Le double horizon d’attente de Charles Gide vis-à-vis de Marx : « Voilà ce que devient une doctrine scientifique, même de belle envergure, comme la doctrine marxiste, quand elle veut politiquailler »
Texte intégral
119 décembre 1920. Maurice Croiset, administrateur du Collège de France, s’adresse à l’assemblée des professeurs :
[Il] communique à l’Assemblée une lettre par laquelle M. le Ministre [l’] invite à se prononcer sur le choix du titulaire de la chaire créée par décret du 3 Xbre 1920 pour l’enseignement de la coopération. Il fait connaître le désir exprimé par les fondateurs de voir confier cet enseignement à M. Charles Gide, professeur à la Faculté de droit de Paris. Il informe en même temps l’Assemblée qu’un sentiment contraire à cette candidature […] a été manifesté par quelques-uns des professeurs du Collège en raison de la publication récente d’une lettre émanant d’un comité dont M. Gide fait partie. […] Après un échange d’observations, l’Assemblée décide qu’en réponse à la demande de M. le Ministre, elle […] déclare que M. Gide, par la valeur de ses enseignements et de ses travaux, ainsi que par sa compétence dans les questions relatives à la coopération lui paraît effectivement pouvoir être recommandé au choix de M. le Ministre mais croit cependant devoir lui signaler le fait que plusieurs de ses membres ont protesté contre la nomination éventuelle de M. Gide en se fondant sur la part qu’il aurait prise à la rédaction d’une lettre rendue publique (Journal L’Humanité, no du 12 Xbre 1920)1.
2Un an auparavant, en octobre 1919, le VIe congrès de la Fédération nationale des coopératives de consommation décidait de créer et doter une chaire pour l’enseignement et la coopération au Collège de France2 – et proposait de la confier à Charles Gide. Le 13 juin 1920, l’assemblée des professeurs votait la création de cette chaire3 – et la campagne contre l’élection de Gide commençait, notamment relayée dans les colonnes du Figaro, où, le 5 octobre 1920, dans un article publié en une, Louis Aubert dénonçait par exemple, « ce qu’on peut appeler [le] défaitisme financier » d’un mémoire rédigé par Gide et, confondant Sorbonne et Collège de France, évoquait « combien il est douloureux de lire ces lignes démoralisantes sous la plume d’un homme dont il avait été question pour professer à la Sorbonne4 ! »
3Le décret de titularisation de Charles Gide est finalement publié le 29 avril 19215 et, le 1er décembre, il prononce sa leçon inaugurale6, présenté par Célestin Bouglé. Ce dernier, professeur de philosophie sociale à la Sorbonne, vice-président de la Ligue des droits de l’homme, signataire en 1921 du « Manifeste des universitaires en faveur de la coopération », s’était élevé contre la campagne d’attaques déchaînée à l’occasion de l’élection de Gide au Collège de France. Ouvrant la séance de cette première leçon, il souligne en ces termes la différence qui sépare Gide des économistes libéraux qui l’avaient précédé au Collège : « vous avez […] transfiguré cette science économique à laquelle vous étiez voué. D’une science sans entrailles, sèche, froide, vous avez fait une science qui ne sait pas demeurer insensible aux peines, aux injustices, aux misères dont elle dresse le bilan. Vous avez ainsi humanisé l’économie politique7. »
4Au cours du banquet organisé par les sociétés de coopération pour fêter cette première conférence, Gide évoque la cabale dont il a fait l’objet.
Je comprends bien que si votre manifestation de ce soir a pris des proportions exagérées, c’est parce qu’elle représente le dédommagement et, si je puis dire, la capitalisation d’une longue attente. Trois ans se sont écoulés depuis que le Congrès de nos Sociétés a voté la création de ce cours ! […] Peut-être le Gouvernement se réservait-il enfin de me décerner la suprême récompense qu’il a conférée au Général Galliéni, celle d’une nomination posthume8. Je ne lui en veux pas de cette intention ni moins encore de s’être trompé dans ses prévisions9.
Les « inventions de Karl Marx ! » : la réception paradoxale du Livre I du Capital par les économistes français
« À l’École normale, les maîtres futurs de notre jeunesse se disent entre eux : “As-tu lu Marx ?” comme Lafontaine disait : “Avez-vous lu Baruch10 ?” »
5Charles Gide a été, en France, le premier économiste à analyser de manière approfondie les thèses de Marx. Traduit en français par Joseph Roy, relu par Marx, et publié sous forme de fascicules par l’éditeur Maurice Lachâtre entre 1872 et 1875, le Livre I du Capital connaît une réception qui peut étonner. Un premier compte-rendu de sa version allemande, signé du philosophe Eugène de Roberty, paraît dans les colonnes de la revue d’Émile Littré et Grégoire Wyrouboff, La Philosophie positive11. Il revient ensuite à deux économistes proches des très libérales éditions Guillaumin d’en commenter le contenu : Maurice Block, dans un long article du Journal des économistes paru peu avant la publication de la traduction de Roy12 et Émile de Laveleye dans la Revue des Deux Mondes13.
6Block avait croisé Marx à Paris en 1844, dans la mouvance du groupe des Annales franco-allemandes14. Il dit en avoir gardé « le souvenir d’un homme aussi instruit qu’agréable15 », « qui est incontestablement chef d’école16 » des théoriciens du socialisme en Allemagne. En outre, à propos du Capital, il affirme que,
malgré l’erreur sur laquelle sa doctrine est basée, malgré la haine de la bourgeoisie que respire cet ouvrage et qu’on rencontre presque à chaque ligne, et même entre les lignes, c’est un remarquable travail. Par cet ouvrage, M. Marx se classe parmi les esprits analytiques les plus éminents et nous n’avons qu’un regret c’est qu’il ait suivi une fausse direction17. »
7Tout aussi critique que Block18, Émile de Laveleye porte lui aussi un regard admiratif sur Marx, « le plus instruit des socialistes allemands19 », « l’écrivain socialiste le plus influent de l’Allemagne20 » et écrit de « Das Kapital » qu’alors qu’il est « considéré, même par ses adversaires, comme un livre original et remarquable », son style et sa rhétorique en font « un vrai casse-tête », « exemple frappant de l’abus de la méthode déductive » :
Ce n’est certes pas à cet ouvrage que Marx doit son influence, car il n’est pas fait pour être lu par le peuple. Il est aussi abstrait qu’un traité de mathématiques, et il est d’une lecture bien plus fatigante. C’est un vrai casse-tête, parce qu’il se sert de termes pris dans un sens particulier, et qu’il construit, de déduction en déduction, tout un système basé sur des définitions et des hypothèses. Il faut une tension constante de l’esprit pour suivre des raisonnements où les mots sont toujours détournés de leur signification habituelle21.
