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Des tweets et des likes en bibliothèque

 | 
Marie-Françoise Audouard
, 
Mathilde Rimaud
, 
Louis Wiart

Chapitre 1. Stratégies des bibliothèques sur les réseaux sociaux numériques : entre contraintes et initiatives

Texte intégral

1La littérature du domaine a bien identifié ce qui rend uniques les liens établis par les réseaux sociaux :

    • 1  In real life, dans la version anglo-saxonne.

    les amis, fans ou followers ne sont pas seulement les décalques virtuels des relations interpersonnelles nouées in praesentia1 ;

  • pour autant, les RSN ne donnent pas, en eux-mêmes, la possibilité de se lier à des individus que l’on ne connaît pas.

  • 2  Granjon Fabien, « Amitiés 2.0. Le lien social sur les sites de réseaux sociaux », Hermès, La Revue(...)

2Pour reprendre les termes de Fabien Granjon, synthétisant les observations de danah boyd, Nicole B. Ellison ou encore Christophe Aguiton et Dominique Cardon, « le caractère inédit du type de tramage qu’autorisent les réseaux sociaux serait ainsi lié à la mobilisation et à l’actualisation de “liens latents2 ».

  • 3  Bertrand Anne-Marie, « Le peuple, le non-public et le bon public : les publics des bibliothèques e (...)
  • 4  Accart Jean-Philippe, « Une nouvelle scène sociale pour les bibliothèques », in Muriel Amar (dir.) (...)

3Les liens latents, non actifs socialement et potentiellement opportunistes, ce sont eux que visent les bibliothèques, sous la double forme du public « potentiel », toujours recherché3, et des relations, toujours à renforcer, avec les publics occasionnels, infidèles, déserteurs… « Être présent là où se trouvent désormais les usagers potentiels, inscrits ou non inscrits, telle est l’idée à poursuivre4 », comme le résume Jean-Philippe Accart, après tant d’autres.

4Tel est aussi l’objectif que se sont donné les bibliothèques auprès desquelles nous avons enquêté.

5Pour être précis, il faudra cependant contextualiser les stratégies menées. En effet, l’enquête saisit les bibliothèques étudiées à des moments différents de leur présence sur les réseaux sociaux :

    • 5  Le cabinet de consultants de Gartner propose un schéma du cycle des tendances pour situer les tech (...)

    les médiathèques de Brest, Quimperlé et Metz ont très tôt investi les RSN – 2004 pour la première et 2008 pour les secondes. En 2016, il s’agit avant tout pour elles d’institutionnaliser leurs efforts, de les rationnaliser, de les banaliser aussi en diffusant une culture de la publication sur les RSN auprès de tous leurs personnels ; on pourrait dire que la stratégie de ces établissements au moment de l’enquête se situe dans une phase de type « pente d’éclaircissement » pour reprendre le cycle de l’innovation modélisé par Gartner5 ;

  • l’exemple de Louise Michel, établissement de proximité créé depuis cinq ans au moment de l’enquête, présente un tout autre cas de figure : sa présence sur les RSN date de 2011 simplement et se situe au moment de l’enquête dans le pic ascendant de l’adoption d’une technologie, support de paris audacieux et réussis.

  • 6  Calenge Bertrand, « Déclinaisons bibliothécaires » in Muriel Amar (dir.), Véronique Mesguich (dir. (...)

6Au demeurant, tous les établissements interrogés ont connu une phase initiale d’exploration libre des RSN, reposant sur quelques individus très motivés et très investis : faut-il rappeler ici que les RSN sont d’abord des outils destinés à un usage individuel et privé ? Cette particularité constitue le cœur d’une des ambiguïtés pointées par Bertrand Calenge en 20126 : « Il est paradoxal de vouloir faire intervenir dans le web 2.0 la structure nécessairement hiérarchique au sein de laquelle se meut la bibliothèque. » On pourra en effet observer qu’une des problématiques essentielles de la stratégie de la présence des bibliothèques sur les RSN est bien celle de l’articulation entre l’objectif de mobiliser les publics latents et l’objectif de servir sa collectivité.

7Ces deux objectifs parfois contradictoires se traduisent par une politique de publication qui peut sembler floue au premier abord, mais comment déployer une stratégie cohérente quand les facteurs d’évaluation – de réussite ou d’échec – échappent autant ? Quand la vitalité des publications repose autant sur l’équipement et l’investissement personnels ? Quand le design des plateformes pèse autant sur les types, le rythme, le ton des publications ?

8Soumis aux mêmes problématiques, les quatre bibliothèques de notre corpus y répondent différemment en fonction de facteurs pour une part discernables – taille de la commune, relations à la collectivité, ancienneté de présence sur les RSN, etc. Ces éléments constituent-ils pour autant des variables franchement décisives en faveur de l’une ou l’autre orientation stratégique ?

  • 7  Voir Annexes 1 et 2.
  • 8  Voir Annexes 8 et 9.

9L’ensemble des matériaux traités dans ce chapitre est issu de 22 entretiens réalisés auprès des quatre médiathèques étudiées, Brest, Louise Michel à Paris, Metz et Quimperlé, selon une grille identique7. L’exemple de Gallica, tel que décrit par trois de ses représentants, est rapporté sous forme d’encadrés insérés au fil du texte quand il permet d’éclairer, d’approfondir ou de nuancer certaines des analyses proposées8.

Historique et temporalités

  • 9  D’après le règlement de Facebook, le profil est réservé à une personne individuelle qui ne doit pa (...)

10Pour les bibliothèques de notre étude qui ont très tôt investi les RSN, et notamment Facebook, l’obligation qui leur a été faite par la plateforme d’adopter une page et non plus un profil a coïncidé avec un point de bascule de leur stratégie9. Sans doute importe-t-il ici de rappeler à quel point les modifications apportées (imposées) par les plateformes pèsent sur les stratégies possibles.

11À ce point de bascule technique s’ajoutent d’autres points de bascule, à la fois plus politique et organisationnel. Sur le plan organisationnel, l’ancienneté de la présence sur un RSN génère en effet deux phénomènes :

  • une tendance de la part des professionnels investis à multiplier en continu le test d’outils nouveaux, dans une volonté de poursuivre l’expérimentation des débuts menée avec beaucoup d’audace et de liberté ;

  • une propension à créer ainsi une bibliothèque à deux vitesses : d’un côté, ceux qui participent depuis les débuts à titre personnel et de manière quasi militante ; de l’autre, ceux qui ne participent pas aux RSN à titre personnel et qui voient cette pratique se professionnaliser malgré eux.

12Sur le plan politique, après une période d’attentisme prudent, les municipalités, dans le cadre de nos quatre terrains, accordent à partir de 2010 une attention plus soutenue aux réseaux sociaux et engagent des démarches stratégiques au sein desquelles les expérimentations entamées par les bibliothèques à des fins de services aux publics doivent trouver une nouvelle place.

13À l’heure où l’enquête visite les établissements pour recueillir le discours de leur présence sur les RSN, nos quatre bibliothèques n’en sont pas vraiment au même chapitre de leur histoire. Les pionniers connaissent une période de réflexion et recherchent un nouveau souffle, tandis que le plus récent des établissements de notre corpus formalise au contraire a posteriori une success-story faite d’audaces et de succès.

Brest 2004-2016 : des débuts innovants à la restructuration en passant par une démobilisation

  • 10  Brest 9. Dans ce chapitre, les locuteurs des verbatims sont identifiés de la façon suivante : nom (...)

14Parmi les pionniers sur les RSN, le réseau des médiathèques de Brest se trouve au moment de l’enquête dans une phase d’institutionnalisation au sein d’un territoire très porteur. Reste qu’après des débuts très prometteurs et plusieurs phases d’essoufflement, la démobilisation des équipes s’exprime clairement, alors même que les RSN ne constituent plus la priorité du réseau : « Actuellement, nous sommes accaparés par l’ouverture des Capucins et tous les changements en cours, la question des RSN est mise de côté, même si nous avons décidé d’arrêter certaines pages et que nous structurons un peu mieux les choses10»

  • 11  Il s’agissait d’un profil.
  • 12  La page compte aujourd’hui 4 498 fans (observation faite le 12/01/2017).
  • 13  Brest 1.

15Mais revenons douze ans en arrière. D’abord utilisé comme outil de conquête des publics (en particulier les adolescents) en 2004, Facebook est également envisagé l’année suivante comme un palliatif efficace à la faible interactivité du portail. Le premier compte Facebook11 créé dans le réseau des médiathèques de Brest est en effet celui de Pontanezen12. Né à l’initiative d’agents eux-mêmes déjà très impliqués sur les réseaux sociaux à titre personnel, il était complété d’un compte MySpace : « Avec un collègue, il y a une dizaine d’années, nous avons décidé d’ouvrir une page Facebook […] Il a fallu faire un argumentaire auprès de la direction pour expliquer pourquoi on voulait faire ça, alors qu’il n’y avait aucune médiathèque sur les réseaux sociaux13» Dans le même élan pour cibler des publics spécifiques, quatre blogs thématiques sont créés entre 2005 et 2010 par le réseau d’établissements ; créée en 2009, la page Facebook du réseau permet la propagation automatique des publications issues de ces blogs. Elle est donc devenue un outil de gestion, à la charge d’un service technique spécifique (le Service des applications informatiques et multimédia, SAIM).

  • 14  Brest 5.
  • 15  Brest 6.
  • 16  Brest 6. ECM : Espace culture multimédia.
  • 17  Voir sur ce point l’annexe 10.

16Trois ans après, en 2012, alors que chaque médiathèque se dote d’une page Facebook, abandonnant les profils, l’animation des comptes sociaux du réseau change de mains : « Le service Actions culturelles s’est emparé de l’outil et petit à petit ce qui était publié par le service Applications numériques est passé par le service Actions culturelles, au fur et à mesure qu’il se structurait et que les personnels recrutés étaient plus aguerris aux RSN. C’était plus logique que cela s’inscrive dans la communication de façon générale14» Pourtant, face au manque d’audience, de soutien et de moyens mis à disposition, les agents ne tardent pas à se démobiliser : « On arrivait à motiver d’autres personnes pendant un temps, mais au vu des stats de fréquentation, correctes mais sans plus, la motivation retombait. Il y avait une forte attente de réactions du public, or le public, même ceux qui lisent les articles, ne réagit pas forcément. Les agents donnaient beaucoup d’eux-mêmes sur les blogs et le retour sur investissement paraissait minime par rapport à toute l’énergie déployée15» En 2016, un groupe de travail est mis en place afin d’élaborer un plan stratégique pour la présence numérique du réseau d’établissements : « Pour la fermeture des blogs, on a examiné au cas par cas. Pour “Tuner de Brest”, on aura plutôt une chaîne YouTube qui sera rattachée au portail ; pour “Dimension Ado”, on imagine un univers ado sur le portail avec une mise en page différente. Pour le blog en lien avec l’action éducative dans les classes, il va perdurer car c’est un outil d’abord pédagogique. Le blog de l’ECM va évoluer et perdurer16» Parallèlement, depuis 2010, chaque fiche de poste comprend la fonction de production de contenus pour les blogs, le portail et les réseaux sociaux17.

Encadré no 1. Tuner de Brest, un blog emblématique

  • 18  Brest 4.

Le blog Tuner de Brest a très vite été repéré par la communauté des bibliothécaires comme emblématique d’une nouvelle approche de la relation avec les usagers et de la valorisation des collections. Lancé dès 2005 par la discothèque Neptune, il avait pour vocation initiale de valoriser les contenus musicaux : « Tuner de Brest est né de l’idée de mettre en avant les artistes locaux, en partenariat avec la Carène, qui enregistrait et produisait les CD, la médiathèque faisait l’acquisition des CD et mettait en place physiquement un rayon spécifique et montait des animations pour valoriser les artistes locaux. Le blog appartenait à ce service. Mais ça n’a jamais été mis en place. C’est ce qui explique que le projet avait perdu de son allant en 201218»

Son ton résolument décalé et humoristique décline la thématique marine : ainsi, les rubriques s’intitulent « La croisière s’amuse » pour les jeux, « À la hune » pour les animations, « Salve d’honneur » pour les coups de cœur, « Par-dessus bord » pour les billets dépréciatifs… En 2012, le blog, qui connaissait un essoufflement, est relancé par l’intégration de rubriques vidéos proposées sur YouTube, dans une démarche proche du booktubing. Depuis début 2016, le blog n’est plus administré et presque plus alimenté. Il sera sans doute relancé dans le cadre du nouveau portail, peut-être davantage à travers des vidéos publiées sur YouTube.

  • 19  Brest 5.
  • 20  Quimperlé 1.

17Le cas du réseau de Brest illustre bien cette tension entre expérimentation et professionnalisation : « Il y a une demande des collègues d’accéder à d’autres comptes comme Instagram. J’ai tendance à répondre que, comme on est dans une phase de gros projet, on va d’abord être dans la simplification. Le fait de supprimer les blogs, c’est pour simplifier l’organisation. Ce qui pourra être intéressant ensuite, c’est de réfléchir à des outils, de se permettre d’essayer des expérimentations et aussi d’arrêter les expérimentations, ce qui est plus dur19» C’est un semblable constat que dresseront leurs collègues de Quimperlé au cours du récit de leur présence sur les RSN : « C’est de plus en plus difficile de défendre la nécessité d’expérimenter pour les bibliothèques, de pouvoir prendre le risque de se tromper20» Dix ans après leurs premiers pas, les agents de la médiathèque rencontrés estiment en effet qu’il serait aujourd’hui impossible de recommencer l’expérimentation qui a été la leur.

Quimperlé 2008-2016 : de la chasse aux fans à l’institutionnalisation des productions autour de Facebook

  • 21  Quimperlé 1.

18Au moment des entretiens (printemps 2016), la médiathèque de Quimperlé travaille, elle aussi, sur plusieurs projets importants qui l’éloignent de la préoccupation de sa présence numérique : des travaux au sein de la médiathèque (imposant une fermeture estivale), des changements d’horaires à la réouverture et surtout le passage en réseau intercommunal. En effet, les 16 médiathèques de la communauté de communes se sont mises en réseau en septembre 2016 : le changement d’envergure (de 12 000 habitants à Quimperlé à près de 60 000 à l’échelle de la communauté de communes) impose un temps de réflexion pour une nouvelle stratégie numérique : « Nous faisons moins grand, avant de rouvrir21»

19Dans une dynamique assez proche de celle déployée à Brest, la présence de la médiathèque de Quimperlé sur les RSN connaît plusieurs phases : investissement initial intensif et créatif, inscription dans la politique de la ville qui hiérarchise la communication, abandon d’un profil Facebook pour une page, centralisation des productions autour de celle-ci.

  • 22  Thibault Pascal, « Les coups de cœur 2.0 de la médiathèque de Quimperlé », in Xavier Galaup (dir.) (...)

20Dépourvue de catalogue en ligne, la médiathèque de Quimperlé investit à partir de 2008 plusieurs blogs thématiques, regroupés ensuite dans un « blog des blogs » qui fera office de portail afin de proposer coups de cœur et coups de projecteurs sur les collections22.

Figure no 1. Quimperlé – 1 : les « coups de cœur » sur le « blog des blogs »

Figure no 1. Quimperlé – 1 : les « coups de cœur » sur le « blog des blogs »
  • 23  Quimperlé 2.

21Le profil Facebook, auquel est subordonné le fil Twitter, est dédié à une stratégie très proactive de recherche de comptes individuels mentionnant l’appartenance à la commune. Cette approche des publics permet aux médiathécaires de proposer des animations en cohérence avec la dynamique locale et les associations présentes sur le territoire. À partir de 2010, la municipalité engage à son tour un travail de présence sur les réseaux sociaux : cinq comptes Facebook existent alors (celui de la commune, de la médiathèque, du cinéma, du Conservatoire, de l’espace Jeunes) et la préoccupation de la municipalité est d’abord d’en donner une image globale aux yeux des administrés : « Ce sont des structures extérieures, mais qui relèvent de la Ville. Il est important de faire comprendre au public que ces établissements font partie des actions menées par la Ville23» Dès lors, le travail de défrichage mené par la médiathèque doit s’inscrire dans une politique générale de la Ville en la matière. L’autonomie de la médiathèque pose question et soulève des débats entre services.

  • 24  Quimperlé 1.

22Côté bibliothèque, on dresse le constat suivant : « Les relations avec le service Communication ont été complexes au démarrage : ils ne voyaient pas la différence entre le bulletin municipal et la communication numérique de la bibliothèque. Au départ, ils ont souhaité que nous mettions en place une procédure de validation des contenus, sans prendre en compte le fait que s’il y a une erreur sur internet, c’est très facile de l’enlever. On a dit que si c’était le cas, on arrêtait tout. […] Ce qui nous a sauvés, c’est la dissémination de l’information et la visibilité que nous avions déjà gagnées sur internet. En revanche, ce changement et cette normalisation nous ont fait progresser24»

  • 25  Quimperlé 2.

