Louvre
|« La liberté de tout oser ». L’histoire de l’art, l’École des beaux-arts et le Collège de France autour de 1900
Texte intégral
1Trois ans après avoir été élu à la chaire d’Esthétique et histoire de l’art rue Bonaparte, à l’École des beaux-arts, Taine publia dans le Journal des débats un récit qui avait valeur de parabole, livrant l’image qu’il se faisait de l’institution, son utilité dans la formation des artistes et incidemment le rôle que pouvait y jouer un professeur chargé d’y enseigner une matière « théorique ». Taine faisait donc visiter les lieux à un ami italien, le comte N., vieil amateur de peintures anciennes professant un grand mépris pour toutes les productions artistiques postérieures à 1600. Le titulaire de la chaire d’Esthétique et histoire de l’art dans l’école lui montrait la cour avec les fragments de la chapelle d’Anet, l’arc de Gaillon, la cour du Mûrier où l’on pouvait alors voir une copie de la Galatée de Raphaël, l’escalier menant à la salle Melpomène, le palais des Études avec les copies des Loges du Vatican. Les copies des chefs-d’œuvre, moulages, peintures, médailles, les fragments d’architecture les plus précieux étaient ainsi entassés dans ce lieu conçu comme un musée-école, destiné à donner à ses élèves les modèles les plus achevés, fondement de leur apprentissage. « Il pleut beaucoup à Paris, n’est-ce pas, et les cheminées fument ? » questionna l’Italien. Il voulait ainsi signifier à son hôte, qui le comprit bien, que la France ne serait jamais l’Italie :
- 1 Hippolyte Taine, « L’École des beaux-arts et les beaux-arts en France », Journal des débats, 2 avri (...)
Le soleil nous manque, et le marbre est trop cher : notre pierre n’a pas d’éclat ; l’enduit dont on la couvre est un placage de café. Les murs, même balayés et grattés, semblent toujours pleurer ; des poussières noires, de vagues traînées verdâtres y collent leur lèpre blafarde. Nos parterres sont des préaux, où l’herbe suinte et pourrit sur place. Nos cheminées, nos brumes, notre lumière pâle ne s’accommodent ni des grandes formes simples, ni des murs nus, ni des couleurs graves et fortes. Mon Italien avait raison de songer aux colonnes orangées, aux dalles roussies, au lustre des marbres, qui, dans son pays, autour d’une citerne ou d’un carré de lavandes, font un promenoir imprégné jusque dans sa pierre de toute la magnificence du ciel1.
Figure 1. Vue de la deuxième cour de l’École des beaux-arts, épreuve sur papier albuminé, fin du xixe siècle, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts.

- 2 H. Taine, « L’École des beaux-arts et les beaux-arts en France », dans M. Waschek (dir.), Relire Ta (...)
- 3 H. Taine, Philosophie de l’art, Paris, Fayard, coll. « Corpus des œuvres de philosophie en langue f (...)
- 4 H. Taine, Philosophie de l’art, op. cit., p. 47.
- 5 Ibid., p. 168.
- 6 Ibid., p. 173.
- 7 Ibid., p. 174.
- 8 Ibid., p. 175.
2Les chefs-d’œuvre, copiés, rassemblés en un lieu qui voisine avec le musée du Louvre et celui du Luxembourg sont peu de choses. « Nous ne pouvons changer notre climat », reconnaît alors Taine, qui tente mollement de justifier l’utilité et la force de l’école : « une bibliothèque spéciale de dessins et de livres sur les arts ; huit cours d’histoire et de science générale ; quatorze maîtres, architectes, peintres, sculpteurs, graveurs, choisis parmi les plus renommés, devant qui, le soir, les jeunes gens dessinent, modèlent ou tirent leurs lignes2 […]. » Mais même ces moyens ne peuvent suffire à produire de bons artistes. Le climat est la condition première selon Taine – le climat, c’est-à-dire le milieu en réalité. Tout ce que dans ses cours aux Beaux-Arts Taine chercha à systématiser, tout au moins à poser, se résume dans le chapitre II de sa Philosophie de l’art : « L’œuvre d’art est déterminée par un ensemble qui est l’état général de l’esprit et des mœurs environnantes3 […]. » Ce sont la race, le milieu et le moment, ou encore la température physique et la température morale des peuples et des contrées qui produisent, non les génies, mais une école dans sa spécificité, faite d’un certain nombre d’hommes aux talents inégalement répartis. Mais, poursuit Taine, « il y a une direction régnante qui est celle du siècle ; les talents qui voudraient pousser dans un autre sens trouvent l’issue fermée ; la pression de l’esprit public et des mœurs environnantes les comprime ou les dévie en leur imposant une floraison déterminée4. » Cette température morale se confond donc largement avec le public, dont Taine parle également dans son article du Journal des débats. « Le public, écrit-il, est une seconde école plus forte que l’autre5. » Quel que soit le talent d’un artiste, sa volonté, il se soumettra d’autant plus facilement au goût du public qu’il en est imprégné, qu’il s’y soumet sans s’en rendre compte. Or, en cette fin du xixe siècle, le public et le goût français sont altérés par toutes sortes de facteurs que Taine livre dans un pêle-mêle étrange : les rues trop pleines, les visages trop affairés, les expositions qui relèvent à la fois de la féérie et du cirque, les critiques trop mélancoliques, les riches étrangers, brésiliens, américains ou moldaves, qui viennent à Paris pour jouir de la vie, la multiplication des salons mondains – jadis « il y avait cent salons, il y en a [aujourd’hui] deux mille » –, les commandes ostentatoires des Français enrichis, les coteries de critiques et de théoriciens… Tout cela aboutit à ce que dans la capitale démocratique qu’est Paris, nous n’ayons dans l’art qu’« un gros public de foire, une concurrence outrée, des enrichis sensuels, des riches mondains, des archéologues minutieux, des coteries de critiques et de théoriciens6 […] ». À ce public qui entoure la création, de sa conception jusqu’à sa réception, correspondent dans une mécanique implacable « les exhibitions de foires, l’exagération des effets, l’empire mesquin des convenances, la minutie pénible de l’antiquaire, les styles maniérés et étiolés7 […]. » Taine n’accepte alors de sauver que deux figures, qu’il ne nomme pas. L’un, parce qu’il « habitait de cœur et d’imagination dans l’antiquité et dans [le] grand siècle [de Raphaël] » n’aura vécu à Paris que comme « un plongeur sous sa cloche ». On reconnaît Ingres. L’autre se serait coulé dans « le drame douloureux de la vie », faisant ressortir par ses couleurs « la pitié, le désespoir, la tendresse, et toujours quelque émotion déchirante ou délicieuse8 ». Là, nous devinons Delacroix.
Utilité, inutilité de la chaire d’Esthétique et histoire de l’art à l’École des beaux-arts
Figure 2. Cour du Mûrier, École des beaux-arts, épreuve sur papier albuminé, éditée par Adolphe Giraudon, fin du xixe siècle, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts.

3Étrange est ce dialogue, entre ce vieil italien et le professeur des Beaux-Arts, sur les lieux mêmes où il enseigne et où l’on forme ce que l’on croit être l’élite des artistes. C’est le climat et le public qui font qu’une école – aussi bien comme lieu d’apprentissage que comme école nationale – existe, irrémédiablement contrainte et bornée. Émile Zola rapporte que Taine avait expliqué à ses élèves de l’école qu’il n’entrait pas dans sa mission de les accompagner dans leur quête de gloire, ni même dans leur formation d’artiste :
- 9 Émile Zola, « L’esthétique professée à l’École des beaux-arts », Revue contemporaine, 15 février 18 (...)