8Les autres mentions de cette première traduction sont plus éparses. Paul Cauwès l’évoque brièvement dans son Précis du cours d’économie politique22. Alfred Jourdan raille, dans Épargne et capital, « les inventions de Karl Marx ! Quelques postulats comme ils disent là-bas23 ». Et Paul Leroy-Beaulieu consacre le troisième cours annuel qu’il prononce au Collège de France aux « écoles anti-économiques24 », pour se livrer à une critique sévère des « doctrines uniquement négatives de Lassalle et de Karl Marx sur la constitution de la société économique contemporaine, dite “capitalistique25”. » Ce ton hautement polémique ouvre aussitôt un débat dans le Journal des économistes : inauguré par une réponse de Paul Lafargue aux attaques de Leroy-Beaulieu26, il rebondit avec les articles de Maurice Block, d’Achille Loria, de Charles Gide27, à nouveau de Paul Lafargue et de Maurice Block, puis d’Hyppolite Dabos28.
9Au-delà de ces premiers échanges, le débat académique français a ignoré les théories de Marx, qui n’ont été discutées ni sous la plume des libéraux ni sous celle des proudhoniens ou des guesdistes, encore sous le coup de la répression de la Commune de Paris29. Plus de deux décennies après la traduction de Roy, Charles Gide a ainsi été le premier à proposer une présentation analytique serrée des thèses du Capital.
Un double « horizon d’attente »
10Professeur d’économie politique dans les facultés de droit de Bordeaux, de Montpellier, de Nîmes, puis de Paris, principal théoricien français de l’économie sociale et de la coopération30, opposant résolu aux conceptions de l’école libérale française31, Gide lit Marx dès la parution de la traduction française du Livre I32, mais attend les années 1890 pour écrire sur ses thèses économiques : dans deux longs articles de la Revue du christianisme social33 ; plus brièvement dans ses Principes d’économie politique34 ; dans le chapitre qu’il rédige sur Marx dans l’Histoire des doctrines économiques depuis les physiocrates jusqu’à nos jours, écrit en collaboration avec Charles Rist35 ; au gré de nombreuses interventions sur la coopération ou encore dans ses cours du Collège de France.
11Conformément à la grille de lecture qu’il revendique dans l’Histoire des doctrines économiques, Gide propose une double lecture du Capital : une lecture sur le plan des « théories » (et donc de la science) et une lecture en termes de « doctrines36 ». Janus bifrons : d’un côté, les textes académiques, qui restituent la rigueur logique du Livre I, de l’autre, les textes du citoyen engagé dans le mouvement coopératif et le solidarisme, proche des socialistes français prémarxistes, farouchement opposé, pour des raisons tout à la fois philosophiques, morales et politiques, au « socialisme scientifique ».
12Ce double regard oblige « à déplacer le point d’application de l’attention historienne », comme l’écrit Jean Starobinski37, et à analyser ces deux postures – ces deux personæ dramatis38 – comme incarnant ce que l’école de Constance nomme deux « horizons d’attente39 », ici articulés en synchronie plutôt qu’en diachronie, comme chez Hans-Robert Jauss40.
Horizon d’attente I : une lecture analytique du Capital. « Un greffon enté sur l’arbre classique »
13Contrairement aux critiques doctrinales des économistes libéraux, Gide considère le Capital comme « l’un des [livres les] plus importants de ce siècle41 » : une sorte de livre sacré, dont chaque parole est pesée et un « livre monumental […] tout comme la Bible, le Coran ou les Pandectes […] certainement, dans toute la littérature du xixe siècle, [le livre] dont l’influence a été la plus profonde et la plus universelle42 », un ouvrage qui « donn[e] une impression de grande puissance tant par la vigueur du raisonnement que par une merveilleuse richesse des faits historiques presque toujours saisissants, et si son style d’une âpre ironie tombe parfois dans le mauvais goût, souvent aussi il emporte le morceau43. »
14La présentation donnée dans la Revue du christianisme social44 – que Gide reprend quelques années plus tard dans l’Histoire des doctrines économiques – suit les grandes séquences du Livre I : les théories de la marchandise, de la circulation, de la force de travail, de la valeur, du « mystère de la production capitaliste dévoilé45 ! » – du « sur-travail », de la plus-value et du capital –, présentées avec une précision analytique qui contraste avec les discussions antérieures proposées par les libéraux. Vient ensuite un exposé des doctrines, suivi des critiques portées à l’œuvre analytique de Marx : sur la valeur-travail, sur la plus-value, ou encore, articulé au deuxième horizon d’attente, sur les fondements philosophiques du matérialisme historique.
15Dans la dernière conférence publique qu’il ait donnée, Gide revient sur sa toute première lecture du Capital, cinquante ans plus tôt. Le compte-rendu particulièrement ampoulé qu’en donne un auditeur à la revue L’Arc-en-ciel en résume les grandes lignes :
[S] emblable au dragon dont parle l’Apocalypse et qui entraîna le tiers des étoiles du ciel, Marx était alors en pleine faveur. Son livre, traduit en 1872, devenait le livre de la classe ouvrière. Charles Gide l’étudie ; mais quelques-unes de ses thèses fondamentales le heurtent. Il n’est pas vrai que toute valeur est du travail incorporé ; l’immense richesse du monde est fille de l’Idée, seule créatrice – aussi mobile qu’un vol de papillons. Il n’est pas vrai non plus que la misère du peuple aille en croissant ; bien au contraire, il y a une longue ascension46.
16Ce sont là deux critiques majeures que Gide adresse souvent à Marx. Sur « l’abstruse argumentation qui remplit les gros volumes du Capital47 » de la théorie de la valeur-travail, dont il rejette le « matérialisme » – hérité, écrit-il, des économistes classiques48 – et se dit plus convaincu par la thèse marginaliste d’une analyse de la valeur en termes d’utilité et de rareté49 :
Le travail participe nécessairement à la matérialité des choses contre lesquelles il lutte ; le travail c’est l’effort, l’effort du poids à soulever, de la distance à franchir, de la durée qui l’accable. Quelle différence avec le désir ! Celui-ci ne connaît pas les limites de l’espace ni du temps : le désir a des ailes, le travail n’a que ses bras !50
17La seconde critique est adressée aux thèses du développement du paupérisme et de la paupérisation croissante de la classe ouvrière, qu’il considère comme empiriquement invalidées51. À ces deux premiers points de désaccord s’ajoutent, d’une part, un regard distancié porté sur la notion, centrale, de plus-value, explicitée avec clarté par Gide52, mais dont l’idée ne serait « pas absolument nouvelle53 ». Et d’autre part, une critique sévère de la théorie marxienne de la rente foncière54. Enfin, Gide dénie au Capital la pertinence de son sous-titre, Critique de l’économie politique, et affirme à plusieurs reprises l’existence d’une filiation entre Marx et les économistes classiques.