23Côté service Communication, on souligne l’évolution des réflexions : « Nous nous étions posé la question de fondre la page Facebook de la médiathèque dans celle de la Ville. Fallait-il laisser la porte ouverte à une communication en direct, par eux-mêmes ? Mais l’image de la médiathèque aurait été absorbée et aurait disparu. La liberté sur les RSN est un espace parfois perçu comme dangereux pour des élus. En fait, il n’y a jamais de commentaires négatifs. C’est important de conserver cette part de spontanéité25»

  • 26  Quimperlé 1.

24Les échanges permettent de trouver des compromis. La médiathèque revendique l’importance de l’outil pour la motivation de l’équipe et accepte le principe d’une validation a posteriori : « On ne peut pas faire entrer la parole institutionnelle dans un outil spontané et naturel. Si on joue la carte de la liberté, il faut la jouer complètement. La collectivité a tout à y gagner26. » Le service Communication accepte de maintenir les comptes de la médiathèque, tout en imposant des règles concernant principalement la hiérarchie de communication, ainsi décrite :

  • « L’information doit clairement mentionner le rattachement de l’établissement à la Ville ;

  • la communication ne se fait que sur des actions qui sont en rapport avec leur activité : les établissements n’ont pas vocation à se faire le relais d’actions extérieures à la Ville ou sur d’autres établissements, sinon ils se substitueraient à un organe de presse ;

  • concernant la hiérarchie de communication : lorsque les actions sont impulsées par la Ville, c’est d’abord la Ville qui communique, avant la médiathèque (qui ne doit pas être primo-communiquant). En revanche, pour des animations lancées à leur initiative, ils peuvent communiquer les premiers ;

    • 27  Quimperlé 2.

    nous ne validons pas a priori mais a posteriori27. »

  • 28  Quimperlé 2.

25Administrateur de toutes les pages de la Ville, le responsable du service Communication vérifie les publications chaque jour. Il y est très attentif, car, contrairement à la communication imprimée, et malgré des audiences parfois tout à fait comparables, il n’y a pas de validation en amont. Reste que, sur certains sujets (les travaux lancés dans la médiathèque, les changements d’horaire, la mise en place de bornes de retours et de la RFID…), la municipalité encadre l’information destinée aux usagers : « Dans ces cas-là, nous remettons des documents aux agents de la médiathèque. Il y a un séquençage des temps d’information et cela suffit à border les choses correctement. Nous donnons des éléments de langage : il ne faut pas se tromper dans le message28» Parallèlement à ce changement politique, la médiathèque doit s’adapter aux modifications techniques et quitter, elle aussi, le profil pour une page Facebook, au risque sinon de voir son compte fermer.

  • 29  En effet, une page Facebook est rattachée au profil personnel du gestionnaire du compte. L’invitat (...)

26C’est l’ensemble de la stratégie mise en œuvre par la médiathèque qui est touchée par ce changement : la nouvelle impossibilité d’inviter personnellement des internautes rend plus difficile la segmentation des publics, ont estimé les personnels interrogés29. Exigée par la plateforme, cette évolution est également souhaitée par le service Communication qui incite les agents à rassembler davantage l’information publiée autour de la page Facebook, seule plateforme à générer une réelle communauté. La multiplication des blogs entraînait en effet un risque de dispersion des publics et un manque de lisibilité globale. En dépit de changements majeurs, à la fois techniques et organisationnels, l’équipe de Quimperlé a su maintenir un niveau de motivation important : le fait d’être une petite équipe, sans forte hiérarchie, est pointé comme un avantage permettant une réelle mobilisation.

Metz 2008-2016 : vers l’appropriation par tous d’un projet fédérateur

  • 30  Metz 3.
  • 31  Metz 3.

27Le récit recueilli auprès des équipes de Metz rejoint à bien des égards ceux entendus à Brest et à Quimperlé, avec notamment des débuts libertaires dès 2008 : « Cela a été la randonnée à petits pas. Nous avons commencé à travailler dans le secret (nous avions “vaguement” prévenu le cabinet du maire)30. » Mais ce sont les différences qui importent ici. D’emblée, le projet se veut fédérateur et trouve une incarnation à travers une oriflamme : face à un « chapelet de bibliothèques au fonctionnement très émietté, sans identité, sous constellation de trente-deux appellations différentes », Miss Média se veut « un projet global qui englobe notre communication sur les bibliothèques, leurs rôles, leurs compétences, les services qu’elles dispensent, mais aussi ce que l’on peut faire par rapport à la connaissance de Metz et du patrimoine local »31 ; ce projet est en outre porté dès le début par son directeur, même si le noyau dur repose sur un trio de contributeurs.

Encadré no 2. L’avatar Miss Média

  • 32  Doncque Marie-Paule, « Miss Média, nouvelle figure de Metz » in Jean-Marc Vidal (dir.), Faire conn (...)

« Raconter une histoire est une démarche fréquente dans nos univers professionnels et pourtant… rarement la bibliothèque narre son récit propre en personnalisant un parcours à l’aide d’un personnage fabriqué de toutes pièces. En choisissant une voie étonnante, on génère un impact retentissant. La création d’un avatar dans la grande famille des bibliothécaires pouvait surprendre et surprend encore. Pour les bibliothèques-médiathèques de Metz (BMM), il ne s’agissait pas tant d’imiter ce qui se faisait dans le paysage des réseaux sociaux, autant dire rien à ce sujet, mais de réfléchir à ce qui pouvait créer une singularité en nous démarquant des réflexes traditionnels de communication »32.

Version initiale Miss Média par Faber (2009)

Illustration André Faber

Version actuelle par Chauvelot (2014)

Illustration Jean Chauvelot, avec l'aimable autorisation de la Mairie de Metz

  • 33  Metz 2.
  • 34  Metz 1.
  • 35  Metz 1.
  • 36  Metz 2.
  • 37  Metz 2.
  • 38  Créateur de la première silhouette de Miss Média, dessinateur, journaliste et infographiste, André (...)
  • 39  Metz 2.
  • 40  Metz 1.

28Soumis aux mêmes contraintes imposées par Facebook aux institutions culturelles, le réseau des médiathèques de Metz doit rapidement renoncer à son profil : « On avait commencé en 2008 par une page “amis” ; au bout de 5 000 amis, il fallait passer sur une page “fan” ; on avait peur, car on avait lu qu’on pouvait perdre ce crédit. La page fan permet de ne pas être forcément adhérent à Facebook pour voir l’actualité.»33  Elle enregistre aujourd’hui plus de 7 000 fans. Revers de la médaille et du succès : la forte personnalité de Miss Média isole quelque peu le réseau des bibliothèques de la communication du reste des services de la Ville. Certes, Miss Média jouit aujourd’hui d’un capital de sympathie (« Après avoir trouvé Miss Média sympathique, le maire la trouve maintenant rigolote34 ») auprès de la municipalité, qui reconnaît sa réussite, mais l’équipe des bibliothèques aimerait être aujourd’hui mieux intégrée dans le dispositif de communication de la mairie : « On a eu quelques avancées : notre agenda culturel est une fenêtre qui ré-aspire des choses qu’on injecte directement dans le site de la mairie ; on a essayé de travailler sur des dispositifs techniques qu’on partage avec le cabinet, mais c’est peut-être la limite : Miss Média est très bibliothèque35. » Cependant, la municipalité reste attentive aux productions de la médiathèque et suit implicitement, elle aussi, une hiérarchie de la communication, comme en témoigne cet exemple : « Lors du sommet franco-allemand à Metz, le 8 avril dernier : les coffrets-reliure dans lesquels étaient placés les cadeaux protocolaires pour les deux chefs d’État étaient fabriqués à Metz ; nous avions photographié les étapes de fabrication et nous avons posté les photos, le matin même à 8 heures (avant la remise officielle qui avait lieu quelques heures plus tard) : nous avons reçu immédiatement un appel de la mairie nous demandant de retirer tout de suite les posts Facebook et Twitter. Nous avions grillé le protocole […] Le jour où j’ai fait un tweet pour dire que les bibliothécaires de Rouen étaient en grève, un appel du cabinet nous a immédiatement demandé de l’enlever36. » Mais le plus gros défi pour l’équipe de Metz aujourd’hui est celui d’impliquer plus largement les autres collègues de la bibliothèque : « Notre chantier principal : arriver à fédérer les énergies des collègues »37. Au-delà de la maîtrise des outils, il importe que les équipes comprennent la dynamique à laquelle ils participent. De ce point de vue, même le personnage de Miss Média reste encore un objet d’appropriation difficile : « Au moment où nous avons lancé Miss Média, il aurait été intéressant que Faber38 vienne nous voir et discuter avec les collègues pour expliquer ce qu’il avait voulu faire, qu’il projette ses dessins et croquis : peut-être cela aurait-il aidé à une meilleure appropriation de Miss Média par les collègues39. » C’est pourquoi, tout en envisageant de mieux former leurs collègues, l’équipe réfléchit à d’autres évolutions : « Maintenant, nous avons besoin d’une charte pour dire les règles et distinguer les différents types de contenus selon les supports ; nous ne pouvons plus continuer d’improviser ; mais il s’agit plus d’un credo que d’une liste de prescriptions technologiques ; il nous faut écrire les dix commandements, les tables de la loi qui donneront l’esprit dans lequel nous voulons travailler ; techniquement, on pourra toujours s’améliorer40»

Louise Michel 2011-2016 : un déploiement sur le temps long et en équipe

  • 41  Louise Michel 1.

29Pour la toute jeune médiathèque du réseau parisien Louise Michel, les réseaux sociaux ne s’imposent pas d’emblée comme une priorité. L’équipe a déjà beaucoup à faire pour réaliser son ambitieux projet d’un accueil total et volontariste et craint par-dessus tout de communiquer au lieu de faire : « Il y a eu au début des résistances. » À quoi bon trop communiquer ? Ce qui est important, c’est ce qu’on fait ! « […] Ces collègues n’étaient pas contre les RSN, mais craignaient un écart entre ce que l’on communique et ce que l’on fait41. »

  • 42  Louise Michel 2.
  • 43  Louise Michel 1.
  • 44  Louise Michel 1.
  • 45  Louise Michel 1.

30Même si, dès l’ouverture en 2011, la bibliothèque inaugure un compte Facebook, il reste très peu exploité : « Pendant un an, un an et demi, il a vivoté, le temps que nous apprenions à nous positionner là-dessus42. » Puis, dans une sorte de glissement naturel (« Cela s’est construit petit à petit. Plusieurs comptes avaient été ouverts sur différents réseaux43 »), au gré des expérimentations et au fil de l’eau, les RSN apparaissent – notamment sous l’influence de la demande extérieure – comme partie intégrante du projet de bibliothèque. Autour de la directrice de l’établissement, un petit noyau dur de trois personnes commence alors « un long travail d’équipe44 » durant un an et demi d’expérimentation généralisée : « Cela a marché, mais cela a mis du temps. Nous avons travaillé sur le temps long afin de permettre à chacun de tester, de se lancer ; le temps de se faire confiance les uns et les autres sur ce que l’on publie : tout cela a pris du temps… Mais ce temps était nécessaire ! Nous n’aurions pas pu aller plus vite45. »

  • 46  Louise Michel 1.
  • 47  Louise Michel 1.

31Ce temps long permet à la médiathèque d’affirmer son projet d’accueil sur place dont les réseaux sociaux ne sont que l’un des prolongements. La solidité de la personnalité du lieu leur permet de gagner un positionnement original au sein des autres bibliothèques du réseau de la ville de Paris : « En termes de communication, nous avons une marge de manœuvre qui n’est pas offerte à tout le monde ; nous en sommes tout à fait conscients ! Nous sommes un peu des enfants gâtés46. » Pour la jeune médiathèque, l’enjeu d’une présence sur les réseaux sociaux est double : il s’agit d’une part de rester fidèle, malgré les contraintes du réseau, au projet initial et à la pratique quotidienne ; d’autre part, d’utiliser la communication sur ce que font les bibliothécaires pour ancrer leur personnalité : « Au final, plus on communique, plus on se protège ! Comme nous avons beaucoup communiqué, c’est compliqué aujourd’hui de nous faire arrêter47… »

32La singularité des histoires relatées par les médiathèques de notre corpus met au jour la problématique de l’articulation expérimentation/
professionnalisation des RSN. Toutes les médiathèques interrogées relatent la nécessité et les vertus d’une expérimentation libre et spontanée des réseaux sociaux, garante de motivation, de créativité et d’appropriation rapide. Plus délicat est le passage vers une phase de structuration, de rationalisation voire de banalisation, en particulier quand le réseau est vaste, les compétences diverses et la coordination éloignée du terrain. Un des facteurs de remobilisation peut bien sûr être le public, qu’on espère particulièrement accessible grâce aux RSN.

  • 48  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

Encadré no 3. Du côté de Gallica… une aventure portée par quelques pionniers, en confiance avec la direction48

Comme dans les quatre bibliothèques étudiées, l’aventure Gallica sur les RSN a été l’œuvre de quelques individus à peine au sein de l’immense établissement public : « Au départ, en 2009-2010, c’est la chef de produit Gallica, avec deux ou trois pionniers de mon service, qui ont proposé à Arnaud Beaufort d’essayer les RSN Gallica, de tenter, d’expérimenter », BnF1. Là encore, le profil et les appétences de ces « pionniers » ont été déterminants dans la manière d’aborder les RSN, ainsi de Lionel Maurel, « personnalité forte dans le milieu des bibliothèques, portant la notion de bien commun » qui voyait le dialogue autour des RSN comme « vecteur pour pouvoir disséminer le bien commun des ressources », BnF1. Dans un autre registre, la personnalité et la compétence de la chef de produit vont permettre de donner une identité forte aux comptes sociaux de Gallica : elle « a créé avec le temps la “Bible” des réseaux sociaux : comment s’adresser aux gens sur les RSN – le vouvoiement, l’utilisation du seul prénom, les siècles en chiffres arabes et non romains, etc. ; la recherche d’un “humour de bonne tenue, de bon aloi” – avec le patrimoine qui ne l’est pas forcément, être accessible mais jamais vulgaire. C’est ainsi qu’une sorte de corps de doctrine s’est institué avec le temps, en testant les choses, en élaborant au fur et à mesure », BnF2. Comme dans l’ensemble des terrains étudiés, la BnF n’a pas créé de poste de community manager entièrement dévolu aux réseaux sociaux et n’a pas non plus eu recours à un intervenant extérieur. Aussi cette fonction s’arrime-t-elle à un poste de bibliothécaire exerçant par ailleurs d’autres responsabilités.

Si l’énergie est venue des opérationnels, elle a été relayée par un directeur déjà sensibilisé : « Arnaud Beaufort avait également dès l’abord une très forte vision outil marketing, pas la vision classique métier bibliothèque, très sensible aux interfaces audiovisuelles » (BnF1) ; en outre, « chose inédite pour la BnF », le groupe d’animateurs des réseaux sociaux fonctionne sans véritable organisation hiérarchique, par nécessité plus que par choix… « Sur les RSN, il est indispensable que ce soit le spécialiste qui parle, sinon on peut totalement passer à côté ! Cela nous a obligé à descendre le “go !” pour la publication au niveau de celui qui connaît les fonds. » (BnF2). La porte entrouverte par les pionniers puis grande ouverte par la direction constitue une petite révolution pour l’établissement : « Ce qui a fait du bien, c’est la confiance accordée en interne : jusqu’aux réseaux sociaux, toute la communication était trustée par la Délégation à la communication, ce qui fait que l’ensemble de l’intervention extérieure de la BnF remontait par la voie hiérarchique pour validation de la délégation à la communication : en interne, c’était ressenti comme une sorte de Pravda à l’information sortante ! » (BnF2).

Publics latents / interlocuteurs réels

  • 49  Gaillard Romain, « L’animation de communauté, nouvelle frontière de la bibliothèque ? », Revue de (...)

33Sur la base de la mobilisation des « liens latents » propres aux réseaux sociaux, une stratégie de conquête ou de recrutement des publics est-elle possible avec ces plateformes ? Les bibliothèques enquêtées répondent diversement à cette question, et la diversité des réponses tient autant à la temporalité de cette conquête (quand se fait-elle et avec quel outil ?) qu’aux contextes d’usages comme aux politiques d’établissement. De façon plus générale, Romain Gaillard interroge la possibilité même d’une telle stratégie : « On peut cependant se demander si le paradigme de la mission d’une bibliothèque et d’un service public n’entre pas en contradiction fondamentale avec celui du fonctionnement d’un réseau social. En effet, la communauté sur les réseaux sociaux tend à resserrer le groupe autour des mêmes intérêts et des mêmes pratiques. C’est encore plus vrai sur Facebook où l’algorithme de publication, le EdgeRank, organise tendanciellement la transmission d’informations en provenance des pages avec lesquelles vous avez interagi régulièrement. Le risque pour une page Facebook de bibliothèque est ainsi d’animer une communauté de bibliothécaires49 »

34C’est assez naturellement en effet que les principales communautés formées par les bibliothécaires de notre enquête sont celles constituées par les « proches » au double sens géographique et affinitaire. D’une part, les proches au sens géographique : ce sont les fréquentants, inscrits, actifs de l’équipement ; d’autre part, les proches au sens affinitaire : ce sont les collègues, de la profession, de l’interprofession, de la ville, de l’intercommunalité, etc.