« En fait de préceptes, on n’en a trouvé que deux : le premier qui conseille de naître avec du génie : c’est l’affaire de vos parents, ce n’est pas la mienne ; le second qui conseille de travailler beaucoup, afin de bien posséder votre art : c’est votre affaire, ce n’est pas non plus la mienne. » Étrange professeur, qui vient, contre toutes les habitudes, déclarer à ses élèves qu’il ne leur donnera pas le moyen pratique et mis à la portée de tous de fabriquer de belles œuvres ! Et il ajoute : « Mon seul devoir est de vous exposer des faits et de vous montrer comment ces faits se sont produits. » Je ne connais pas de paroles plus hardies ni plus révolutionnaires en matière d’enseignement9.
4On est en droit de voir dans cette doctrine, telle que Zola la résume et telle que Taine de son côté l’analysait, une double profession d’inutilité : une école d’art, fût-elle aussi prestigieuse, dont les enseignements sont assurés par de grands artistes, riche d’une grande bibliothèque et d’une collection de copies, ne saurait être une fabrique de grands artistes, encore moins le foyer d’une école nationale resplendissante. Ni la grande cour d’honneur ni celle du Mûrier, italianisante et bordée des moulages des frises du Parthénon, ne constituent un milieu. Celui-ci opère en revanche dès qu’on laisse la porte de l’école derrière soi, dans les rues tristes et grises qui l’entourent, dans Paris tout entier. Quant à la mission du professeur en elle-même, elle tient à peu de choses : dire les faits et la mécanique qui les produit, rien d’autre. Pourtant, dans son éloge très ambigu de l’improbable professeur des Beaux-Arts qu’est Taine, Zola cherche à livrer un message sur l’art du présent : n’étant jamais que le produit d’un milieu historiquement et culturellement situé, les écoles du passé ne peuvent livrer la moindre leçon pour l’art du présent, lequel ne peut procéder que de ce que l’époque prescrit. S’en remettre aux modèles du passé revient à s’égarer. Ne sont d’aucune utilité pour parler du présent, on le comprend en lisant Zola, les bustes de Poussin et de Puget, à l’entrée de la rue Bonaparte, l’alignement de portraits des grands maîtres en médaillons dans la cour d’honneur, les noms inscrits sur la façade et dans la cour du Palais des études, jusqu’au panthéon des artistes élus par Delaroche dans les fresques de l’amphithéâtre d’honneur. Aussi professer dans ce lieu en expliquant avec la plus grande méticulosité la mécanique des déterminations revient finalement à libérer les artistes d’œuvres qui, leurs milieux éteints, n’ont plus de nécessité. Telle est la conséquence que Zola voulait trouver dans ces leçons professées par un homme qu’il décidait de qualifier d’artiste et non pas de savant ou de professeur. L’utilité de la chaire tenait à son inutilité bien comprise quant aux modèles passés et au dogme de la tradition que le professeur ne cherchait pas à transmettre.
5Aussi, en faisant l’éloge d’un Taine analyste de la mécanique déterministe de l’art, Zola se trouvait placé dans une contradiction : accepter que les vues de Taine n’en viennent à dissoudre, non plus dans le passé, mais également dans le présent, toute possibilité d’effort personnel, de voix singulière dans l’art. Cela le conduisait à voir dans la philosophie de Taine, tout compte fait, un effort critique d’éclaircissement de l’univers contemporain des contraintes qui pesaient sur les esprits. L’artiste qu’était Taine selon Zola se situait entre un passé fait de milieux révolus et un présent façonné par la technique. C’est dans cet espace ténu que les artistes et le public se pressant pour écouter le professeur pouvaient trouver une leçon leur permettant d’échapper à l’esprit du lieu, tout imprégné du dogme intemporel du Beau :
- 10 É. Zola, Écrits sur l’art, op. cit., p. 81.
En somme que M. Taine se trompe oui ou non dans sa théorie, il n’en est pas moins une nature essentiellement artistique, et ses paroles sont celles d’un homme qui veut faire des artistes et non des raisonneurs. Il vient dire à ces jeunes gens que l’on tient sous la férule et que l’on tente de vêtir d’un vêtement uniforme, il vient leur dire qu’ils ont toute liberté ; il les affranchit, il les convie à l’art de l’humanité, et non à l’art de certaines écoles ; il leur conte le passé et leur montre que les plus grands ont été les plus libres10.
6Des leçons sur la liberté : c’est ce que Zola retenait des cours professés par Taine rue Bonaparte. C’était pourtant ajouter un concept à un système qui, à bien regarder, s’en passait. Ni dans le célèbre passage sur les deux voies de la contemplation – la science, intelligible pour quelques hommes spéciaux, et l’art, accessible à la foule (chapitre I § 7) –, ni dans les développements dans lesquels, à la fin de son cours, Taine développe sa théorie des caractères, ne se trouve le mot, encore moins une théorie de la liberté. Mais quelle qu’ait été la lecture très personnelle faite par Zola, elle n’en reflète pas moins l’extraordinaire écho des leçons de Taine prononcées depuis la rue Bonaparte, vite diffusées par les différentes éditions de sa Philosophie de l’art.
Retour sur l’invention de la chaire : Eugène Viollet-le-Duc
- 11 Albert Boime, « The teaching reforms of 1863 and the origins of modern art », The Art Quarterly, n. (...)
- 12 Lettre de H. Courmont à Nieuwerkerke du 21 septembre 1863, reproduite dans Geneviève Viollet-le-Duc (...)
7Il faut y revenir : cette position presque insulaire de Taine aux Beaux-Arts tient tout d’abord au coup de force que fut la réforme de 1863, voulue par le comte de Nieuwerkerke, Mérimée et Viollet-le-Duc11. L’histoire est bien connue : à la suite du décret impérial du 13 novembre, l’école est réorganisée de fond en comble, le jugement des concours étant retiré à l’Académie. L’administration de l’école, jusqu’alors l’affaire du collège des professeurs-artistes, est confiée à un directeur, placé sous l’autorité directe du ministre de la Maison de l’Empereur. La nomination des professeurs, question sensible s’il en est, revient à la tutelle. Enfin, des chaires d’enseignement théorique – des cours dits spéciaux – sont créées. La philosophie de la réforme était fondée sur la valeur d’originalité, critère essentiel dans la création et l’appréciation des œuvres d’art. La tradition et sa transmission cessaient d’être le fondement de l’apprentissage et l’horizon de la production artistique. Pour rompre avec la caste des artistes qui avait fini par confisquer la gouvernance de l’école, imposant en retour, dans la formation des élèves, les lois parcellaires et déjà dépassées de maîtres établis, décidant sans contrôle des nominations de nouveaux professeurs, le comte de Nieuwerkerke entendait donner à l’État et à un directeur procédant de lui un pouvoir véritable sur la définition des chaires, le choix des artistes-professeurs et le système des concours. « La destruction de la république de l’École » : tel était le premier point que Henri Courmont, le directeur des Beaux-Arts, couchait sur le papier dans une missive qu’il adressait, le 21 septembre 1863, à Nieuwerkerke12. Médité à plusieurs, le rapport rédigé par ce dernier sur l’organisation de l’École impériale et spéciale des beaux-arts vint donner son contenu au décret réformant le 13 novembre l’école, en cherchant à encadrer rigoureusement le pouvoir des artistes qui y régnaient :
- 13 Rapport de Nieuwerkerke présenté par Vaillant à l’Empereur [décret du 13 novembre 1863] reproduit p (...)