[L]e marxisme se rapproche beaucoup plus de l’économie politique classique et de sa conception des lois naturelles que du socialisme. Et ceci est hors de doute. Les théories de Marx procèdent de celles des grands économistes du commencement du xixe siècle et tout spécialement de Ricardo. Il est son héritier en ligne directe. Il l’est […] par toutes ces doctrines ricardiennes qui ont passé à peine modifiées dans la doctrine marxiste et en constituent la puissante ossature, mais même, si paradoxale que paraisse cette assertion à première vue, il l’est par sa méthode abstraite, dogmatique et par ses formules obscures […]. Le marxisme est donc un greffon enté sur l’arbre classique et, quoique celui-ci s’étonne et s’indigne des fruits étranges qu’on lui fait porter, c’est bien lui pourtant qui les a nourris de sa sève55.
18L’enjeu épistémologique de cette filiation est central : alors que les économistes libéraux déniaient à Marx tout statut de théoricien de l’économie, la continuité affirmée entre les thèses classiques et celles de Marx permet à Gide d’affirmer le caractère scientifique des théories exposées dans le Capital : « Tout le monde sait que la doctrine de Marx est la forme la plus récente du socialisme […] ; mais ce qu’il importe de noter c’est que cette doctrine socialiste, à la différence de celles qui l’ont précédée […] ne s’insurge point contre les grandes doctrines classiques ; au contraire, elle prétend les continuer en les renouvelant par une plus exacte compréhension56. »
Horizon d’attente II : une lecture politique et philosophique du Capital. « Combien plus fortes pour soulever les hommes étaient les passions que les intérêts »
« Nous ne sommes pas de ceux qui professent la doctrine dite du matérialisme historique, que Karl Marx a mis en vogue, c’est-à-dire que toute la vie économique, morale, religieuse, esthétique, d’un peuple serait déterminée par le caractère technique de son industrie et notamment par l’instrument de production dont il se sert57. »
19Charles Gide souligne souvent l’existence d’une forte consonance entre les critiques analytiques qu’il adresse aux thèses économiques de Marx et les divergences de fond qui séparent les conceptions du socialisme « collectiviste » de celles du mouvement coopératiste inscrit dans la tradition des socialistes français d’avant184858 : Louis Blanc, Proudhon, ou Fourier.
20L’exposé est toujours clair et précis, car Gide est un lecteur appliqué et attentif59, mais la critique se fait plus virulente. Au-delà du style enlevé de Marx, qui le conduit souvent à engager ses auditeurs à lire les « très beaux chapitres » sur les étapes historiques du capitalisme60, le désaccord porte en tout premier lieu sur la thèse du matérialisme historique :
Et ce n’est pas seulement dans le domaine économique qu’ils [les communistes] attribuent aux faits une telle importance : c’est pour l’explication de tous les rapports sociaux, même ceux soi-disant de l’ordre le plus élevé, pour la politique, la littérature, l’art, la morale, la religion. Tous sont expliqués par les faits de l’ordre économique […] Cette conception, qui déborde fort au-delà du domaine de l’économie politique proprement dite et constitue toute une philosophie de l’histoire, est devenue célèbre sous le nom du matérialisme historique61.
21Une thèse qui lui paraît « affectée à un haut degré de ce vice que Fourier appelait le simplisme62 » : un simplisme qu’il considère, même au prisme d’une lecture plus fine que celle des libéraux63, comme irréfragable et qui entraîne qu’il serait impossible de changer la société sur des bases éthiques ou morales. « En d’autres termes, Karl Marx pense que ceux qui croient qu’on peut changer le milieu économique et social partant d’un certain idéal moral, juridique ou religieux tournent dans un cercle vicieux, car cet idéal n’est lui-même qu’un produit, un reflet, du milieu économique et social dans lequel il a pris naissance64. »
22Cette lecture conduit Gide à s’opposer fermement aux thèses du matérialisme historique. Et s’il accepte la pertinence historique de la notion de lutte des classes65, il refuse de la considérer comme le principal moteur de l’histoire – et dénonce le « mysticisme optimiste » qui consiste à croire qu’elle soit vouée à disparaître après une éventuelle victoire du prolétariat sur la bourgeoisie :
Quant à supposer que la lutte des classes, après avoir été la seule loi de l’évolution, le seul ressort du progrès, cessera un beau jour par le seul fait que le prolétariat aura vaincu la bourgeoisie et que les deux frères ennemis rentreront désormais dans le sein de la mère commune, la Nation – c’est là un mysticisme optimiste qui ne le cède en rien à celui des économistes “idyllistes” et “béats66”.
23Lors d’une conférence faite à Paris devant les représentants des coopératives de consommation parisiennes, Gide résume les principales discordances doctrinales qui, sur ces bases, séparent le projet politique du mouvement coopératiste des thèses de Marx et du socialisme scientifique : le statut de la propriété individuelle, le caractère volontaire ou coercitif du socialisme, la nature du « moteur de l’histoire », la question de la justice sociale.
24Première divergence : le statut accordé à la propriété individuelle. « Non, nous ne travaillons pas à la ruine de la propriété individuelle », écrit-il. « Nous voulons au contraire arriver à rendre l’ouvrier propriétaire de ses instruments de production […] non plus à lui seul, car il ne le pourrait plus, mais par association, propriétaire des instruments de production67 ». La société future rassemblera donc des coopérateurs aux origines diverses : ce que Gide résume dans un article consacré au « parasitisme ».
À en croire les socialistes, tous les capitalistes, tous les propriétaires fonciers ou urbains, tous les patrons, tous les rentiers, devraient être classés sous la rubrique de parasites, parce que tous vivraient sur le produit du travail de l’ouvrier sans rien lui donner en échange, comme autrefois les maîtres sur le travail de leurs esclaves – en sorte qu’il n’y aurait dans la société que l’ouvrier qui ne fût pas un parasite. […] Si telle est la vérité, alors en effet toute la somme des valeurs, c’est-à-dire toutes les richesses, puisque à l’état de société les deux notions se confondent, apparaît comme due uniquement à la classe ouvrière ; et dès lors, l’existence de tous ceux qui possèdent ces richesses, sans les avoir produites par leur travail, ne peut s’expliquer que par le fait qu’ils vivent du travail ouvrier ; ce sont donc bien les frelons de la ruche, de vrais parasites68.
25De là une deuxième opposition majeure, qui concerne le caractère coercitif ou volontaire du passage au socialisme. Lorsque ces « frelons de la ruche » devront abandonner leurs richesses, la coercition s’avèrera nécessaire.
La seconde différence avec les collectivistes, c’est que nous avons plus d’antipathie qu’ils n’en ont pour la contrainte, pour les procédés coercitifs auxquels il serait malheureusement indispensable de recourir pour réaliser le régime qu’ils nous annoncent, pour accoucher la société, comme dit Marx. Nous ne croyons pas beaucoup à l’efficacité de la révolution, ni même à celle de la loi, pour créer par voie d’autorité un ordre social nouveau. La perspective d’être accouchés au forceps ne nous séduit pas, quel que soit le rôle qu’on nous réserve dans cette opération, celui de la mère ou celui de l’enfant69.
