L’organisation des territoires 2/2
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Texte intégral
L’organisation des territoires
Réseaux et structuration territoriale : des outils empruntés à la géographie
1D’un point de vue méthodologique, les travaux des géographes ont eu des conséquences sur l’approche spatiale des territoires anciens. Si l’archéologie et la géographie ont longtemps évolué en parallèle, sans s’influencer, depuis une trentaine d’années, on constate des échanges de méthodes et de centres d’intérêts qui convergent autour de la “science des systèmes culturels”1. L’examen de ces emprunts à la géographie, des acceptations possibles du terme et de l’histoire des méthodes ont déjà fait l’objet d’énoncés clairs, complets et complémentaires2. Néanmoins, il apparaît utile d’en rappeler les grandes lignes.
2En 1933, W. Christaller développe dans une thèse de doctorat la théorie des lieux centraux, concept déjà en vogue depuis le xixe siècle3. Celui-ci, qui a été par la suite approfondi et enrichi par A. Lösch (1940), puis par W. Isard (1956), a pour objectif de comprendre la répartition et la hiérarchisation des habitats en fonction de leur taille et donc de leur capacité d’offre de biens et de services. Le deuxième grand modèle, désigné sous l’appellation “rang-taille” par G. K. Zipf (1949), montre qu’il existe un rapport entre la hiérarchie urbaine (en fonction de leur taille) et la répartition des villes. C’est-à-dire que leur distribution spatiale dépend de leur taille, plus elles sont importantes et moins elles sont nombreuses dans un réseau. Ces deux grands principes, bien qu’ils aient été améliorés et complexifiés par la suite (notamment par P. Haggett) fondent la base des analyses territoriales actuelles en archéologie, ainsi “la hiérarchie urbaine, décrite par la loi rang-taille, ou la théorie des lieux centraux est une forme particulièrement stable et universelle de l’organisation du peuplement et des activités dans un territoire”4.
3Dans le courant des années 1960, sous l’influence des Américains et des Allemands, la géographie anglaise est en pleine révolution avec l’émergence de la géographie quantitative qui tente une rationalisation et une théorisation de ces principes, à l’initiative principalement de R. J. Chorley et P. Haggett. L’une de leurs démarches est la construction de modèles, c’est-à-dire de représentations théoriques et schématiques, qui sont souvent inspirées des grands concepts dont les principaux viennent d’être rappelés – théorie des lieux centraux et la règle rang-taille5.
4Dans une mouvance proche, la New Archaeology s’impose en Angleterre, s’emparant à son tour des méthodes mathématiques et logiques. Ainsi, D. L. Clarke s’approprie la notion de modèles explicatifs et théoriques, les appliquant à l’archéologie6. L’ensemble de ces travaux inspire directement les premiers essais qui fondent l’archéologie spatiale7.
5À la fin des années 1970, en parallèle de la révolution intellectuelle qui se produit dans ces deux disciplines, la modélisation mathématique voit le jour, entraînant le développement des techniques de cartographie automatique et d’analyses spatiales informatisées (la géomatique), qui n’intègreront véritablement les pratiques de l’archéologie qu’à la fin des années 1990, avec de premières expérimentations dès la fin de la décennie suivante.
6Ainsi, les années 1990 sont marquées par l’intérêt mutuel d’une collaboration entre archéologues et géographes qui se manifeste par l’intégration d’outils informatiques aux projets d’analyses territoriales. En 1989, le colloque d’Antibes, intitulé Archéologie et espaces, signe la naissance de l’archéologie spatiale en France qui émerge sous l’impulsion du passage d’une archéologie de sauvetage à une archéologie préventive, réalisée cette fois en amont des aménagements8. La nécessité d’une “programmation” de l’archéologie de sauvetage, conséquence de l’aménagement grandissant du territoire, qui conduit à la réalisation de fouilles extensives, permet ainsi d’envisager le site dans son environnement naturel et anthropique.
7Le programme Archeomedes, dirigé par S. Van der Leeuw entre 1992 et 1994 puis entre 1996 et 1999, est l’illustration de l’étroite collaboration entre géographes et archéologues au service de l’étude d’un territoire, plus exactement des dynamiques socioculturelles sur la moyenne et la basse vallée du Rhône. Citons également le programme collectif de recherche Du territoire biturige au Berry initié en 1997 par O. Buchsenschutz et F. Dumasy et celui piloté par E. Zadora-Rio, de 2005 à 2014, qui ont tous deux donné lieu à des atlas archéologiques qui explorent les dynamiques de peuplement à travers une approche diachronique9.