Qu’un corps savant se recrute lui-même et par élection, c’est là un fait normal, une règle acceptée de tous ; mais l’École impériale des beaux-arts n’est pas un corps savant, c’est un service d’État, c’est, comme le Conservatoire de musique, un établissement public dont la direction et la surveillance sont placées dans les attributions d’un service ministériel, et qui doit être, en conséquence, régi et administré d’après les mêmes principes13.
- 14 Voir L. Therrien, L’Histoire de l’art en France, op. cit., p. 83-84 et A. Bonnet, L’Enseignement de (...)
- 15 Jules Michelet, titulaire de la chaire d’Histoire et morale (1838-1852).
8Or il ne s’agissait pas simplement de peser sur la nomination des artistes, mais aussi d’introduire des savants dans un cénacle qui s’était coopté jusqu’alors, sans imaginer ouvrir le domaine des matières enseignées à des questions philosophiques ou à une histoire de l’art élargie. Certes, des enseignements existaient déjà depuis le début du xixe siècle : Jean-Nicolas Huyot enseigne à partir de 1819 l’histoire de l’architecture, laissant cette charge en 1840 à Louis-Hippolyte Le Bas. Un poste d’histoire et d’antiquités fut également institué en 1819, restant vacant jusqu’en 1828, revenant à un érudit polygraphe, Adrien Jarry de Mancy, qui fut préféré par les professeurs de l’école à Émeric-David, occupant pendant trente-cinq ans le poste jusqu’à la réforme de 186314. Le constat plein de condescendance de Nieuwerkerke sur le corps des artistes de l’école et sur l’enseignement tenait en réalité à l’extraordinaire inertie qui avait été la leur quant au développement de ces cours spéciaux pendant plus de quarante ans. Il laisse en même temps voir que les artistes n’étaient pas parvenus à créer un pouvoir équivalent à celui des professeurs de l’université ou d’autres grandes écoles. L’autorité fondée sur la parole et le labeur d’écriture de quelques grandes figures – comment ne pas songer à celle, intacte, du proscrit qu’est Michelet, radié de sa chaire au Collège de France par Napoléon III, et qui publie chaque année des volumes qui viennent consolider son œuvre ? – rendait utile l’idée d’introduire des hommes de papier et de chaire dans ce palais15. Nieuwerkerke ne parlait cependant pas de chaires, mais de conférences ou de cours gratuits, confiés à des hommes de bonne volonté, afin que les jeunes artistes fussent informés des notions ou des théories nouvelles. Toutes sortes d’hommes, ajoute Nieuwerkerke, ayant fait une découverte ou emprunté une nouvelle voix dans la science, un érudit spécialiste des costumes anciens, un chimiste ayant trouvé des couleurs nouvelles, un amateur s’étant penché sur les techniques des maîtres anciens, un médecin ayant étudié le mouvement des muscles, un critique ayant échafaudé une théorie du beau, étaient fondés à venir divulguer à l’école leur savoir.
Fig. 3. Eugène Guillaume et Félix Duban, Monument à Ingres, bronze et marbre, 1871, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts.

- 16 Jean-Auguste-Dominique Ingres, Réponse au rapport sur l’École impériale des Beaux-Arts adressé au M (...)
- 17 Ch.[arles] Giraud, De la réorganisation de l’École des beaux-arts. Réponse à la lettre de M. Ingres (...)
9Or cette réforme suscita immédiatement de vives protestations, particulièrement chez les vieux professeurs de l’école. Ingres publie vite une défense pleine d’acrimonie dans laquelle il s’inquiète que l’on puisse confier des chaires libres à des personnalités extérieures. « Que le premier individu pût venir débiter ses idées, peut-être excentriques, dangereuses pour de jeunes têtes, et troublât ainsi l’ordre et l’harmonie des études16 » ne pouvait qu’inquiéter le vieux maître. Un autre membre de l’Institut, Charles Giraud, ancien ministre de l’Instruction publique et des Cultes lui répond, insistant particulièrement sur l’utilité de ces cours publics, gratuits et facultatifs, proches selon lui du modèle universitaire allemand : « J’ai toujours été partisan du privat docent. Il est l’âme, maudite quelquefois, mais enfin il est l’âme des universités allemandes, et je ne vois pas de bonnes raisons pour l’exclure des écoles d’art17. »
10Quant aux élèves, ils vont faire barrage eux aussi, assimilant l’esthétique à un dogme ou une religion, néfaste par principe. Les jeunes artistes retournaient sans difficulté une des matières de la réforme contre elle. À l’origine de la réforme, Viollet-le-Duc va occuper ainsi le premier la chaire d’Esthétique et histoire de l’art. On sait ce qu’il advint. Le 29 janvier 1864, Viollet-le-Duc, accompagné de Nieuwerkerke, Mérimée et Théophile Gautier, donna sa première leçon dans l’amphithéâtre d’honneur. Maxime Du Camp, qui était dans l’assemblée, raconte :
- 18 Maxime Du Camp, Souvenirs d’un demi-siècle, t. I : Au temps de Louis-Philippe et de Napoléon III, 1 (...)
À peine Viollet-le-Duc fut-il assis dans sa chaire et eut-il ouvert la bouche pour dire « Messieurs » – ce fut le seul mot qu’il put prononcer – que le tumulte commença. […] L’exclamation fut énorme, composée de toutes sortes de vociférations : chants de coqs, barrissements d’éléphants, rugissements de lions, gloussements de poule, braiements d’âne, hennissements de cheval, miaulements de chat, rauquements de tigre, glapissements de renard, jappements de chien, tous ces cris se mêlèrent dans une tempête au milieu de laquelle se pressaient les injures18.
- 19 Lettre d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc à H. Courmont du 18 mars 1864, citée par G. Viollet-le-Duc, (...)
- 20 E.-E. Viollet-le-Duc, « Cours professés par Viollet-le-Duc à l’École des beaux-arts », Revue des co (...)
- 21 Hippolyte Fierens-Gevaert, « L’enseignement de l’histoire de l’art en France », Nouveaux essais sur (...)
- 22 AN, École des beaux-arts, AJ/52/20, Conseil supérieur de l’enseignement, séance du 16 mai 1893, cit (...)
11Viollet-le-Duc ne put tenir que sept cours, décidant de démissionner dès le 18 mars. En dépit de quelques lettres de soutien d’élèves et surtout de parents d’élèves, il renonce. « Ce n’est pas à 50 ans passés qu’on se résigne à servir de plastron, et à prêcher des gamins mal élevés19. » Il va cependant publier la même année 1864 ces leçons dans la Revue des cours littéraires. À les lire, on comprend dès le commencement de la première leçon quelle était l’ambition du cours, qui s’adressait aux élèves de toutes les sections : traiter des époques où les trois arts majeurs, l’architecture, la peinture, la sculpture, marchaient ensemble, se nourrissaient les uns les autres20. En cela le cours de Viollet-le-Duc, en en appelant au paragone et à l’union des arts, s’adressait bien aux artistes, fût-il éloigné de la vie courante des ateliers ou des causeries bohèmes. Peut-on en dire autant des cours de Taine ? S’il ne fut pas chahuté, ses cours furent désertés par les artistes. Fierens-Gevaert ironise : « Taine succéda à l’auteur du Dictionnaire de l’architecture. Ses leçons, on le sait, eurent un retentissement considérable. Tout le monde y assistait… sauf les élèves21. » Dans un rapport du Conseil supérieur de l’enseignement, dans sa séance du 16 mai 1893, on apprend que « Les jeunes gens ne le suivent pas en grand nombre ». Charles Garnier de railler : « le cours n’est pas indispensable, l’indifférence des élèves le prouve22. »
Les élèves ou le public
- 23 Les leçons furent d’abord publiées sous la forme d’articles dans la Revue des cours littéraires de (...)