26Point de forceps, donc, pour accoucher de la nouvelle société, mais des engagements militants : de là, une troisième opposition qui engage la définition du moteur de l’histoire. Pour les marxistes, l’évolution historique relèverait de la mécanique : « quand le fruit est mûr, il ne tombe guère de l’arbre avant que le vent ou la main de l’homme ne l’ait secoué. C’est cette petite secousse qui est indispensable pour mettre le point final à l’évolution et qui s’appelle la Révolution70 ». Pour les coopératistes, cette évolution ne peut provenir que de « bonnes volontés » : « Les héros révolutionnaires croient obéir à une poussée, à une évolution qui les domine, tandis que dans le coopératisme, ce sont au contraire les bonnes volontés qui font et dirigent l’évolution71. » Enfin, les deux programmes politiques ne répondent pas aux mêmes objectifs : tandis que le courant coopératiste place la justice sociale au premier rang de ses objectifs, celle-ci ne représenterait pour le socialisme marxiste qu’« idéologie », « marottes », ou « blagues bourgeoises » tout juste bonnes à « mettre au panier 72».
27Cette série de critiques éclaire en retour la référence permanente de Gide à Fourier, dont il a édité les œuvres et toujours promu la pensée baroque73 : pour Gide, comme pour Fourier, l’envie de justice, la préparation d’une société solidaire à faire advenir le désir de fraternité, le rêve de solidarité, la passion du mouvement ; pour Marx et ses disciples, la mécanique inexorable du changement révolutionnaire, la nécessité d’une rupture brutale entre la classe ouvrière et les « parasites », le ressort froid des intérêts de classe.
28En un mot, pour Gide, ce sont les passions et non les intérêts qui mènent les hommes. Les exemples sont nombreux où il reprend ce thème, comme dans cette analyse, ici topique, des ressorts de la Première Guerre mondiale, où Gide note :
Qu’est-ce à dire, sinon que l’on s’était totalement trompé en croyant que les questions sociales avaient relégué au second plan les questions nationales et que la lutte des classes surmonterait et préviendrait la lutte des peuples pour la puissance ou pour l’indépendance ? […] Contrairement à toutes les déclarations des congrès socialistes internationaux, les ouvriers ont oublié qu’ils étaient prolétaires pour se sentir seulement Allemands ou Français. Et c’est la thèse du “matérialisme historique” qui s’est trouvée ainsi en faillite, puisqu’on a vu combien plus fortes pour soulever les hommes étaient les passions que les intérêts74.
Conclusion : « l’économie politique et la morale ne peuvent se séparer »
29En termes de philosophie des sciences, il y a dans cette confrontation de deux horizons d’attente l’écho d’une querelle épistémologique alors vieille d’un siècle sur les relations entre propositions normatives et analyse positive en économie. Contrairement à Marx et aux tenants du « socialisme scientifique » qui disent déduire leurs propositions politiques d’une analyse scientifique de la société capitaliste, Gide refuse de séparer la science de l’éthique, le travail du savant de son engagement dans la cité et donc l’analyse économique de la morale. « [J] e suis précisément, répète-t-il souvent, un des économistes qui professent une autre opinion, à savoir au contraire que l’économie politique et la morale ne peuvent se séparer75 » – une position qui l’oppose tout autant à Marx qu’aux économistes libéraux du Journal des économistes qui revendiquaient le caractère purement scientifique des lois naturelles de l’économie.
30Cette affirmation forte le conduit aussi à brocarder certaines dérives politiques des socialistes, conséquence à ses yeux de cette divergence de principe. Comme dans ce commentaire cinglant des résultats des élections générales de 1898 en France, en Belgique et en Allemagne destiné à l’une des « Chroniques économiques » qu’il rédigeait régulièrement pour la Revue d’économie politique :
En tous cas, le trait caractéristique de la dernière campagne socialiste, c’est la bénignité relative de son programme ; il n’est plus question de socialisation de richesse, tout se réduit à supprimer à la fois les riches et les pauvres, c’est-à-dire de supprimer d’abord les riches ce qui entraînera par voie de conséquence la suppression des pauvres […] voilà ce que devient une doctrine scientifique, même de belle envergure, comme la doctrine marxiste, quand elle veut politiquailler76.
31Cette double posture – la reconnaissance de « la belle envergure » de la construction théorique de Marx, d’une part, l’hostilité vis-à-vis des « politiquailleries » des socialistes de son époque, de l’autre – n’illustre pas seulement les deux horizons d’attente qui s’entrelacent dans la lecture que Gide fait des textes Marx. Elle pose les bases d’un débat qui durera plus d’un siècle au sein du courant socialiste français – et éclaire rétrospectivement les haines politiques dont Gide a toute sa vie fait l’objet, dont son élection chahutée au Collège de France constitue l’un des soubresauts les plus marquants.
Annexe
Brochures des cours de Charles Gide au Collège de France publiées à Paris par l’Association pour l’enseignement de la coopération
1922
De la mesure des prix. Comment on établit les nombres indices. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, 12 et 19 janvier 1922.
Les mouvements de prix et leurs causes. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, 26 janvier et 3 février 1922.
Fourier, précurseur de la coopération. Leçon du 6 décembre 1921 au Collège de France.
Le phalanstère et le ménage collectif. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1921.
Formation et évolution de la notion du juste prix. Quatre leçons données au Collège de France, décembre 1921-janvier 1922.
Ce que doit devenir le travail agricole d’après Fourier. Deux leçons du Cours sur la coopération, au Collège de France, janvier 1922.
Les mouvements des prix et leurs causes. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, janvier-février 1922.
De l’intervention des pouvoirs publics pour la réalisation du juste prix. Quatre leçons du cours sur la coopération au Collège de France, février 1922.
L’industrialisme et le salariat. Le travail attrayant. Trois leçons du cours sur les précurseurs de la coopération au Collège de France, février 1922.
Le système de répartition dans la société fouriériste. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, février 1922.
Dans quelle mesure le mouvement coopératif se rattache-t-il au fouriérisme ? Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1922.
Du contrôle des prix par les organisations privées de producteurs ou de consommateurs. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1922.
L’école de Fourier et les expérimentations fouriéristes. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1922.
Ce que peuvent faire les coopératives de consommation pour l’établissement du juste prix. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, avril 1922.
La lutte pour le profit. Leçon d’ouverture du cours sur la coopération, au Collège de France, 7 décembre 1922.
1923
Qu’est-ce que le profit ? Leçon du cours sur la coopération au Collège de France, 14 décembre 1922.
Historique des associations ouvrières de production. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1922.
Les divers types d’associations coopératives de production. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, janvier 1923.
L’actionnaire et le dividende. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, janvier 1923.
L’entrepreneur et le profit. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, janvier 1923.
Les coopératives de production et l’État. Une leçon du cours sur la coopération au Collège de France, février 1923.
Le travail et le profit. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, février 1923.
Les obstacles au développement des coopératives de production. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, février 1923.
Le familistère de Guise et la verrerie ouvrière. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1923.
Le consommateur et le profit. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1923.
Le partage du profit. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1923.
De l’élimination éventuelle du profit. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège, de France, avril 1923.
