Chronique V : 1988-1992
p. 583-602
Note de l’éditeur
REA, 97, 1995, 1-2, p. 316-328.
Texte intégral
Généralités
Congrès
1Le Survey que L. Villaronga a donné au Congrès International de numismatique de Bruxelles en 19911 fournit un excellent point de départ pour notre enquête, puisqu’il couvre les publications parues entre 1985 et 1990. J’ai noté tout particulièrement les informations concernant les travaux statistiques (p. 250) et les références produites pour l’Antiquité tardive (p. 258).
2La Memoria du VIIe Congrès National de numismatique, tenu à Madrid en 19892, contient 24 communications de numismatique antique portant sur des sujets très divers. Les aspects méthodologiques sont illustrés par les contributions de J. Hildebrandt (La metrología por medio de pesos computados de monedas antiguas acunadas recientemente, pesos de origen), de J. C. Frías Fernández (La base de datos Monebib), de J. Martín Gil (Composición química y densidades de las monedas del tesorillo de Honcalada, Valladolid), de M. D. López de la Orden, et surtout de L. Villaronga (Bondad estadística de los porcentajes) qui met en garde contre l’utilisation abusive des pourcentages dans les études de circulation monétaire. Le reste se partage entre les monnayages ibériques et hispaniques et des trouvailles monétaires récentes, parmi lesquelles on relève quatre trésors, ceux de Alconchel de la Estrella (J. M. Millán Martínez, Un tesorillo de bronces hispano-latinos en Alconchel de la Estrella, Cuenca), de Cabrera III (M. Campo, El tesoro de Cabrera III. Sestercios de Domiciano a Valeriano), du Palmar de Troya (F. J. Velasco Carrillo de Albornoz, Tesorillo de bronces bajo-imperiales hallado en El Palmar de Troya, Sevilla) et, enfin, d’Arcos de la Frontera (C. Alfaro Asins, Tesoro de sólidos hallado en Arcos de la Frontera, Cádiz).
Trouvailles et monnaies de fouilles
3Parmi les inventaires généraux, signalons ceux d’Arcobriga3 et de Tarragone4 (les petits modules signalés in fine appartiennent probablement (avec d’autres espèces) à une circulation monétaire tardive, au moins du ve siècle) ; ensuite, les notices de trouvailles de M. M. Llorens5, avec deux AE2 d’Honorius, de T. Martínez Pérez et T. Martínez Inclap pour la province d’Albacete6, de C. Blázquez Cerrato pour l’Estrémadure7, de F. J. Jiménez Ávila pour Hornachuelos8 ; enfin, les notes rapides sur 24 trésors du conventus de Bracara par M. Cavada Nieto9. F. A. Saínz Varona publie aussi 37 monnaies antiques de la région de Burgos, dont un as de Nimes apparu à Tritium10.
Collections et expositions
4M. M. Llorens Forcada11 présente dans un intéressant catalogue général quelques notes sur les 349 monnaies découvertes dans les fouilles de Sagonte durant les vingt dernières années. B. Mora donne12 un aperçu de 1053 monnaies antiques conservées au musée de Málaga (avec notamment des sesterces du iiie siècle jusqu’à Trajan Dèce inclus). Enfin, C. Alfaro livre une nouvelle liste13 de monnaies entrées, avec leur provenance, dans les collections du MAN.
Études
5R. Arroyo, associé à deux autres chercheurs, fait connaître 152 monnaies républicaines et impériales de parties de la province de Valence14 situées dans l’intérieur. F. Chaves explore encore les zones minières d’Andalousie15 et insiste, à juste titre, sur le rôle des agglomérations minières dans la diffusion de la circulation monétaire. Les actes du Congrès International, tenu à Ceuta en 1987 (publié en 1988), ont livré deux intéressantes communications touchant les relations de part et d’autre du détroit : M. Abad16 y présente le matériel du musée archéologique et E. Gozalbes17 explique comment les trouvailles monétaires confirment la réalité des liens entre les deux parties du détroit.
6Signalons pour terminer deux contributions dont l’intérêt méthodologique est certain. B. Mora18 rappelle, à l’aide de quelques exemples, combien la bibliographie locale ancienne peut aider à connaître des lots aujourd’hui disparus, tandis que P. Vidal González publie le catalogue de J. Gaillard19.
