aujourd’hui plutôt identifiés comme des installations de production de vin. Deux développements ont particulièrement encouragé notre réexamen de nombreuses données. Tout d’abord, nous avons désormais une idée plus claire du type d’équipement nécessaire à la production d’huile d’olive et de vin. D’autre part, les analyses scientifiques ont mis en avant la complexité de réseaux commerciaux qui nécessitaient des modèles plus flexibles. En somme, les nouvelles recherches, appuyées par l’archéologie, offrent une vision plus équilibrée de la production de vin et d’huile, et contribuent à l’histoire des grandes régions rurales ainsi qu’à la compréhension des effets qu’ont pu avoir les différents types de production agricole sur l’économie romaine9.
*
12Ces thèmes de recherche ont démontré la pertinence et l’importance de l’archéologie pour suivre les trajectoires historiques et appréhender la nature de l’économie romaine. Le Collège de France m’a offert une position privilégiée qui m’a permis de me consacrer entièrement à cette recherche, de m’associer à des collègues et de partager des approches et des théories d’interprétation. À travers l’enseignement, les conférences, les publications, il m’a été possible de présenter une image plus claire de la vaste et complexe machine qui dirigeait l’économie romaine, ses réseaux, sa technologie et sa force.
13Deux ou trois siècles d’analyses ont épuisé les possibilités d’exploration de la littérature antique. En revanche, l’archéologie reste une source d’une richesse exponentielle, avec de nouveaux questionnements et des méthodes précises, qui permet de pénétrer dans les ateliers et les manufactures, dans les mines et les carrières, dans les exploitations agricoles. Elle contribue de bien des manières à fournir une approche vivante et tangible de l’histoire humaine. Progresser dans l’histoire économique de l’Antiquité nécessite d’établir des faits, de créer des archives, non pas à partir des données qui sont sur le papier, mais à partir de celles qui sont inscrites dans la terre10. Cependant, si les sites archéologiques sont menacés par un développement urbanistique rapide, empiétant sans fin sur les vestiges anciens, ils pâtissent aussi et surtout d’un manque de financements pour les projets de recherche et l’exploitation des données apportées par les fouilles programmées et préventives. Il est temps, aujourd’hui, d’informer le grand public que nous devons soutenir cette discipline afin de permettre aux chercheurs de continuer à contribuer à la connaissance de notre riche patrimoine culturel, technique et économique. Sans compter que l’archéologie est tout à fait contemporaine en ce sens que nous posons à notre passé les questions qui intéressent notre présent.
14L’histoire racontée dans ce livre et tout au long de ma carrière de chercheur est celle de la puissance économique et productive de l’Empire romain et de la façon dont celui-ci est parvenu à réunir tant de cultures à travers la Méditerranée, à travers l’échange de biens, de technologies et d’idées. Les techniques et innovations industrielles de l’époque romaine ont notamment eu des conséquences sur la vie et l’organisation sociale des populations. Dans ces domaines, la recherche archéologique a largement contribué à renouveler les problématiques et a fait surgir de nombreux programmes de recherches emmenés par des chercheurs sur tout le pourtour méditerranéen. J’ai la profonde conviction que l’archéologie, par la masse de données scientifiquement établies qu’elle apporte, peut nous aider à tirer quelques leçons d’une meilleure connaissance des systèmes économiques et techniques, mais aussi des conditions de l’effondrement de la civilisation antique, y compris, et peut-être surtout, pour nourrir nos interrogations les plus actuelles.
15En donnant la parole à une équipe d’archéologues spécialistes du monde romain provenant de différents domaines, ce livre, avec les conférences dont il est le fruit, se penche sur les modèles issus de mes propres recherches et de celles de mes collègues, et questionne nos méthodes et nos résultats. Comme je le dis depuis longtemps, nous ne devons jamais cesser, en tant que chercheurs, de remettre en question et d’interroger nos propres études et opinions au fur et à mesure que de nouvelles théories et de nouvelles données sont mises au jour. C’est à ce prix que nous pourrons continuer à améliorer notre connaissance du passé.
16Mes remerciements les plus sincères vont à Despina Chatzivasiliou pour le travail précieux qu’elle a accompli dans la réalisation de ce livre et pour l’aide qu’elle m’a apportée au cours des dernières années. Je remercie également mon épouse, Victoria Leitch, pour son soutien inconditionnel et sa présence généreuse.