L’avenir des coopératives de production. Leçon du cours sur la coopération au Collège de France, avril 1923.
La coopération de production à l’étranger. Angleterre-Italie. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège du France, avril 1923.
1924
La crise du logement. Première leçon du cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1923.
Le programme coopératiste et les écoles socialistes. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, janvier 1924.
Le programme coopératiste et l’économie politique libérale. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, décembre-janvier 1923-1924.
Les palliatifs à la crise du logement. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège, de France, janvier 1924.
Le logement et l’hygiène. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, janvier 1924.
Le programme coopératiste et le syndicalisme. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, février 1924.
Les coopératives de construction. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, février-mars 1924.
Le programme coopératiste et le salariat. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de. France, février-mars 1924.
Le programme coopératiste et le commerce international. Quatre leçons du cours sur la coopération au Collège de France, avril 1924.
Les interventions philanthropiques et municipales. Trois leçons du cours sur la coopération au Collège de France, mars 1924.
L’habitation hors ville. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France, avril 1924.
Le programme coopératiste et le socialisme religieux. Deux leçons du cours sur la coopération au Collège de France.
1925
Les Associations coopératives agricoles. Cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1924mars 1925.
La lutte contre la cherté et la coopération. Cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1924-mars 1925.
1926
L’École de Nîmes. Cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1925-avril 1926.
La coopération à l’étranger, Angleterre et Russie. Cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1925-mai 1926.
La lutte contre la cherté et la coopération. Cours sur la coopération au Collège de France, décembre 1924-mars 1925.
1928
La coopération dans les pays latins : Amérique latine, Italie, Espagne, Roumanie. Cours sur la coopération au Collège de France, 1926-1927.
Les coopératives françaises durant la guerre. Cours sur la coopération au Collège de France, 1926-1927.
Les colonies communistes et coopératives. Cours du Collège de France, 1927-1928,
1929
Les colonies communistes et coopératives. Cours du Collège de France, 1928-1929.
1930
Le programme coopératiste. Cours du Collège de France, 1923-1924.
Le Commerce international au point de vue coopératif. Extrait du « Cours au Collège de France sur le programme coopératiste ».
1932
La solidarité. Cours au Collège de France, 1927-1928, Paris, PUF, 1932.
Le Juste prix. Leçons professées au Collège de France [1941], Paris, PUF, 1947.
L’École de Nîmes : édition du centenaire, Paris, PUF, 1947.
Notes de bas de page
1Archives du Collège de France, Assemblées de professeurs. Comptes-rendus xxe-xxie siècles. Registres et pièces annexes, 4 AP 400, « Procès-verbal de la séance du 19 décembre 1920 », p. 330-33 ; c’est moi qui souligne. Publiée en une de L’Humanité du 12 décembre 1920 sous le titre « La question des origines de la guerre sera posée. Un appel à la Ligue des droits de l’homme », cette lettre, signée par le Comité de la Société d’études documentaires et critiques sur la guerre – à la rédaction de laquelle Gide n’a pas participé, dénonçait le peu d’empressement qu’aurait mis la diplomatie française à soutenir la demande de pourparlers qui émanait de la Suisse, de la Serbie, de la Roumanie et de l’Autriche-Hongrie le soir de la déclaration de guerre. Le CSEDCG avait été créé au début de l’année 1916 par Charles Gide, Matthias Morhardt et Georges Demartial, tous trois membres de la Ligue des droits de l’homme et partisans d’un « pacifisme juridique » : voir Rémi Fabre, « Charles Gide et la Première Guerre mondiale », Bulletin de la société de l’histoire du protestantisme français (1903-2015), t. 160, 2014, p. 417-446.
2Le montant de la dotation était de 215 000 francs, versés en neuf annuités. Il existait un antécédent à ce financement extérieur d’une chaire au Collège de France : la fondation qu’Albert Kahn avait faite quelques années plus tôt, en 1912, pour doter le Collège d’une chaire de Géographie humaine (sur laquelle Jean Brunhes a été élu en juin 1912) : voir Marcel Bataillon, « Son enseignement au Collège de France », Revue des études coopératives, t. 40, no 126, 1961, p. 31-34, ici p. 31-32.
3La chaire est officiellement créée le 3 décembre 1920 par décret du ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts, Léon Bérard. Les chaires précédentes occupées par des économistes au Collège de France avaient été celles de Jean-Baptiste Say (1831-1832) ; Pellegrino Rossi (1833-1840) ; Michel Chevalier (1840-1879) ; Henri Baudrillart, qui avait suppléé Michel Chevalier entre 1854 et 1867, puis occupé sa chaire d’économie politique (1867-1871) ; Pierre-Émile Levasseur (1871-1911), sur une chaire d’histoire des doctrines, transformée en 1885 en chaire de géographie, histoire et statistique économique ; Paul Leroy-Beaulieu (qui avait suppléé Michel Chevalier entre 1877 et1979, puis occupé la même chaire de 1879 à1916) ; André Liesse qui supplée Paul Leroy-Beaulieu en 1915-1916.
4L’article porte sur la conférence de Bruxelles. Aubert y attaque toute discussion des réparations, « ce cheval de Troie made in Cambridge (England) » (Louis H. Aubert, « Consultation finie. Remède à trouver », Le Figaro, 5 octobre 1920, p. 1). Parmi les multiples attaques dont Gide a fait l’objet, citons celles de l’animateur du Club du Faubourg, Léo Poldès, qui le traitera quelques années plus tard d’« orang-outan du Collège de France », de « vieillard podagre et hargneux » ou encore de « lugubre Géronte » : voir Marc Pénin, Charles Gide. L’esprit critique, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 195-196.
5Charles Gide a enseigné au Collège de France jusqu’au 1er avril 1930. Nommé professeur honoraire en février 1931, il a continué à donner des cours à l’École du service social et à l’École technique de la coopération (ibid., p. 253).
6Ch. Gide, « La coopération. La place qu’elle réclame dans l’enseignement économique », Revue d’économie politique, t. 36, no 1, 1922, p. 1-19. Gide traitait deux thèmes chaque année et les sténographies relues de ses cours étaient publiées au fur et à mesure sous forme de brochures par l’Association pour l’enseignement de la coopération. Une liste de ces brochures est donnée en annexe.
7Auteur anonyme, « Le banquet Charles Gide », L’Émancipation, décembre 1921, p. 144, souligné dans le texte.
8Né en juin 1847, Gide avait alors 75 ans.
9Ch. Gide, « Allocution pour l’inauguration du cours au Collège de France », L’Émancipation (1921), dans id., Propos d’actualité et d’inactualité, 1887-1931, Marc Pénin (éd.), Paris, Comité pour l’édition des œuvres de Charles Gide/L’Harmattan, 2008, p. 344.
10Ch. Gide, « Les théories économiques de Karl Marx I & II », Revue du christianisme social, t. I, no 4, 1898, p. 224-243 ; et t. II, no 5, 1898, p. 253-271, ici, t. I, p. 224.