- 24 Antoine Compagnon, La Troisième République des Lettres. De Flaubert à Proust, Paris, Seuil, 1983, p (...)
12Hippolyte Taine eut plus de chance que son prédécesseur, dont les cours furent en définitive très fréquentés par les élèves le peu de temps qu’il y resta… Isolé dans l’école, boudé ou méprisé par les artistes, les jeunes comme les collègues peintres, sculpteurs ou architectes, Taine eut cependant un grand succès et finit par s’imposer. Car sa parole portait au-delà de l’école ; son public était Paris, le monde des savants et des curieux avides de nouveautés littéraires, et non la rue Bonaparte. Et cette parole devait se transformer en œuvre : la publication des cours sous la forme d’articles, de volumes correspondant à un cycle de cours puis d’une Philosophie de l’art les réunissant, réimprimés et réédités, en est la concrétisation23. Il était arrivé à l’école après une carrière chaotique : premier reçu à l’École normale supérieure, il avait été recalé à l’agrégation. Il s’était très tôt présenté pour y échouer à diverses chaires d’enseignement, Saint-Cyr, Polytechnique, puis une première fois les Beaux-Arts. L’appui de la princesse Mathilde lui avait permis d’obtenir un poste modeste d’examinateur au jury de Saint-Cyr. Le passage-éclair de Viollet-le-Duc aux Beaux-Arts lui permit d’accéder à une chaire à la fois difficile mais très visible, ce qui relança une carrière de professeur longtemps entravée. Pourtant, avant même d’accéder à cette chaire, Taine avait exercé une influence profonde sur les lettres, instituant même un pouvoir qui, comme l’écrit Antoine Compagnon, s’apparentait à une dictature24, laquelle vint s’étendre ensuite à une discipline encore faible en France, qu’il décida d’investir, sans bien être en mesure d’apporter une position aussi forte que celle des historiens de l’art de langue allemande.
- 25 Cours qu’il publie dans son Histoire du costume antique d’après des études sur le modèle vivant, Pa (...)
13Car cette chaire d’Esthétique et histoire de l’art venait dans sa définition remplir un manque : la France était dans ces deux domaines en retard par rapport à l’Allemagne. La greffe au sein d’une école d’artistes servait en conséquence la science française. Elle va former un véritable modèle ou à l’inverse un repoussoir pour les autres chaires parisiennes. Taine ne fut pas l’unique théoricien à tenter de s’imposer dans l’école. S’il ne fut pas le seul à conquérir un véritable auditoire mondain, il laissa, plus que quiconque, un souvenir durable, grâce à ses livres, qui fixèrent et amplifièrent même l’écho de ses leçons. Avant lui, l’helléniste Léon Heuzey avait été nommé, en 1862, juste avant la réforme, reprenant non pas une chaire, mais la charge de cours jusqu’alors assurée par le bibliothécaire Jarry de Mancy. Heuzey enseigna aux Beaux-Arts jusqu’en 1907, plus de quarante ans. Conservateur au musée du Louvre, Heuzey se concentra dans son enseignement sur le costume antique25. Il fit sensation en achevant ses leçons de l’année par des séances de drapé sur des modèles vivants. Son suppléant, Edmond Pottier, décrit le succès remporté par ces performances avant l’heure :
- 26 Edmond Pottier, « Le jubilé de M. Léon Heuzey », La Revue de Paris, 15 novembre 1911, p. 277-294, i (...)
Chaque été, le maître résumait ses leçons de l’année en faisant paraître sur l’estrade, et en drapant lui-même de ses doigts habiles et légers, soit un Égyptien, un Chaldéen, un Assyrien, soit un soldat grec ou une Tanagréenne, un légionnaire ou un sénateur romain. L’hémicycle des Beaux-Arts était alors trop petit pour contenir la foule qui s’y pressait, mêlée aux élèves de l’École26.
14Autre recrue, cette fois en 1864, grâce à l’ouverture faite par la réforme de 1863 : David Sutter, autorisé à prononcer un cours d’esthétique générale et appliquée. Peintre, graveur, musicien et écrivain, ce dernier avait fait très tôt valoir auprès de Théophile Gautier qu’il était le plus à même d’enseigner la perspective ainsi que les lois de l’harmonie esthétique des lignes, de la lumière et des couleurs. Dans une lettre qu’il adresse à Gautier le 4 avril 1864, Sutter fait de la réclame pour le Traité de perspective dont il a publié deux versions en 1858 et 1859 :
- 27 Lettre de David Sutter à Théophile Gautier, 4 avril 1864, dans Théophile Gautier, Correspondance gé (...)
Cet ouvrage est le plus complet, le mieux ordonné, et le seul avec lequel on puisse apprendre la perspective sans le secours d’un maître. […] Cette méthode est si simple, ajoute le candidat spontané, que je puis enseigner la perspective en une heure au plus obtus des élèves de l’École, et je serais même très désireux d’être appelé à en donner la preuve en présence de la commission dont vous faites partie27.
- 28 D.[avid] Sutter, Esthétique générale et appliquée contenant les règles de la composition dans les a (...)
- 29 Voir Patrice Debré, Louis Pasteur, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins Univ. Press, 1998, p. 129.
15L’ouverture de chaires accordées par l’administration des Beaux-Arts, sans l’assentiment des professeurs de l’école, avait créé une sorte d’effet d’aubaine. Sutter parvient à se faire nommer et prononce ses premiers cours d’« esthétique générale & appliquée » dès 186428. Avant Taine, il y eut donc un autre professeur d’esthétique – mais une esthétique d’un tout autre genre –, dont le souvenir s’est largement évanoui. Sutter occupait une chaire dite « libre ». Autre professeur qui trouvera dans l’école fraîchement rénovée un point de chute : Louis Pasteur, chassé de l’École normale supérieure et attendant la chaire de la Sorbonne où il allait se faire élire en 1867, et qui parvient à se faire nommer dans la section d’architecture professeur de géologie, physique et chimie, traitant dans ses leçons de questions d’infectiologie et d’architecture, parfois de chimie élémentaire des ingrédients de la peinture29. Il renonce rapidement à poursuivre ses cours, faute de moyens matériels et surtout d’auditoire.
L’esthétique et l’histoire de l’art
16D’une certaine façon, la chaire d’Esthétique et histoire de l’art confiée à Taine, presque de manière hasardeuse, afin de caser l’éternel recalé, se transformera en modèle. De greffe mal acceptée au sein d’une école d’artistes turbulents et souvent rétifs aux abstractions, elle prescrira ailleurs la définition des autres chaires. Celle de Charles Blanc au Collège de France tout particulièrement. On le comprend en lisant la position de Ferdinand Brunetière en 1882, au sujet de la chaire d’Esthétique au Collège de France. Taine avait légiféré sur la littérature avant de statuer sur les Beaux-Arts, là encore avec un succès impressionnant. Il ne faut pas alors s’étonner qu’un critique littéraire influent soit venu donner son opinion et peser sur la définition d’une chaire. Dans l’économie générale des chaires, la matière esthétique doit revenir au Collège de France. Plus que Taine, veut croire Brunetière, c’est Charles Blanc qui a ouvert la voie, en y occupant entre 1878 et 1882, date de sa mort, la chaire d’Esthétique et histoire de l’art. Cela ne tient pas à la supériorité de l’un sur l’autre, mais à la nature des institutions et des enseignements qui y sont dispensés :
- 30 Ferdinand Brunetière, « Revue littéraire. La chaire d’Esthétique au Collège de France », Revue des (...)