8Entre temps, le 25e colloque d’Antibes, tenu en 2004, propose un état des lieux des méthodes d’analyse spatiale et territoriale appliquées en archéologie10. Celles-ci sont aujourd’hui indissociables des Systèmes d’information géographique qui sont progressivement intégrés aux programmes de formation en archéologie, comme en témoigne le manuel Information spatiale et archéologie, publié sous la direction de X. Rodier11. C’est pourquoi, il était nécessaire, pour le travail qui suit, d’assimiler ces principes théoriques issus de la Géographie afin de pouvoir s’inscrire dans la continuité de ces avancées de l’archéologie en matière d’analyses spatiales.
L’analyse spatiale des territoires du quart nord-ouest de la Gaule : quel corpus retenir ?
9Passé outre les questions relatives aux outils nécessaires à l’analyse spatiale, il reste à aborder les écueils propres à l’archéologie. Toute la complexité d’une analyse des territoires à la fin de l’âge du Fer réside dans la difficulté qu’il y a de traduire la structure politique d’un peuple en une organisation territoriale. En effet, la correspondance, entre les deux, n’est pas toujours possible comme l’on fait remarquer K. Gruel et T. Lejars : “La complexité verticale de la société des Celtes cisalpins ne se traduit pas nécessairement dans une structure territoriale hiérarchisée12”.
10L’analyse de l’organisation des territoires à l’époque romaine, auxquels certains chercheurs se sont consacrés par l’examen des réseaux de villes ainsi qu’à travers l’exercice de la hiérarchisation13, est facilitée par des indices matériels, témoins du degré d’urbanisation et de la manifestation des pouvoirs politiques et religieux. Effectivement, la mise en évidence de certains monuments publics permet – entres autres – de mesurer par exemple le statut des agglomérations antiques. Or, ces témoins restent plus difficiles à capter et à analyser pour la fin de l’âge du Fer. Pour cette période, la hiérarchisation au sein des catégories de site n’est pas toujours possible comme on l’a vu pour les agglomérations ouvertes et les sanctuaires et il peut être délicat de les faire correspondre à une entité ou à une autorité politique, administrative, ou religieuse. Il en résulte une difficulté à sélectionner tel ou tel type de site pour fonder son analyse spatiale : quel rôle joue le sanctuaire ou l’agglomération dans la structuration du territoire ? Et quels liens ces deux types de sites entretiennent-ils ? De surcroit, on a montré qu’il existe des disparités à l’échelle de l’ensemble de la zone d’étude qui suggèrent des fonctionnements probablement différents d’une civitas à une autre. La variété des situations quant à l’organisation des territoires gaulois a déjà été mise en évidence à l’échelle de la Gaule par S. Fichtl qui reconnaît trois types de sites ayant joué un rôle de cohésion sociale et politique et ayant par conséquent participé à la construction des civitates : les oppida, les sanctuaires et certains habitats groupés ouverts14.
Méthode d’analyse
11Dans un premier temps, l’analyse spatiale aura pour objectifs d’évaluer les distances entre deux centres voisins et d’étudier l’emprise des différents sites et types de sites sur leur territoire. Pour cela et dans la continuité de récents travaux d’analyses territoriales menées en protohistoire ou pour la période romaine15, il s’agira d’attribuer aux sites préalablement sélectionnés des territoires théoriques moyens. Ainsi, des zones d’influences d’un rayon de 12 km et de 25 km seront appliquées à chaque site. La première mesure correspond à la distance maximum permettant à un piéton d’effectuer l’aller/retour d’un point à un autre en une demi-journée et la seconde correspond à la distance moyenne que peut parcourir un piéton en une journée (à une allure modérée), convenant d’un rythme de marche de 5 km par heure. Pour plus de précision, la modélisation, réalisée sous Système d’Information Géographique, intègre le paramètre topographique, qui agit comme une contrainte pour le marcheur. Ainsi, la distance définie n’est pas euclidienne, mais elle est mesurée en distance-coût. Pour retranscrire le déplacement d’un homme à pied, J.-R. Eastman a mis au point une formule permettant d’obtenir une valeur de contrainte16. Celle-ci est calculée pour chaque pixel d’un modèle numérique de terrain, en l’occurrence la BDalti de l’IGN, au pas de 25 m. Les plages d’allocation ainsi obtenues permettent d’apprécier la régularité ou non de la distribution spatiale des sites.
