1La France est le pays qui a le taux de suicide en milieu carcéral le plus élevé d’Europe, et probablement du monde occidental : 19 pour 10 000 personnes détenues au début des années 2010, pour une population incarcérée qui était alors de 62 000 prisonniers. Ce taux a légèrement baissé à 16,8 pour 10 000 à la fin de la décennie, avec cependant une hausse considérable du nombre de personnes détenues qui atteignait alors 70 000. Chaque année, toutes causes de décès confondues, en moyenne 250 personnes meurent dans les prisons françaises et, parmi elles, la moitié ont mis fin à leurs jours¹. Par contraste, les États-Unis sont le pays avec le plus grand nombre de personnes détenues au monde, soit 2 080 000 en 2018, mais, de manière inattendue, le nombre total de décès en prison y est seulement, si l’on ose dire, de 5 600, dont 635 par suicide. En incluant toutes les causes de décès, le taux de mortalité est donc une demi-fois plus élevé en France qu’aux États-Unis : 40,3 contre 27 pour 10 000 prisonniers. En se limitant aux seules données du suicide carcéral, comparé aux données françaises, le taux états-unien est dix fois plus faible dans les prisons fédérales, sept fois dans les prisons d’État et quatre fois dans les prisons locales². L’écart entre les taux des deux pays ne laisse pas de surprendre au regard de la démographie, de la longueur des peines et de la dureté des conditions dans les prisons états-uniennes. Relativement aux populations respectives des deux pays, la France compte en effet sept fois moins de personnes détenues que les États-Unis, où ces dernières sont souvent plus âgées et soumises à une grande violence, mais on y recense sept fois plus de suicides en proportion du nombre de prisonniers dans chacun d’eux.

2Cependant, une autre donnée doit être mise en parallèle. Aux États-Unis, 206 000 personnes sont condamnées à la perpétuité, soit un prisonnier sur sept, contre 475 en France, soit un sur cent quarante, la condamnation à la perpétuité dite « incompressible » n’ayant été prononcée que dans cinq cas. Les peines sont donc beaucoup plus lourdes outre-Atlantique, et beaucoup plus de prisonniers passent le reste de leur existence dans les établissements pénitentiaires. De surcroît, on estime qu’entre 60 000 et 80 000 personnes détenues s’y trouvent placées à l’isolement complet, chiffre qu’on ne peut comparer à celui de la France faute de données. Mais il suffit, pour avoir une idée de la différence entre les deux pays en la matière, de préciser qu’en France la durée maximale de séjour en cellule disciplinaire est de quarante-cinq jours, quand elle est illimitée aux États-Unis, pouvant atteindre plusieurs décennies. Enfin, on dénombre aux États-Unis 2 500 personnes condamnées à la peine capitale, laquelle a été supprimée en France depuis 1981, pour une vingtaine d’exécutions chaque année depuis la fin 2015³. Il existe donc une triple manière non directement létale de mettre fin à la vie d’une personne condamnée dans les prisons états-uniennes : par la perpétuité, par l’isolement strict et par le maintien dans le couloir de la mort.

3Pour le dire simplement, mais aussi paradoxalement au regard de l’image habituelle des politiques pénales de chacun des pays, la prison française tue physiquement et la prison états-unienne tue socialement. Plus exactement, on meurt plus dans les établissements pénitentiaires français, mais on perd plus sa vie dans leurs équivalents états-uniens. Cette série de données parallèles invite en effet à une réflexion sur deux modalités de la mort en prison qu’illustre le contraste entre les deux pays. Il y a, d’une part, la mort physique, la plus évidente, dont le suicide représente une modalité singulière, et, d’autre part, une mort sociale, moins visible, que réalisent les formes extrêmes de l’enfermement par la durée ou par les conditions. Deux manières de disparaître qui procèdent d’une autre distinction, caractéristique, cette fois, de la vie humaine en tant qu’elle est un phénomène à la fois biologique et biographique – le fait d’être vivant et le fait de vivre en société – qui relève, pour l’un, du matérialisme des sciences dites « de la vie », pour l’autre, de l’interprétation des sciences dites « humaines ». L’épidémiologie comptabilise l’espérance de vie en termes d’années. La philosophie voit dans l’espérance de vie ce qu’il est possible d’en attendre⁴. Le suicide interrompt la vie dans le premier sens. Le confinement indéfini la suspend dans le second. Ce sont ces deux dimensions de la vie – et de la mort – qu’il s’agit ici d’appréhender dans l’univers carcéral.

Mettre fin à ses jours

4« Vous savez, il n’y a pas plus de suicides en prison que dehors, mais les gens ne s’en rendent pas compte », m’avait affirmé avec assurance un directeur d’établissement pénitentiaire, ajoutant même : « Le taux de suicide est marginal, en prison, par rapport à ce qu’il est dans la société⁵. » Il ignorait que ce taux est neuf fois plus élevé dans la population carcérale que dans la population générale. Mais en qualifiant le suicide en prison de « marginal », il semblait révéler à son insu que le fait était au fond sans importance.