Époques préromaine et républicaine
7Commençons par quelques remarques méthodologiques. M. M. Medrano20 tente d’élaborer un modèle mathématique pour déterminer la localisation des ateliers et étudier la circulation des monnaies. A rapprocher des justes remarques de L. Villaronga21 à propos de l’atelier de Tanusia qui ne peut se trouver en Estrémadure, contrairement à ce que laisse supposer le trésor de Las Villas Viejas deTamuga (prov. de Cáceres) : le type des monnaies rattache en effet celles-ci au groupe ibérique du Nord (“à deux dauphins”) et on attribuera à l’œuvre de quelque soldat leur présence dans le Sud-Ouest espagnol.
8P. Olcina et P. P. Ripollès donnent les intéressants résultats d’analyses métallographiques effectuées sur des monnaies de Saitabi, Ilici et Carthago Nova22, ainsi que sur des exemplaires de Untikesken, Kese et Sagonte23. M. Rousset et M. Barrai étudient24, sur une imitation celtique d’Emporion, un processus de fragilisation de l’argent. Enfin, C. Stannard revient, à propos des deniers romains, sur les aspects techniques de la frappe25.
Numismatique hispano-punique
9À signaler d’abord, les VIIes Journées d’archéologie phénico-punique, tenues à Ibiza en 1992 et heureusement publiées la même année26, avec des contributions de C. Alfaro (La ceca de Gadir y las acunaciones hispano cartaginesas), B. Mora (Las cecas de Malaca, Sexs, Abdera y las acuñaciones púnicas en la Ulterior Baetica), M. H García-Bellido (Las cecas libiofenicias) et M. Campo (Las monedas de Ebusus). Hormis cela, on notera la publication d’une frappe hispano-carthaginoise de bronze inédit27 et celle d’un lot de monnaies découvert à Ibiza28. F. Chaves étudie, à travers les trouvailles numismatiques, les développements de la deuxième guerre punique dans le Sud de la péninsule29. M. P. García-Bellido s’intéresse à l’iconographie phénico-punique30 et aux documents monétaires illustrant la présence des religions orientales dans l’Hispania d’époque républicaine et proto-impériale31. Enfin, J. Alexandropoulos se livre, à propos de Malaga, Gades et Ebusus, à des remarques d’iconographie religieuse32.
Monnayages grecs
10M. García Garrido parle des fractions d’imitation de la drachme emporitaine33, dont P. López Sánchez présente un exemplaire inédit34, tandis que J.-Cl. Richard et G. Depeyrot donnent une courte note sur une imitation celtique d’Emporion35. F. Chaves recherche les éléments de caractère grec dans les monnayages de la péninsule36 et F. Mateu y Llopis revient sur les contacts de l’Occident avec le monde monétaire hellénique37. De son côté, R. Centeno signale la présence d’une monnaie hellénistique dans le trésor tardif de Santa María de Emeres38.
Monnayages ibériques
Langue et légendes monétaires
11J. M. Enguita Utrilla propose une réflexion sur faire linguistique du Moncayo39, tandis que E. Zamanillo Rosales livre un ouvrage40 consacré à la lecture et à la traduction de la langue des Ibères, l’ajouterai ici la contribution de M. J. Pérex Agorreta consacrée aux sources écrites concernant les Vascons41.
Ateliers
12B. Mora présente des refrappes dans l’atelier d’Acini42. P. P. Ripollès s’intéresse aux types navals sur les monnaies d’Arse-Saguntum43. A. Marques de Faria parle du monnayage d’Acinipo44 et A. Domínguez Arranz, dans un livre bien fait, minutieux et apparemment solide, de la circulation des monnaies de Bolskan d’après le trésor de la Muela de Taracena45, ainsi que des frappes de l’atelier ibérique et romain d’Osca46. Avec J. A. Rodríguez Mérida, on s’attachera aux as onciaux de Carmo47, avec L. Villaronga, aux deniers d’Ikalkusken48, avec L. Sagredo, à la diffusion des produits de l’atelier de Kaiskata-Cascantum dans la partie nord de la Meseta49, et avec J. M. Estrada Aguilar, à une monnaie de Ketovion trouvée dans la région d’Antequera50, A. Arévalo González analyse des refrappes sur des monnaies d’Obulco51, atelier dont elle a peut-être identifié une imitation52. P. P. Ripollès présente une émission inédite de Saitabi53, et L. Villaronga, l’histoire balancée de Sekaisa, producteur des émissions ibériques, et de Bilbilis, producteur des frappes latines54. J. Sánchez Abal et S. Gar cía Jiménez s’intéressent à l’atelier de Tanusia55, site dont le même Sánchez Abal, associé à J. Esteban Ortega, étudie le matériel procédant d’officines andalouses56 L. Villaronga57 et J. Bengaes i Olive58 reviennent sur Tarraco, tandis J. A. Rodríguez et F. Chaves le font pour Ulia59 et Urso60.