12Une seconde démarche consistera à proposer un maillage théorique des aires d’influences de chacun des sites, grâce à la méthode des polygones de Thiessen, la plus couramment utilisée pour aborder l’organisation des territoires de l’âge du Fer. Celle-ci repose, selon la théorie de W. Christaller, sur le postulat qu’il existe une “place centrale” contrôlant le territoire (cf. supra chap. III, p. 293). Ainsi, les différents points d’un territoire dépendent du site central, dont ils sont le plus proches. Les distances calculées sont euclidiennes.
13La construction des polygones s’effectue simplement en suivant l’énoncé de P. Haggett :
on trace des segments de droite qui joignent un centre à chaque centre voisin,
on détermine le milieu de chacun de ces segments,
on trace la perpendiculaire à chaque segment passant par son milieu ; autour de chaque centre, ces perpendiculaires forment les limites d’un polygone.
14Cette méthode permet d’obtenir des territoires théoriques afin de pouvoir discuter de la répartition géographique des centres choisis et du rôle éventuel des autres composantes du territoire (facteur topographique, hydrographique, voie de communication...), mais n’a pas vocation à reconstituer les limites réelles des territoires.
15Cette démarche et l’analyse des modes de peuplement de manière générale posent un certain nombre de problèmes, inhérents à l’archéologie, que nous constations déjà dans les années 199017 et qui ont été récemment rappelés par S. Fichtl18 :
La méthode des polygones de Thiessen ne tient pas compte du relief du paysage et donc indirectement de l’accessibilité aux sites. Ce paramètre est d’autant plus important lorsque l’étude comprend à la fois des zones où le relief est peu marqué et d’autres où il est plus contrasté et plus accidenté.
Elle nécessite en théorie de travailler avec un corpus exhaustif, ce qui n’est généralement pas le cas en archéologie, puisque l’état des connaissances est toujours susceptible d’évoluer. Il est même difficile, voir impossible, d’établir le degré de représentativité du corpus utilisé.
L’organisation spatiale dépend du degré de fiabilité de la datation des sites. En effet, la méthode exige que les sites participant à l’analyse soient strictement contemporains. Or, nombre d’entre eux restent mal datés et, dans le cas présent, ne peuvent être attribués à La Tène finale qu’au sens large.
Elle nécessite une bonne connaissance du statut des sites retenus. Les sites doivent avoir le même degré d’implication politique, administratif et/ou religieux pour pouvoir être comparé et mis en concurrence, ce qui représente une réelle difficulté pour l’âge du Fer.
16Les Systèmes d’Information Géographique permettent aujourd’hui de palier l’inconvénient de la topographie, c’est-à-dire d’exprimer les aires d’influences potentielles des sites, préalablement sélectionnés, en tenant compte de la contrainte du terrain pour le marcheur. Il s’agira donc ici de calculer un raster d’allocation de coût qui remplacera le principe des polygones de Thiessen.
Configuration du réseau d’agglomérations ouvertes et fortifiées
Remarques préliminaires
17L’examen des habitats des deux derniers siècles a.C. a mis en exergue les centres ayant joué un rôle décisif dans la polarisation des activités de chaque cité du quart nord-ouest de la Gaule et leurs places au sein des réseaux commerciaux. En effet, les agglomérations ouvertes et fortifiées, qui témoignent d’un regroupement et d’une concentration de la population à la fin de l’âge du Fer, ont révélé d’évidentes fonctions économiques et/ou politiques (fig. 164 et 165). Il convient donc maintenant d’analyser leur distribution géographique et de confronter les différents réseaux qu’ils composent.
Fig. 164. Liste des habitats groupés ouverts retenus pour l’ensemble de la zone d’étude (réal. J. Remy).

Fig. 165. Liste des sites fortifiés de rang 1 à 3 de l’ensemble de la zone d’étude (réal. J. Remy).