On dira peut-être qu’il y avait une chaire d’esthétique à l’École des beaux-arts. C’est vrai. Elle a même été occupée, elle l’est encore comme on ne peut guère se flatter que la chaire du Collège de France elle-même le soit souvent. Les doctrines de M. Taine, qu’on les partage ou non, – et, pour notre part, nous ne les partageons qu’à moitié, mais ce n’est pas là le point –, laisseront une trace plus profonde peut-être qu’aucune autre doctrine esthétique, depuis Schelling et depuis Hegel, dans l’histoire de la pensée contemporaine. Seulement, l’École des beaux-arts, en dépit de la liberté du régime intérieur, est une école spéciale, une école fermée, j’oserais presque dire, au risque d’offenser plus d’un amour-propre, une école secondaire, où l’on forme des élèves quoi qu’ils en aient, pour une espèce de service public. La nature des cours y est déterminée par les exigences d’un programme qui, pour n’être pas écrit sur le papier, n’en est pourtant pas beaucoup moins rigoureusement défini que dans les autres écoles. Un professeur à l’École des beaux-arts est plus libre assurément de la distribution des matières de son cours qu’aucun professeur à l’École polytechnique, par exemple, ou à l’École normale : il n’en est évidemment pas le seul maître, et il y a des considérations qui règlent son caprice, des convenances qui restreignent sa liberté, des obligations enfin qui bornent expressément son choix à quelques-unes des provinces de l’histoire de l’art. Concevez-vous, en effet, qu’un professeur à l’École des beaux-arts allât prendre une année pour sujet de son cours l’histoire du mobilier français, ou de la porcelaine de Chine ? Ou bien encore, admettez-vous qu’il se proposât de faire un examen critique des travaux d’érudition dont les peintres vénitiens, par exemple, ou les graveurs français, auraient été l’objet depuis quinze ou vingt ans ? Ce qu’il fallait cependant, et c’est ce qui manquait, c’était bien une telle chaire, vraiment publique, autour de laquelle tout le monde eût accès ; une chaire dont la désignation large permit au titulaire, et selon qu’il lui conviendrait, sous sa seule responsabilité, de renouveler, chaque année, la matière de son enseignement ; une chaire enfin dont l’occupant n’eût à s’inquiéter que des besoins de la science, et encore de la science telle qu’il la comprendrait, je veux dire de la science ouverte, de la science hétérodoxe, maître, en deux mots, et sans avoir à craindre qu’on l’accusât de routine ou de témérité, maître d’attaquer la tradition, s’il lui plaisait, ou, au contraire, de la défendre contre les assauts de la nouveauté. Soyez bien sûr d’ailleurs que cette liberté de tout oser ne deviendrait dangereuse que si l’on asseyait dans la chaire un homme incompétent.
Cette chaire pouvait-elle être mieux placée qu’au Collège de France30 ?
17Il est assez étonnant que Brunetière ait pu voir dans l’École des beaux-arts – et singulièrement celle où Taine s’était logé – une école contrainte par des exercices d’application. Taine, nous l’avons noté, avait su créer son insularité et même la théoriser. Il ne se sentait nullement obligé de donner aux élèves des recettes pour emporter le prix de Rome et faire carrière. S’il ne traite pas de la Chine, cela ne tient pas au fait qu’il se conforme à un quelconque canon, mais aux limites de son savoir et peut-être à son universalisme façon III ͤ République qui est en réalité très européen. Quant à son successeur, Louis de Fourcaud, il ne fut pas plus contraint par les ateliers de pratique que par un programme implicite.
18Une sorte de partage s’établira alors, où en réalité l’histoire de l’art finira par dissoudre cette esthétique qui obsédait pourtant les esprits dans les années 1860-1900. D’un côté, l’École des beaux-arts restreindra le champ de sa chaire en la centrant sur l’histoire de l’art. D’une certaine façon elle donnera raison a posteriori à Brunetière. En effet, le Conseil supérieur des Beaux-Arts décide en 1893 d’accorder à l’histoire de l’art la première place, en reléguant l’esthétique au second rôle. Membre du conseil qui décide de cette mutation, Louis de Fourcaud, critique et écrivain, se portera candidat puis emportera le concours. Il assure le cours jusqu’en 1912-1913, à la veille de la Première Guerre mondiale. De son côté, le Collège de France avait déjà revendiqué le domaine et le mot esthétique dans une assemblée des professeurs réunie en 1882. Il s’agissait de tenir une position forte face à l’université allemande qui alignait une quarantaine de chaires dans ce domaine. Pour autant, il était clair que dans l’alliage qui était fait de ces deux matières, l’une devait clairement prédominer :
- 31 Archives du Collège de France, Comptes rendus xviie-xixe, 1656-1900, assemblée du 5 mars 1882, 4 AP (...)
Non seulement on tient à la conservation de la chaire de Charles Blanc, mais on la veut, on la redemande telle qu’il l’a conçue, constituée, disons mieux encore, telle qu’il l’a créée. Il a compris que, malgré son titre double, c’était la seconde moitié du titre de la chaire qui était la principale. Il a vu qu’il s’agissait avant tout d’enseigner l’histoire de l’art à toutes les époques31.
19Ni Guillaume ni Lafenestre ne donneront au terme un contenu ferme et véritablement expérimental. L’esthétique sera la caution allemande, quasiment scientiste, d’une histoire de l’art de plus en plus en plus synthétique, non pas adressée à un cénacle érudit, mais à un public mondain qui venait découvrir de saison en saison les différentes régions d’une histoire de l’art universelle c’est-à-dire, à ce moment, bien européenne. Il n’était pas simple de perpétuer l’autorité d’un Charles Blanc : ni l’examen véritablement critique des travaux d’érudition sur une école de peinture étrangère, encore moins la porcelaine de Chine ne seront au programme chez ses successeurs.
Les élections et les luttes idéologiques
- 32 F. Brunetière, « Revue littéraire. La chaire d’Esthétique au Collège de France », art. cit., p. 449
- 33 Archives du Collège de France, Comptes rendus xviie-xixe, 1656-1900, assemblée du 30 avril 1882, 4 (...)
- 34 Archives du Collège de France, Professeurs. Dossiers personnels des professeurs nés entre 1789 et 1(...)
- 35 Sur les carrières croisées de Guillaume et Lafenestre, voir les contributions de Claire Barbillon e (...)
20D’une certaine façon, Brunetière, dans son article de 1882, avait donné le résultat de l’élection du successeur de Charles Blanc. Selon lui, Müntz avait pour handicap son érudition : trop grand était le risque qu’il ne fît, s’il était élu, de son enseignement « un cours d’érudition pure, à l’usage de quelques initiés32 ». Brunetière évoquait Rayet, déjà suppléant en épigraphie grecque, jugeant qu’il n’avait pas la qualification pour parler de Vélasquez ou de Rembrandt. Lafenestre était donc, on le comprend bien, le seul à pouvoir embrasser tout le champ de l’histoire de l’art, avec l’esthétique qui était censée l’encadrer. Si Müntz avait davantage publié que Lafenestre, ce dernier avait pour lui d’avoir déjà parlé au grand public, ce qui était la vocation du Collège de France. Enseignement général ou enseignement spécial : le premier devait l’emporter. De leur côté, les professeurs du Collège de France avaient tranché, d’une certaine manière, dans leur assemblée générale du 5 mars 1882, en perpétuant la matière esthétique dans l’intitulé de la chaire et surtout en donnant l’avantage à une figure très établie. Cinq candidats se présentèrent à la succession de Charles Blanc : le sculpteur Antoine Étex, le graveur Charles Gallot, le sculpteur Eugène Guillaume, professeur à l’École des beaux-arts, Georges Lafenestre, alors inspecteur des Beaux-Arts, et enfin Eugène Müntz, bibliothécaire à l’École des beaux-arts. À l’évidence, les professeurs du Collège de France s’étaient déjà entendus avant de se réunir. Dans leur assemblée du 30 avril 1882, ils élisent Guillaume par 27 voix, Étex, Lafenestre et Müntz ne recueillant chacun qu’un suffrage. Et lorsqu’il faut désigner le candidat de second rang, c’est Müntz qui rassemble le plus de voix, 21, devant Lafenestre qui n’en obtient que 6 et Étex 333. Pourtant, quand Guillaume demande en 1889 à être soulagé de sa charge d’enseignement, c’est le nom de Lafenestre, nommé entre-temps conservateur au musée du Louvre, et non celui de Müntz qu’il propose aux professeurs du Collège34. Devenant suppléant, le conservateur Lafenestre occupera deux postes de professeur : l’enseignement place Marcelin-Berthelot et celui d’histoire de la peinture, à l’École du Louvre. Installé depuis des années comme suppléant, c’est lui que l’assemblée des professeurs élira en 1905, pour succéder officiellement à Guillaume35.