Trouvailles et collections
13Trouvailles diverses signalées par M. Crusafont61 dans la zone du Segre, F. Romero et M. A. Martín62 à Numance, L. Avella pour l’amphithéâtre de Tarragone63, B. Mora sur le territoire municipal de Cazorla64 et D. Vaquerizo Gil au Cerro de la Cruz, dans la province de Cordoue65. F. Chaves publie la trouvaille de 145 deniers, 2 quadrigats, 2 victoriats et 2 quinaires, effectuée à La Puebla de los Infantes (Séville), probablement dépôt de fondeur, daté de 125-90 environ66. Enfin trois nouveaux trésors portugais de monnaies républicaines sont signalés par A. Marques de Faria67.
14C. Babot Boixeda, J. Benages i Olive et E. Serres Sena évoquent le souvenir de l’œuvre de B. Hernández Sanahuja à Tarragone68. M. Medrano présente les monnaies ibériques et romaines d’Arcobriga et Luzaga69. S. Asins Velis dresse la liste des monnaies ibériques et latines des ateliers valenciens conservées à la mairie de Valence70. M. P. García-Bellido et C. Blázquez s’intéressent aux monnaies celtibériques contremarquées de l’Institut de Valencia de Don Juan71 et A. Castiella Rodríguez offre une rapide présentation des monnaies préromaines de Navarre72.
Divers
15On retiendra ici l’article de M. García Garrido et J. Montanes Boncompte sur des fractions d’argent inédites ou peu connues de la péninsule73 et celui de V. Fallo et J. A. Casabo sur une tessère de plomb apparue sur le site ibérique du Pic de l’Aguila à Dénia74.
Études
16L. Sagredo analyse les échanges monétaires entre le pays valencien et la Meseta du nord aux iie et ier siècles av. J.-C.75 J. L. López Castro et T. Escoriza Mateu brossent un rapide tableau de la circulation dans la Meseta du Sud à la même époque76. Avec J. F. Blanco García, on a quelques informations sur la circulation monétaire de Coca77.
17Plusieurs autres études s’intéressent à d’autres aspects : ainsi F. A. Muñoz78, F. Chaves et E. García79, J. Ruiz de Arbulo80 et J. A. Rodríguez81. Enfin, A. Beltrán, cherchant s’il y a des témoignages d’indigénisme et de nationalisme dans les monnayages antiques de l’Espagne, conclut par la négative82.
18On ne peut terminer sans évoquer’avec sympathie l’utile synthèse de J. J. Cepeda Campo sur le Pays Basque83 : ce travail sérieux et bien documenté rendra assurément bien des services.
Monnayage romain
Trouvailles
19En dehors d’un quincunx trouvé à l’Alaudia de Carlet84 et d’un inventaire des deniers trouvés dans la province de Málaga85, l’essentiel des découvertes concerne des trésors de deniers, à Orista86, Cachapets87, Utrera88 et Villarrubia de los Ojos89. F. Chaves présente des trésors inédits enfouis en Bétique, à Puebla de los Infantes90 et à Linarès91, tandis que C. Blázquez ajoute quelques numéros à l’inventaire de M. Crawford92
Études
20Je signalerai ici les travaux de L. Amela Valverde, sur l’époque sertorienne93 et sur la propagande pompéienne en Espagne94.
Époque impériale
21La période 1988-1992 a été particulièrement riche en publications touchant la monnaie des ier -ve siècles. Les monnayages municipaux font, grâce à P. P. Ripollès et à M. M. Llorens Forcada, l’objet d’enquêtes renouvelées, mais c’est l’ensemble de l’époque impériale qui excite maintenant la curiosité attentive des chercheurs, notamment l’Antiquité tardive. Dans ce domaine plus encore qu’ailleurs, s’est manifestée une vive activité aux résultats prometteurs.