5Dans les prisons françaises, une personne détenue se donne la mort tous les trois jours dans le silence des médias et l’indifférence du public. C’est là un fait relativement nouveau. Tout au long de la seconde moitié du xx^e siècle, les chiffres n’ont cessé d’augmenter. Le taux de suicide en prison était de 1,4 pour 10 000 en 1946 ; il atteignait 26 pour 10 000 en 1996, soit une multiplication par dix-huit en cinq décennies⁶. Il a depuis lors sensiblement diminué, sous l’effet notamment d’une politique active de prévention.

6Ce taux demeure pourtant le plus élevé d’Europe. Il est approximativement deux fois celui observé en Angleterre, en Allemagne, en Italie et au Danemark ; quatre fois celui constaté en Espagne, en Irlande et en République tchèque ; sept fois celui établi en Pologne. Et si l’on élargit l’aire géographique, le taux français est quatre fois supérieur à celui de l’Australie et sept fois plus élevé que ceux du Canada et, on l’a vu, des États-Unis. Même en tenant compte de possibles sous-déclarations, à laquelle la France elle-même n’échappe pas lorsqu’elle n’intègre pas dans ses statistiques les morts par overdoses d’opiacés ou les résultats tardifs d’autopsie à l’hôpital, il n’en reste pas moins que les écarts entre la France et les autres pays sont considérables. On a voulu les interpréter par une tendance suicidaire dans la population générale plus forte en France que dans d’autres pays. Les Français se donnent en effet plus souvent la mort que leurs voisins européens, mais l’explication est loin d’être suffisante. En effet, ils se suicident neuf fois plus souvent en prison qu’à l’extérieur. Cet excès de suicides dans la population carcérale par rapport à la population générale est de seulement six fois en Angleterre, en Allemagne et en Espagne, de trois fois en Irlande et en République tchèque. Il n’y a qu’en Italie, au Portugal et en Norvège que l’on trouve un coefficient multiplicateur plus élevé⁷. Le suicide dans les prisons françaises est donc une sorte d’exception statistique.

7L’expliquer n’est pas simple, car il ne suffit pas de mettre en cause la dégradation des établissements pénitentiaires et la dureté de leur personnel, comme on l’entend souvent faire. Sans prétendre élucider cette singularité française, il importe de prendre en considération une double dimension qui intervient dans la genèse de l’acte suicidaire : la chaîne pénale, qui conduit à condamner des personnes à des peines d’emprisonnement, et la réalité pénitentiaire, qui rend compte de la dureté de la condition carcérale. Il y a, d’une part, l’épreuve que représente le fait de s’entendre être condamné à la prison, la dégradation morale qui s’associe à cette sanction et les conséquences sociales qui en découlent. Il y a, d’autre part, l’épreuve que représente l’exposition à toutes sortes de violences, d’humiliations, de frustrations une fois que l’on est incarcéré. Cette double épreuve est particulièrement douloureuse pour les personnes qui en font l’expérience pour la première fois.

8Ainsi que j’ai pu m’en rendre compte à l’occasion d’une enquête menée pendant quatre années au tribunal et en prison, il est une croyance solidement ancrée dans le discours et dans l’esprit des magistrats selon laquelle l’incarcération provoquerait un « choc salutaire » conduisant la personne détenue à prendre conscience de la gravité de son infraction et donc à ne pas récidiver. Cette croyance fonde l’idée de « sens de la peine ». Cependant, pour les personnels pénitentiaires qui s’en ouvraient à moi, ce choc est avant tout un risque suicidaire imposant une surveillance particulière, car un décès dans ces conditions les met directement en cause. Quant aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation avec lesquels je m’entretenais, ils voient dans ce choc une déstabilisation psychologique, une rupture des liens sociaux et une interruption de l’activité professionnelle qui obèrent les chances d’une réintégration réussie. Les juges ne sont toutefois que le dernier maillon de la chaîne pénale au long de laquelle la croyance dans les bienfaits de la prison est largement répandue.