- 36 Sur Fourcaud, signalons le travail en cours de Sophie Courtreau, « L’enseignement de Louis de Fourc (...)
- 37 Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, Paris, Librairie Armand Colin, 1953, p. 303. Sur ces débats (...)
21Il est frappant de voir, à distance, que Müntz fut pendant les dernières années de sa vie le grand perdant de toutes ces compétitions. Au Collège de France, on lui préfère, nous l’avons vu, Lafenestre. Bibliothécaire rue Bonaparte, il est le suppléant de Taine quand celui-ci est nommé en 1864. À la mort de ce dernier, il ne parvient pas cependant à lui succéder. Louis de Fourcaud l’emporte dans une élection qui se joue à une faible majorité, 10 voix contre 8 pour Müntz. Et surtout il perd idéologiquement contre Courajod, Lafenestre et Bouchot. Car cette « guerre des chaires » n’est pas tant une compétition pour accéder aux postes les plus prestigieux qu’une intense lutte dont l’enjeu est la définition de grands ensembles artistiques nationaux, de formations stylistiques ayant irrigué l’art français aux xive, xve et xvie siècles. Primat de l’Italie ou de la Flandre ? Müntz accordait une prééminence à l’Italie, là où Courajod, dans ses cours délivrés à partir de 1887 à l’École du Louvre avait cherché à démontrer l’existence d’un socle franco-flamand dans la préparation et l’accomplissement de la Renaissance. Dans le même lieu puis au Collège de France, Lafenestre cherchera à construire un modèle intermédiaire, préservant l’art français de ces influences. Fourcaud s’efforcera lui-aussi, à l’École des beaux-arts, de rappeler dans les cours qu’il prononce sur l’art français du xve siècle l’existence d’une école nationale pleinement originale36. Avant la tenue de l’exposition des Primitifs français de 1904, qui scellera la défaite – posthume – de Müntz, une guerre de positions s’était engagée dans les amphithéâtres. Dans cette grande bataille qui a marqué durablement historiens de l’art et historiens, parmi lesquels Lucien Febvre, l’homme qui perd sur le moment et dans les années à venir est bien Müntz37.
Infortune et fortune d’Eugène Müntz
- 38 Voir M. Passini et F.-R. Martin, « Ressentiment politique, affinités intellectuelles. Eugène Müntz (...)
22L’on avait cherché, au Collège de France comme à l’École des beaux-arts à rattraper la vieille esthétique hégélienne que Victor Cousin avait tenté d’acclimater. Les milieux devaient être explorés, la scientificité des procédures améliorée. Or dans ces deux domaines, l’histoire de l’art française aura toutes les peines à être au niveau d’une discipline en plein développement dans l’aire germanique. La Kulturgeschichte d’un Jacob Burckhardt est infiniment plus ouverte et souple que la mécanique de Taine, à laquelle on la comparera. Et s’il faut chercher un vis-à-vis à Burckhardt en France, il est davantage chez Müntz que chez Taine. Quant à la science, les Allemands l’investissent sous la bannière de la Kunstwissenschaft. Là encore, la comparaison est cruelle : les prétentions de Lafenestre ne tiennent pas face à Anton Springer ou même à Alfred Woltmann. Dans cette scène française, c’est bien Müntz qui, aujourd’hui, apparaît comme la grande figure. Tous les travaux depuis plus d’un siècle sur la circulation des œuvres d’art peuvent pourtant se réclamer de sa vision très ouverte des mouvements stylistiques. S’y ajoute l’ampleur de l’œuvre, que surmontent les trois grands volumes de l’Histoire de l’art pendant la Renaissance (1888-1894), et la manière très souple, vivante, dont elle accueille l’idée de milieu empruntée à son collègue Taine qu’il estimait. Müntz par ailleurs est un des premiers à s’aventurer vers l’iconologie, envisagée non pas simplement comme une variante sophistiquée de l’iconographie, mais comme une véritable herméneutique des images. Enfin, l’inventivité conceptuelle de l’historien ne peut qu’impressionner aujourd’hui encore. Elle n’avait pas échappé à Aby Warburg, sensible aux réflexions de son aîné sur le pathétique ou des figures comme Méduse38. Alsacien optant, Müntz correspond tout au long de sa carrière avec les grands savants allemands, devenant ainsi un médiateur essentiel, marginalisé à Paris, mais reconnu outre-Rhin. S’il ne put remporter la moindre des élections où son nom apparut, restant confiné dans une école où les élèves ne devaient guère s’intéresser à ses travaux, il représenta depuis Paris et sa bibliothèque une histoire de l’art qui, si elle n’avait pas la faveur du beau monde ou des grands électeurs du Collège de France et de l’École des beaux-arts, correspondait pourtant à ce que les meilleurs esprits de l’époque préparaient à ce moment à Bâle, Berlin, Strasbourg ou Vienne.
Je souhaite remercier Roland Recht pour ses remarques faites lors de la présentation de cette communication, qui m’ont conduit à reprendre quelques-uns des développements. Je voudrais qu’il trouve dans cette étude la marque d’un compagnonnage, à Strasbourg puis à Paris, au Collège de France. J’ai également profité, dans la préparation de ce travail, des conseils de Claire Barbillon et de Jessica Desclaux.
Notes
1 Hippolyte Taine, « L’École des beaux-arts et les beaux-arts en France », Journal des débats, 2 avril 1867, repris dans Essais de critique et d’histoire, 3e éd., Paris, Hachette, 1874, p. 371-391 puis dans Derniers essais de critique et d’histoire, 4e éd., Paris, Hachette, 1909, p. 49-66. L’essai est repris dans le volume : Matthias Waschek (dir.), Relire Taine, Paris, Musée du Louvre, École nationale supérieure des beaux-arts, 2001, p. 165-176, ici p. 167-168.
2 H. Taine, « L’École des beaux-arts et les beaux-arts en France », dans M. Waschek (dir.), Relire Taine, op. cit., p. 168.