Généralités
22Nombreuses sont les publications de trouvailles monétaires, souvent de petites séries, qu’il n’est pas possible de citer toutes ici. On retiendra les fouilles d’Huesca95 qui ont livré un aureus d’Hadrien (BMC 666-672) de 134-138, celles de l’amphithéâtre de Tarragone96 (où l’on relève, pour le iiie siècle, entre 260 et 274, 174 ex. des empereurs légitimes contre 15 ex. des empereurs gaulois et 62 Divo Claudio) et l’analyse d’un lot provenant de la Punta de l’Arenal à Jávea97. La région d’Alicante et d’Elche/Elx est particulièrement bien représentée avec les Textos para la historia de Alicante98, avec aussi le détail des 75 monnaies découvertes dans les fouilles de l’atelier de la Almadrava99, notamment un médaillon de bronze d’Hadrien (catal. no 15, p. 138 = Cohen2 1055). On retiendra surtout la Circulación monetaria del Portus Ilicitanus de J. M. Abascal100 qui offre une intéressante série de monnaies du (ou attribuables au) ve siècle.
23Plus loin vers l’ouest, T. Martínez Pérez et T. Martínez Inclán présentent 651 monnaies provenant de la province d’Albacete101 : on y relève la présence de 4 HS de Galle et 3 de Volusien, ainsi que 5 AE d’Honorius. P. Rodríguez Oliva décrit des dupondii frappés de la contremarque NCAPR apparus dans la région de Málaga102. F. Chaves livre une présentation rapide des monnaies découvertes dans les fouilles récentes de Carteia103. F. J. Blanco Jiménez fait connaître un lot de 287 monnaies (dont 265 d’Auguste à 260) provenant de la nécropole romaine de Cadix104. Avec la collaboration d’I. Pereira, j’ai publié les 3 deniers et 382 billons et bronzes de la villa de São Cucufate105, intéressant exemple de la circulation monétaire dans les campagnes hispaniques.
24Parmi les inventaires, il faut enfin signaler la réédition, revue et augmentée, des trouvailles d’aurei et de solidi faites dans la Péninsule106.
Monnayages hispaniques
Généralités. Méthodologie
25Citons pour mémoire un volume de la SNG Italie contenant les collections de monnaies hispaniques conservées à Milan107. La publication réellement importante est celle que P. P. Ripollès a donnée au tome 1 de Roman Provincial Coinage108. Outre le catalogue des émissions, où les spécialistes trouveront matière à discussion mais aussi à réflexion, je dois signaler la très remarquable introduction, où l’on appréciera, notamment, une présentation des raisons (politiques) qui ont lait naître et disparaître les ateliers hispaniques. L’intérêt de cette étude vient aussi de ce qu’elle se fonde sur les résultats de plusieurs enquêtes conduites dans le droit fil de celles que L. Villaronga a entreprises ailleurs, à savoir la détermination du nombre de coins utilisés dans les émissions provinciales, recherches dont P. P. Ripollès et M. M. Llorens sont devenus les spécialistes incontestés109. Parmi les nombreuses remarques que les résultats obtenus peuvent susciter, il en est une particulièrement importante : P. P. Ripollès a montré, à propos de Valentia110, que le nombre de monnaies conservées d’une émission particulière n’a pas forcément de rapport avec le nombre de coins utilisés, et que la production de ces derniers n’était pas uniforme.
Ateliers
26En dehors de l’étude sur Osca, déjà citée111, on retiendra celles qui s’intéressent à Dertosa112, Ipses113 et surtout à Emerita, auquel C. Blázquez Cerrato a consacré un ouvrage114 qui laisse un peu sur sa faim. Malgré la contradiction apparente que peut, évoquer le titre, le même auteur a présenté au Xe Congrès international de numismatique115 une intéressante contribution visant à montrer que les circuits que suivaient les monnaies éméritaines se continuent, à une ou deux générations de distance, dans ceux qu’empruntent les produits des officines céramiques de l’Èbre. Toutefois, la dispersion des frappes de la capitale lusitanienne a été apparemment plus forte que ne le laisse supposer la carte de la p. 174 : les listes de trouvailles que nous avons établies, F. Chaves et moi, lors de la Table Ronde de Bordeaux116, montrent une plus grande densité dans tout l’Ouest hispanique et témoignent que, dès ses débuts, Emerita avait une puissance, bientôt un rayonnement, bien supérieurs à ceux d 'Ebora et de Pax lulia.
27Plus au nord, L. Sagredo offre vingt pages suggestives sur l’atelier de Turiaso117 et une note plus brève sur Kaiskata-Cascantum118, tandis que Bilbilis fait l’objet de deux recherches différentes, de M. P. Garía-Bellido119 et de C. Blázquez Cerrato120.