9La chaîne pénale représente l’ensemble des éléments qui interviennent dans la production de la peine, depuis les propositions de lois par l’exécutif et leur vote par le législateur, jusqu’aux décisions des magistrats, en passant par le travail des policiers. Le fait le plus remarquable à cet égard est le durcissement du dispositif punitif qui ne traduit cependant pas une augmentation correspondante de la délinquance et de la criminalité, et qui aboutit à un accroissement presque régulier de la population carcérale. Ainsi, à la fin de l’année 2019, avant le début de la pandémie de Covid-19, près de 72 000 personnes étaient détenues, soit trois fois et demie plus qu’au milieu de la décennie 1950. Sans lien avec la fréquence et la gravité des infractions, cette évolution est liée à une plus grande sévérité qui se caractérise, d’abord, par l’extension du champ correctionnel à des faits qui n’en relevaient pas précédemment, comme les délits routiers, ensuite, par l’application plus stricte des sanctions prévues par la loi, notamment en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants, enfin, par l’allongement de la durée des peines pour un acte donné. Il est notable que le taux de suicide et le taux d’incarcération aient progressé parallèlement dans la seconde moitié du xx^e siècle en France ; les tendances divergent toutefois au début du xxi^e siècle, avec une poursuite de l’augmentation des incarcérations mais une diminution des suicides résultant de la mise en œuvre d’une politique préventive spécifique.

10La progression parallèle ne suffit certes pas à établir un lien de causalité entre la sévérité du dispositif punitif et l’inflation des suicides, mais des enquêtes sur le contexte légal de la commission des suicides permettent d’affiner la compréhension de la relation entre ces deux éléments⁸. Premièrement, parmi les personnes écrouées, celles qui sont incarcérées, soit 85 % de l’ensemble, se suicident deux fois plus que celles qui sont suivies à l’extérieur, généralement sous bracelet électronique. C’est dire l’importance qu’il y aurait à aménager systématiquement les peines courtes d’emprisonnement. Or la sévérité du système correctionnel se manifeste surtout dans les jugements en comparution immédiate, pour lesquels les peines d’emprisonnement ferme, même de courte durée, sont le plus souvent prononcées avec mandat de dépôt, et donc exécutées sur le champ, tandis que les jugements en procédure normale donnent plus facilement lieu à un aménagement, malgré des peines fréquemment plus longues pour des actes plus graves. Dans la mesure où les faits jugés en comparution immédiate concernent presque exclusivement des prévenus de milieu populaire, pour des affaires la plupart du temps de vols simples, d’usage et de détention de cannabis, de conduite après perte de ses points de permis, ou encore d’outrage et de rébellion contre agent dépositaire de l’autorité publique, les décisions d’incarcération sont très différenciées socialement ; et bien que leurs délits soient relativement mineurs, comparés notamment à la délinquance économique et financière, jugée en procédure normale, ce sont les condamnés d’origine modeste qui ont les chances les plus réduites de bénéficier d’emblée d’un aménagement de leur peine. Deuxièmement, au sein de la population carcérale, les prévenus, qui représentent 44 % des détenus en maison d’arrêt alors que le code de procédure pénale prévoit que cette privation de liberté ne soit prononcée qu’à titre exceptionnel, se suicident trois fois plus que les condamnés. Or ces prévenus, qui sont en attente de leur procès, voire de l’appel d’une première décision de justice, sont par conséquent présumés innocents jusqu’à l’éventuelle preuve de leur culpabilité. Leur proportion, qui avait progressivement décru depuis le milieu des années 1980, a recommencé à augmenter à partir de 2015 du fait des politiques sécuritaires des gouvernements successifs et de leurs effets sur les décisions des magistrats. On peut penser que l’angoisse de l’attente du jugement, vécue dans le milieu en lui-même anxiogène de la prison, joue un rôle important dans ces passages à l’acte. On doit néanmoins également considérer le fait que, parmi les prévenus, certains sont accusés de meurtre ou de viol : dans ces deux cas, les analyses montrent que la probabilité de se donner la mort est multipliée respectivement par sept et par quatre. En somme, compte tenu de l’effet convergent de l’incarcération et de la détention provisoire sur le risque suicidaire, la persistance, au sein de la magistrature, de la croyance en ce choc de l’incarcération peut surprendre. Mais il est vrai que les juges, qui, en raison de leur emploi du temps, n’ont guère la possibilité de faire des stages leur permettant de mieux connaître la vie en prison, sont de surcroît rarement informés du suicide des personnes qu’ils ont condamnées à des peines d’emprisonnement ferme. Que, pris d’angoisse, l’homme qu’il a fait incarcérer pour avoir volé un téléphone ou insulté un policier se donne la mort quelques jours plus tard dans sa cellule, le magistrat ne le saura généralement pas.

11« On se suicide en arrivant, mais pas après plusieurs mois », m’avait déclaré un homme que j’avais suivi de son procès pour conduite après suspension de son permis jusqu’à son entrée puis son bref séjour en maison d’arrêt. À sa manière, lui aussi décrivait le choc de l’incarcération. Les statistiques ne lui donnaient pas tort. Le tiers des suicides intervient dans les deux premiers mois et le quart de ceux-ci dans les tout premiers jours passés en prison, au sein de ce que l’on appelle le « quartier arrivants ». En dépit des efforts réalisés pour apporter quelques améliorations à ce dernier en vue de le conformer aux règles pénitentiaires européennes, la transition entre le monde du dehors et le monde du dedans demeure violente, et, après ce moment relativement protégé, le passage de ce sas à l’espace ordinaire de la détention se révèle encore plus brutal. Car, contrairement à ce que répètent volontiers les surveillants qui disent des prisonniers qu’« il ne leur manque que la liberté », le séjour dans le monde carcéral se marque par un ensemble de privations, particulièrement dans les maisons d’arrêt où se concentre le phénomène de surpopulation.