3 H. Taine, Philosophie de l’art, Paris, Fayard, coll. « Corpus des œuvres de philosophie en langue française », 1985, p. 43 (l’édition contient par ailleurs l’essai cité à la note précédente, « L’École des beaux-arts et les beaux-arts en France », p. 507-520). Sur la théorie du milieu chez Taine, on se référera, dans une vaste bibliographie à : D. D. Rosca, L’Influence de Hegel sur Taine théoricien de la connaissance et de l’art, Paris, Librairie universitaire J. Gamber, 1928 ; Thomas H. Goetz, Taine and the Fine Arts, Madrid, Playor S. A., 1973 ; Patrizia Lombardo, « Hippolyte Taine between Art and Science », Yale French Studies, no 77, 1990, p. 117-133 ; Antoine Compagnon, « Taine : philosophie de l’art ou philosophie du musée », dans M. Waschek (dir.), Relire Taine, op. cit., p. 11-32 ; Mary G. Morton, « Art history on the academic fringe. Taine’s Philosophy of Art », dans Elizabeth Mansfield (dir.), Art History and its Institutions. Foundations of a discipline, Londres-New York, Routledge, 2002, p. 215-228 ; Étienne Jollet, « L’histoire de l’art entre histoire et esthétique : le cas de Taine », dans Roland Recht, Philippe Sénéchal, Claire Barbillon et François-René Martin (dir.), Histoire de l’histoire de l’art en France au xixe siècle, Paris, La Documentation française, Collège de France, Institut national d’histoire de l’art, 2008, p. 279-289 ; Nathalie Richard, Hippolyte Taine. Histoire, psychologie, littérature, Paris, Classiques Garnier, 2013 ; Sholom J. Kahn, Science and Aesthetic Judgment. A study in Taine’s critical method, Londres-New York, Routledge, 2016.
4 H. Taine, Philosophie de l’art, op. cit., p. 47.
5 Ibid., p. 168.
6 Ibid., p. 173.
7 Ibid., p. 174.
8 Ibid., p. 175.
9 Émile Zola, « L’esthétique professée à l’École des beaux-arts », Revue contemporaine, 15 février 1866, repris sous le titre « M. H. Taine, artiste », dans É. Zola, Mes Haines. Causeries littéraires et artistiques. Mon Salon (1866). Édouard Manet, étude biographique et critique, Paris, G. Charpentier Éditeur, 1879, p. 201-232. Voir Id., Écrits sur l’art, Jean-Pierre Leduc-Adine (éd.), Paris, Gallimard, 1991, p. 63-83, ici p. 70. Zola prolonge l’éloge de Taine dans un article fameux, « La formule critique appliquée au roman », Le Voltaire, 27 mai 1879, repris dans É. Zola, Le Roman expérimental, Paris, G. Charpentier Éditeur, 1881, p. 220-226. Voir Ronnie Butler, « Zola between Taine and Sainte-Beuve, 1863-1869 », The Modern Language Review, 1974, vol. 69, no 2, p. 279-289 ; François-Marie Mourad, « Zola critique littéraire, entre Sainte-Beuve et Taine », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 107, 2007-1, p. 83-103.
10 É. Zola, Écrits sur l’art, op. cit., p. 81.
11 Albert Boime, « The teaching reforms of 1863 and the origins of modern art », The Art Quarterly, n.s., I, no 1, 1977, p. 1-39 ; Pierre Vaisse, La Troisième République et les peintres, Paris, Flammarion, 1995, p. 66-93 ; Monique Segré, L’École des beaux-arts. xixe-xxe siècles, Paris, L’Harmattan, 1998 ; Alain Bonnet, « La réforme de l’École des beaux-arts de 1863. Peinture et sculpture », Romantisme, no 93, 1996, p. 27-38 ; Lyne Therrien, L’Histoire de l’art en France. Genèse d’une discipline universitaire, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, coll. « Format 25 », 1998, p. 83-30 ; Alain Bonnet, L’Enseignement des arts au xixe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.
12 Lettre de H. Courmont à Nieuwerkerke du 21 septembre 1863, reproduite dans Geneviève Viollet-le-Duc, « Viollet-le-Duc et l’École des beaux-arts : la bataille de 1863-64 », dans Eugène Viollet-le-Duc, Esthétique appliquée à l’histoire de l’art, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 1994, p. 113-157, ici p. 116-117.
13 Rapport de Nieuwerkerke présenté par Vaillant à l’Empereur [décret du 13 novembre 1863] reproduit partiellement dans G. Viollet-le-Duc, « Viollet-le-Duc et l’École des beaux-arts : la bataille de 1863-64 », art. cit., p. 117-124, ici p. 118.
14 Voir L. Therrien, L’Histoire de l’art en France, op. cit., p. 83-84 et A. Bonnet, L’Enseignement des arts au xixe siècle, op. cit., p. 58-62.
15 Jules Michelet, titulaire de la chaire d’Histoire et morale (1838-1852).
16 Jean-Auguste-Dominique Ingres, Réponse au rapport sur l’École impériale des Beaux-Arts adressé au Maréchal Vaillant ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts, Paris, Librairie académique Didier, 1863, p. 19. Le texte est reproduit dans Hans Naef, Die Bildniszeichnungen von J.-A.-D. Ingres, Berne, Bentelli Verlag, vol. 3, 1979, p. 538-541. L’ensemble des positions fut collecté par Ernest Chesneau, Le Décret du 13 novembre et l’Académie des beaux-arts, Paris, Librairie académique Didier, 1864. Voir A. Bonnet, « Ingres et la réforme de l’École des beaux-arts de 1863 », dans C. Barbillon, Philippe Durey, Uwe Fleckner (dir.), Ingres, un homme à part ? Entre carrière et mythe, la fabrique du personnage, Paris, École du Louvre, 2009, p. 141-148.
17 Ch.[arles] Giraud, De la réorganisation de l’École des beaux-arts. Réponse à la lettre de M. Ingres, sénateur, membre de l’Institut, Paris, Imprimerie de Ad. Laisné et J. Havard, 1864, p. 27.
18 Maxime Du Camp, Souvenirs d’un demi-siècle, t. I : Au temps de Louis-Philippe et de Napoléon III, 1830-1870, Paris, Hachette, 1949, p. 221-224, ici p. 222 (on retrouve le récit de Maxime Du Camp chez L. Therrien, L’Histoire de l’art en France, op. cit., p. 578-582, ici p. 579-580). Voir également Hyacinthe Husson, « École impériale des beaux-arts. Ouverture des cours “d’histoire de l’art et d’esthétique” et “d’histoire et d’archéologieˮ », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, t. XXII, 1864, p. 68-70.
19 Lettre d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc à H. Courmont du 18 mars 1864, citée par G. Viollet-le-Duc, « Viollet-le-Duc et l’École des beaux-arts : la bataille de 1863-64 », art. cit., p. 40.
20 E.-E. Viollet-le-Duc, « Cours professés par Viollet-le-Duc à l’École des beaux-arts », Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger, vol. 1, 27 février 1864, p. 149-155, 23 avril 1864, p. 262-265, 11 juin 1864, p. 379-382, 2 juillet 1864, p. 423-426, 9 juillet 1864, p. 444-446, 30 juillet 1864, p. 487-492, 1er octobre 1864, p. 629-631. L’ensemble a été réuni dans E.-E. Viollet-le-Duc, Esthétique appliquée à l’histoire de l’art, op. cit. Voir par ailleurs : Philip Hotchkiss Walsh, « Viollet-le-Duc and Taine at the École des Beaux-Arts. On the first professorship of art history in France », dans E. Mansfield (dir.), Art History and its Institutions, op. cit., p. 85-99.
21 Hippolyte Fierens-Gevaert, « L’enseignement de l’histoire de l’art en France », Nouveaux essais sur l’art contemporain, Paris, Félix Alcan, 1903, p. 121, cité par L. Therrien, L’Histoire de l’art en France, op. cit., p. 109-110.
22 AN, École des beaux-arts, AJ/52/20, Conseil supérieur de l’enseignement, séance du 16 mai 1893, cité par L. Therrien, L’Histoire de l’art en France, op. cit., p. 109.