Notes de bas de page
1J.-P. Brun, Techniques et économies de la Méditerranée antique, Paris, Collège de France/Fayard, coll. « Leçons inaugurales du Collège de France », 2012, p. 59 ; édition numérique : Collège de France, 2013, https://doi.org/10.4000/books.cdf.1288.
2Programme en ligne à cette adresse : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/techniques-economies-et-commerce-de-la-mediterranee-antique-aux-limites-de-archeologie.
3Pour un résumé de la question, cf. J.-P. Brun, « Les moulins hydrauliques dans l’Antiquité », in L. Jaccottey et G. Rollier (dir.), Archéologie des moulins hydrauliques, à traction animale et à vent des origines à l’époque médiévale et moderne en Europe et dans le monde méditerranéen, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2016, t. I, p. 21-50.
4Cf. J.-P. Brun, « Une parfumerie romaine sur le forum de Paestum », Mélanges de l’École française de Rome, vol. 110, no 1, 1998, p. 419-472 ; id., « Laudatissimum fuit antiquitus in Delo insula. La maison IB du Quartier du Stade et la production des parfums à Délos », Bulletin de correspondance hellénique, vol. 123, no 1, 1999, p. 87-155 ; id., « The production of perfumes in Antiquity: The cases of Delos and Paestum », American Journal of Archaeology, vol. 104, no 2, 2000, p. 277-308, https://doi.org/10.2307/507452 ; J.-P. Brun et N. Monteix, « Les parfumeries en Campanie antique », in J.-P. Brun (dir.), Artisanats antiques d’Italie et de Gaule. Mélanges offerts à Maria Francesca Buonaiuto, Naples, Publications du Centre Jean Bérard, 2009, p. 115-133, https://doi.org/10.4000/books.pcjb.4236 ; J.-P. Brun et X. Fernandez, Parfums antiques. De l’archéologue au chimiste, Grasse/Milan, Musée international de la parfumerie/Silvana, 2015.
5Cf. J.-P. Brun, T. Faucher et al. (dir.), Le Désert Oriental d’Égypte durant la période gréco-romaine : bilans archéologiques. The Eastern Desert of Egypt during the Greco-Roman Period: Archaeological Reports, Paris, Collège de France, 2018, https://doi.org/10.4000/books.cdf.4932 et https://doi.org/10.4000/books.cdf.5230 ; H. Cuvigny (dir.), Didymoi. Une garnison romaine dans le désert Oriental d’Égypte, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 2012.
6Cf. P. Borgard, J.-P. Brun et al., « Recherches sur les productions artisanales à Pompéi et Herculanum », in P.G. Guzzo et M.P. Guidobaldi (dir.), Nuove ricerche archeologiche a Pompei ed Ercolano, Naples, Electa, 2005, p. 295-317.
7L’ensemble de ces données a été traité dans trois volumes : J.-P. Brun, Archéologie du vin et de l’huile dans l’Empire romain, Paris, Errance, 2004 ; id., Archéologie du vin et de l’huile. De la préhistoire à l’époque hellénistique, Paris, Errance, 2004 ; id., Archéologie du vin et de l’huile en Gaule romaine, Paris, Errance, 2005. Depuis, de nombreuses publications sont venues compléter le tableau en ajoutant des informations et en corrigeant certaines interprétations qui évoluent sans cesse.
8J.-P. Brun, L’Oléiculture antique en Provence. Les huileries du département du Var, Paris, Éditions du CNRS, 1986.
9Cf. J.-P. Brun et D. Chatzivasiliou, « Wine and oil production in the VAR region, 50 years on », in D. Van Limbergen, E. Dodd et M. Busana (dir.), Vine-growing and Winemaking in the Roman World, Louvain, Peeters Publishers, à paraître.
10C’est dans ce sens que sont également favorablement accueillis les travaux de J. Zurbach (dir.), La Main-d’œuvre agricole en Méditerranée archaïque. Statuts et dynamiques économiques, Bordeaux/Athènes, Ausonius/École française d’Athènes, 2015, et de F. Lerouxel et J. Zurbach (dir.), Le Changement dans les économies antiques, Bordeaux, Ausonius, 2020.
Auteur
Professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire Techniques et économies de la Méditerranée antique

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