12Il y a d’abord une privation de liberté à l’intérieur même de l’établissement, puisque les personnes détenues sont le plus souvent enfermées dans leur cellule vingt-deux heures sur vingt-quatre, les seules sorties étant les deux heures de promenade que certains ne prennent pas parce qu’ils ont peur de subir des agressions, parce qu’ils veulent profiter d’un moment de tranquillité en l’absence de leur codétenu, ou bien parce qu’un surveillant inflexible a refermé la porte, estimant qu’ils mettaient trop de temps à sortir de leur cellule. Certes, il est possible de pratiquer des activités sportives, d’assister à des séances d’enseignement, de faire des stages de formation professionnelle, d’obtenir un emploi dans les services ou aux ateliers, mais les listes d’attente de plusieurs mois ne laissent pratiquement aucune chance d’en bénéficier à ceux qui ont des courtes peines, lesquelles représentent les deux tiers des nouvelles incarcérations. Il y a ensuite une privation d’intimité, qu’il s’agisse de se laver, d’aller aux toilettes ou tout simplement de passer un moment sans la présence d’un autre, laquelle est presque systématique, deux ou trois personnes occupant l’espace prévu pour une seule. Il y a encore une privation de vie affective et sexuelle, tant les unités de vie familiale demeurent l’exception, et ce malgré l’importance sans cesse proclamée du maintien des liens familiaux pour faciliter la réinsertion : les hommes en sont réduits à la masturbation et à des relations homosexuelles, parfois non consenties. Il y a aussi la privation de soins, non qu’elle soit voulue ou systématique, mais les consultations médicales peuvent être retardées de plusieurs jours, faute de transmission de la demande, et les consultations psychologiques de plus de six mois, par manque de personnel ; l’une des tentatives de suicide à laquelle j’ai assisté était l’incendie du matelas d’un homme qui demandait depuis soixante-douze heures un traitement pour un abcès dentaire très douloureux qui le défigurait. Les privations s’accompagnent de frustrations, par exemple lorsqu’une douche est refusée à un prisonnier par un surveillant qui en accorde une ostensiblement à un autre détenu, et d’humiliations, notamment quand après un parloir il est procédé à une fouille à nu, brutal rappel à l’ordre carcéral. « La prison, c’est une privation de liberté. Ça ne devrait pas être une privation de dignité », protestait un prévenu qui était incarcéré depuis déjà plus de deux ans. Tous ces éléments participent de l’épreuve de la prison que certains supportent moins bien que d’autres et qui peut faire du suicide la seule issue possible à une situation littéralement invivable. Ainsi, les personnes détenues se rendent-elles compte progressivement qu’elles sont même privées du sens de leur peine, qui ne leur sert ni à s’amender ni à préparer une réinsertion par le travail ou l’école : elle est un temps vide de leur histoire de vie.

13L’administration pénitentiaire a fini par prendre acte de l’inflation suicidaire et, à la fin des années 1990, une politique de prévention a été menée, avec des résultats réels, puisque le nombre et le taux de suicides ont commencé à décliner⁹. C’est que la survenue d’un tel drame était redoutée par le personnel. « Un décès en prison, c’est toujours difficile à vivre », m’expliqua un directeur de maison d’arrêt. Il eut un temps de silence, puis, contrairement à ce que j’imaginais être l’émotion causée par le drame, il ajouta : « On se demande si notre responsabilité ne va pas être engagée. » Les morts non naturelles donnent en effet lieu à une double enquête médicale et judiciaire, cette dernière conduisant les membres du personnel pénitentiaire concernés devant le procureur. Toutefois, la dimension affective n’était pas absente. Les surveillants me confiaient l’épreuve que représentait la découverte d’un cadavre baignant dans son sang ou pendu au milieu de la cellule. Les mesures préventives étaient donc de deux types. D’abord, il s’agissait d’évaluer le risque suicidaire à l’arrivée d’un nouveau détenu, puis tout au long du séjour en prison. Cette évaluation consistait à demander à la personne si elle avait des pensées suicidaires et, plus tard, à se montrer vigilant à la suite d’un épisode traumatisant ou de la communication de mauvaises nouvelles. Ensuite, on mettait en place un protocole de surveillance : il fallait passer toutes les deux heures pour demander à la personne ainsi repérée de se montrer à travers l’œilleton et s’assurer qu’elle était bien en vie. La nuit, ce harcèlement bienveillant entraînait le réveil régulier de prisonniers souvent insomniaques, pratique dont l’absurdité n’échappait pas aux surveillants.