18L’analyse qui suit s’appuie, en partie sur les résultats de la hiérarchisation des sites fortifiés, développée dans le chapitre précédent. Après confrontation de leurs superficies, les trente fortifications ont été divisées en quatre groupes hiérarchiques, de 1 à 4, le rang 1 étant réservé aux deux sites les plus imposants. La pertinence de ces rangs a été mesurée par rapport à la qualité du mobilier et des structures. Les trois premiers groupes ont été identifiés comme des habitats groupés impliqués dans des réseaux économiques, dix sites se distinguant plus particulièrement. En effet, les sites de rang 1 et 2, ainsi qu’Angers (rang 3) ont été placés au sommet de la hiérarchie. À des fins pratiques et pour simplifier le discours, ces dix sites seront dorénavant qualifiés d’agglomérations fortifiées de rang supérieur19 – en ajoutant l’attribut “certaines” pour les mieux documentées et “présumées” pour les trois pour lesquelles la documentation fait défaut.
19Le quatrième groupe hiérarchique rassemble de petits établissements mal documentés dont les fonctions peuvent être multiples et dont la position géographique et topographique implique un rôle secondaire dans l’organisation du territoire : poste de contrôle ou d’observation le long des frontières ou des axes de communication, ou encore, résidence d’une élite ?
20La qualité de la documentation permet difficilement de proposer une évolution chronologique de l’organisation territoriale entre le iiie et le ier s. a.C. Effectivement, on ne peut prétendre cerner la durée d’occupation d’un site qu’à condition qu’il ait été appréhendé par des fouilles extensives, comme à Ploulec’h, Moulay, Quimper ou à Vue, sans pour autant être à l’abri de surprises tant que l’exploration n’a pas été exhaustive. À Moulay, par exemple, le petit retranchement du bourg, à hauteur de la confluence de la Mayenne et de l’Aron, abrite une occupation plus ancienne, remontant à la fin du ve siècle ou au début du ive s. a.C., mise en évidence par quelques sondages ponctuels et opportunistes. Afin de dépasser ces faiblesses, l’analyse sera envisagée pour une période comprise entre la fin du iie siècle et la première moitié du ier s. a.C., soit entre La Tène D1b et La Tène D2a, durant laquelle l’ensemble des fortifications et des agglomérations ouvertes sont en fonction, à l’exception de Gétigné (44) pour qui le développement est mal maîtrisé au-delà de La Tène D1a. Ce dernier site ne sera donc pas pris en compte pour l’exercice. L’agglomération de plaine du “tertre” à Allonnes (49), récemment mise au jour – qui a fait l’objet d’une fouille préventive entre la fin de l’année 2019 et le début 2020 (dir. E. Le Goff, INRAP) –, qui devait se développer sur 10 ha à 20 ha a également été prise en compte.
Et le sud de la Basse-Loire ?
21Les limites de la zone d’étude ont été initialement fixées en fonction des cités romaines et du cadre géographique retenus dans le cadre du PCR mené sur les agglomérations secondaires des Gaules romaines de l’ouest de la province lyonnaise qui excluait le département de la Vendée, correspondant au nord-ouest du territoire picton à l’époque romaine. Or le contexte territorial du sud de la basse Loire à la fin de l’âge du Fer apparaît plus complexe, mais également moins bien maîtrisé. Il est difficile de trancher quant à l’éventuel rôle de frontière qu’a pu jouer la Loire à La Tène finale et quant à l’emplacement géographique des Ambiliates, qui n’est pas définitivement arrêté (cf. supra chap. I, p. 32). C’est pourquoi, dans la perspective d’analyser les tendances de l’organisation des territoires du quart nord-ouest, y compris au sud de la Loire, la zone d’étude a été élargie à la Vendée et à une partie des Deux-Sèvres.
22Le corpus est donc augmenté de deux sites fortifiés, attribués de manière générale à La Tène finale. Le premier correspond à un éperon de 8 ha, localisé sur la côte occidentale de l’Île d’Yeu distante de 18 km du continent. La “Pointe du Châtelet” est barrée par un puissant rempart, dont au moins un état est édifié à la fin du second l’âge du Fer20. Le rempart qui barre une superficie de 12 ha à la confluence du “Moulin des Vignes” à Apremont (85) n’est, quant à lui, pas daté. Cependant, des sondages pratiqués, dans les années 1990, juste à l’arrière de celui-ci ont révélé un niveau d’occupation de La Tène finale21. Les données archéologiques enregistrées sur ces sites ne sont pas suffisantes pour statuer sur leur rôle, néanmoins, les superficies encloses permettent de les intégrer aux rangs 2 (pour Apremont) et 3 (pour L’Île d’Yeu) mis en place pour les sites fortifiés. Suivant l’analyse qui a pu être proposée pour les sites de rang 1 à 3, il est possible de les associer à des habitats groupés fortifiés, bien que cette interprétation ne soit actuellement pas démontrée par l’archéologie.