28Pour terminer, je signalerai l’apparition d’une contremarque inédite sur un as de Gadès121, et surtout le solide article de M. M. Llorens consacré à l’émission de Cn. Statius Libo dont l’attribution à Carthagène est rejetée par l’auteur au profit d’un atelier situé plus à l’ouest122.
Études diverses
29Aux séries déjà mentionnées d’Arcobriga et Luzaga123, ajoutons celles de Murcie124 étudiées par M. Lechuga Galindo, et les listes dressées pour la Galice par M. Cavada Nieto125.
30Dans une courte note126, A. T. Fear montre par les revers aux enseignes militaires que la Belis de Strabon III, 2, 1 est Italica et non le faubourg sévillan de Triana. A. Marques de Faria, lui, s’intéresse à la fondation de Pax Iulia127.
Le Haut-Empire (ier -iie siècles)
Trésors
31J. M. Vidal publie un petit dépôt128 intéressant pour apprécier la structure de la circulation de l’argent à l’époque augustéenne. Dans la région de Castelóon ont été trouvés six bronzes flaviens129. À Riopar (Albacete), restes d’un trésor (de Galba à Lucius Verus) composé surtout de HS130. Gurieusement, il y a peu de Faustine 1 et aucun Antonin, ce qui laisse supposer une forte ponction effectuée par le ou les inventeur(s). B. Mora et D. Sedeno131 présentent 87 aurei du trésor découvert en 1722 à Málaga et dispersé depuis. Je relève que la courbe du graphique no 2 reproduit (de façon amplifiée) le profil très atténué donné par la statistique générale des découvertes ibériques. Va-t-on pouvoir déterminer un type hispanique de la circulation de l’or sous le Haut-Empire ? À propos du trésor des deniers augustéens de Cerro Casal, à Utrera132, qui comprend sur un total de 284 exemplaires, 266 deniers de C. et L. Césars, L. Villaronga observe que le nombre très réduit de liaisons de coins qu’il a reconnues et l’estimation (par les avers seulement) du nombre de coins à 1056, avec un intervalle de confiance de 775 à 1656, confirment que cette émission a été extrêmement abondante. L. Sagredo er A. Campano font connaître un intéressant dépôt de bronzes133, composé surtout (43, et sans doute 47 exemplaires sur 62) d’imitations de Claude 1er, peut-être les économies d’un soldat (v. 55-70), payé avec un numéraire issu d’un atelier militaire (le lieu de la trouvaille est proche de Petavonium). Au Portugal, A. Marques de Faria a étudié deux petites bourses d’époque augustéenne134. Pour sa part, M. Cavada donne des révisions et des informations nouvelles sur des trésors du Nord-Ouest135.
32Études Il faut d’abord faire une place à deux importantes contributions qui abordent l’étude du ier siècle à partir des données archéologiques. P. Alegre Mancha et V. García Marcos ont pu observer à Astorga des niveaux, dont l’un, daté par eux de la seconde moitié du ier siècle et du début du iie, contient, avec un peu de sigillée italique tardive, quelques fragments de TS sud-gallique et de TSH, 1 as de Vienne d’avant la réforme, 2 as coupés indéterminés, 4 as hispaniques, 4 copies claudiennes et 1 HS de Néron136. C’est à des observations du même ordre qu’aboutissent les recherches menées à la Neapolis d’Emporion par M. Campo et J. Ruiz de Arbulo. Ces auteurs ont minutieusement classé par unités stratigraphiques les informations réunies avant 1936 par E. Gandía. Les conclusions tirées du matériel numismatique137 sont particulièrement intéressantes : les horizons étudiés sont tous des niveaux d’abandon datables des années 70-120. Or, à cette époque, les deux tiers du numéraire en circulation étaient antérieurs au règne de Claude et on utilisait encore les vieux exemplaires du iiie siècle av. J.-C. Ces deux exemples convergents tendraient à montrer que les effets de la réforme de Néron (y compris l’élimination du numéraire ancien qu'elle devait logiquement entraîner), ne se sont fait sentir qu’assez tard dans la péninsule, et qu’il faut peut-être — comme le suggéraient (d’après les analyses de E. Caley) les auteurs du Trésor de Garonne — rapporter au règne de Trajan une remise en ordre complète du monnayage en Occident, remise en ordre dont seules témoignaient jusqu’ici, et pour l’argent, les frappes de commémoration.