14Aux États-Unis également, la question du suicide dans le monde carcéral a récemment attiré l’attention des autorités et des organisations de défense des droits des détenus en raison de l’accroissement rapide des taux : entre 2001 et 2018, ces taux passent de 0,8 à 1,9 pour 10 000 dans les prisons fédérales et de 1,4 à 2,6 pour 10 000 dans les prisons d’État. Cependant, même après cette augmentation, la part des suicides ne représente que 7,5 % de l’ensemble des décès, les principales causes étant de loin les cancers et les maladies cardiovasculaires. Il n’y a que dans les prisons locales, qui regroupent 727 000 détenus, soit prévenus, soit condamnés à des courtes peines, que le suicide vient au premier rang des causes de décès, avec 30 %, soit un taux de 4,5 pour 10 000. Certains se demandent néanmoins si, plutôt que de calculer ce taux par rapport au nombre de personnes détenues à un moment donné, il ne serait pas plus pertinent de le considérer par rapport au nombre de personnes entrant en détention au cours d’une année : ce chiffre étant environ dix fois plus élevé que le premier, le taux n’est plus que de 0,5 pour 10 000, soit trente fois moins que le taux français correspondant¹⁰. Au regard de la grande sévérité du système pénal et de l’extrême dureté de l’appareil pénitentiaire aux États-Unis, il faut bien reconnaître qu’il est difficile de comprendre que l’on se suicide en prison entre quatre et trente fois moins qu’en France. Pourquoi ne se donne-t-on pas plus souvent la mort quand les disparités socioraciales devant la justice sont aussi manifestes, quand il vaut mieux accepter le plaider-coupable pour une sanction négociée qu’être jugé au tribunal, quand les peines prononcées sont tellement disproportionnées par rapport aux infractions commises, quand l’environnement carcéral est si oppressant et la promiscuité si pesante, quand les violences physiques et sexuelles sont à ce point banalisées tant du côté des surveillants que des autres détenus, quand l’espoir d’une libération conditionnelle est soumis au pouvoir discrétionnaire de commissions aux critères de jugement très stricts ? À considérer le cas états-unien, le cadre interprétatif présenté pour analyser la situation française n’a, à l’évidence, pas valeur universelle.

Être effacé du monde

15« Je vous demande de ne pas mêler au débat de principe sur l’abolition une discussion sur la peine de remplacement, ou plutôt sur la mesure de sûreté », avait déclaré Robert Badinter, garde des Sceaux, le 17 septembre 1981 à l’Assemblée nationale, alors qu’il était sur le point de faire voter l’abolition de la peine de mort. Il signifiait ainsi qu’il était pour lui hors de question de substituer à cette dernière une perpétuité effective, c’est-à-dire une peine d’emprisonnement à vie avec une période de sûreté illimitée, et donc sans possibilité de libération. Justifiant un quart de siècle plus tard sa position, il affirmait qu’« on ne substitue pas un supplice à un supplice¹¹ ». La formule de l’ancien ministre établit clairement une forme d’équivalence entre la peine de mort et l’enfermement à vie, le remplacement de la première par la seconde ne changeant rien, selon lui, à la cruauté du châtiment décidé. En d’autres termes, la suppression de la mort physique ne doit pas donner lieu à l’instauration d’une mort sociale.

16La création du concept de « mort sociale » pour décrire la condition de l’esclave est souvent attribuée à l’historien Orlando Patterson, qui l’a en effet développé théoriquement, mais qui indique que l’expression a initialement été employée par Claude Meillassoux, lequel se réfère à son usage par Michel Izard à propos des esclaves dans l’Afrique précoloniale. La condition de ces derniers ne résulte pas d’une différenciation sociale interne, mais d’une capture en dehors de la société dans laquelle ils vivent, généralement à la suite de conflits au cours desquels des ennemis sont faits prisonniers. Elle se caractérise par un arrachement à leur société d’origine, avec perte de tous les liens qui les unissaient à leurs proches et réinsertion dans une nouvelle société, où ils ne jouissent plus d’aucune liberté, y compris sur leur propre corps¹². On voit combien cette définition s’applique à l’esclavage tel qu’il a été pratiqué aux États-Unis, à ceci près toutefois que la traite qui le sous-tend procède moins de la guerre que du commerce. Mais la mort sociale n’affecte pas seulement des individus extérieurs à la société. Elle peut aussi concerner des sujets qui ont fait l’objet d’une dégradation et se trouvent privés de leurs qualités sociales, notamment après avoir violé la loi.