11Eugène de Roberty, « De quelques lois de l’économie politique », La Philosophie positive, t. 5, no 3, 1869, p. 228-255.
12Maurice Block, « Les théoriciens du socialisme en Allemagne. I. Système de Karl Marx », Journal des économistes, t. 27, no 79, 1872, p. 5-39.
13Émile de Laveleye, « Le socialisme contemporain en Allemagne, I. Les théoriciens », Revue des Deux Mondes, t. 17, no 3, 1876, p. 121-149. Voir notamment Jacqueline Cahen, « La réception de l’œuvre de Karl Marx par les économistes français (1871-1883) », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle (Cahiers Georges Sorel), no 12, 1994, p. 19-50 et id., « Marx vu de droite (1) : quand les économistes français découvraient Le Capital de Marx », dans Jean-Numa Ducange et Anthony Burlaud (dir.), Marx, une passion française, Paris, La Découverte, coll. « Recherches », 2018, p. 285-294.
14Né à Berlin, Maurice Block arrive en France alors qu’il était enfant. Après une thèse soutenue en Allemagne, à Tübingen, il revient à Paris, fréquente en 1840 le groupe des Annales franco-allemandes, où il rencontre Marx, à deux ans près son contemporain. Il rompt ensuite avec les idéaux socialistes de sa jeunesse et rejoint le groupe des libéraux rassemblés autour du groupe Guillaumin. En 1880, il est élu à la section IV, d’« Économie politique et statistique », de l’Académie des sciences morales et politiques.
15M. Block, « Les théoriciens du socialisme en Allemagne. I. Système de Karl Marx », art. cit., p. 7.
16Ibid., p. 6.
17Ibid., p. 7.
18Notamment sur les notions de valeur-travail et de plus-value, ou sur les rôles respectifs du propriétaire de capital et de l’ouvrier.
19E. de Laveleye, « Le socialisme contemporain en Allemagne. I. Les théoriciens », art. cit., p. 125.
20Ibid., p. 133.
21Ibid., p. 133-134. Laveleye reprend cette thèse dans son manuel, Éléments d’économie politique (Paris, Hachette, 1882), et dans son essai sur Le Socialisme contemporain (Paris, Baillière, 1883).
22Paul Cauwès, Précis du cours d’économie politique professé a la faculté de droit de Paris, contenant avec l’exposé des principes l’analyse des questions de législation économique, Paris, L. Larose et Forcel, 2 t., 1879.
23Alfred Jourdan, Épargne et capital, ou du meilleur emploi de la richesse : exposé des principes fondamentaux de l’économie politique, Paris, Guillaumin, 1879, n. 32, p. xxiii, italiques dans le texte. Ou : « Proudhon est parfois amusant, il a des éclairs de bon sens. Rien de tout cela dans Marx. » (ibid., n. 3, p. 391). Ou encore, à propos du Capital : « ce livre, dont les tours de force métaphysiques, quelque subtilité d’esprit qu’ils dénotent, sont sans valeur » (ibid., n. 1, p. 397).
24Paul Leroy-Beaulieu, Le Collectivisme, examen critique du nouveau socialisme [1884], Paris, Guillaumin, 1885, 2e éd., p. 3.
25Ibid., p. xii.
26Paul Lafargue, « La théorie de la plus-value de Karl Marx et la critique de M. Paul Leroy-Beaulieu », Journal des économistes, t. 27, 1884, p. 379-391.
27Lui aussi attaqué par Leroy-Beaulieu pour ses positions sur la rente foncière et assimilé à ces « socialistes de la chaire » honnis par les libéraux français : voir P. Leroy-Beaulieu, op. cit., no 2, p. 38, voir aussi p. 73, p. 172, p. 176, p. 177.
28Voir P. Lafargue, op. cit. ; M. Block, « Le Capital, de Karl Marx, à propos d’une anticritique », Journal des économistes, t. 28, 1884, p. 130-136 ; Achille Loria, « La théorie de la valeur de Karl Marx », ibid., p. 137-139 ; P. Lafargue, « Le Capital de Karl Marx et la critique de M. Block », ibid., 1884, p. 278-287 ; Ch. Gide, « Le collectivisme et M. Paul Leroy-Baulieu », ibid., 1884, p. 404-424 ; M. Block, « Le Capital de Karl Marx. Dernières observations de M. Maurice Block », ibid., 1884, p. 464-466 ; Hyppolite Dabos, « La théorie de la valeur. À propos de la critique de Karl Marx », ibid., 1884, p. 466-474.
29Sur la réception ultérieure de Marx dans La Revue Socialiste de Benoît Malon, voir Michel Bellet, « The Reception of Marx in France : La Revue Socialiste (1885-1914) », The European Journal of the History of Economic Thought, t. 25, no 5, 2018, p. 1154-1199.
30Agrégé des facultés de droit en 1874, Charles Gide (1847-1932) rejoint en 1886 le mouvement coopératif, fonde, avec Auguste Fabre et Edouard de Boyve, le journal L’Émancipation et en rédige le manifeste, « Ni révoltés, ni satisfaits », qui définit la ligne de l’École de Nîmes (voir Pénin, op. cit., p. 46-49). En 1887, avec la complicité de Léon Walras, il crée la Revue d’économie politique et en rédige le « programme », affichant « la neutralité » et « l’esprit d’impartialité absolue » d’une revue qui « à la différence de toutes les publications de même nature qui existent en France et dont plusieurs sont en possession d’une légitime autorité […] ne sera l’organe ni d’une personnalité ni d’une école. Elle sera ouverte librement à toutes les doctrines [et ouvrira] un terrain neutre sur lequel doctrines et faits pourront être étudiés contradictoirement. » : Ch. Gide, « Notre programme » (1887), dans id., Contributions à la Revue d’économie politique, Catherine Quinet et Luc Marco (éd.), Paris, Comité pour l’édition des œuvres de Charles Gide/L’Harmattan, 2002, p. 45-46.
31Selon Charles Rist, ces conceptions « lui avaient semblé, par leur sécheresse ou leur dogmatisme, dépouillées de leur âme » (Ch. Rist, « Charles Gide », Revue d’économie politique, t. 46, no 2, 1932, p. 241-253, ici p. 243).
32Voir Ch. Gide, « Pourquoi je suis devenu coopérateur », L’Arc-en-ciel (1932), dans id., Propos d’actualité et d’inactualité, 1887-1931, op. cit., p. 365-367, ici p. 365.
33Id., « Les théories économiques de Karl Marx I & II », op. cit.
34Id., Principes d’économie politique, Paris, Larose et Forcel, 1884. Les Principes d’économie politique ont connu 26 éditions entre 1884 et 1931.