Chasser le fan ?

35Les médiathèques qui ont développé une présence précoce sur les RSN, notamment sur Facebook entre 2005 et 2008, ont pu cibler des publics spécifiques. À partir des années 2010 et a fortiori dès 2012, ce ciblage est moins pratiqué : il devient d’une part moins praticable – la plateforme Facebook incite les comptes institutionnels à développer des pages et non plus des profils et, d’autre part, l’algorithme EdgeRank, présidant aux affichages, se complexifie, rendant le ciblage des informations beaucoup plus incertain.

  • 50  Quimperlé 1.
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  • 53  Quimperlé 1.
  • 54  La page compte aujourd’hui 4 498 fans (observation faite le 12/01/2017).
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36Avant 2010, Facebook peut tout à fait être utilisé pour approcher un public présent sur les RSN mais pas dans la bibliothèque. C’est le cas des adolescents notamment, cible privilégiée à Brest, tandis que Quimperlé, en 2008, cherche à entrer en contact avec tous ses habitants : « Les premières années d’utilisation du profil ont été très intéressantes, car nous avons été à la chasse aux fans. Nous avons sollicité un à un tous les profils ayant des occurrences autour de Quimperlé. Les gens étaient d’accord : en 2008, 1 000 personnes ont suivi. Du coup, nous les classions par catégorie (musiciens, Quimperlois…). Cela a élargi notre champ de vision sur les usagers et nous avons découvert de nouveaux groupes50. » Le profil Facebook permet en effet de lancer des « invitations » à suivre le compte, en faisant des requêtes gratuites ciblant les personnes ayant indiqué un lien avec Quimperlé. Les « amis » sont segmentés en fonction de leurs centres d’intérêt, ce qui permet de cibler l’envoi d’information, notamment concernant les animations proposées : « Les usagers qui nous intéressent sur les réseaux sociaux, ce sont ceux qu’on ne voit pas en médiathèque ! Nous souhaitons voir le panel des publics existant et viser ces gens-là par nos animations. Il faut pouvoir proposer des choses qui vont chercher de nouveaux publics51» Mais la cible touchée fait émerger aussi des « Quimperlois de cœur » : « Nous nous sommes rendu compte que nous avions des interactions avec des gens vivant parfois à l’autre bout du monde. Nous sommes suivis par des personnes qui peuvent ne pas être emprunteurs ni même résidents, mais qui gardent un lien avec Quimperlé52» En revanche, les adolescents n’ont pas fait à Quimperlé l’objet d’une démarche particulière : ils sont très largement usagers de la médiathèque, grâce à la proximité du collège et les partenariats avec les enseignants : « Nous pensions que les jeunes seraient plutôt utilisateurs [des RSN], mais en fait, non ; en revanche, ils peuvent être prescripteurs pour leurs parents53» Ce n’est pas le constat posé par les bibliothécaires de Pontanezen54. Dès 2004, quelques professionnels très impliqués sur les réseaux sociaux à titre personnel avaient en effet constaté, à travers l’observation des postes informatiques en libre service, la montée en puissance des réseaux sociaux et leur impact auprès du public adolescent en particulier : « On voyait les ados sur ces réseaux-là et on s’est dit que pour ne pas être “à la ramasse”, c’est là qu’il fallait être. Et tous les gamins qui étaient dans la bibliothèque se sont mis amis immédiatement : ils étaient en photo dessus, donc ils étaient contents de s’y retrouver, pour eux c’était gratifiant, ils mettaient des commentaires qu’on filtrait de temps en temps, on ne laissait pas tout faire n’importe comment. Mais ça leur plaisait, ils le montraient à leurs copains55» Mais pour les retenir durablement, il faut que les publications les concernent très directement : « Ils ne sont pas au courant des animations qu’on fait. Ils ne vont pas voir les photos, sauf quand c’est eux en train de faire un bonhomme de neige. Quand c’est des images d’eux, ils partagent, “likent”, commentent56»

  • 57  Quimperlé 1.
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37Ces tentatives réussies de conquête des publics ne pourront pas être prolongées au-delà de 2010 : l’obligation de passer du profil à la page Facebook rend le recrutement et le ciblage d’informations beaucoup plus difficiles. Les bibliothécaires de Quimperlé observent en effet : « Les réactions des gens ont changé avec le passage du profil à la page : les gens répondaient plus aux posts avant ou conversaient via la messagerie instantanée. Cela pouvait même parfois être gênant dans le travail lorsqu’il y avait trop de réactions. Aujourd’hui, les posts sont regardés mais il y a peu de réactions car les gens ont peur que leur nom apparaisse, on est dans une petite ville57» Privés d’une identification fine des publics « amis » du profil, les bibliothécaires de Quimperlé n’analysent plus les « fans » de la page de la même façon. La segmentation fine avait pour objectifs un recrutement plus large des publics, une adaptation des animations à ces profils différents et une communication ciblée. L’aventure interrompue également à Pontanezen amène les professionnels à s’interroger sur la réelle adéquation entre les règles du jeu de l’internet et des réseaux sociaux en particulier (réactivité, ton, adresse directe…) et les métiers des bibliothèques : « Notre cadre d’emploi n’est pas adéquat58 », constatent-ils. La nécessité de suivre les publics, notamment adolescents, au fur et à mesure de l’évolution des plateformes implique une souplesse qui n’est pas toujours compatible avec le fonctionnement d’un établissement public : « Il faudrait être sur Snapchat pour se connecter avec les jeunes, mais quand on est dans l’administration, ça prend des plombes et quand on sera sur Snapchat il y aura autre chose59. » Même constat dressé par les bibliothécaires de Quimperlé : « Les outils ne seraient pas adaptés à ce public (ados) : il faudrait faire quelque chose de spécifique, un profil rattaché à la page par exemple. C’est les limites du choix de l’image institutionnelle60. » Au-delà du ciblage d’un public spécifique, la chasse aux fans pose un problème de fond : « L’usage que nous avons des réseaux sociaux et d’internet va au-delà de ce qui se passe dans une ville de 12 000 habitants. J’aimerais pouvoir faire plus, mais ce ne serait pas en adéquation avec l’équipe. Nous sommes limités par la taille réelle de la commune et la conquête de nouveaux publics61»

  • 62  Louise Michel 1.
  • 63  Louise Michel 2.
  • 64  Metz 2.
  • 65  Metz 2.
  • 66  Metz 2.

38La taille de la desserte de la médiathèque et le rôle de la collectivité sur le territoire pèsent en effet beaucoup sur les stratégies envisageables. De ce point de vue, il est intéressant d’entendre les bibliothécaires de Metz et de Louise Michel. Selon eux, les réseaux sociaux ne peuvent pas fonctionner comme des outils de recrutement d’usagers de la bibliothèque ; ainsi le point de vue de Louise Michel est-il assez tranché : « Je ne pense pas que les RSN servent à trouver de nouveaux publics dans le quartier. Le bouche-à-oreille et la présence physique dans d’autres structures locales, événements locaux (des fêtes par exemple) sont beaucoup plus efficaces […] Quand nous voulons travailler sur les “publics éloignés”, nous n’utilisons pas les RSN62. » La cible privilégiée sur Facebook à Louise Michel, bibliothèque de quartier, c’est le « public réel63 », les usagers déjà inscrits à la médiathèque. Position inverse à Metz, qui ne voit pas non plus les RSN comme des outils de recrutement, surtout pas, si l’on en croit l’anecdote suivante : « J’ai le souvenir du témoignage d’un visiteur qui était venu à Metz et voulait voir la médiathèque, car il pensait qu’avec Miss Média, la médiathèque devait être magnifique ; quelle déception devant notre bâtiment décrépi ! Il avait trouvé notre image complètement en décalage avec celle que nous donnons sur les réseaux64. » À Metz, il s’est agi au contraire de travailler l’image d’une bibliothèque réellement hors les murs pour un public national, voire international – « La cible est l’internaute65 » – et de développer une présence tous azimuts : « Par exemple, nous avons à la médiathèque le CD de la bande-annonce du film (très rare) diffusé lors de l’exposition sur Andy Warhol et le Velvet Underground ; j’ai photographié le CD et je l’ai posté sur le mur du Pompidou; cela nous donne de la notoriété; les gens vont voir notre compte. Je fais beaucoup de choses comme ça pour nous rendre visibles66. »

Renforcer les liens existants ?

  • 67  Louise Michel 2.
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  • 72  Quimperlé 3.
  • 73  Brest 7.

39À Louise Michel, la question des publics visés a été abordée et tranchée par l’équipe : « Il y a un moment où l’on s’est posé la question : pour qui communique-t-on ? Uniquement vers nos usagers ou bien a-t-on vocation à s’adresser à un public plus large ? Nous avons choisi cet axe-là (publics fréquentants), parce que cela fait partie de notre projet – très volontaire sur les questions d’accueil et de la transformation de l’image des bibliothèques67. » Au potentiel des liens latents propre aux RSN des débuts, la stratégie de Louise Michel en 2011-2012 a préféré considérer les RSN comme des lieux de partage d’expériences vécues ensemble. À ce titre, la présence sur les RSN constitue un prolongement naturel de l’activité et des animations de la bibliothèque : « Tout cela, ce sont des supports pour parler de nos animations : on nous dit “Je vous ai vue avec une moustache : c’était rigolo !” et nous répondons “Mais vous avez noté la rencontre avec tel ou tel auteur ?” ; ces outils ne sont que des accroches pour nous permettre de parler avec nos usagers de ce que nous faisons à la bibliothèque68. » Il s’agit donc pour eux que le public qui fréquente la bibliothèque puisse se reconnaître dans les publications postées. Prolonger l’échange et l’intensifier constituent également la priorité pour Quimperlé aujourd’hui : « L’animation de la page Facebook a changé l’attitude des collègues qui se montrent plus ouverts dans leurs rapports aux usagers. Les collègues qui animent les clubs de lecture vont dire qu’ils ont parlé de tel ouvrage sur Facebook. La relation est plus concrète.69 » Comme à Louise Michel, les bibliothécaires de Quimperlé s’attachent à se montrer sur les RSN tels qu’ils sont, avec ce qu’ils peuvent faire sur place : « Nous ne faisons rien d’autre sur les réseaux sociaux que ce que nous faisons dans le réel : nous nous intéressons aux gens, nous restons honnêtes vis-à-vis de l’institution… C’est comme un autre territoire sur lequel s’inscrit la bibliothèque, une autre dimension qui regroupe les personnes qui ont un lien affectif à la bibliothèque70» À cet égard, la médiathèque ne manque pas de signaler l’existence de ses comptes sociaux sur l’ensemble des documents édités, via une URL ou un flash code, tandis que, sur place, des tables rappellent les sélections proposées en ligne : « Les coups de cœur postés sur Facebook sont présentés dans la médiathèque à travers des tables thématiques, ce qui permet de faire le lien physique71» En revanche, au moment de l’inscription, le futur usager n’est pas particulièrement incité à suivre les comptes de la médiathèque : « Le bulletin d’inscription ne prévoit pas de demander les éléments numériques des usagers : nous avons beaucoup de choses à demander à l’usager et nous lui expliquons le fonctionnement du portail de façon générale72» Une attention similaire en faveur du tissage sur place/sur Facebook est exercée à Pontanezen : « La médiathèque de Pontanezen est déjà un endroit assez familial, c’est comme un petit village. Les gens viennent lire le journal, discuter, des mamies viennent se faire faire des papiers pour la CAF… Et à côté de ça, on me dit “je t’ai vu à la télé”, mais quelle télé ? C’est parce que j’ai publié une petite vidéo sur internet73»

  • 74  Metz 2.

40Avec plus de 10 ans d’expérience, les personnels de Brest ont noté combien les RSN forment un univers mouvant, dont les plateformes sont parfois éphémères… Les bibliothécaires estiment que leur rôle consiste aussi à accompagner les usagers dans leur découverte des nouvelles plateformes, des nouveaux logiciels, des nouvelles pratiques numériques, comme ils l’ont fait avec les liseuses. Et même pour des établissements dont le cœur de cible n’est pas le public acquis, c’est pourtant ce dernier qui reste le plus présent : « Les interactions que nous avons sur Facebook sont souvent le fait d’usagers de la bibliothèque ; ce sont souvent des gens qui fréquentent le lieu », constatent les bibliothécaires de Metz74.

Se faire connaître (ou reconnaître) autrement de ceux dont on est déjà proches ?

  • 75  Louise Michel 2.
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  • 78  Quimperlé 1.
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  • 80  Quimperlé 1.

41L’audience importante des bibliothécaires parmi les fans traduit-elle un échec de la stratégie d’une médiathèque sur les RSN ? Pas forcément s’ils constituent une cible assumée, comme à Louise Michel : « Nous sommes très suivis par la communauté professionnelle qui est pour nous un public à part entière ; on le voit dans les études : il y a beaucoup de collègues qui se regardent les uns les autres ; donc nous aussi nous regardons ce que font les collègues ! […] La communauté de bibliothécaires qui nous suit est un de nos publics (et une de nos cibles), un public que l’on assume aujourd’hui : nous avons intégré l’idée de faire quelque chose pour nos collègues ; on intervient à l’extérieur, nous écrivons des articles pour des bouquins professionnels ; nous essayons toujours de traiter cet aspect-là dans notre newsletter et dans notre communication sur Facebook et Twitter ; nous tenons toujours compte des bibliothécaires qui peuvent nous lire75» C’est en particulier sur Twitter que se retrouve le gros des troupes du public professionnel identifié à Metz. Présence remarquée aussi sur Facebook à Quimperlé, une manière d’apprendre les uns des autres dans une autoformation continue : « Ils représentent une part importante de nos abonnés : ils nous suivent pour voir comment nous faisons, notre positionnement… Nous faisons pareil ! C’est un public que nous avons tout de suite remarqué76» Cette observation soutenue de la part des collègues des bibliothèques comme de celle des autres types de partenaires stimule et engage une boucle vertueuse comme le remarquent les bibliothécaires de Quimperlé : « Lorsqu’on montre ce que l’on fait, on ne peut plus se permettre de faire n’importe quoi. Les projets sont plus ambitieux77 » ; ils relèvent en outre qu’ils sont plus « sollicités par les artistes pour des expositions, car ils savent qu’ils vont être bien traités et qu’il y a de la communication derrière78» Au-delà, la présence de la bibliothèque sur les réseaux sociaux a amélioré les relations avec la presse locale à Quimperlé : « Avant, nous avions du mal à faire passer les infos dans le journal. À présent, dès que l’animation est annoncée sur le blog et les réseaux sociaux (notamment Twitter, auquel les journalistes sont très réactifs), elle est relayée dès le lendemain dans le journal. Visiblement, ce sont des outils de veille bien adaptés à eux. Les journalistes se sentent libres de prendre l’info qu’ils souhaitent79» Le constat d’une fluidité des contacts est également noté concernant les auteurs : « Nous les mettons sur un piédestal, alors que par ce biais on peut les toucher directement sans avoir à passer par l’éditeur ou la galerie… Certains professionnels sont plus faciles à joindre par Facebook que par mail80 ! » La prise de contact est immédiate, grandement facilitée et symétrique : un auteur peut repérer un commentaire laissé par un médiathécaire et y réagir parce qu’il est notifié dans le post.

  • 81  Brest 6.
  • 82  Louise Michel 3.

42Les réseaux sociaux jouent enfin le rôle inattendu d’outil de communication interne. C’est par exemple le cas à Brest, où Facebook est reconnu comme un outil de communication interne important dans le management des équipes en réseau. Les agents, affectés sur neuf sites différents, ont beaucoup d’occasions de se croiser, mais finalement peu de construire des relations durables. La distance joue et certaines informations ont du mal à circuler. Face à un déficit d’outils structurés de communication interne, les réseaux sociaux prennent en partie le relais. Les « like » laissés par des collègues du réseau sont autant de microsignes quotidiens entretenant les relations : « C’est également le cas de Twitter aussi, qui nous sert à faire du corporate et même du team building. Finalement, beaucoup de « like » sont le fait de collègues qui sont dans des établissements du réseau qu’on ne voit pas au quotidien81 ». C’est plutôt Pinterest qui, à Louise Michel, joue ce rôle à travers le compte « Histoires et Compagnie » qui permet de faire des sélections d’albums jeunesse présents à la bibliothèque : « C’est aussi utilisé en interne par les collègues, parce qu’il y a des thèmes qui reviennent souvent et que c’est plus simple que d’aller faire des recherches sur le catalogue82. »

Encadré no 4. Spécificités de Twitter

Twitter n’est pas développé au même stade par toutes les bibliothèques de notre corpus d’étude. Le public peut y être différent de celui identifié sur Facebook.

À Brest : « On est encore en recherche pour Twitter, car ceux qui nous suivent sont essentiellement des structures institutionnelles, des journalistes… Historiquement, Twitter était plus suivi sur les questions numériques. Le service informatique l’utilisait comme un outil de veille, mais pour la communication ce ne sont pas les mêmes objectifs. », Brest 2.