33Les autres études retenues traitent de sujets divers, tels que l’étude de la position des coins dans les deniers augustéens provenant d’ateliers indéterminés de la péninsule138 ou la présentation d’un denier inédit de la guerre civile de 68-69139. Mais les auteurs ont été souvent attirés par les aspects idéologiques au sens large : ainsi M. Abad140, F. Pina Polo141, M. A. Pons Carreras142, J. A. et A. C. Garzón Blanco143 ou encore J. A. Garzón Blanco144 et C. Herrero Albinana145.
Le iiie siècle
Trouvailles
34Plusieurs dépôts ou lots monétaires sont apparus ou ont été réétudiés récemment : J. J. Cepeda fait connaître 11 HS, de Trajan à Gordien III, mis au jour à Carranza, dans une grotte. À Oteruelo146, dans la région d’Astorga, ce sont 104 deniers et antoniniens, de Trajan à la 3e émission de Philippe (247 ap. J.-C.). L’épave “Cabrera III” (Majorque) contenait, avec une cargaison d’amphores, 967 monnaies, dont 965 HS, de Domitien à Valérien147. L’intérêt de ce pseudo-trésor, probablement caisse du bord de navire, est de fournir de nouveaux éléments de réflexion sur le maintien jusque vers 260 du système monétaire augustéen, et de démontrer que beaucoup de “trésors” considérés jusqu’ici comme le produit d’une épargne (ainsi le trésor de Guelma), sont en réalité des lots de circulation accidentellement immobilisés. M. Cavada reprend l’inventaire du trésor de Salto = Fragas do Piago (2873 ex. au moins, de Philippe à Tacite) et donne, pour chaque règne, le nombre des monnaies, classées par ateliers ; à Sagonte, la collection L. Tormo contient 205 monnaies formant tout ou partie d’un trésor, de Valérien à Probus148. Enfin, R. Centeno publie un lot découvert dans la région de Chaves149, fragment d’un dépôt de l’époque Valérien-Tétricus. Rajoutons à ces dépôts la trouvaille d’une monnaie de Carausius à Lancia, près de Leon150. On ignore si l’aureus de Probus du MAN, présenté par C. Herrero151, est ou non d’origine hispanique.
Études
35En dehors de l’épave “Cabrera III” déjà citée, je relève la réflexion de L. Sagredo sur la circulation de l’argent152. Par ailleurs, on regrettera de ne pas connaître l’environnement archéologique du petit lot de sesterces (8 ex., de Faustine 1 à Dèce) issu des environs de Yecla153.
L’Antiquité tardive (ive - ve siècles)
36Généralités M. Medrano Marqués nous propose une analyse statistique de la circulation monétaire au Bas-Empire154 dont le moins qu’on puisse en dire est qu'elle ne recevra pas l’accord unanime des chercheurs. Je n’arrive pas à comprendre comment, sans tenir compte, entre autres, des ateliers ni des types monétaires, et par la seule vertu du calcul statistique, on peut arriver à définir des groupes correspondant à la réalité. Je remarque cependant que l’auteur reconnaît un modèle “de l’intérieur”, un modèle urbain méditerranéen hispanique, un modèle périphérique rural et méridional hispanique, un possible modèle méditerranéen des cités secondaires, un modèle oriental et enfin “les autres ensembles...”. Je juge cela finalement assez rassurant : le quantitatif finit toujours par céder le pas au qualitatif.
37Dans un souci de synthèse, M. Abad a dressé sous forme de courbes, la liste (par périodes) des ateliers ayant alimenté la péninsule au ive siècle155. L’effort est louable, mais les tableaux sont bien compliqués à lire. On y trouvera néanmoins une utile impression d’ensemble.
38Toujours à propos des ateliers, signalons l’article de F. Velasco156 relatif à un petit dépôt de bronzes découvert sur le site de l’antique Orippa : on y voit s’affirmer — comme dans le Levant — la prédominance de l’atelier de Rome sur celui d’Arles. Bien qu’il s’agisse de littérature dite grise, et exceptionnellement, je citerai ici la tesina de E C. Repas157, intelligent classement des trouvailles d’AE 2 et d’AE 4 assorti de cartes suggestives.
Trouvailles
39Parmi les trouvailles significatives, retenons celles de Matacans158, avec un AE 2 d’Honorius, de Tarragone159 où des AE 2 et AE 4 de la fin du ive siècle sont associés à des formes de sigillée africaine D du ve siècle, d’Altea160 où une couche archéologique a donné un radié de Maximien, des Gloria Exercitus, des Fel Temp Reparatio au cavalier et enfin un Salus de 388-392.