23Enfin, il faut également ajouter l’agglomération ouverte des “Chirons” au Poiré-sur-Velluire (85), récemment découverte – la fouille préventive s’est déroulée entre 2018 et 2019 (dir. O. Nillesse, INRAP). Cet habitat groupé à vocation artisanale et commerciale se développe entre le iiie et le iie s. a.C. – entre La Tène C1b et La Tène D1a. Bien que son étude soit toujours en cours, celle-ci a pu être intégrée à la liste des habitats groupés ouverts retenus pour l’analyse des réseaux urbains.
Le réseau des agglomérations fortifiées de rang supérieur
24Les deux premières cartes présentent les territoires théoriques des dix agglomérations fortifiées placées au sommet de la hiérarchie – soit sept principaux sites et trois autres (de rang 2) moins bien documentés (Peaule, Châtelais, et Erquy) –, permettant d’apprécier leur distribution spatiale et leur lien avec les autres agglomérations fortifiées et les habitats groupés ouverts. Les sept agglomérations fortifiées de rang supérieur apparaissent plus ou moins centrées sur leurs territoires (fig. 166). Deux des sites les plus mal documentés sont installés à la frontière entre deux peuples : celui de Peaule surplombe le fleuve de la Vilaine, qui matérialise la limite entre la civitas des Vénètes et celle des Namnètes, quant à celui de Châtelais, il est établi le long de l’Oudon, affluent de la Mayenne qui marque la frontière entre les Andécaves et les Namnètes (fig. 167). Chez les Coriosolites, les deux agglomérations fortifiées de rang supérieur reconnues – Erquy et Saint-Malo – sont installées le long du littoral. Chez les Riedones et les Andécaves, elles sont décentrées, mais bénéficient en contrepartie d’une position géographique et hydrographique intéressante. Celle de Vieux-Vy-sur-Couesnon est placée sur la rive gauche du fleuve côtier du Couesnon, tandis que celle d’Angers apparaît à la confluence de plusieurs affluents de la Loire qui poursuivent leurs courses chez les Diablintes et les Cénomans et desservent notamment celles d’Entrammes puis de Moulay. Le promontoire de Huelgoat occupe une position plus centrale, légèrement décalé vers le nord-ouest du territoire osisme. Enfin, chez les Diablintes le territoire est divisé en une moitié septentrionale où est implanté le vaste site de Moulay, alors qu’une moitié méridionale est occupée par celui d’Entrammes.
Fig. 166. Localisation des habitats groupés ouverts et fortifiés par rapport aux territoires théoriques des agglomérations fortifiées supérieures certaines (réal. J. Remy).

Fig. 167. Localisation des habitats groupés ouverts et fortifiés par rapport aux territoires théoriques des agglomérations fortifiées supérieures certaines et présumées (réal. J. Remy).

25Le nombre d’agglomérations fortifiées et/ou ouvertes situées à proximité d’un site fortifié de rang supérieur varie de zéro (chez les Osismes, les Coriosolites, les Vénètes, les Namnètes et les Riedones) à deux (chez les Andécaves).
26Vue est la seule agglomération fortifiée établie à proximité du fleuve en Loire Inférieure suggérant un contrôle exclusif de l’estuaire. Sa position en rive sud soulève le problème de son attribution à la civitas namnète, ambiliate ou même pictonne, problème sur lequel il faudra revenir. Cependant, il est fort probable que la connaissance archéologique actuelle ne soit qu’un état de la recherche encore amené à évoluer, bien que la configuration de l’estuaire de la Loire ne favorise pas tellement la détection des sites. En effet, la géographie peu découpée de la vallée de la Loire à son embouchure et l’évolution du fleuve, qui a connu d’importantes variations au cours des temps, subissant des phénomènes de transgression et de régression, entraînent des problèmes de détection des sites, certains étant susceptibles d’être aujourd’hui colmatés par les alluvions du fleuve. La forte industrialisation de Saint-Nazaire, au nord de l’embouchure de la Loire, dans le courant du xixe siècle, a fortement transformé le paysage et rendu inaccessibles des secteurs probablement occupés à la fin du second âge du Fer22. Effectivement, les dossiers communaux conservés au Service Régional de l’Archéologie des Pays de la Loire mentionnent la découverte de plusieurs statères en or, d’importants dépôts d’augets23 associés à des restes d’amphores et de céramiques laténiennes qui suggèrent une production salicole au second âge du Fer, au sud et au nord de l’embouchure du fleuve (à Saint-Nazaire et à Saint-Brévin-les-Pins).