À Metz : « Nous avons observé que grâce à Twitter nous parvenions à toucher la “jeune garde” de la municipalité qui n’était normalement que peu concernée professionnellement par les questions de bibliothèque. Ils y trouvaient un horizon de lisibilité de leur propre mandat ; alors que dans la hiérarchie leur visibilité était cantonnée à leur secteur propre : cela permet de créer de la transversalité. », Metz 1.

Louise Michel a développé une stratégie spécifique sur Twitter, catégorisant certains de ses abonnés, ce qui lui permet d’aller « retweeter » ou « liker » des publications, par exemple les collègues de la Ville de Paris :

  • « Partners » : les structures ou personnes avec lesquelles Louise Michel a travaillé, organisé une animation, échangé, etc. ;

  • « Veille » : les comptes à surveiller pour les informations professionnelles ou locales ;

  • « Thécaires » : les biblio-disco-vidéo-appli thécaires ;

  • « La famille » : l’équipe, passée, présente et future ;

  • « bib2paris » : les comptes des autres bibliothèques parisiennes et des bibliothécaires affiliés.

Quimperlé de son côté n’avait pas développé, au moment de l’enquête, de contenu spécifique à Twitter, utilisé simplement comme caisse de résonance aux posts Facebook, par le biais d’une automatisation des publications.

Mieux connaître les publics avec les RSN ?

  • 83  Louise Michel 1.
  • 84  Brest 4.
  • 85  Metz 1.
  • 86  Gaillard Romain, « L’animation de communauté, nouvelle frontière de la bibliothèque ? », Revue de (...)

43Le plus souvent publics déjà « proches », d’usagers ou de collègues, les destinataires des publications sur les RSN sont finalement assez bien connus des bibliothécaires et dans le fond, comme on le formule joliment à Louise Michel, les RSN servent plus à se faire connaître qu’à connaître ceux pour qui on travaille : « Nous ne connaissons pas mieux nos usagers, mais nos usagers nous connaissent mieux ! »83 À Brest, ni Facebook ni Twitter non plus ne sont utilisés comme des outils de connaissance des publics ; les statistiques fournies par les plateformes sont regardées, mais sont trop généralistes pour être exploitables : « Au niveau des stats, notre fan “type” est une femme de 50 ans84 », portrait qui recoupe plus le profil type de l’usager assidu des médiathèques publiques en France que celui de l’abonné actif sur Facebook. Aller plus loin nécessiterait tout un dispositif technique et un budget, en témoignent les propos tenus à Metz : « Ce qui nous manque : des outils de mesure de la notoriété. On a nos 24 000 inscrits au prêt (effectif qui se renouvelle classiquement par tiers). Parmi les 7 000 fans, certains sont également au prêt mais pas tous […] Il existe des outils, mais ils sont payants ; et dès qu’ils sont payants, nous n’y allons pas. »85 Roman Gaillard estime à cet égard que la monétisation devient tellement distinctive sur Facebook que la présence des médiathèques sera peut-être à réinterroger : « Les professionnels de la communication reconnaissent qu’il est de plus en plus difficile d’animer une communauté ex nihilo sur Facebook sans moyens financiers : 43 % des pages Facebook ont ainsi acheté une publicité sur ce réseau social au moins une fois par mois. Il convient donc de repenser la place de cette plateforme dans les stratégies éditoriales et sociales des établissements culturels86. »

  • 87  Louise Michel 2.
  • 88  Louise Michel 1.

44Reste la connaissance que l’on peut inférer à partir des retours exprimés par les internautes, même s’ils sont peu nombreux : « Sur les posts Facebook, une fois qu’on a enlevé tous les commentaires de bibliothécaires, il reste quelques commentaires d’usagers et souvent de gens que nous ne connaissons pas nécessairement ; ils viennent à la bibliothèque, mais sont très discrets. Et de temps en temps cela nous permet de les connaître, mais cela reste ponctuel87. » C’est parfois de manière plus détournée que l’interaction directe permet d’en apprendre plus sur les usagers : « Certains d’entre nous ont fait des petites vidéos de présentation de nous-mêmes qui ont été mises sur le blog, puis partagées sur Facebook : j’ai eu pas mal de retours d’usagers sur la mienne ! De manière indirecte, j’ai appris des choses sur eux (ce qu’ils avaient aimé, ce qu’ils partageaient comme goûts, leurs réactions à des photos)88. »

Encadré no 5. « Louise & Michel », série de vidéos
conçues par Louise Michel, diffusées sur YouTube

Louise & Michel, premier épisode, 2015

Extrait des commentaires déposés

  • 89  Brest 8.
  • 90  Akrout Houcine, Cathalo Sandrine, « Relation entre fans et marques sur Facebook. Quels fondements (...)

45Exception faite de Louise Michel, les publications des bibliothèques observées dans le cadre de cette étude sont globalement plus informatives que participatives : « J’ai essayé une fois d’interroger le public via Facebook sur la page des médiathèques, genre “C’est quoi votre lecture d’été”, mais ça n’a jamais marché89» Reste que la passivité des abonnés, qui a fait l’objet de travaux importants, joue un rôle particulier et non des moindres sur les RSN, celui d’aide à la « survie de la communauté »90, ce que nous retrouverons dans le portrait très particulier des fidèles des comptes RSN des bibliothèques dans le chapitre 3.

Le fan, le maire et la médiathèque

  • 91  C’est en 2010 que Lionel Tardy, le député 2.0, brise l’huis-clos des débats en commission parlemen (...)
  • 92  Metz 1.

46Resserrée à ses débuts sur le tissage de liens avec les publics – déjà acquis ou potentiels – la stratégie des bibliothèques sur les réseaux sociaux ouvre à partir des années 2010-201291 un volet supplémentaire avec l’intérêt croissant que les élus leur portent, comme l’explicite le bibliothécaire de Metz : « Les élus pensent lecteurs/électeurs et se servent de la toile comme d’une toile de résonance. »92 La presse n’est plus le seul moyen exploitable pour écouter l’opinion, les médias sociaux permettent désormais une prise directe sur les intérêts et attentions des citoyens. Si, dans notre corpus, ce sont particulièrement les deux villes de Metz et Brest qui sont estampillées « numériques », la nouvelle équipe municipale de Quimperlé est composée en 2014 d’élus utilisateurs des réseaux sociaux qui suivent de près les posts des établissements culturels de leur ville. Quant à Louise Michel, ni la capitale ni le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris n’ont attendu la médiathèque pour communiquer avec leurs administrés par les RSN ; néanmoins, le tout jeune équipement joue un rôle particulier au sein du réseau de lecture publique, à la fois laboratoire et vitrine.

Une communication au service de la Ville

  • 93  Quimperlé 2.
  • 94  Quimperlé 1.
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  • 96  Metz 2.
  • 97  Metz 2.

47Le service Communication de Quimperlé reconnaît à quel point les réseaux sociaux de la médiathèque servent l’image de la ville : « L’activité de la médiathèque sur les réseaux sociaux sert la Ville. La médiathèque est un équipement qui marche bien, ils sont très actifs, leur politique d’animation culturelle permet la conquête de nouveaux publics. L’image va dans ce sens-là. Il n’y a rien d’artificiel dans ce qui est publié. […] Nous sommes persuadés que cela participe à notre image93» Très conscientes du rôle particulier tenu par la médiathèque, les équipes ont à cœur d’y répondre : « La bibliothèque devient le porte-parole du territoire. Elle a une image un peu différente des autres institutions : c’est un lieu culturel qui conserve la mémoire. Ce n’est pas la même chose qu’une salle de spectacle. Le rapport est plus affectif que dans d’autres lieux94» Cette spécificité est portée partout dans les pages des autres institutions culturelles de la Ville : « Je publie sur les autres pages culturelles institutionnelles (office de tourisme, cinéma…), je ne me contente pas de diffuser leur information95» Cette implication dans les structures du territoire caractérise en particulier la stratégie messine : « Il faut être très impliqué dans la vie culturelle locale, se montrer en ville quand on a ce rôle de médiatiser les médiathèques ; on me reconnaît comme Miss Média dans la vraie vie ; je suis beaucoup dans les concerts et vernissages96. » L’activité de post et de tweet de la bibliothèque est le plus possible liée aux événements de la Ville afin de « faire réseau » et de ne pas rester autocentré sur ses propres activités : « Dès que je le peux, je retweete ; par exemple, au moment du Salon du Livre à Metz, je repère les auteurs présents qui ont un compte Twitter : dès qu’on parle d’eux à la médiathèque, je leur envoie l’information ; ils peuvent ainsi la retweeter. Cette diffusion virale est très importante : c’est comme cela que nous sommes en réseau. » Cette exploitation de la viralité représente en effet un effort quotidien à Metz : « J’ai répertorié les partenaires avec lesquels on est censés être le plus en interaction : chaque fois que nous mettons un post qui les concerne, ils reçoivent une notification : cela permet de la viralité (nous basculons notre post sur le leur). C’est très important de ne pas penser qu’à nous, de ne pas être autocentrés sur nos propres messages ; nos partenaires voient ainsi que nous parlons d’eux97»

  • 98  Brest 2.
  • 99  Brest 6.
  • 100  Brest 6.
  • 101  Brest 1.
  • 102  Brest 1.

48Quand, comme à Brest, les comptes sociaux ne sont pas directement alimentés par des opérationnels de terrain, l’articulation des objectifs du territoire avec ceux des bibliothèques s’avère plus délicate. À Brest, la page « réseau » est en effet coordonnée par un service transversal, qui n’est pas en lien direct avec le public. L’alimentation des plateformes passe nécessairement par une remontée d’informations des collègues sur le terrain, dont l’implication et la réactivité sont variables : « Souvent, il faut demander aux collègues, parce qu’on n’est pas sur toutes les animations et ils n’ont pas d’appareil photo… Les portables personnels ne permettent pas toujours une bonne qualité98… » L’équipe est donc face à un choix stratégique difficile : « Soit on centralise la mise en ligne, en restant à l’écoute de toutes les sources potentielles d’inspiration, soit on multiplie les personnes qui mettent en ligne, mais ça veut dire qu’on passe par un outil comme un planning, des réunions… Dans tous les cas, on arrive à quelque chose de figé : s’il n’y a qu’une personne qui publie, ça risque d’être un peu figé, soit le rythme est figé par le calendrier. Le fait qu’on soit actuellement en work in progress me plaît, car il y a des heurts, des mouvements… c’est plus vivant, ça nous permet de réagir au fur et à mesure99» La coordination s’impose dans ce vaste réseau qui assure une certaine cohérence : « Néanmoins, les “carambolages” existent : la semaine dernière on a eu deux posts sur le même sujet à deux minutes près. Quand on a des posts très rapprochés, on se rend compte qu’ils ne trouvent pas l’audience qu’ils auraient pu avoir100» Cette intensification de la coordination est mal vécue par une partie des agents, qui craint une forme d’institutionnalisation de la plateforme, qui viendrait en contradiction avec le fonctionnement même des réseaux sociaux : « Si c’est pour faire la même chose entre le site et Facebook, c’est pas la peine. Il faut que les gens qui nous dirigent se rendent compte que le site, on va dessus, mais Facebook il vient à toi. Ce sont deux choses complètement différentes101» Par ailleurs, les comptes sociaux du réseau des médiathèques de Brest couvrent les publications de l’ensemble des médiathèques de la Ville, ce qui nuit parfois à la clarté des messages. Que faut-il dès lors privilégier : la variété des points de vue comme reflet de la variété des médiathèques ? Ou au contraire une production de contenus plus unifiée afin de renforcer l’image du réseau dans son ensemble ? La question n’est pas encore tranchée. En revanche, la relecture-validation des publications divise déjà : certains y reconnaissent une uniformité de ton bénéfique, d’autres une forme de censure, en tout cas d’arbitraire : « J’ai quitté Tuner de Brest, alors que j’en étais une des plus importantes contributrices. Jusqu’au jour où on a enlevé une vidéo qui a été jugée trop “hard”. On décide un jour de faire une vidéo sur l’opéra, on se met en scène, sur tous les opéras qui se finissent mal, on s’est mis en scène jusqu’à mimer la mort, en donnant de notre personne. On s’est marrés. Il n’y avait pas vraiment de fond, c’est vrai, mais on montrait les opéras dont on parlait, on montrait les documents disponibles, en disant que l’opéra c’était pas toujours drôle. On avait prévu de faire une suite sur les opéras qui finissent bien, en mettant plus de fond. On l’a posté et le lendemain on nous a demandé de l’enlever102»

  • 103  Louise Michel 2.
  • 104  Louise Michel 1.

49Dans le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris, Louise Michel illustre encore un autre type de rapport entre tutelle, réseau et médiathèque à travers les RSN. L’équipe de la bibliothèque est pleinement consciente des avantages qu’elle tire du réseau et le « prix à payer » pour cela ne lui semble pas excessif : « Nous n’essayons pas de faire cavalier seul ou de développer un modèle à part ; nous reconnaissons tout ce que nous devons au réseau : tout ce qu’on peut se permettre en termes d’inventivité et de créativité, c’est aussi parce que nous gagnons du temps sur des taches internes grâce au réseau (ainsi les livres nous arrivent déjà tout équipés) ; nous essayons de lui rendre : on organise des journées d’études pour le réseau, nous sommes très présents dans les collectifs ou les groupes de réflexion sur le réseau103. » Si le respect de certains codes – comme le placement obligatoire des logos de la Ville sur la lettre d’information de Louise Michel – ne pose pas de problèmes, il en va tout autrement pour les choix graphiques et éditoriaux, qui évoluent sans passer par une validation a priori de la tutelle. L’équipe justifie cette autonomie revendiquée par les conséquences positives de ses « incartades » sur les autres bibliothèques qui profitent ainsi des avantages gagnés par Louise Michel. La ligne de crête qui sépare l’entorse acceptable au « règlement » du franchissement caractérisé de la ligne jaune reste assez lisible. Cet affranchissement « bon enfant » (sans agressivité mais avec fermeté) de certaines règles de la tutelle est tout à fait assumé et même revendiqué comme allant de pair avec la compétence avérée des équipes de la bibliothèque. L’« enfant gâtée » Louise Michel est cependant tout à fait consciente du rôle qui lui est dévolu en contrepartie de sa grande liberté : elle doit être la vitrine du réseau des bibliothèques de la Ville de Paris : « Quand il y a un reportage sur les bibliothèques, on nous envoie les journalistes, car nous présentons une image favorable de la Ville de Paris – ouverture, accueil, lutte contre la grande exclusion, avec un aspect participatif104. » Et selon Louise Michel, cet accord tacite satisfait aussi bien le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris que la médiathèque elle-même, qui ne joue là aucun autre rôle que le sien propre.

  • 105  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

Encadré no 6. Gallica au cœur de la problématique :
quelle parole pour l’institution ?
105

  • 106  BnF 1.
  • 107  BnF 2.
  • 108  BnF 1.
  • 109  BnF 1.

Plus que pour toute autre bibliothèque, la question de la parole de l’institution sur les RSN est d’importance pour la BnF et Gallica, à la fois en interne : « Au départ, la BnF est une maison historique qui regardait les RSN comme des ovnis, s’interrogeant sur la place de la parole institutionnelle sur les RSN, sur des outils tenus par des entreprises privées106 », mais aussi à l’externe : « Notre position est particulière : à chaque fois que l’on bouge le petit doigt, on est jugé à l’aune de “vous êtes LA bibliothèque nationale” (impôts des Français). Nous devons donc respecter une certaine “tenue”. Il nous faut inventer un ton qui ne soit ni abscons ni familier107. » À ces deux difficultés s’en ajoute une troisième, liée aux liens complexes qu’entretiennent la bibliothèque numérique et l’établissement national ; une vraie chasse aux marques se livre en effet sur les réseaux sociaux, particulièrement sensibles à la moindre ambiguïté institutionnelle : « Sur les RSN, on a parlé de Gallica comme d’une marque sœur ; alors que la communication voyait en Gallica, un outil, une marque fille108. » Avec ses huit pages Facebook et ses six comptes Twitter, l’institution BnF est largement présente sur les RSN et peut ainsi prendre la parole au gré de la vie quotidienne et des événements de la bibliothèque, mais « il y a aussi une ombre portée (comme celle de Lucky Luke) qui est très présente – au point parfois d’être plus visible que l’institution elle-même – c’est Gallica. Il y a une identité et une présence volontariste de la maison par le biais de l’outil Gallica, à tel point que c’est Gallica qui a été perçu d’abord ; c’est l’effet Frankenstein, la créature s’est détachée109 ! »

  • 110  BnF 1.
  • 111  BnF 1.
  • 112  BnF 1.

Paradoxalement, le succès de Gallica a donc rendu difficile la stratégie d’une présence visible de la BnF sur les réseaux sociaux : « comment une expérimentation qui a marché au-delà des espérances, comment le passage de l’expérimentation à un canalisateur nécessaire de l’institution de la communication ne s’est pas fait et donc a créé l’émergence d’une pluralité de présences110 ». En effet, outre l’amplification par les RSN de la relative autonomie de la bibliothèque numérique depuis les origines (« Sur les RSN, on parlait de Gallica sans y associer vraiment la BnF111 »), la stratégie retenue de duplication de l’organigramme BnF sur les RSN, avec la création de pages Facebook et de fils Twitter par départements thématiques de collection, a achevé de transformer cette diversité en « éparpillement de l’image de l’institution112 ».