23 Les leçons furent d’abord publiées sous la forme d’articles dans la Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger (8 livraisons) entre 1865 et 1868, puis entre 1868 et 1869 dans le Journal des débats (12 livraisons). Vinrent ensuite plusieurs éditions en volumes : Philosophie de l’art, leçons professées à l’École des beaux-arts, Paris, G. Baillière, 1865 (rééd. 1872 et 1879) ; Philosophie de l’art en Italie, leçons professées à l’École des beaux-arts, Paris, G. Baillière, 1869 (rééd. 1876 et 1880) ; Philosophie de l’art en Grèce, leçons professées à l’École des beaux-arts, Paris, G. Baillière, 1869 (rééd. 1882) ; Philosophie de l’art dans les Pays-Bas, leçons professées à l’École des beaux-arts, Paris, G. Baillière, 1869 ; Philosophie de l’art, 2 vol., Paris, Hachette, 1881 (rééd. 1890 et 1898) ; Philosophie de l’art, 2 vol., nouvelle édition, Paris, Hachette, 1901 (nombreuses rééditions de 1903 à 1948). Voir les bibliographies compilées par Victor Giraud, Essai sur Taine : son œuvre et son influence, Paris, Hachette, 1901, p. 209-219 ; Auguste Laborde-Milaà, Hippolyte Taine : essai d’une biographie intellectuelle, Paris, Perrin, 1909, p. 216-223 ; Hugo P. Thieme, Bibliographie de la littérature française de 1800 à 1930, 3 vol., Paris, 1933, vol. 2, p. 835-845. Sur les éditions étrangères, voir la bibliographie sommaire recueillie dans : M. Waschek (dir.), Relire Taine, op. cit., p. 207-208.
24 Antoine Compagnon, La Troisième République des Lettres. De Flaubert à Proust, Paris, Seuil, 1983, p. 181-190.
25 Cours qu’il publie dans son Histoire du costume antique d’après des études sur le modèle vivant, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1922.
26 Edmond Pottier, « Le jubilé de M. Léon Heuzey », La Revue de Paris, 15 novembre 1911, p. 277-294, ici p. 283. Voir Marine Kisiel, « De l’histoire au costume : l’enseignement de Léon Heuzey à l’École des beaux-arts de Paris (1863-1907) », mémoire d’étude dirigé par C. Barbillon et F.-R. Martin, Paris, École du Louvre, 2009 ; Emmanuel Schwartz, « Heuzey, Léon », dans Philippe Sénéchal et C. Barbillon (dir.), Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à 1920, Institut national d’histoire de l’art.
27 Lettre de David Sutter à Théophile Gautier, 4 avril 1864, dans Théophile Gautier, Correspondance générale, t. VIII : 1862-1864, éd. Claudine Lacoste-Veysseyre, Genève, Droz, 1993, p. 279.
28 D.[avid] Sutter, Esthétique générale et appliquée contenant les règles de la composition dans les arts plastiques, Paris, Imprimerie impériale, 1865 ; id., École impériale des beaux-arts. Cours d’Esthétique générale & appliquée, par M. D. Sutter, 4e année, discours d’ouverture, 14 février 1868, Paris, J. Renouard, 1869. Un résumé du cours est publié en plusieurs livraisons dans L’Art, no 20, 1880, p. 74-76, p. 124-128, p. 147-149, p. 195-197, p. 216-220, p. 268-269. Sur Sutter, voir A. Bonnet, L’Enseignement des arts au xixe siècle, op. cit., p. 189-190.
29 Voir Patrice Debré, Louis Pasteur, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins Univ. Press, 1998, p. 129.
30 Ferdinand Brunetière, « Revue littéraire. La chaire d’Esthétique au Collège de France », Revue des Deux Mondes, 15 mars 1882, p. 445-446. Voir Antoine Compagnon, Connaissez-vous Brunetière ? Enquête sur un antidreyfusard et ses amis, Paris, Seuil, coll. « L’Univers historique », 1997.
31 Archives du Collège de France, Comptes rendus xviie-xixe, 1656-1900, assemblée du 5 mars 1882, 4 AP 219, « Rapport sur le maintien de la Chaire d’Esthétique et histoire de l’Art au Collège de France », p. 4.
32 F. Brunetière, « Revue littéraire. La chaire d’Esthétique au Collège de France », art. cit., p. 449.
33 Archives du Collège de France, Comptes rendus xviie-xixe, 1656-1900, assemblée du 30 avril 1882, 4 AP 221, notes de séances.
34 Archives du Collège de France, Professeurs. Dossiers personnels des professeurs nés entre 1789 et 1958, Guillaume, 16 CDF 174-3, lettre d’Eugène Guillaume à l’administrateur du Collège de France, 7 novembre 1889, et pièce 4, arrêté du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts du 13 novembre 1889.
35 Sur les carrières croisées de Guillaume et Lafenestre, voir les contributions de Claire Barbillon et de Jessica Desclaux dans ce volume. Voir par ailleurs : C. Barbillon, F.-R. Martin, « George Lafenestre (1837-1919) : un historien de l’art “exemplaireˮ du xix ͤ siècle ? », dans Simonetta La Barbera (dir.), Enrico Mauceri (1869-1966). Storico dell’arte tra connoisseurship e conservazione, Palerme, Flaccovio Editore, 2009, p. 87-95.
36 Sur Fourcaud, signalons le travail en cours de Sophie Courtreau, « L’enseignement de Louis de Fourcaud à la chaire d’esthétique et d’histoire de l’art de l’École des beaux-arts de Paris (1893-1914) », mémoire de muséologie dirigé par Pascale Cugy et F.-R. Martin, École du Louvre, 2019-2020.
37 Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, Paris, Librairie Armand Colin, 1953, p. 303. Sur ces débats, entre 1870 et 1914, voir Fr.-R. Martin, « Les Primitifs français au xix ͤ siècle. De l’érudition dispersée aux synthèses conflictuelles », dans Dominique Thiébaut, Philippe Lorentz, F.-R. Martin (dir.), Primitifs français. Découvertes et redécouvertes, Paris, musée du Louvre, Réunion des musées nationaux, 2004, p. 47-57 ; Michela Passini, La Fabrique de l’art national. Le nationalisme et les origines de l’histoire de l’art en France et en Allemagne 1870-1933, Paris, MSH-Centre allemand d’histoire de l’art, 2012, notamment p. 26-40.
38 Voir M. Passini et F.-R. Martin, « Ressentiment politique, affinités intellectuelles. Eugène Müntz et l’histoire de l’art allemande », Annali della Scuola Superiore di Pisa, I, 2009, p. 227-254 ; M. Passini, « Eugène Müntz : un interlocuteur français d’Aby Warburg », Images Re-vues. Histoire, anthropologie et théorie de l’art, hors-série no 4 (Survivance d’Aby Warburg, dirigé par Sabine Forero-Mendoza et Bertrand Prévost), 2013.
Table des illustrations
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Titre | Figure 1. Vue de la deuxième cour de l’École des beaux-arts, épreuve sur papier albuminé, fin du xixe siècle, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts. |
URL | http://books.openedition.org/cdf/docannexe/image/10207/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 716k |
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Titre | Figure 2. Cour du Mûrier, École des beaux-arts, épreuve sur papier albuminé, éditée par Adolphe Giraudon, fin du xixe siècle, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts. |
URL | http://books.openedition.org/cdf/docannexe/image/10207/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 208k |
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Titre | Fig. 3. Eugène Guillaume et Félix Duban, Monument à Ingres, bronze et marbre, 1871, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts. |
URL | http://books.openedition.org/cdf/docannexe/image/10207/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 342k |
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