35Dont, à la demande de Rist, les chapitres sont chacun attribués à leur auteur : les Physiocrates, Malthus et Ricardo (les « Pessimistes »), Owen et Fourier, Bastiat et Carey (« les Optimistes »), Stuart Mill, le Marxisme, les Hédonistes, les doctrines inspirées du Christianisme et les Solidaristes, pour Gide ; Adam Smith, Sismondi, Saint-Simon et les Saint-Simoniens, Louis Blanc, List, Proudhon et le socialisme de 1848, L’École Historique et la Querelle des méthodes, le Socialisme d’État, la théorie de la rente et les Anarchistes, pour Rist. Le chapitre consacré au marxisme reprend largement le contenu des deux articles de la Revue du christianisme social : voir Ch. Gide dans id. et Charles Rist, Histoire des doctrines économiques depuis les physiocrates jusqu’à nos jours (1909), Paris, Larose et Ténin, 1944, 6e éd., réédition, Annie L. Cot et Jérôme Lallement (éd.), Paris, Dalloz, 2000, chap. III, p. 505-541.
36Voir A. L. Cot et J. Lallement, « L’éventail et le pendule. Préface », dans Ch. Gide et C. Rist, Histoire des histoires économiques, op. cit., p. 1-18.
37« L’histoire de la littérature […] a été trop longtemps une histoire des auteurs et des œuvres. Elle a opprimé ou passé sous silence son “tiers état”, le lecteur […]. On a rarement parlé de la fonction historique du destinataire, si indispensable qu’elle fût depuis toujours. […] Le lecteur est donc tout ensemble (ou tour à tour) celui qui occupe le rôle du récepteur, du discriminateur (fonction critique fondamentale, qui consiste à retenir ou à rejeter), et, dans certains cas, du producteur, imitant ou réinterprétant, de façon polémique, une œuvre antécédente. » : Jean Starobinski, « Préface », dans Hans-Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. de Claude Maillard, Paris, Gallimard, coll. « Bibl. des idées », 1978, p. 7-19, ici p. 12-13.
38Définies par Starobinski comme « tous les acteurs dont l’action réciproque est nécessaire pour qu’il y ait création et transformation dans le domaine littéraire, ou inventions de nouvelles normes dans la pratique sociale », ibid., p. 12.
39Voir H. R. Jauss, op. cit., et J. Starobinski, « Préface », op. cit., p. 15-17.
40Sur le jeu entre normes et valeurs synchroniques et histoire diachronique chez Jauss, voir J. Starobinski, ibid., p. 16-18 ; sur le lien entre « effet » et « réception » chez Jauss et Hans Georg Gadamer, voir H.-R. Jauss, op. cit., p. 75-79.
41Id., « Les théories économiques de Karl Marx. I », op. cit., p. 225, n. 1.
42C. Gide et C. Rist, Histoire des doctrines économiques, op. cit., p. 505, n. 1.
43Id., « Les théories économiques de Karl Marx. I », op. cit., p. 226.
44Article qu’il introduit par ces mots : « Ce ne sont pas seulement les fidèles, mais les sceptiques eux-mêmes qui professent une admiration respectueuse pour cet ouvrage […]. Et pourtant en somme bien peu nombreux sont ceux qui le lisent et plus rares encore ceux qui, l’ayant lu, ont le courage de faire l’effort nécessaire pour le comprendre. Nous pensons donc rendre service à quelques-uns des lecteurs de cette Revue et leur épargner beaucoup de temps et de peine, en essayant d’expliquer ici les doctrines du maître, à un point de vue tout objectif, et en nous bornant au rôle de traducteur. Nous ne pouvons promettre de les rendre limpides comme le cristal, car il faudrait pour cela les dénaturer complètement, mais nous pensons cependant qu’elles pourront devenir intelligibles pour tout lecteur de bonne volonté et résigné au besoin à supporter une petite courbature intellectuelle et qu’elles pourront lui procurer non pas les joies de la vérité conquise – ce que nous ne croyons nullement – mais du moins le profit qu’on trouve toujours à pénétrer dans la pensée d’un puissant esprit. » (ibid., p. 224-225).
45Ibid., p. 233, ou id. et C. Rist, Histoire des doctrines économiques, op. cit., p. 509.
46Et, toujours selon ce rédacteur anonyme, il conclut que « [m] algré sa grandeur le marxisme ne [le] retient pas. » (Ch. Gide, « Pourquoi je suis devenu coopérateur », op. cit., p. 365).
47Ici à propos de la théorie de la valeur et de la plus-value : Ch. Gide, « Les théories économiques de Karl Marx. I », op. cit., p. 226.
48« Ce sont, à vrai dire, les économistes qui, bien inconsciemment, ont fait le plus pour accréditer cette idée par leur théorie de la valeur, d’après laquelle toute valeur consisterait en travail, théorie formulée par Ricardo, adoptée par presque tous ses successeurs, et dont Karl Marx n’a pas manqué de s’emparer, parce qu’il a vu tout le parti qu’il pouvait en tirer. » (Ch. Gide, Le Parasitisme social, conférence donnée à la Société d’économie populaire de Nîmes [1893], dans id., Solidarité, Patrice Devillers [éd.], Paris, Comité pour l’édition des œuvres de Charles Gide/L’Harmattan, 2010, p. 25-40, ici p. 29).
49« Aujourd’hui, il n’y a plus guère d’économiste pour croire que la valeur est créée par le travail. […] Le désir, voilà l’unique cause de la valeur […]. Ainsi la notion de richesse se détache peu à peu de l’objet qui lui servait de support, elle n’est plus dans la chose, elle est dans l’homme ; elle n’est plus de l’ordre physique, elle est de l’ordre psychologique. » (Ch. Gide, « Le matérialisme et l’économie politique », Revue d’économie politique, 1912, t. 26, no 2, p. 137-147, ici p. 139)
50Ibid., p. 140.
51Voir Ch. Gide, « Pourquoi je suis devenu coopérateur », op. cit., ou id., « Les théories économiques de Karl Marx. II », op. cit., p. 271.
52« C’est à ce point que Karl Marx a pris la question. Le point spécial qui fait la force et l’originalité de sa thèse en le distinguant de toutes les autres déclamations des autres socialistes, et qui n’a pas toujours été bien saisi, c’est ceci : c’est qu’il va essayer de démontrer, non point que le profit, c’est-à-dire l’appropriation de l’excédent de la production par le capitaliste, est un vol, une escroquerie commise aux dépens de l’ouvrier, mais au contraire qu’elle est une application rigoureuse, exacte, juste même, pourrait-on dire en un certain sens, des lois de l’échange et que, étant donné le régime capitaliste, il est impossible qu’elle soit autre que ce qu’elle est. » (Ch. Gide, « Les théories économiques de Karl Marx. I », op. cit., p. 228 ; souligné dans le texte).
53Ibid., p. 226. « Sismondi avait déjà signalé le fait que tout travail laisse généralement, tous frais d’entretien remboursés, un excédent. » (ibid.). Ce point est repris de manière plus nuancée dans l’Histoire des doctrines économiques : « Nous ne croyons pas que Marx ait emprunté à Sismondi l’idée d’exploitation de l’ouvrier par le capitaliste. Mais s’il ne lui doit pas la notion de la plus-value, il a pu trouver chez Sismondi tout au moins le germe de l’explication qu’il en donne. » (ibid., p. 219).