Le bénéfice, pour les comptes sociaux de Gallica, de cette relative autonomie n’est-il pas d’éviter de porter la communication institutionnelle de la BnF et de pouvoir développer une voix plus libre, informelle, créative ?

Contraintes administratives

50Comme bien souvent dans les médiathèques, le service informatique, chargé des achats d’équipements et des infrastructures techniques, constitue un service de la Ville, par structure assez éloignée des opérationnels de terrain. Pour les établissements de notre corpus, cette distance crée des situations au moins cocasses et souvent franchement inconfortables.

  • 113  Metz 1.
  • 114  Louise Michel 1.
  • 115  Metz 2.
  • 116  Metz 1.
  • 117  Metz 2.

51C’est parfois avec un débit Wi-Fi très faible, car mal calibré au volume de connexions, que les équipes travaillent ; le matériel de prise de photo ou les logiciels graphiques sont difficiles à obtenir à Louise Michel, quand ce ne sont pas les postes informatiques professionnels qui restent insuffisants, avec parfois un décrochage entre l’offre publique et l’offre interne : « On nous interdit de nous connecter à YouTube par exemple, parce que c’est la règle dans l’administration ; beaucoup d’ordinateurs destinés au public ont accès à YouTube, mais pas les nôtres, alors que c’est notre outil de travail », note un bibliothécaire de Metz113. Ce décalage des moyens et des besoins conduit le plus souvent les équipes à gérer les comptes de la bibliothèque depuis leurs équipements personnels. Ainsi, à Louise Michel : « Nous avons le Wi-Fi pour le public. En revanche, nos ordinateurs professionnels ne nous permettent pas de faire du montage vidéo : la connexion est très lente, trop lente ; il nous arrive même parfois d’avoir des difficultés pour afficher une simple photo. Julien fait beaucoup de montage, mais surtout chez lui, avec son propre matériel114. » L’arrivée d’une caméra fin 2015 a permis de faciliter la production de vidéos pour la chaîne YouTube, mais les téléphones portables continuent d’être fortement sollicités (parfois même les ordinateurs personnels). Le même constat est dressé à Metz : « Nous travaillons sur nos propres outils (j’utilise ma propre 4G) : quand mon téléphone est tombé en panne, je n’ai pas pu travailler pendant cinq jours […] J’ai donné les codes Instagram à deux collègues qui acceptent d’utiliser leurs outils personnels : il faut avoir un smartphone pour utiliser Instagram115» Au-delà des équipements personnels, la porosité des usages public-privé est la règle pour les gros pourvoyeurs de publications, notamment à Metz et Louise Michel. Les contraintes administratives pèsent également pour tout achat en ligne, comme le signale le bibliothécaire de Metz : « La plupart des services en ligne doivent être payés par carte ; or il y a une carte bancaire pour toute la ville : il faut donc déplacer le régisseur communal. C’est pour cela que la première année, c’est moi qui ai payé les quelques dizaines d’euros. Comme tous nos comptes n’ont pas été créés au même moment, les renouvellements des différents abonnements ne tombent pas aux mêmes dates et nécessitent à chaque fois un nouveau déplacement du régisseur116 ! » Un bibliothécaire messin explique ainsi que «  très peu de collectivité offrent à leurs agents leur matériel. Ce n’est encore reconnu comme un travail117 ». C’est néanmoins le cas à Brest : le matériel utilisé pour créer les contenus (images ou vidéos) publiés sur les réseaux sociaux circule entre les médiathèques du réseau : deux appareils photos, un caméscope, une tablette pourvue d’un logiciel de montage. Un micro a été acheté pour améliorer la qualité audio des captations vidéos. Un effort a également été fait à Quimperlé avec l’achat d’un équipement pour réaliser les vidéos.

Organisation du travail

52L’enjeu de l’organisation du travail de production est bien sûr d’éviter la scission entre ceux qui savent et aiment être sur les RSN et ceux qui ne savent pas (et n’aiment pas forcément y être à titre personnel). Sur cette question, sans doute encore plus que sur les autres, la taille des équipes joue fortement, rendant la tâche plus ou moins aisée et atteignable.

  • 118  Louise Michel 1.
  • 119  Louise Michel 2.
  • 120  Louise Michel 1.
  • 121  Louise Michel 1.
  • 122  Louise Michel 1.

53À Louise Michel, le défi était de ne pas subordonner la maîtrise du message à la maîtrise de l’outil (« c’était très important que la communication sur les réseaux sociaux ne soit pas accaparée par une ou deux personnes seulement118 ») et d’organiser le travail sur les RSN à l’image des autres tâches. À cet égard, aucune hiérarchie ne préside au travail sur les RSN : « Nous n’allons pas nous créer des schémas de validation qui ne correspondraient à aucun autre schéma de fonctionnement au sein de la bibliothèque : nous cherchons à être cohérents. Nous avons une équipe très créative, dynamique et inventive : notre communication doit être dynamique, créative et inventive119. » Au sein de l’équipe, les tâches sont organisées de manière transverse ; chacun est encouragé à intervenir selon son humeur et ses compétences. Il n’y a donc pas de poste de community manager : la modération et les réponses aux commentaires sont prises en charge par chaque membre de l’équipe selon sa disponibilité et son appétence. Par leur pratique des RSN, certains cependant jouent le rôle d’éléments moteurs, « de facilitateurs et de déclencheurs120 » : « La notion de facilitateur est importante : c’est quelque chose qu’on applique en interne. En tant que coordinateurs de la communication, notre rôle est de donner des clés, par exemple prévenir que les algorithmes Facebook ont changé et que donc il faut arrêter de mettre des images fixes et mettre à la place de la vidéo ». Autrement dit, en tant que personnes-ressources, ces coordinateurs jouent le rôle de formateurs à demeure, indispensables pour des outils qui évoluent en permanence et de façon subtile. Ces facilitateurs-déclencheurs permettent aussi d’amener les autres membres de l’équipe à faire des propositions et à les réaliser eux-mêmes : « Les RSN sont un outil de la spontanéité : il est donc important que tout le monde s’y sente à l’aise. Ceux qui ne le sont pas s’adressent à un collègue pour demander de l’aide et ils le font ensemble121. » Fondée sur une horizontalité semblable à celle qui règne sur les RSN, cette méthode repose sur une validation collective et débonnaire : « Tous les posts Facebook sont admissibles du moment que cela peut faire rire la majorité des gens qui sont dans le bureau ; si l’on a un doute, on consulte ses collègues du bureau d’à côté (n’importe qui peut être consultable et consulté)122» Alors qu’une charte (qui en novembre 2015 en est déjà à sa deuxième version) établit les règles et les axes du travail sur les collections et avec les publics, rien de tel, on le comprend, n’a vu le jour pour les RSN.

  • 123  Quimperlé 1.
  • 124  Quimperlé 1.
  • 125  Voir en Annexe 10d l’organigramme de la bibliothèque de Quimperlé.
  • 126  Quimperlé 3.
  • 127  Quimperlé 1.

54Tout comme à Louise Michel, le fait d’être une petite équipe, sans une forte hiérarchie au sein de la collectivité, est pointé comme un avantage par les bibliothécaires quimperlois : « L’équipe a plutôt montré de l’enthousiasme que de la peur. Les gens y sont allés franchement, c’était comme une nouvelle aventure et les retours ont été immédiatement positifs123» Au départ, certains agents se montraient néanmoins réticents à l’idée de s’exprimer sur les réseaux sociaux : « Il a fallu beaucoup discuter. Les agents ont compris que c’était une nécessité par rapport aux élus. C’était un bon argument. Mais le meilleur des arguments, c’est que les retours du public sont bien plus forts que ceux qui passent par la hiérarchie124» Rien n’est imposé en matière de publications sur les réseaux sociaux, mais, dans l’organigramme (8,8 ETP pour 9 agents), l’ensemble des agents est attendu pour produire des contenus, quel que soit le grade ou la fonction125. La règle tacite est qu’à chaque animation la personne qui s’en occupe doit poster l’information. Aucune réunion spécifique sur les publications n’est organisée. La relecture est collégiale et informelle ; chacun peut intervenir sur les posts des autres : « Normalement, dès qu’il y a une animation, il y a un post Facebook. Si ce n’est pas fait, c’est [le directeur] qui le fait126» Le directeur joue un rôle de veille et de relecture pour vérifier l’homogénéité des publications et le respect des normes (dimension de la photo, hiérarchie de l’information…). La seule contrainte imposée par le directeur est que chaque agent ait préparé des coups de cœur sur des ouvrages avant de partir en congé. Sur la période estivale en effet, afin de maintenir un rythme de publication, des présentations de documents sont égrenées au fil des jours. Cette modalité d’organisation rejoint l’axe de management plus global de la structure, fondée sur la polyvalence : « Nous sommes une petite bibliothèque, et les agents sont très polyvalents : tous les agents tournent sur l’ensemble des espaces pendant l’ouverture au public, tout le monde fait de l’animation, de la médiation… Les acquisitions sont réparties par domaine entre les médiathécaires. Cette polyvalence a permis d’installer facilement le fonctionnement avec les RSN127. » Au moment de l’enquête, la médiathèque ne comptabilisait pas le temps de travail dédié aux réseaux sociaux.

55L’organisation du travail dans des structures de 10-20 personnes est peu comparable avec celle à mettre en place avec une centaine de collaborateurs. S’il s’agit toujours d’éviter une bibliothèque à deux vitesses, d’autres types d’écueil guettent encore les grosses structures, notamment l’éparpillement des publications, l’hétérogénéité du temps de travail et des profils de poste.

  • 128  Metz 1.
  • 129  Metz 3.
  • 130  Metz 1.
  • 131  Metz 2.
  • 132  Metz 2.

56À Metz, du lancement de Miss Média en 2008 jusqu’en 2015, l’organisation de la production des publications est restée centrée sur le trio initial (dont le directeur), dans une relation très souple au quotidien : « Nous avons fonctionné à trois : l’une très disponible sur le terrain, très branchée musique, la plus polygraphe des animatrices ; la responsable de la communication et moi. Ce triangle a permis de faire vivre une vraie vie à Miss Média, grâce à une grande réactivité128 », sans contrainte de validation ou d’horaire (« Ce qui a fait la différence, c’est que Miss Média est ainsi intervenue le soir et les week-ends129 »). Le départ en formation (pour un an et demi) d’un membre du trio fondateur (la responsable de la communication) a fortement perturbé cet équilibre ; le trio est devenu duo : « Le directeur a repris la partie communication, même s’il est moins disponible ; il s’est pris au jeu ; il poste sur Facebook130. » Mais le changement n’a pas été sans conséquences : « Je rentre d’une absence d’un mois et demi : un burn-out en lien avec ces outils où vie privée et pro n’ont plus de frontières131» L’enjeu majeur pour Metz au moment de l’enquête est un redéploiement de gestion et une alimentation collective des comptes sociaux : « Souvent, les collègues attendent que je valorise leur projet sur Facebook et moi j’attends qu’ils m’envoient leur projet “clés en mains”, c’est-à-dire rédigé. Je voudrais les convaincre que les RSN sont l’affaire de tous ! Et même si on ne poste pas, on peut s’y intéresser en me donnant des éléments les plus proches de l’esprit que nous cherchons, loin du langage administratif132. » Sur les 90 emplois ETP (hors personnel d’entretien), les personnes impliquées dans la vie de la bibliothèque sur les RSN se comptent à peine sur les doigts des deux mains. Aucun emploi ne leur est totalement dévolu. Peu à peu, le trio initial rassemble d’autres bonnes volontés autour de lui, en argumentant contre la représentation des réseaux sociaux comme du divertissement et inversement pour éviter la tentation d’utiliser les réseaux à des fins strictement personnelles.

  • 133  Voir trois exemples de fiches de poste en Annexes 10a-b-c.
  • 134  Brest 6.
  • 135  Brest 3.
  • 136  Brest 2.
  • 137  Brest 3.
  • 138  Brest 1.

57L’organisation à grande échelle de la production sur les RSN est largement entamée dans le réseau brestois, dans lequel les modalités de diffusion ont fortement pesé sur l’organisation interne. En effet, à Brest, l’alimentation de la page réseau est inscrite au cœur des missions de chaque agent133, tandis que la validation et la publication sont centralisées dans un service spécifique, sauf pour les administrateurs de blog qui peuvent directement publier sur les RSN. D’un côté se trouve la matière fournie par les bibliothécaires, de l’autre le contrôle et la diffusion. Dans les deux cas de figure, le temps occupé par l’une ou l’autre de ces tâches paraît sous-estimé : ainsi, côté diffusion, « Pour trouver un slogan efficace et deux photos qui fassent mouche, ça me prend quasiment une heure. Ce n’est pas si rapide qu’on peut l’imaginer134 », de même, côté production : « On n’avait pas de temps dégagé pour le montage des vidéos, c’est beaucoup de bonne volonté, de savoir-faire…135 » La question du manque de temps dédié à l’écriture, la captation, le montage des vidéos, la rédaction de billets a été soulignée par plusieurs agents. Même lorsque l’audience a remonté (suite notamment à l’investissement sur YouTube), les agents n’ont pas eu l’impression d’être entendus. Pourtant, la mise en œuvre de ces vidéos proches du booktubing a été un élément fort de redynamisation des équipes. Des collègues jusque-là peu moteurs sur les réseaux sociaux se sont mobilisés pour réaliser des vidéos à leur tour. Poster à plusieurs a également fortement motivé les agents. Cependant, les récentes tentatives de cadrage de la production de contenus ont été vécues par certains comme une réticence à accompagner le mouvement, quand pour les autres il s’agissait d’organiser la production et d’éviter les débordements (en temps). Une incompréhension qui a été source de démobilisation pour les équipes. En conséquence, difficile d’évaluer, à l’heure de l’enquête, le volume des contributeurs aujourd’hui à Brest : « Nous faisons appel à l’ensemble du réseau avec plus ou moins de facilité, pour avoir au moins des images. Sur le texte, c’est souvent le service qui rédige136. » Cette difficulté est plus vive encore pour le temps effectivement consacré aux comptes sociaux : le bibliothécaire le plus directement en charge de l’animation des comptes Facebook et Twitter du réseau estime que cela correspond à 10 % de son temps de travail, environ 3-4 heures par semaine ; un autre membre du personnel, dont la mission était centrée à son arrivée sur le redéploiement des blogs, avait estimé qu’au plus fort de cette activité « cela représentait 10 heures de travail par semaine, parfois plus137 », sans compter le temps de rédaction qui pouvait être fait à domicile. Cette situation explique la volonté de mettre en place un accompagnement managérial important. Ceux qui ne participent pas aux réseaux sociaux ne sont pas plus mobilisés pour le portail. L’implication concerne l’ensemble des publications diffusées par le réseau et dépend en partie de la pratique personnelle des agents : seuls ceux qui possèdent un compte personnel suivent ce que publie la médiathèque. Le manque de pratique personnelle explique également, aux yeux de certains agents, qu’au départ des expérimentations les cadres de direction n’aient que peu suivi et encouragé les équipes. Ce hiatus entre direction et agents est encore fortement souligné : « Ils ne savent pas ce que c’est Twitter138»

  • 139  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

Encadré no 7. Gallica, un collectif responsable139

  • 140  BnF 2.
  • 141  BnF 2.
  • 142  BnF 2.
  • 143  BnF 1.
  • 144  BnF 1.
  • 145  BnF 1.
  • 146  BnF 1.