17Dans le monde contemporain, trois situations carcérales correspondent à cette définition : la condamnation à une peine de prison à perpétuité avec une période de sûreté illimitée ; l’isolement complet de longue durée, en général pour raison disciplinaire ; le maintien dans le couloir de la mort dans l’attente d’une exécution. Aux États-Unis, où elles ont connu un développement extrême, ces situations ont pour contexte historique ce qu’on y appelle l’« incarcération de masse », c’est-à-dire l’augmentation très rapide de la population carcérale dans les dernières décennies du xx^e siècle qui s’accompagne d’une surreprésentation considérable des minorités ethnoraciales, phénomènes dans lesquels on peut voir un héritage de l’esclavage et des lois de ségrégation. Il s’agit en effet d’un prolongement, sur le mode du châtiment, de ce qui relevait successivement de l’exploitation et de la discrimination, et qui incluait des formes multiples de dépersonnalisation et souvent même de déshumanisation¹³. Ces trois composantes se trouvent au cœur de l’appareil punitif états-unien dont elles manifestent une morale rétributive toujours en excès de sa définition, c’est-à-dire où le châtiment est plus grand que le crime. Au-delà de leurs différences, elles ont en commun de produire un effacement du monde, avec une suspension et, parfois, une révocation définitive des droits civiques, mais chacune correspond à une modalité distincte de mort sociale.

18La réclusion à perpétuité effective est une perte définitive des liens sociaux avec l’extérieur, en dehors du courrier, des parloirs et des médias autorisés ou non. Cependant, des liens sociaux à l’intérieur de la prison se recréent, y compris à travers des allégeances à des gangs ou des conversions religieuses. À la désocialisation au dehors succède donc une nouvelle socialisation au dedans. Cette peine, que l’on nomme « life without parole », prison à vie sans aménagement possible, a progressivement été instituée dans tous les États sauf un à la suite de la décision de la Cour suprême d’invalider toutes les condamnations à mort en 1972, décision qui fut renversée quatre ans plus tard : il s’agissait bien d’assurer une peine de substitution en remplaçant la mort physique par une mort sociale, mais le renversement de la décision conduisit à ce que l’une et l’autre désormais coexistent¹⁴. En deux décennies, à partir des années 1990, le prononcé de la perpétuité réelle a été multiplié par quatre, et parmi tous les prisonniers qui y sont condamnés, six sur dix sont noirs. Les États-Unis sont de plus le seul pays au monde qui applique cette mesure à des mineurs. La plupart des plus de 200 000 personnes détenues à vie, que l’on désigne comme « lifers », ont été condamnées pour homicide, mais certaines l’ont été pour des délits relativement mineurs tombant sous le coup des lois three strikes and you’re out, selon lesquelles, à la troisième infraction, elles sont définitivement exclues de la société. Pour toutes ces personnes, la condamnation à l’emprisonnement à vie signifie que, désormais, leur vie sera la prison.

19L’isolement complet est généralement imposé pour une faute commise à l’intérieur de la prison, mais il peut aussi l’être en raison d’une dangerosité alléguée. La rupture des liens sociaux ne concerne alors pas seulement le monde extérieur : elle touche également le monde intérieur. Les personnes qui sont condamnées à cette peine dans la peine, que l’on appelle « solitary confinement », ou bien « administrative segregation », sont placées dans des cellules disciplinaires équipées d’un mobilier métallique rudimentaire, dans des unités spéciales d’établissements pénitentiaires ordinaires ou dans des prisons nommées « supermax ». Confinées dans un espace réduit, elles vivent dans l’abjection des odeurs pestilentielles, des excréments étalés sur les murs, des hurlements de voisins de détention. Elles n’ont plus de contact avec les autres prisonniers et ne peuvent plus participer à aucune activité. Leurs seules relations sont avec les surveillants, fréquemment par l’intermédiaire d’écrans, de grilles ou de fenêtres plastifiées, et leurs seules sorties se déroulent dans une courette minuscule, sans autre présence humaine. Elles perdent leurs repères temporels et spatiaux, tandis que leurs fonctions sensorielles et cognitives s’altèrent. Des troubles psychiatriques peuvent apparaître : crises de panique, distorsions perceptives, hallucinations visuelles et auditives, manifestations psychotiques, en particulier paranoïaques¹⁵. L’isolement forcé dure quelques semaines, quelques mois, quelques années, voire plusieurs décennies. Un membre du Black Panther Party a ainsi passé quarante-trois ans à l’isolement dans la plus grande prison de sécurité maximale des États-Unis, surnommée « Angola », en Louisiane : il était accusé du meurtre d’un surveillant qu’il n’avait probablement pas commis, mais en réalité sanctionné pour son engagement politique. Bien que ces prisons aient été construites en nombre à partir de la fin du xx^e siècle, la généalogie de l’isolement carcéral remonte au début du xix^e siècle, quand le principe en a été développé dans le penitentiary de Philadelphie, avec l’idée que la solitude extrême pouvait permettre la prise de conscience par le condamné de ses infractions et le conduire à s’amender. Il ne faut cependant pas se tromper : du supposé humanisme chrétien qui présidait à ces premières expériences au populisme pénal qui prévaut désormais, c’est la même cruauté qui est à l’œuvre.