40M. Lechuga Galindo analyse divers ensembles mis au jour dans la région de Murcie161, B. Mora signale un petit lot de monnaies provenant de la province de Málaga162, J. M. Abascal étudie les 65 monnaies d’une nécropole du ive siècle de Guadalajara163, et enfin M. Campo signe une belle publication des trouvailles monétaires effectuées à la villa de La Olmeda164, presque toutes (700 sur 748) du ive siècle. Au Portugal, la villa du Rabaçal165 a livré, avec le contenu d’une petite bourse, une courte mais intéressante série terminée par deux AE 4 au revers Salus. R. Centeno et J. M. Valladares Souto reviennent166 sur la regrettable dispersion du trésor de Torre, estimé entre 250 et 300 kg (soit entre — au moins — 100 000 et 180 000 monnaies, pour la plus grande part du ive siècle), dont seuls 3 645 exemplaires ont pu être publiés. La présence de monnaies d’Honorius (apparemment des AE 4), ( ?) une majorité ( ?) de Victoria sur les Salus, et le fait qu’il ne semble pas y avoir eu de minimi, sont les caractéristiques de ce dépôt qui pourrait dater du (début du ?) Ve siècle. Toujours au Portugal, on retiendra la trouvaille de 20 AE 3 et AE 4 (337-383) à Arouca167, une autre de 484 AB 3 et AE 4, de 1.330 à v. 402, faite à Permentoes168. J. M. Valladares et J. M. Perreira ajoutent trois nouveaux exemplaires au trésor de solidi de Beja169. Pour terminer sur la Lusitanie antique cette fois, revenons à Mérida, où les fouilles de Casa Herrera ont livré quelques monnaies en contexte stratigraphique170.
Numismatique et problématique de l'Antiquité tardive
41Les références précédentes suscitent déjà la réflexion, mais d’autres publications entrent plus avant dans la problématique ouverte par les incertitudes de la circulation monétaire du ve siècle. C’est de la côte orientale de la péninsule – décidément très riche et très originale – que viennent une fois de plus les informations : de Jávea/Xàbia, où R. Arroyo a reconnu des monnaies vandales171, mais surtout de Barcelone, où T. Marot172 a identifié un pourcentage appréciable de monnaies antérieures à 350 dans des niveaux archéologiques du ve siècle et, dans des couches plus tardives encore (fin du ve siècle), des imitations de monnaies au cavalier de petit module (minimi) qui pourraient avoir été fabriquées à cette époque. Ces propositions ne vont pas manquer d’étonner, et il faut attendre que de nouvelles études viennent les confirmer ou les infirmer. Mais il faut bien reconnaître qu’elles prouvent au moins que les études strictement quantitatives ne constituent plus le moyen pertinent d’approcher les réalités de la circulation monétaire. Cette révolution méthodologique qui nous vient d’Outre-Pyrénées devrait susciter, espérons-le du moins, de nouvelles recherches. Elle montre en tout cas que les études monétaires sont, dans la péninsule, vivantes et dynamiques.
Notes de bas de page
1 L. Villaronga, Peninsula Ibérica, dans A survey of Numismatic Research 1985-1990, Bruxelles, 1991, p. 249-258.
2 VII Congreso National de Numismática (Madrid, 1989), Madrid, 1994.
3 M. Beltrán Lloris et alii, Arcobriga (Monreal de Ariza, Zaragoza), Saragosse, 1987, p. 48-50.
4 L. C. Avellá Delgado, El anfiteatro de Tarraco. Estudio de los hallazgos numismáticos, The William L. Bryant Foundation, Vermont, 1991.
5 M. M. Llorens, Hallazgos numismáticos 1985-1986, dans Saguntum 21, 1987-1988.
6 T. Martínez Pérez et T. Martínez Inclán, La moneda romana en la provincia de Albacete, dans Al-Basit 25, 1989, p. 85-106.
7 C. Blázquez Cerrato, Hallazgos numismáticos en Extremadura, dans Anas 2-3, 1989-90, p. 211-228.
8 F. J. Jiménez Ávila, Estudio numismático delpoblado de Hornachuelos (Ribera del Fresno, Badajoz), Cáceres, 1990.
9 M. Cavada Nieto, Noticias sobre hallazgos monetarios en el territorio portugués del convento bracarense, dans Gallaecia 12, 1990, p. 209-249.