L’organisation du community management de Gallica est très claire et structurée : il n’y a pas d’incarnation dans une seule figure, mais à travers « une troupe » de six personnes, essentiellement des conservateurs « au plus proche des collections » : « Ces conservateurs ne signent pas et je ne sais pas identifier l’auteur précis (parmi les six) des tweets : c’est un peu comme une encyclopédie (mini-wikipedia) ; l’intelligence de la production est noyée dans l’ensemble140. » Cet anonymat nourrit fantasmes et spéculations chez les usagers : «  Nous avons très souvent des messages du genre “Dites-nous qui est le community manager !” Signé #arretezvossecrets. À chaque fois que nous faisons semblant d’accéder à leurs demandes : nous publions une photo de l’équipe… mais elle est masquée par un document Gallica !… »141 Ces six conservateurs consacrent chacun 20 % de leur temps aux RSN (ce qui équivaut à un ETP). Leur rythme de production est le suivant : une newsletter par mois, un post et dix tweets par jour. Et, depuis peu, ils animent également un compte Pinterest : « Cela fonctionne bien : une seule personne s’userait à la longue. Ces six conservateurs forment une mini-communauté avec un chat interne pour communiquer entre eux. L’équipe se gère elle-même : ils ont très vite mis en place des outils de partage et d’élaboration des posts et des tweets ; ils ont ainsi une mémoire de ce qui a déjà été fait. Ils se voient régulièrement »142. Semblable à un « lycée autogéré », cette animation collective revendique « la liberté, l’autonomie, la créativité et l’autoresponsabilisation », mais doit aussi s’autogérer sur tous les aspects très « impliquants » et très chronophages, notamment de Twitter, sans délaisser le cœur des fiches de poste. À l’heure de l’enquête, une coordination se met en place pour passer une nouvelle étape : « Nous sommes aujourd’hui à ce carrefour. Nous mettons en place – grâce à un nouveau recrutement – une coordination qui devra respecter l’historique de la formation des RSN, mais en même temps lui donner un cadre pour leur donner plus de force et en même temps entrer dans la communication de notre direction143. » L’étape actuellement investie par l’équipe Gallica concerne la capitalisation des publications diffusées sur les réseaux sociaux ; les publications sont en effet trop rapidement englouties : « Cela s’écrit encore trop sur le sable ; il y a trop de posts et de tweets aujourd’hui totalement ensablés ! Leur impact est immédiat mais fugace : 100, 200 personnes qui vont “liker”, mille personnes pour les meilleurs. Ce n’est rien ! Il y a une frustration devant la rapidité avec laquelle l’information est chassée par la nouvelle. J’ai envie de garder une trace : les réseaux sociaux offrent un repérage de tant de choses intéressantes que nous n’avons juste pas le temps de voir. Des choses pour les enfants, des abécédaires, etc. Il faut absolument capitaliser là-dessus. Je vois passer trop d’intelligence dans ces posts et ces tweets et trop peu de gens qui les regardent144. » De ce constat est né le projet d’une refonte de la page d’accueil de Gallica afin de permettre une éditorialisation de certains contenus produits pour et sur les RSN : « Après avoir bien creusé le sillon des réseaux sociaux, on en revient à l’idée d’en avoir un autre usage (et le blog ne le permet pas non plus) à travers une home conçue comme un journal. La home ressemblera à Pinterest : nous aurons juste le temps de produire un visuel avec un petit texte, mais cela donnera déjà à voir la variété des contenus. Et les nouveaux documents repérés viendront au-dessus et pousseront les précédents vers le bas. L’image primera comme dans les news145… » Cette double vie des publications ménage le temps court des réseaux sociaux et le temps long de la médiation documentaire : « Du coup, nous serons de bon cœur sur les réseaux sociaux, car nous saurons qu’à côté on n’ensablera pas nos contenus tout de suite : on les aura un peu tout le temps sous les yeux et on pourra les retrouver sur les homes très verticalisées où l’internaute pourra scroller et tout voir facilement146. »

Des postures de formation révélatrices des étapes d’une stratégie

  • 147  Louise Michel 3.
  • 148  Metz 3.

58La meilleure formation aux RSN est d’abord d’en développer une pratique personnelle accrue, proclame-t-on à Metz. Apprendre sur le tas, par soi-même et avec les autres, est particulièrement possible dans une petite structure : rares sont ceux à Louise Michel à avoir suivi une formation extérieure, ou alors a posteriori ; la règle semble plutôt être d’apprendre «  en veillant, en regardant, en lisant beaucoup147. » Aucun professionnel de Quimperlé n’a non plus bénéficié de formation : les compétences ont été acquises au fur et à mesure, en fonction de la motivation personnelle de chaque agent et la transmission se fait de façon informelle entre collègues. La conviction la plus répandue chez nos interlocuteurs est en effet que la formation doit être transitive et dispensée au sein d’une même « communauté apprenante », position également entendue à Metz au moment de l’enquête : « Ce sont nous, les collègues formés, qui allons former d’autres collègues148» À Brest, en revanche, compte tenu des enjeux de banalisation de la contribution, plusieurs formations ont été proposées, notamment par le service Internet et multimédia de la Ville. Certains contributeurs évoquent régulièrement entre eux la nécessité même d’intégrer un poste de community manager, au risque d’entériner la scission entre production des publications et modalités de leur diffusion : ce modèle même est-il envisageable au sein de plateformes qui tendent à rendre indistincts les espaces de front et de back office ?

Politique de diffusion des publications

59Les médiathèques du corpus communiquent-elles sur toutes leurs activités ou sélectionnent-elles les sujets ? Si oui, sur quels critères ?

  • 149  Jakobson Roman, « Linguistique et poétique », in Essais de linguistique générale, 1, Les fondation (...)

60Dans l’ensemble, seule une partie de ce qu’elles font dans les murs est exposée – certains privilégient l’action culturelle – et, inversement, sont publiés des contenus qui ne le seraient jamais in real life. Metz choisit ainsi, dans sa stratégie autour de Miss Média, d’intervenir beaucoup sur des sujets qui résonnent dans les RSN, quand les autres tiennent au contraire une ligne éditoriale articulant le « sur place » et le « en ligne ». Reste pour tous la nécessité de diffuser aussi des publications qui entretiennent le lien au quotidien, à la valeur purement phatique pour reprendre la terminologie de Jakobson149. Cette spécificité des publications « d’ambiance » relève des incitations des plateformes elles-mêmes qui concernent non seulement les types de contenus, mais aussi le rythme de publication et le ton adopté. Quelle part respective occupent, dans les politiques de diffusion des médiathèques, les contraintes propres au design des plateformes et celles relatives à leur propre stratégie ?

Du périmètre de sujets à la ligne éditoriale

  • 150  Brest 2.
  • 151  Quimperlé 1.
  • 152  Quimperlé 1.
  • 153  Quimperlé 1.
  • 154  Quimperlé 1.

61On comprend qu’en pleine restructuration stratégique, le réseau de Brest ne dispose pas au moment de l’enquête d’une charte de publications aboutie. Le service en charge de la diffusion décrit un type de programmation avant tout guidé par l’objectif managérial d’équité de valorisation des établissements et d’équilibre des sujets : « On essaye d’être équitable entre chaque médiathèque. Il y a des choses qu’on ne met pas sur les réseaux sociaux, comme les animations jeunesse, car les fans sont des adultes qui cherchent les animations pour adultes et en plus il y a des questions sur le droit à l’image pour les enfants. On essaye d’équilibrer les sujets, par exemple, là, ça fait trop longtemps qu’on n’a pas fait de mise en avant de sélections150» Les animations et, plus globalement, l’action culturelle constituent au contraire le sujet privilégié des politiques de diffusion à Louise Michel et surtout à Quimperlé, où la présence sur les réseaux sociaux est pensée comme la continuation naturelle du programme d’animations et particulièrement des expositions : « Nos expositions sont l’épine dorsale de notre politique d’animations. Chaque exposition a son programme d’animations151. » Au cœur de la démarche, une conviction : les expositions sont une autre façon d’offrir un contenu et doivent pouvoir toucher un autre public que celui des usagers habituels de la médiathèque : « Les RSN et les blogs ont changé ma vision des animations et du public en bibliothèque : avant, pour moi, une animation qui marchait, c’était une animation avec une bonne fréquentation, le seul élément pris en compte dans le rapport d’activité. Avec Facebook, on s’est ouvert à la question du public152» L’identité de la politique de publications s’exprime dans cette recherche d’« un continuum entre le réel et le numérique153 » qui concerne non seulement l’action culturelle, mais aussi les autres services proposés par la médiathèque (initiation informatique, portage à domicile…) ou encore les coups de cœur sur les collections. Ce sujet, rituel de l’été, fait également l’objet d’une rubrique spécifique du blog : il « regroupe dans un seul album les photos de couverture de la vingtaine de titres que nous avons sélectionnés154 ».

  • 155  Metz 2.
  • 156  Metz 1.
  • 157  Metz 3.
  • 158  Metz 1.
  • 159  Metz 2.

62À Metz, les animations culturelles ne sont qu’une dimension de la stratégie de publication sur les RSN : « Les activités culturelles ne sont pas centrales dans la stratégie de la BMM sur les RSN ; cela fait partie de la stratégie globale, mais ce n’est pas central ; il y a beaucoup de gens qui nous suivent sur les réseaux et qui n’habitent pas Metz155. » Sensible à la « globalisation » du monde et de l’actualité, l’équipe de la bibliothèque revendique une communication nourrie largement par une actualité hors les murs de Metz et espère en retour un large rayonnement à l’échelle nationale, voire internationale : « Miss Média parle au monde entier et ce n’est pas la bibliothèque du Sablon qui se met en avant dans le réseau […] Il y a une sorte de “peopolisation” des sujets ; plus le sujet est notoire, mieux cela marche. […] C’est être aussi décalé par rapport au travail documentaire quotidien156. » Le périmètre des sujets abordés est de fait très large : « Nous pouvons parler d’événements éloignés de plusieurs milliers de kilomètres, mais qui peuvent avoir un lien avec Metz157 […] nous parlons de ce qui intéresse Metz, mais pas parce que cela se passe à Metz158». Le continuum sur place/en ligne ne constitue pas l’épine dorsale de la ligne éditoriale, même si un lien avec les collections peut être recherché : « Si nous arrivons à faire un rebond sur nos collections avec une valeur ajoutée, c’est forcément mieux d’avoir quelque chose à ajouter159».

  • 160  Metz 1.

63À côté de ces contributions informatives se déploient un ensemble d’autres publications plus « d’ambiance », destinées à « faire du lien sans volonté de souligner une information160. ».

  • 161  Louise Michel 1.
  • 162  Louise Michel 1.
  • 163  Louise Michel 2.
  • 164  Louise Michel 1.

64Au moment de l’enquête, Louise Michel développe un discours très construit sur la ligne éditoriale adoptée sur les RSN, qui fluctue entre publications « tranches de vie » et publications « d’ambiance ». Tout le monde à Louise Michel participe au choix des publications : « Ce sont d’abord des informations pratiques (cf. les changements d’horaires pendant les vacances), mais le plus important pour l’équipe, ce sont les tranches de vie : aussi bien l’animation culturelle que tous les aspects de la vie de la bibliothèque (on fait des crêpes, on montre les crêpes !) […] Nous créons des événements Facebook pour annoncer les rencontres d’auteurs, mais pas forcément pour annoncer les activités régulières du mercredi par exemple. En revanche, nous pouvons faire un retour en photos sur ces mêmes activités du mercredi par exemple. Nous essayons de jauger, de sélectionner afin de ne pas produire un fil d’actualité qui soit trop important161. ». La communication informelle, d’ambiance, « avec des chatons ou des canards, pour susciter des réactions162 » constitue l’autre volet important qui s’inscrit dans une ligne éditoriale résumée en trois verbes « informer, divertir, créer » : « Ce sont nos trois mots clés, ces aspects doivent être présents dans tous les objets de communication y compris les réseaux sociaux ; bien sûr, le dosage peut changer : une affiche remplit plutôt l’objectif d’information, mais il faut quand même qu’il y ait cet aspect de divertissement et pour nous de création, c’est-à-dire de mise en avant des compétences des gens dans l’équipe. C’est essentiel : cette communication décalée se construit en équipe163. ». Pour reprendre les célèbres fonctions du langage proposées par Jakobson, on pourrait dire que ce sont les fonctions phatique et esthétique qui prédominent sur la fonction purement informative sur les comptes sociaux de Louise Michel : « Quand nous faisons une vidéo, l’information qu’elle véhicule est moins importante pour nous que la forme, notre volonté de montrer une image différente, de montrer la bibliothèque comme un lieu de divertissement, de loisirs164 ».

  • 165  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

Encadré no 8. Gallica, une maîtrise des plateformes165

  • 166  BnF 3.

Avec l’écriture d’une charte d’utilisation des RSN, les équipes de la BnF ont cherché à formaliser l’utilisation spécifique des différents réseaux sociaux. Elles se retrouvent aussi régulièrement : « Une réunion tous les deux mois de tous les contributeurs des RSN à l’intérieur de la BnF, pour une information réciproque166. » À chaque réseau correspondent une manière de travailler et un type de public.

  • 167  BnF 1.

Facebook : l’outil de communication classique. Facebook apparaît déjà comme un outil classique, destiné à un public plus large et plus âgé, dans un temps plus long : « Facebook, c’est un peu comme une newsletter : cela apporte de l’info qui peut être contextualisée dans l’actualité, mais on n’est pas dans la réaction rapide ; celle-ci se construit, se réfléchit ; ceux qui y travaillent en interne connaissent les posts à 8 jours à 15 jours à l’avance167. » Permettant de créer et de nourrir un lien fort et sympathique, le compte Facebook est un bon média pour la valorisation d’albums thématiques : « Si Twitter est la cuisine, Facebook est le salon ! »

  • 168  BnF 1.

Twitter : l’outil le plus valorisé et valorisant : Twitter apparaît encore comme le couteau suisse, riche de nombreuses potentialités, il est à la fois168 :

  • hot-line : « Ce qui est intéressant, c’est que les usagers se l’approprient différemment ; au moins leur besoin identifié et clairement exprimé est de nous signaler ce qui marche et ce qui ne marche pas ; ce genre de remontées s’est tari sur le blog : maintenant tout se passe sur Twitter […] c’est souvent le fil Twitter qui nous alerte quand il y a des bugs sur Gallica ; cela nous permet de rédiger un message d’attente rapide et d’être nous-mêmes réactifs ; le fil Twitter entre implicitement dans l’agilité de la méthode Gallica » ;

  • lieu de créativité : « Les plus belles trouvailles sont plutôt sur Twitter, [comme avec] #attentiontresor : il y a des choses formidables » ;

  • lieu de dialogues : « Sur Twitter, nous avons un dialogue quotidien sur les contenus et un dialogue de l’entre soi nourri de jeux de mots et rebonds amusants et interprofessionnels, sociologiques aussi (qui marqueront si vous êtes latinistes ou chartistes par exemple) » ;

  • vecteur d’adhésion : « Pour nous, Twitter est l’arme pour déclencher un sentiment positif à notre égard […] » il constitue aussi « un très bon outil pour mesurer ce qui se dit de nous. »

  • 169  BnF 1.

Pinterest : un lieu d’expérimentation. Sorte d’arrière-cuisine où se préparent « à bas bruit » des projets élaborés autour de thématiques, Pinterest, dont l’usage est encore récent, apparaît comme un outil à destination de communautés appelées à rejoindre Gallica : « Pinterest, c’est presque un bac à sable de travail pour l’équipe des RSN ; par exemple un tweetos que je connais bien sort toute une collection d’images des inondations de Paris géolocalisées, qui sont dans nos magasins Pinterest depuis un an : nous préparons cela à bas bruit et nous dégainons quand nous sommes prêts ! C’est peut-être un usage dévié de Pinterest : des outils de diffusion deviennent des outils intermédiaires méthodologiques169. »

Bides ou best-sellers : le parti du rire

  • 170  Metz 2.
  • 171  Brest 6.
  • 172  Brest 8.
  • 173  Louise Michel 1.
  • 174  Louise Michel 2.
  • 175  Brest 2.
  • 176  Mlaiki Alya, Kefi Hajer, Kalika Michel, « Facteurs psychosociaux et continuité d’utilisation des r (...)
  • 177  Brest 1.
  • 178  Hang-Sub Choi, « Interprétation théorique de l’exhibitionnisme sur Facebook : Lipovetsky, Goffman, (...)
  • 179  Louise Michel 3.
  • 180  Granjon Fabien, « Du (dé)contrôle de l’exposition de soi sur les sites de réseaux sociaux », Les C (...)
  • 181  Ibid., page 29.
  • 182  Ibid., page 32.