20Quant aux couloirs de la mort, les « death rows », sinistres antichambres des exécutions capitales, elles présentent un paradoxe : il s’y trouve environ cent fois plus de personnes détenues que de personnes qui seront effectivement mises à mort. Ce nombre a rapidement progressé avec le tournant punitif du début des années 1970, qui a également marqué le commencement de l’inflation carcérale : en un quart de siècle, il a plus que décuplé. Mais depuis le début de la décennie 2000, un lent reflux s’est opéré pour atteindre le chiffre de 2 500. Les exécutions ont cependant connu une évolution plus spectaculaire encore, puisque entre la fin des années 1970 et la fin des années 1990, leur nombre a été multiplié par cent. Néanmoins, depuis lors, on note là encore un régulier mais proportionnellement plus significatif déclin, avec désormais moins d’une vingtaine de cas par an. Cet important décalage entre effectifs dans les couloirs de la mort et nombre d’exécutions tient aux moratoires décidés dans certains États, mais aussi à la durée croissante des procédures visant à faire annuler la mise à mort. Si le temps écoulé entre le jugement et l’exécution a ainsi triplé en trois décennies pour atteindre vingt-deux ans en moyenne, certains prisonniers sont dans le couloir de la mort depuis plus de quarante ans et beaucoup mourront de cause naturelle, puisque près d’un quart d’entre eux a plus de 60 ans. La réflexion sur la peine de mort doit donc se déplacer de la question des exécutions, fait devenu exceptionnel, vers le problème des incarcérations de durée indéfinie dans l’angoissante incertitude du temps qui reste à vivre. Les couloirs de la mort mènent moins souvent à une mort effective par exécution qu’ils ne réalisent, au quotidien, la cruelle expérience d’une mort en sursis.

21Dans les trois situations qui viennent d’être évoquées, la mort sociale revêt ainsi trois significations différentes. Dans la perpétuité sans aménagement possible, elle est la fin de la vie en société, mais la recréation d’une vie dans ce monde social que constitue la prison. Dans l’isolement complet, elle est un emmurement à l’intérieur du monde carcéral, sans plus de contact avec quelque vie sociale que ce soit. Dans le couloir de la mort, elle est une longue vie de pure attente d’une exécution qui, souvent, ne viendra pas, mais demeurera une menaçante présence, comme une suspension indéfinie de la mort physique. On peut, dans chacune de ces manifestations de la mort sociale, reconnaître des formes diverses de torture.

22Si, de même que les autres pays européens, la France n’a ni perpétuité effective (la période maximale de sûreté est de trente ans), ni couloir de la mort (puisque la peine capitale n’existe plus depuis 1981), elle maintient la pratique de l’isolement complet en cellule disciplinaire désignée par les prisonniers comme le « mitard ». Le Sénat la décrit comme « la prison dans la prison », en remarquant qu’avec une durée maximale de quarante-cinq jours, le pays se situe bien au-dessus d’autres, comme l’Italie ou l’Allemagne qui fixent une limite respectivement à quinze et vingt-huit jours¹⁶. Cette condamnation est totalement normalisée puisqu’elle représentait, dans la maison d’arrêt où j’ai conduit mon enquête, 85 % des sanctions prononcées par la commission disciplinaire, alors que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants considère que « cette mesure ne doit être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles, et pour la durée la plus courte possible », sans « excéder quatorze jours », car « l’isolement peut avoir des effets extrêmement dommageables sur la santé mentale¹⁷ ». En France, en effet, le risque de suicide dans une cellule disciplinaire est quinze fois plus élevé que dans une cellule ordinaire, et près de la moitié de ces suicides survient pendant la période de détention provisoire, donc dans les jours qui précèdent l’audience en commission disciplinaire qui, presque toujours, décide le maintien au quartier disciplinaire¹⁸. C’est dire que l’isolement punitif est un important pourvoyeur de suicides, qu’il l’est dès le début du séjour en cellule disciplinaire et que, par conséquent, même une durée considérée comme courte par l’instance européenne n’est pas suffisante s’il s’agit de prévenir les suicides. Les observations que j’ai faites dans le quartier disciplinaire le confirment. La condamnation à cette peine donne souvent lieu, le jour du transfert, à des états de détresse profonde dont on conçoit qu’elle puisse aboutir à des gestes suicidaires. C’est d’ailleurs d’autant plus le cas que les prisonniers qui s’exposent à cette sanction sont les plus instables et les plus vulnérables psychologiquement : résistant mal aux frustrations, ils s’engagent plus facilement dans des altercations avec d’autres détenus ou avec des surveillants. Un jeune homme souffrant de troubles psychiques, condamné à une peine d’emprisonnement de quelques mois pour un délit mineur, avait ainsi été placé en cellule disciplinaire à la suite d’une bagarre. Le soir même, il avait mis le feu à son matelas et le surveillant l’avait secouru trop tard. Brûlé à 80 %, il était décédé peu après à l’hôpital. Peu avant, alors qu’il se trouvait en réanimation dans un état désespéré, un juge avait ordonné – symboliquement – sa libération.