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89 M. García Garrido, El hallazgo de Villarrubia de los Ojos, dans ActaNum 20, 1990, p. 37-78.
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95 M. N. Juste Arroga et J. Garda Calvo, Excavaciones arqueológicas en la calle Santiago-Monsieur Boyrie : avance de los resultados, dans Bolskan 9, 1992, p. 177-211.
96 Ouvr. cit. supra, n. 3.
97 R. Arroyo liera et J. Bolufer Marques, Anàlisi numismàtica del conjunt monetari de la Punta de l’Arenal, dans Xabiga 4, 1988, p. 26-37.
98 L. Abad et J. M. Abascal, Alicante, Alicante, 1991, p. 182-194, hallazgos monetarios.
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100 J. M. Abascal, La circulación monetaria del Portus Ilicitanus, Valence, 1989.
101 Art. cit. supra, n. 6.
102 P. Rodríguez Oliva, Dupondios con contramarca NCAPR hallados en la región malagueña, dans Mainake 10, 1988, p. 151-158.
103 F. Chaves, Notas sobre los hallazgos monetales de Carteia en las campañas de 1971-1975, dans Habis, 20, 1989, p. 275-277.
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111 Supra, n. 46.
112 J. Closa Fanes et C. Despuig, De las medalles dei nom de Dertosa : entorn d’une troballa numismatica de la primera meita del segle XVI, dans Puigcerdà VII, p. 249-252.
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118 Art. cit. supra, n. 49.
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120 C. Blázquez Cerrato, Nuevos magistrados monetales en Bilbilis, ibid., 7-8, 1987-1988, p. 115-122.
121 F. L Blanco Jiménez, Una contramarca inédita sobre un as de Gadès, dans AEspA 61, 1988, p. 335-337.
122 M. M. Llorens, art. cit. supra, n. 109.
123 Art. cit. supra, n. 69.
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157 Tesouros monetarios do fim do séc. IV no Oeste hispânico ; circulação monetária, Coimbra, 1991.
158 A. Daura i Jorba et D. Pardo i Circuns, Restes romanes baix imperials a la conca mitjana-alta del riu Llobregat (noves dades per a un panorama poc conegut), dans Estrat 4, 1991, p. 37-54.
159 Ted’a, Un abocador del segle Vd.c. en el forum provincial de Tarraco, Tarragone, 1989.
160 R. Arroyo liera, Estudios numismáticos del yacimiento tardorromano del Albir (Altea-Alacant), dans ActaNum 17-18,1988, p. 153-172.
161 M. Lechuga Galindo, Numismática tardía de la region de Murcia. El conjunto de monedas de el puerto de Mazarrón (Murcia), dans Hom. Méndez Ortiz, p. 259-264.
162 B. Mora Serrano, Monedas de Riogordo (Málaga) (Bajo Imperio), dans GNum 97-98, 1990, p. 111-114.
163 J. M. Abascal, La necropolis tardorromana de “El Tesoro” (Marchamalo, Guadalajara), dans Horn. Bldzquez Martinez, p. 425-451.
164 M. Campo, Las monedas de la villa romana de La Olmeda, Palencia, 1990.
165 Villa romana do Rabaçal. As moedas, Coimbra, 1991.
166 Dans Notícia de uma moeda helenística, art. cit. supra, n. 38.
167 M. S. P. Silva, Um pequeno tesouro monetario tardo-romano de Arouca (Aveiro), dans Nummus, 12-13, 1989-1990, p. 29-37.
168 C. Monteiro, C. Silva, P. Barbedo et T. Gomes, Tesouro monetario tardo-romano de Fermentôes (Guimarâes), dans Nummus, 14-15, 1991-1992, p. 95-117.
169 Notícia de um tesouro aparecido im Beja : aditamento, dans Nummus, 14-15, 1991-1992, p. 119.
170 T. Ulbert, Nachuntersuchungen im Bereich der frühchristlichen Basilika von Casa Herrera bei Mérida, dans MDAI(M) 32, 1991, p. 185-207.
171 Anàlisi numismàtica del conjunt monetari de la Punta de l’Arenal (Col.leccio Segarra Llamas), dans Xàbiga 4, 1988, p. 25-37.
172 T. Marot, Models de circulacio monetaria a Barcino durant la baixa romanitat, dans Puigcerdà VIII, p. 221-226.
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