65Globalement, le succès d’une publication échappe assez largement à l’analyse, en tout cas aux dires des collègues de Metz : « Nous sommes nous-mêmes très étonnés de voir ce qui marche le mieux : l’anniversaire de Georges Pérec (13 200 clics). Autre post : un musicien local (Casquadeur) a reçu la médaille de la Ville en juin 2016 : 4 800 clics ; autre post à succès : un chat de bibliothécaire en Russie qui avait le titre d’assistant de conservation : plus de 2 000 clics ; ou bien la course contre le cancer du sein (La Messine) : 512 clics. Ce n’est pas l’action culturelle qu’on poste qui déclenche le plus de réactions […] Ce qui a le mieux marché sur Instagram, c’est la caricature après les attentats de Charlie : 40 “likes” c’est énorme ! Et ce n’est pas forcément ce qui est dans la médiathèque qui marche le mieux : une photo de la cathédrale, une exposition, une vue de Metz, etc. Ce n’est pas en postant ses actions qu’on obtient des réactions… »170. Cependant, quelques sujets porteurs semblent se dégager plus que d’autres. Par exemple, les bibliothécaires de Brest distinguent les documents que publient les Archives, en lien avec le territoire (« et les gens sont très très fans171 »), ainsi que les publications liées à la prise en main des outils numériques : « Celui des quatre blogs qui marche le mieux, c’est celui qui propose des tutoriels en ligne. C’est un vrai service, réutilisable de partout. Derrière, il y a quelqu’un de compétent, qui maîtrise la question172». Dans un tout autre genre se trouvent des publications sans contenu spécifique mais essentiellement remarquées pour leur drôlerie. Louise Michel témoigne qu’« un tweet qui marche est un tweet qui fait rigoler173 » et l’on sait que ça marche parce que les fans réagissent : « Nos usagers ne réagissent pas toujours quand on les sollicite, mais quand on poste quelque chose de ludique, globalement cela marche174». Dans la même veine, le succès est garanti pour des publications sur les « coulisses » des bibliothèques, comme en témoignent en particulier Louise Michel ou encore Brest : ce qui marche, c’est « quasiment toujours des publications sur le côté coulisse, second degré et approche humoristique du métier et mise en scène des équipes175 ». Ce type de publication engendre ce que les analystes du marketing social appellent des « bénéfices hédoniques » qui « correspondent à l’amusement, au plaisir que les membres peuvent ressentir en interagissant avec les autres176 ». A Brest, on remarque sur ce point : « Le plus gros post, celui qui a le mieux marché, c’est le jour de la pluie de météorites, l’explosion de la bibliothèque. Un petit post ridicule mais très drôle. Mais ça n’a rien à voir avec la culture, la littérature177». Ces posts qui n’ont « rien à voir » (avec la culture, le rationnel, etc.) relèvent, en effet, de cet « individualisme hédoniste » qui valorise le quotidien, comme l’a spécifié de son côté Hang-Sub Choi178 : « La vie quotidienne, frivole – comme des choses consommées au restaurant, des endroits que l’on visite –, est loin de tout discours rationnel et moralisateur. Il s’agit de la vie légère de l’individu qui se présente sur Facebook. L’individu n’hésite pas à faire le mariolle, à montrer le côté heureux de sa vie. ». Les publications sur la vie de la bibliothèque allient l’humour, voire l’autodérision, avec en effet des mises en scène de soi incarnant cet « individualisme hédoniste », ce dont témoigne parfaitement Louise Michel : « Les posts à dimension personnelle sont ceux qui marchent le mieux : quand on avait posté une photo de deux de nos collègues, debout à côté d’un carton avec un panneau “À votre avis, qu’est-ce qu’il y a dans le carton ?”, on avait eu plein de réponses et beaucoup de participation ! C’est un des posts qui a été le plus liké et le plus commenté. Nous ne sommes pas anonymes pour nos usagers ; nous montrons nos visages ; cela rend plus attachant […] Ce qui marche pour nous, c’est quand on fait des photos débiles dans nos bureaux ! Les usagers voient ainsi ce qui se passe derrière. C’est ce qui les intéresse : voir notre quotidien, personnifier ; on n’est pas l’institution, on est tel ou tel bibliothécaire, Quentin, Julien ou Hélène179 ». Les observations des bibliothécaires sur ce qui marche ou ne marche pas rencontrent, on le voit, les analyses plus globales qui ont pu être menées sur les RSN, et Facebook en particulier : comme le résume Granjon180, il y a une « part prescriptive des sites de réseaux sociaux dans la configuration des interactions sociales en ligne relevant d’un montrer/voir181 ». Les RSN valorisent en effet la personne, polymorphe et hétérogène, et engagent un déplacement des frontières avec un mouvement particulier des « territoires personnels du secret : ce qui est caché à tel moment n’est pas ce qui est caché à tel autre, dans un contexte différent182 ». Ce n’est pas tant le dévoilement du secret qui rend fébrile sur Facebook que son aspect forcément exceptionnel, récompense bien méritée de l’observateur intensif, assidu, obsessionnel.

  • 183  Quimperlé 1.

66Les choix suivis en matière de signature des publications sont révélateurs à cet égard des engagements consentis pour favoriser l’attachement affectif de ces fidèles observateurs en ligne : la palette des possibles est représentée par les quatre bibliothèques du corpus, présence nominative à Louise Michel, sous l’oriflamme Miss Média à Metz, collective (au nom du réseau) à Brest et collective (au nom de la médiathèque) à Quimperlé, particulièrement soucieux de management : « Nous avons un usage collectif des réseaux sociaux : aucun agent ne parle en son nom, nous n’utilisons pas de pseudo, c’est l’institution qui parle. Aucun article n’est signé : il n’y a pas d’auteur, un article peut être corrigé par des collègues. C’est très incitatif, car il n’y a pas de prise de risque pour l’agent183».

Rythme de publication, ton décalé, visuel contre textuel, formes de viralité… des choix contraints ?

  • 184  Granjon Fabien, Denouël Julie, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives s (...)

67Si les « sites de réseaux sociaux stimulent à l’évidence le consentement à divulguer des informations personnelles, à élargir la surface de ce qui est montrable et à s’exposer au regard d’autrui, renforçant ainsi la tendance des individus à s’observer et à observer les autres184 », ces plateformes imposent de la même manière et leur rythme et leur ton.

  • 185  Metz 2.
  • 186  Quimperlé 1.
  • 187  Dialogue entre Brest 1 et Brest 2.
  • 188  Louise Michel 1.
  • 189  Louise Michel 1.

68Les médiathèques de notre corpus sont sur ce plan très attentives au rythme des publications. Quand la stratégie de publication ne concerne que quelques individus, le rythme peut être très dense, comme le signale l’un des membres actifs à Metz : « Mon rythme est énorme : plusieurs fois par jour sur chaque réseau, mais je ne compte pas […] Comme j’ai cela à cœur, je peux poster le dimanche par exemple ou dans le bus ; je suis en vacances au Danemark, je vois une affiche sur les médiathèques : je photographie, je cherche du Wi-Fi et je poste ; je ne me déconnecte pas, mine de rien. Et quand on prend une photo, on y pense avant aussi185… ». Quand la stratégie est plus globalement distribuée, le rythme est régulier mais moins systématique, comme en témoignent aussi bien Quimperlé, Louise Michel ou encore Brest. La présence quotidienne coûte que coûte n’est pas forcément recherchée : « Nous publions tous les deux jours environ. Mais il n’y a pas d’obligation, certains jours nous ne publions rien. Nous ne postons pas à un moment donné de la journée186 », témoigne un agent de Quimperlé. Dans l’ensemble, tous les bibliothécaires interrogés essaient de publier quotidiennement, l’algorithme de Facebook pénalisant les publications peu fréquentes : à Brest, le rythme est de 1 ou 2 posts par jour et reste encore informel, « la responsable aimerait qu’on fasse de plus en plus de planification de posts sur Facebook et Twitter, pour anticiper et planifier nos posts. C’est bien pour savoir où on va, mais ça empêche le live… », même s’il est toujours possible d’« intégrer du live au milieu de trucs programmés187 ». Au moins une fois par jour aussi à Louise Michel, mais pas forcément à n’importe quel moment : « Il y a des moments où cela ne sert à rien de poster. Julien et Claire savent par exemple que le vendredi à telle heure, il n’y aura pas d’audience et que donc cela ne sert à rien de poster. Si le post concerne une photo de crêpes, ce n’est pas grave, mais si cela concerne un événement auquel on veut inviter un maximum de gens par exemple, on attend un moment plus propice188. » Autre design d’interface à considérer, le délai des réponses : « Il est important que les réponses soient rapides, car Facebook sanctionne les comptes qui mettent plus de trois minutes à répondre ; mais en général cela se passe bien : nous avons paramétré un message d’absence pour les périodes de fermeture de la bibliothèque ; il y a donc toujours une réponse (même si c’est pour dire que l’on répondra plus tard !). Nous sommes donc aujourd’hui à 100 % de réponse sur Facebook189. ».

  • 190  Louise Michel 1.
  • 191  Metz 2.
  • 192  Quimperlé 2.
  • 193  Quimperlé 1.
  • 194  Brest 1. On peut noter néanmoins que les enjeux de ton sont sans doute un peu différents sur la pa (...)
  • 195  Brest 7.

69Les médiathèques du corpus insistent de la même manière sur la nécessité d’adopter un ton en phase avec les codes des plateformes investies et celui qu’eux-mêmes apprécient, sur Facebook notamment. On explique ainsi à Louise Michel : « En tant qu’usager de Facebook, ce qui me fait réagir, c’est la chose spontanée, un peu décalée et drôle ; le ton décalé est important sur les RSN, notamment sur Facebook ; c’est cela qui interpelle… […] Ce qui me plaît sur Facebook, c’est le côté anecdotique, drôle, spontané des publications ; je ne lis pas forcément les gros pavés de débats et polémiques : cela ne m’intéresse pas toujours, mais plutôt la photo ; ce qui me plaît, c’est le côté rapide190. ». Décalé est le terme qui revient le plus souvent dans la bouche de nos interlocuteurs qui opposent le ton institutionnel des blogs et le ton « décalé » des réseaux sociaux, comme à Metz avec d’un côté le site web « informatif et institutionnel191 » et, de l’autre, la page Facebook avec « un ton décalé et libre ». Le même constat est dressé à Quimperlé : « Les publications sont plus légères que sur les comptes de la Ville. Le ton peut être institutionnel pour les expos, factuel concernant les animations, les rencontres, plus proche concernant le public192». Ce ton décalé n’est pas sans rappeler le dévoilement inattendu des coulisses et de la vie cachée des bibliothécaires, prisés sur les RSN. Les agents rencontrés estiment cependant que la relation est plus institutionnelle depuis que le compte est une Page : « Depuis que nous avons une page et non plus un profil, nous avons moins de commentaires, du coup c’est plus institutionnel193» De leur côté, les bibliothécaires de Brest témoignent de difficultés pour faire entendre la nécessité d’adopter ce ton de blogueur, d’internaute, pourtant si nécessaire : « Il y a des cadres A qui ne connaissent pas Facebook : ils vont être outrés de voir qu’une phrase n’est pas en bon français, alors qu’on aime bien parler jeunes : si on veut choper les jeunes, il faut parler dans leur langage, sans faute d’orthographe194 » et de se souvenir : « Quand on faisait des articles, même pour Tuner de Brest, on essayait d’avoir un ton de blogueur, d’internaute. Il faut pas que ton article fasse 12 pages, il faut accrocher, il faut que ça soit bien, on n’utilise pas un langage soutenu, on dit simplement : « Il y a un vernissage ce soir, tu viens195 ? ». À Brest, un équilibre et un consensus restent à trouver comme le montre cette discussion entre deux contributeurs au sujet d’un post mis en ligne le 1er avril (Figure n°2 ci-dessous).

Figure no 2. Publication Facebook Brest, 1er avril 2016. Humour et consensus…

Figure no 2. Publication Facebook Brest, 1er avril 2016. Humour et consensus…
  • 196  Brest 1.
  • 197  Louise Michel 1.
  • 198  Louise Michel 2.
  • 199  Louise Michel 4.
  • 200  « Au regard de la multiplication des situations de décontrôle qui semble animer les mœurs contempo (...)

70Pour l’agent qui a validé et posté l’image, ce qui est dit suffit, quand l’agent qui a proposé l’image aurait préféré un ton plus incisif, du type « L’année prochaine on enlève le bas »… ce qui l’amène à dire : « Je dois m’appliquer une forme d’autocensure196». Le ton général du discours de Louise Michel sur les RSN – aussi bien en direction des usagers que des professionnels – est celui de l’humour et des « blagues navrantes197 » : « C’est aussi cela être bibliothécaire : écrire sur un panneau “Il fait chaud : ramenez-nous des glaces !” Et quand quelqu’un nous rapporte une glace, on fait une photo198 ! » […] on pense que ne pas avoir un ton froid et institutionnel, c’est ce qui séduit les lecteurs. Cela fonctionne dans les deux sens : les lecteurs s’y retrouvent parce qu’on a une identité plutôt marquée, et nous, on ne se bride pas, on ne s’autocensure pas : il y a quelque chose de très spontané et du coup de très plaisant pour nous et pour l’équipe199. ». Spontanéité certes, mais aussi inscription dans une dynamique très contemporaine, particulièrement soutenue et valorisée par les réseaux sociaux que Granjon nomme le « contrôle du décontrôle200 ».

  • 201  Louise Michel 1.
  • 202  Quimperlé 1.
  • 203  Brest 3.
  • 204  Louise Michel 1.
  • 205  Metz 2.
  • 206  Brest 5.

71Rythme, choix du ton, type de publication résultent à la fois d’incitations des plateformes et de stratégies délibérées. Il en est ainsi de l’intensification des visuels dans les publications analysées par Louise Michel : « Il y a toujours une image parce que sur Facebook, c’est ce qui retient l’œil ; des textes courts, sinon apparaît l’inscription afficher plus et personne ne le fait ! Donc des textes de quatre lignes maximum ; et un ton un peu décalé, un peu rigolo ; en quatre lignes, il faut condenser, donc le ton est essentiel201. » À Quimperlé aussi, les bibliothécaires veillent à publier systématiquement les contenus avec des visuels : « Nous sommes attentifs à ce que les photos soient de qualité, mais nous allons les chercher dans les Creative Commons202 ». La production de vidéos, en particulier dans le genre du booktubing, s’est intensifiée aussi bien à Louise Michel qu’à Brest : « On a commencé une activité YouTube, sur le modèle booktubing, en prenant exemple sur ce qui marchait bien, en créant les rubriques “Qu’est-ce qu’il y a dans la boîte rose”, “In my mail box”… Nous avons constaté que, même s’il y a du travail de montage, c’est moins long pour l’ensemble des personnes qui contribuent, de faire des vidéos que de faire des articles203» Facilitée par des passerelles préétablies entre plateformes, la viralité des publications est bien souvent à l’œuvre au sein des écosystèmes numériques. C’est le choix qui a été fait à Louise Michel (« Nous conseillons nos usagers : quand nous mettons un coup de cœur, quand on fait le Café de Louise, nous établissons un lien avec le tableau Pinterest ; nous ajoutons un conseil de lecture, un article de blog parfois même écrit par un usager que nous relayons alors sur Facebook ; tout est entrelacé204 ») ou encore à Metz (« Le blog de Miss Média nous sert sur Facebook à renvoyer vers l’article qui vient de paraître – c’est même automatisé205 ») À Brest, en revanche, l’automatisation des posts de blog sur Facebook n’a pas fait ses preuves : « Nous nous sommes rendu compte que l’automatisation des posts à partir des blogs n’était pas efficace, car cela ne valorisait pas assez les contenus, il valait mieux les accompagner d’un post rédigé. D’autre part, cela déséquilibrait les posts, avec une surreprésentation des publications à destination des ados ou sur la musique. Il valait mieux choisir et valoriser un article sur trois que de publier systématiquement206»

Difficiles évaluations…

  • 207  Louise Michel 2.
  • 208  Louise Michel 3.
  • 209  Quimperlé 1.
  • 210  Brest 7 et 8.
  • 211  Metz 1.
  • 212  Brest 5.

72Les statistiques disponibles à travers les plateformes ne sont pas très investies par les médiathèques de notre corpus, à l’exception de Louise Michel. L’équipe est consciente de l’enjeu qu’il y a à connaître les outils. Sa connaissance des pratiques de Facebook (« Il n’y a que 10 % de nos abonnés qui voient passer dans leur time line les posts proposés sur la page Facebook207 ») lui est utile pour adapter ses publications et conseiller les autres bibliothécaires. En revanche, l’équipe ne cherche pas (pour l’instant) à mieux exploiter les données chiffrées sur les RSN ; leur analyse reste plutôt liée à la corrélation entre les publications et les réactions générées. Ce choix correspond à la fois à un manque de formation, mais aussi à leur manière d’être – complètement assumée : « On ne va pas être dans une surexploitation des statistiques parce qu’on aime bien l’idée de poster ce qui nous plaît ; certes, nous souhaitons valoriser notre travail, mais nous voulons aussi conserver notre spontanéité208. » À Quimperlé, une attention est portée aux statistiques de façon sommaire, là encore par choix : « Je vais voir les statistiques rapidement, mais je ne les intègre pas au bilan annuel : je ne veux pas que les éléments quantitatifs prennent le pas. Je ne vois pas ce que je peux en tirer pour faire évoluer les pratiques209» L’analyse est plutôt là encore liée à la corrélation entre les publications et les réactions générées, comme c’est le cas aussi à Brest : « On surveille le nombre de fans Facebook et les posts qui marchent le mieux pour faire évoluer les publications, on ne veut pas poster de choses inutiles210» Les statistiques tout comme les corrélations entre productions et réactions ne permettent pas toujours d’identifier les clés du succès : « La croissance sur les RSN est quelque chose d’étrange : publier beaucoup ne veut pas dire que l’on est beaucoup cliqué ; quelquefois, c’est quand on commence à ne plus publier que les clics se multiplient ! On en perd et on en gagne chaque semaine, mais il y a parfois des effets de boost d’audience quand nous nous ouvrons à des événements extérieurs211 » Mais c’est peut-être à Brest que la question est posée avec le plus de pertinence : « La question de l’évaluation, c’est plutôt de se dire : en dessous de quel seuil on considère que c’est pas un succès212 ? »

  • 213  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

Encadré no 9. Gallica face aux paradoxes du succès sur les réseaux sociaux213

  • 214  BnF 1.

Tout comme les quatre bibliothèques étudiées, les équipes de la BnF et de Gallica semblent confrontées – toutes proportions gardées – à la même interrogation face à la difficile corrélation entre présence active sur les RSN et utilisation soutenue des collections numérisées, sans parler de la modestie des retombées : « Je ne suis pas sûr que nous ayons repéré un impact particulier ; ce serait même le contraire si l’on compare le faible nombre de “like” par rapport à l’énergie que l’on y met214 ! »

  • 215  BnF 1.
  • 216  BnF 1.