23Plus généralement, la fréquence des troubles psychiques dans les établissements pénitentiaires français contribue significativement à la commission de suicides. Une enquête de l’Inserm, avec évaluation indépendante de la santé mentale des prisonniers par deux experts, a établi que 87 % d’entre eux présentaient des troubles, dont 13 % étaient considérés comme graves. Ces troubles étaient des psychoses dans 14 % des cas, des dépressions sévères dans 24 %, des anxiétés diffuses dans 18 % et des névroses traumatiques dans 14 %¹⁹. D’autres études ont confirmé ces résultats et ont surtout montré qu’un quart des personnes détenues étaient suivies en psychiatrie avant leur entrée en prison, et que quand on comparait la population carcérale et la population générale, on constatait un risque suicidaire trois fois supérieur dans la première. Les travaux épidémiologiques menés dans les établissements pénitentiaires états-uniens, en utilisant des méthodes différentes, donnent des résultats relativement similaires, avec 45 % de troubles mentaux dans les prisons fédérales, 56 % dans les prisons d’État et 64 % dans les prisons locales, là aussi des chiffres très en excès par rapport à ce que l’on observe dans la société en général pour des catégories comparables²⁰. Les problèmes psychologiques ou psychiatriques constituent donc un double facteur de risque : d’abord, pour ce qui est de la probabilité d’être condamné à la prison pour des comportements considérés comme asociaux ; ensuite, pour ce qui est de la probabilité de commettre des actes en prison entraînant un enfermement disciplinaire.

24Il n’en reste pas moins que, si l’on compare les statistiques d’isolement punitif et les statistiques de suicides dans les prisons françaises et états-uniennes, le fait qu’on mette moins souvent fin à ses jours dans les secondes que dans les premières est troublant. Tout se passe comme si la mort sociale, telle que la réalisent l’emprisonnement à perpétuité, l’isolement disciplinaire et les couloirs de la mort, contribuait à exclure, ou tout au moins à réduire, l’éventualité de la mort physique par suicide. On se donne moins souvent la mort parce qu’on la reçoit, ou qu’on est menacé sans cesse de la recevoir.

Conclusion

25Contraste, donc, entre la France, pays du monde occidental avec le taux de suicide le plus élevé en prison, et les États-Unis, pays du monde occidental qui condamne le plus à des peines d’emprisonnement incompressibles, qui confine le plus dans un isolement total et qui réduit le plus de personnes détenues à l’attente d’une exécution qui ne vient pas. Dans le premier cas, les formes extrêmes d’incarcération n’existent qu’à la marge ; dans le second, le suicide est proportionnellement rare. Ces deux situations amènent à distinguer la mort physique de la mort sociale, tout en rappelant que la prison est toujours une violence exercée sur le corps et le psychisme, violence qui peut conduire à ces deux formes distinctes d’anéantissement. Bien sûr, il faudrait souligner la cruauté singulière de l’appareil pénal et pénitentiaire états-unien, car il s’agit bien plus de cruauté, au demeurant acceptée par la société, que de sévérité, sans pourtant soustraire le système punitif français à l’examen de ce trouble sentiment.

26S’il demeure difficile de comprendre pourquoi on se donne si souvent la mort en France en prison et pourquoi on donne si aisément une autre forme de mort aux États-Unis dans les établissements pénitentiaires, on peut tenter d’interpréter la signification de ces deux gestes. Le premier est réalisé par le sujet. Il est un acte de désespoir exprimant la volonté de celui qui le commet de répondre à une situation intolérable, à laquelle il veut échapper, ou bien injuste, qu’il refuse. C’est, au moins sous une forme minimale, un geste de contestation. Le second est imposé par l’institution. Il est un acte de coercition par lequel cette dernière entend soumettre la personne en la privant presque complètement d’autonomie, y compris celle de mettre fin à ses jours comme on le voit à travers les précautions prises dans les couloirs de la mort pour éviter le suicide. C’est, de manière radicale, un geste d’assujettissement. Symétrie, donc, de ces deux façons de se donner ou de donner la mort. Mais si l’abolition de la vie est définitive dans le premier cas, elle ne l’est pas dans le second, et les manières de la réinventer dans les peines illimitées ou de tenir mentalement dans des confinements extrêmes sont autant de formes de résistance que certains prisonniers parviennent à opposer à la violence institutionnelle.