54« On voit combien toutes les explications que donne Karl Marx sur le revenu et la valeur de la terre sont paradoxales. On sent qu’il y a là une catégorie de phénomènes économiques qui ont toutes les peines du monde à rentrer dans les catégories de Marx et pourquoi ? Par la raison bien simple que Marx se refuse à voir dans le domaine économique autre chose que du travail et qu’il veut écarter les causes d’ordre physique, naturel, biologique (population). […] En cela Karl Marx remonte en arrière, sinon jusqu’aux Physiocrates, du moins jusqu’à A. Smith. Pour lui tout travail qui n’est pas un travail de fabrication est stérile. » (Ch. Gide, « Les théories économiques de Karl Marx. I », op. cit., p. 242 ; souligné dans le texte).
55Ch. Gide dans id. et C. Rist, Histoire des doctrines économiques, op. cit., p. 523-524, c’est moi qui souligne.
56Ibid., p. 505.
57Ch. Gide, « La houille blanche », La Semaine littéraire [1902], dans id., Propos d’actualité et d’inactualité, 1887-1931, op. cit., p. 63.
58Avant 1848, et jusqu’au congrès de Marseille de 1879, qui marque leur rupture définitive, ces deux courants, comme le rappelle souvent Gide, se confondaient. « Le socialisme et le coopératisme sont même, on peut le dire, deux frères d’origine, dans ce sens qu’ils sont nés des mêmes parents, Robert Owen en Angleterre, Charles Fourier en France : ils ont grandi ensemble ; sans doute de bonne heure ils ont marqué des tempéraments un peu différents, l’un plus pacifique, l’autre plus batailleur […], mais malgré cela on peut dire qu’ils ont marché la main dans la main jusqu’à il y a dix ans, en 1879, à ce congrès de Marseille où collectivistes et coopératistes se sont pour la première fois pris de querelle et brouillés » (Ch. Gide, « L’avenir de la coopération », Revue socialiste, t. 7, no 42, 1888, p. 574-597, ici p. 590).
59Ce second horizon d’attente élargit le corpus commenté par Gide : Le Capital, toujours, mais aussi le Manifeste du parti communiste et les essais historiques, au premier rang desquels il place Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte.
60Comme lors d’un cours au Collège de France sur l’École de Nîmes : « Dans de très beaux chapitres, que je ne peux pas lire ici mais que je vous engage à lire, Karl Marx décrit les étapes successives de cette expropriation. Les doctrines de Karl Marx sur la valeur sont aujourd’hui critiquées, peut-être dépassées ; mais ce qu’il restera dans son œuvre c’est précisément la partie historique et la façon dont il explique la genèse de la grande industrie et du salariat. » (Ch. Gide, L’École de Nîmes. Édition du centenaire, Paris, PUF, 1947, p. 130)
61Id., dans id. et C. Rist, Histoire des doctrines économiques, op. cit., p. 526 ; italiques dans le texte.
62Id., « Les théories économiques de Karl Marx. II », op. cit., p. 269.
63Comme en témoigne ce passage : « Karl Marx n’a jamais dit, comme on le lui a fait dire, que la question sociale n’était qu’une question de ventre. Il a seulement accentué, avec beaucoup d’exagération, à notre avis, la part prépondérante que la structure économique et plus spécialement les modes techniques de production exerce sur ce que ses disciples appellent “la superstructure sociale” et qui embrasse tous les rapports sociaux, juridiques, esthétiques, politiques, religieux, etc. » (ibid., p. 254 ; souligné dans le texte).
64Ibid.
65Id., « Nous ne nions pas que la lutte de classes n’existe en fait ; nous ne discutons pas la question de savoir si elle est un bien ou un mal ; nous disons seulement que la coopération n’a pas à s’en occuper. » dans Le programme coopératiste et les écoles socialistes. Cours prononcé au Collège de France, Paris, Association pour l’enseignement de la coopération, 1924, p. 24.
66Id., « Les théories économiques de Karl Marx. II », op. cit., p. 271.
67Id., « L’avenir de la coopération », op. cit., p. 589.
68Id., Le parasitisme social, op. cit., p. 29.
69Id., Gide, « L’avenir de la coopération », dans Ch. Gide, Le coopératisme. Conférences de propagande [1900], Paris, Sirey, 1929, 5e éd., p. 42-73, ici, p. 63.
70Id., Le programme coopératiste et les écoles socialistes. Cours prononcé au Collège de France, op. cit., p. 18.
71Ibid., p. 23. Ces bonnes volontés sont d’autant plus nécessaires qu’elles permettent d’après Gide la préparation minutieuse du fonctionnement à venir de la nouvelle société : « il n’y a qu’une seule façon, pour la classe ouvrière, de s’exercer au maniement des capitaux, à la pratique commerciale, au mécanisme des entreprises collectives, c’est d’apprendre à faire elle-même ses affaires pour son propre compte, c’est-à-dire de s’organiser en associations coopératives. Et ce sont ces associations coopératives de consommation, de crédit ou de production qui fourniront à la classe ouvrière, au jour voulu, les cadres dont elle aura besoin. » (Id., « L’avenir de la coopération », p. 68-69)
72Une autre différence consiste à « écarter absolument toutes les préoccupations de justice distributive, telles que “à chacun selon ses besoins”, ou “à chacun selon ses mérites”, ou “à chacun selon son travail”. […] [L’école marxiste] n’y voit que de l’idéologie ou, comme disait un de ses disciples, Engels, des marottes, ou comme l’a dit encore plus irrévérencieusement un des gendres de Karl Marx, Lafargue, des blagues bourgeoises. Tout cela doit être mis au panier ; il n’y a qu’à tâcher de comprendre la marche de l’évolution et à pousser dans le même sens. » (Ch. Gide, Le programme coopératiste et les écoles socialistes. Cours prononcé au Collège de France, op. cit., p. 16).
73Voir Charles Fourier, Œuvres choisies, Préface de Ch. Gide, Paris, Sirey, 1890 ; Ch. Fourier, Pages choisies, Introduction de Ch. Gide, Paris, Guillaumin, 1932.
74Ch. Gide, « La guerre et la question sociale », Revue d’économie politique, t. 28, no 6, 1914, p. 613-622, ici p. 614 ; c’est moi qui souligne.
75Ch. Gide, « Le matérialisme et l’économie politique », p. 142 – une position qui l’oppose tout autant à Marx qu’aux économistes libéraux du Journal des économistes, qui revendiquaient avec force le caractère purement scientifique des lois naturelles de l’économie.
76Ch. Gide, « Les théories économiques de Karl Marx. II », op. cit., p. 269 ; c’est moi qui souligne.
Auteur
Professeur émérite de sciences économiques Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Centre d’économie de la Sorbonne-REhPERE
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Ma grande église et ma petite chapelle
150 ans d’affinités électives entre le Collège de France et l’École pratique des hautes études
Jean-Luc Fournet (dir.)
2020
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