L’exemple du hashtag #monsosiedansGallica est éloquent à cet égard ; le jeu, qui a rencontré un vrai succès du point de vue des métriques des plateformes, consiste à envoyer sur le fil Twitter une photo (prise dans les fonds Gallica) d’une personnalité qui lui ressemble trait pour trait : « Nous avons rédigé un billet pour inciter les gens à fouiller dans les photographies d’explorateurs, les fonds Rol, etc., en leur donnant une méthodologie très sérieuse de bibliothécaire pour les aider dans leurs recherches sur Gallica ; nous avons été dans le Top Tweet avec ce hashtag : nous étions ravis… Puis nous avons regardé dans le détail : des internautes utilisaient le hashtag de Gallica sans rien prendre dans Gallica ! C’était complètement décorrélé, alors même qu’il y avait une communication spécifique et le nom Gallica dans le hashtag215. » Se posent ici de redoutables problèmes d’évaluation : doit-on évaluer la présence des bibliothèques sur les RSN du point de vue des RSN ou du point de vue de la réappropriation des usagers, et quelles réappropriations considérera-t-on ? « Doit-on accepter que le succès soit une notoriété sans lien avec les contenus ? Que cela soit simplement le mot Gallica qui acquiert de la notoriété, dans une simple logique de marque et de viralisation de marque ?216 »

Conclusions

73Développer une présence sur les RSN, sur Facebook en particulier, conduit le plus souvent les bibliothèques à aborder un faisceau de contraintes et à arbitrer des situations en tension. Les contraintes les plus sévères sont celles liées aux plateformes sociales retenues, à leurs évolutions, nombreuses et subtiles, et surtout à leur design, incitatif voire prescriptif. Les tensions à arbitrer peuvent pour partie être communes à d’autres types de projet, numériques notamment. Ainsi en est-il de l’arbitrage entre l’objectif de servir les publics et celui de servir la municipalité. Certaines semblent propres cependant au projet spécifique de développer une présence sur les RSN, surtout quand il s’agit d’arbitrer :

  • entre nécessité d’expérimentation libre et nécessité de structuration collective, cet arbitrage étant plus décisif dans les équipes d’importance ;

  • entre taille effective de la desserte de l’équipement et chasse ouverte à tout internaute venu, cet arbitrage préoccupant en particulier les médiathèques à la zone de chalandise modeste ;

  • entre cadre administratif du travail et nécessité de pratiques personnelles intenses, décalage particulièrement saisissant dans les gros établissements ;

  • entre production de publication et modalités de diffusion, plus ou moins construites et contrôlées ; si le nombre de collaborateurs joue, l’investissement de la collectivité constitue également un facteur déterminant.

  • 217  Brest 1.
  • 218  Brest 7.
  • 219  Quimperlé 1.
  • 220  Louise Michel 2.
  • 221  Metz 1.

74Les efforts consentis par les médiathèques pour élaborer avec leurs propres contraintes et jeux de tension une stratégie cohérente avec leur territoire sont indéniablement récompensés. Même si le réseau brestois traverse, au moment de l’enquête, une période de réflexion où tout est à reconstruire, les leçons du passé (« Le fait d’être sur Facebook désacralise le métier de bibliothécaire217 ») infusent encore aujourd’hui et « l’image de la bibliothèque, on essaye de la changer au quotidien, internet ou pas internet218 ». On retrouve une même temporalité critique à Quimperlé, en passe de former un vaste réseau, avec des efforts initiaux qui paient encore aujourd’hui : la presse, les artistes locaux, l’interprofession du livre sont devenus des interlocuteurs abordables facilitant considérablement le travail au quotidien : « Les réseaux sociaux décloisonnent et permettent des rapports directs219» Le quotidien de la bibliothèque reste le port d’attache de Louise Michel à la fois dans son projet global pour la bibliothèque et, depuis le début, dans sa présence sur les RSN : « Tout est dans la continuité. Il n’y a pas de rupture majeure sur les RSN, parce que nous communiquons sur les RSN de la même manière que nous accueillons ici : les mêmes blagues navrantes, les mêmes déguisements, nous faisons la même chose : c’est cohérent. Par contre, on a souvent des retours en réel, dans l’accueil de tous les jours, de ce qu’on a posté sur les RSN ou dans la newsletter220. » Stratégie inverse à Metz, qui envisage les RSN sous le versant de l’exploration multidimensionnelle, comme modèle ultime du média que devrait être demain la médiathèque : « Ce que nous construisons sur les RSN est vécu comme quelque chose à part entière et pas un simple outil destiné à ramener des usagers à la bibliothèque réelle : au-delà même d’une marque, il s’agit d’une sorte de politique culturelle. Même moi, je peux dire Miss Média, c’est moi ! Je suis convaincu que l’avenir de la bibliothèque est de passer de gestionnaire de médias à média elle-même221. »

Notes

1  In real life, dans la version anglo-saxonne.

2  Granjon Fabien, « Amitiés 2.0. Le lien social sur les sites de réseaux sociaux », Hermès, La Revue 2011/1, n59, p. 99-104, disponible en ligne https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-1-page-99.htm

3  Bertrand Anne-Marie, « Le peuple, le non-public et le bon public : les publics des bibliothèques et leurs représentations chez les bibliothécaires », dans Le(s) public(s) de la culture. Politiques publiques et équipements culturels. Paris, Presses de Sciences Po (PFNSP), 2003, p. 139-153. URL: http://www.cairn.info/les-publics-de-la-culture-politiques-publiques--9782724609212-page-139.htm

4  Accart Jean-Philippe, « Une nouvelle scène sociale pour les bibliothèques », in Muriel Amar (dir.), Véronique Mesguich (dir.), Bibliothèques 2.0: à l’heure des médias sociaux. Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2012. (Bibliothèques), p. 204.

5  Le cabinet de consultants de Gartner propose un schéma du cycle des tendances pour situer les technologies émergentes sur une échelle de temps permettant de guider les investissements stratégiques dans la technologie analysée, https://www.abavala.com/hype-cycle-de-gartner-analyse-de-linnovation-technologique-2011

6  Calenge Bertrand, « Déclinaisons bibliothécaires » in Muriel Amar (dir.), Véronique Mesguich (dir.), Le Web 2.0 en bibliothèques : quels services ? quels usages ?, Paris, Cercle de la librairie (coll. Bibliothèques), 2009, p. 188.

7  Voir Annexes 1 et 2.

8  Voir Annexes 8 et 9.

9  D’après le règlement de Facebook, le profil est réservé à une personne individuelle qui ne doit parler qu’en son nom propre. Toute entreprise ou organisme doit créer d’emblée une page, rattachée à un profil administrateur. Sur une page, le nombre de fans est illimité, contrairement au profil qui ne peut aller au-delà des 5 000 « amis ».

10  Brest 9. Dans ce chapitre, les locuteurs des verbatims sont identifiés de la façon suivante : nom de la ville d’exercice suivi du numéro d’entretien réalisé. Voir annexe 2.

11  Il s’agissait d’un profil.

12  La page compte aujourd’hui 4 498 fans (observation faite le 12/01/2017).

13  Brest 1.

14  Brest 5.

15  Brest 6.

16  Brest 6. ECM : Espace culture multimédia.

17  Voir sur ce point l’annexe 10.

18  Brest 4.

19  Brest 5.

20  Quimperlé 1.

21  Quimperlé 1.

22  Thibault Pascal, « Les coups de cœur 2.0 de la médiathèque de Quimperlé », in Xavier Galaup (dir.), Développer la médiation documentaire numérique, Presses de l’enssib (coll. La Boîte à outils ; 25), 2012 ; disponible en ligne http://mediationdoc.enssib.fr

23  Quimperlé 2.

24  Quimperlé 1.

25  Quimperlé 2.

26  Quimperlé 1.

27  Quimperlé 2.

28  Quimperlé 2.

29  En effet, une page Facebook est rattachée au profil personnel du gestionnaire du compte. L’invitation de fans n’est possible que par l’intermédiaire du profil personnel : Facebook permet d’inviter les amis d’un profil personnel à aimer la page qui lui est associée. Il n’est donc pas possible d’envoyer directement des invitations aux internautes depuis une page. Toutefois, une fonctionnalité permet d’inviter des personnes ayant aimé une publication de la page sans que ces personnes n’aiment déjà la page.

30  Metz 3.

31  Metz 3.

32  Doncque Marie-Paule, « Miss Média, nouvelle figure de Metz » in Jean-Marc Vidal (dir.), Faire connaître et valoriser sa bibliothèque : Communiquer avec les publics, Villeurbanne, Presses de l’Enssib (coll. La Boîte à outils ; 27), 2012 ; disponible en ligne http://books.openedition.org/pressesenssib/611

33  Metz 2.

34  Metz 1.

35  Metz 1.

36  Metz 2.

37  Metz 2.

38  Créateur de la première silhouette de Miss Média, dessinateur, journaliste et infographiste, André Faber est aussi auteur du blog Trait drôle (faber.blog.lemonde.fr/).

39  Metz 2.

40  Metz 1.

41  Louise Michel 1.

42  Louise Michel 2.

43  Louise Michel 1.

44  Louise Michel 1.

45  Louise Michel 1.

46  Louise Michel 1.

47  Louise Michel 1.

48  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

49  Gaillard Romain, « L’animation de communauté, nouvelle frontière de la bibliothèque ? », Revue de l’Enssib [en ligne], 2016, no 4, http://bbf.enssib.fr/revue-enssib/consulter/revue-2016-04-005. ISSN 2268-5790.

50  Quimperlé 1.

51  Quimperlé 1.

52  Quimperlé 1.

53  Quimperlé 1.

54  La page compte aujourd’hui 4 498 fans (observation faite le 12/01/2017).

55  Brest 7.

56  Brest 7.

57  Quimperlé 1.

58  Brest 7.

59  Brest 1.

60  Quimperlé 1.

61  Quimperlé 1.

62  Louise Michel 1.

63  Louise Michel 2.

64  Metz 2.

65  Metz 2.

66  Metz 2.

67  Louise Michel 2.

68  Louise Michel 1.

69  Quimperlé 1.

70  Quimperlé 1.

71  Quimperlé 1.

72  Quimperlé 3.

73  Brest 7.

74  Metz 2.

75  Louise Michel 2.

76  Quimperlé 1.

77  Quimperlé 1.

78  Quimperlé 1.

79  Quimperlé 1.

80  Quimperlé 1.

81  Brest 6.

82  Louise Michel 3.

83  Louise Michel 1.

84  Brest 4.

85  Metz 1.

86  Gaillard Romain, « L’animation de communauté, nouvelle frontière de la bibliothèque ? », Revue de l’Enssib, op.cit. [en ligne], 2016, n4, http://bbf.enssib.fr/revue-enssib/consulter/revue-2016-04-005

87  Louise Michel 2.

88  Louise Michel 1.

89  Brest 8.

90  Akrout Houcine, Cathalo Sandrine, « Relation entre fans et marques sur Facebook. Quels fondements pour un management efficace des Communautés Virtuelles de Marques ? », La Revue des Sciences de Gestion, 2015/2, no 272, p. 31-42. DOI : 10.3917/rsg.272.0031. URL : http://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2015-2-page-31.htm

91  C’est en 2010 que Lionel Tardy, le député 2.0, brise l’huis-clos des débats en commission parlementaire et enclenche la vague de la présence massive des élus sur les réseaux sociaux.

92  Metz 1.

93  Quimperlé 2.

94  Quimperlé 1.

95  Quimperlé 1.

96  Metz 2.

97  Metz 2.

98  Brest 2.

99  Brest 6.

100  Brest 6.

101  Brest 1.

102  Brest 1.

103  Louise Michel 2.

104  Louise Michel 1.

105  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

106  BnF 1.

107  BnF 2.

108  BnF 1.

109  BnF 1.

110  BnF 1.

111  BnF 1.

112  BnF 1.

113  Metz 1.

114  Louise Michel 1.

115  Metz 2.

116  Metz 1.

117  Metz 2.

118  Louise Michel 1.

119  Louise Michel 2.

120  Louise Michel 1.

121  Louise Michel 1.

122  Louise Michel 1.

123  Quimperlé 1.

124  Quimperlé 1.

125  Voir en Annexe 10d l’organigramme de la bibliothèque de Quimperlé.

126  Quimperlé 3.

127  Quimperlé 1.

128  Metz 1.

129  Metz 3.

130  Metz 1.

131  Metz 2.

132  Metz 2.

133  Voir trois exemples de fiches de poste en Annexes 10a-b-c.

134  Brest 6.

135  Brest 3.

136  Brest 2.

137  Brest 3.

138  Brest 1.

139  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

140  BnF 2.

141  BnF 2.

142  BnF 2.

143  BnF 1.

144  BnF 1.

145  BnF 1.

146  BnF 1.

147  Louise Michel 3.

148  Metz 3.

149  Jakobson Roman, « Linguistique et poétique », in Essais de linguistique générale, 1, Les fondations du langage, Paris, Éditions de Minuit (coll. Arguments), 1973.

150  Brest 2.

151  Quimperlé 1.

152  Quimperlé 1.

153  Quimperlé 1.

154  Quimperlé 1.

155  Metz 2.

156  Metz 1.

157  Metz 3.

158  Metz 1.

159  Metz 2.

160  Metz 1.

161  Louise Michel 1.

162  Louise Michel 1.

163  Louise Michel 2.

164  Louise Michel 1.

165  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

166  BnF 3.

167  BnF 1.

168  BnF 1.

169  BnF 1.

170  Metz 2.

171  Brest 6.

172  Brest 8.

173  Louise Michel 1.

174  Louise Michel 2.

175  Brest 2.

176  Mlaiki Alya, Kefi Hajer, Kalika Michel, « Facteurs psychosociaux et continuité d’utilisation des réseaux sociaux numériques : le cas de Facebook », Recherches en Sciences de Gestion, 2012/5, n92, p. 83-111. DOI : 10.3917/resg.092.0081. URL: http://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2012-5-page-83.htm

177  Brest 1.

178  Hang-Sub Choi, « Interprétation théorique de l’exhibitionnisme sur Facebook : Lipovetsky, Goffman, Beck et Maffesoli », Sociétés 2013/3 (n121), p. 107-116. DOI 10.3917/soc.121.0107 ; disponible en ligne https://www.cairn.info/reuve-societes-2013-3-page-107.htm

179  Louise Michel 3.

180  Granjon Fabien, « Du (dé)contrôle de l’exposition de soi sur les sites de réseaux sociaux », Les Cahiers du numérique, 2014/1, Vol. 10, p. 19-44. DOI: 10.3166/lcn.10.1.1944. URL: http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-numerique-2014-1-page-19.htm

181  Ibid., page 29.

182  Ibid., page 32.

183  Quimperlé 1.

184  Granjon Fabien, Denouël Julie, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux », Sociologie, vol. 1, no 1, 2010, p. 25-43 ; disponible en ligne https://sociologie.revues.org/68

185  Metz 2.

186  Quimperlé 1.

187  Dialogue entre Brest 1 et Brest 2.

188  Louise Michel 1.

189  Louise Michel 1.

190  Louise Michel 1.

191  Metz 2.

192  Quimperlé 2.

193  Quimperlé 1.

194  Brest 1. On peut noter néanmoins que les enjeux de ton sont sans doute un peu différents sur la page Facebook d’une médiathèque de quartier, en prise directe avec son public quotidien, de ceux liés à l’animation d’une page commune à l’ensemble du réseau et porte-parole de fait plus institutionnel.

195  Brest 7.

196  Brest 1.

197  Louise Michel 1.

198  Louise Michel 2.

199  Louise Michel 4.

200  « Au regard de la multiplication des situations de décontrôle qui semble animer les mœurs contemporaines et les occasions d’exposition de soi qui tendent, elles, à proliférer (notamment du fait du développement de dispositifs soutenant les déploiements pratiques du soi au nombre desquels on compte les SNS [sites de réseaux sociaux]), il n’est pas insensé de penser que les conditions de possibilité du relâchement sont cadrées par des processus de “conditionnement émotionnel” ayant quelque peu évolué », Granjon Fabien, Denouël Julie, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux », Sociologie, 2010/1, Vol. 1, p. 25-43. DOI : 10.3917/socio.001.0025. URL : http://www.cairn.info/revue-sociologie-2010-1-page-25.htm

201  Louise Michel 1.

202  Quimperlé 1.

203  Brest 3.

204  Louise Michel 1.

205  Metz 2.

206  Brest 5.

207  Louise Michel 2.

208  Louise Michel 3.

209  Quimperlé 1.

210  Brest 7 et 8.

211  Metz 1.

212  Brest 5.

213  Extraits des entretiens menés avec les cadres de la BnF, voir Annexes 8 et 9.

214  BnF 1.

215  BnF 1.

216  BnF 1.

217  Brest 1.

218  Brest 7.

219  Quimperlé 1.

220  Louise Michel 2.

221  Metz 1.

Table des illustrations

Titre Figure no 1. Quimperlé – 1 : les « coups de cœur » sur le « blog des blogs »
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Titre Figure no 2. Publication Facebook Brest, 1er avril 2016. Humour et consensus…
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