Le réseau complémentaire des agglomérations ouvertes et fortifiées
27Les cartes suivantes intègrent, en plus des dix agglomérations fortifiées de rang supérieur, l’ensemble des agglomérations (ouvertes et fortifiées), permettant de visualiser les zones couvertes par leurs différentes plages d’allocations (de 25, 12 et 5 km). Les agglomérations ouvertes sont représentées en fonction de leur qualificatif (certaine, probable ou potentielle). La première carte, qui exclue les habitats groupés potentiels, offre un réseau d’agglomérations qui couvre plus de surface, notamment le nord et le nord-est du territoire cénoman et au sud-ouest de la Loire (fig. 168). Elle laisse néanmoins de larges zones vides. Lorsque l’on prend en compte l’ensemble des agglomérations, les territoires apparaissent bien mieux couverts par les territoires théoriques des unes et des autres, de façon plus ou moins régulière (fig. 169). Premièrement, chez les Andécaves, on remarque que les cinq sites identifiés sont presque parfaitement équidistants – à une vingtaine de kilomètres de marche les uns des autres, mis à part Allonnes qui est éloigné de quelques kilomètres supplémentaires de Beaufort-en-Vallée –, répartis de manière relativement régulière de part et d’autre de la Loire. Angers, Beaufort-en-Vallée, Chênehutte-Trêves-Cunault, Les Alleuds et Allonnes semblent ainsi former un réseau cohérent autour du fleuve à l’échelle de la civitas, laissant une frange nord et est à l’écart de leur influence (théorique). Il faut rappeler que chez les Diablintes, l’on présume que l’occupation du “Port du Salut” succède à l’habitat groupé ouvert (potentiel) du “Clos des Primevères” à Entrammes. Il s’agit du seul véritable cas de succession d’un habitat groupé ouvert vers un site fortifié pour l’ensemble de la zone d’étude (cf. supra chap. II, p. 193). L’organisation du réseau d’agglomération apparaît toujours bipartite avec l’association d’un habitat groupé ouvert et d’un site fortifié au nord. Ces deux sites, chacun compris dans la plage d’allocation de 12 km de l’autre, doivent probablement être envisagés comme des pôles complémentaires au vu des activités mises en évidence chez chacun d’eux. Aussi, les plages d’allocation de 25 km et de 12 km du site de Châtelais semblent faire le relais entre les sites diablintes et andécaves.
Fig. 168. Territoires théoriques autour des agglomérations fortifiées et des agglomérations ouvertes certaines et probables (réal. J. Remy).

Fig. 169. Territoires théoriques autour des agglomérations fortifiées et de l’ensemble des agglomérations ouvertes (certaines, probables et potentielles) (réal. J. Remy).

28Chez les Coriosolites, l’ensemble des centres sont établis sur le littoral à des distances moins régulières que chez les Andécaves, entre 26 km et 33 km (distance linéaire). Par ailleurs, on note que les plages d’allocation (de 25 km) des sites osismes ne se recoupent que dans un seul cas – les plages des habitats groupés de Landunvez et de Plounéventer –, le réseau d’agglomérations apparaissant donc plus lâche.
29Au sud de la Loire, le site du Fief-Sauvin, dont le territoire théorique englobe une portion du cours de la Loire juste à l’ouest du territoire andécave, semble particulièrement isolé. Il sera d’ailleurs intéressant de revenir sur ce point (cf. infra). Sans surprise, le territoire théorique de Vue englobe presque tout l’estuaire de la Loire. Ceux de Guérande et du Pouliguen prennent le relais pour le nord-ouest, non couvert par la plage d’allocation de Vue. Ainsi, le centre et l’ouest de la civitas des Namnètes, mais aussi le centre et le sud de celle des Vénètes sont largement couverts par les territoires théoriques des agglomérations pour lesquelles les périmètres de 25 km – et parfois de 12 km – se recoupent. De fait, Peaule, Blain, Vue et Guérande semblent former un réseau cohérent avec deux centres fortifiés, qui contrôlent l’estuaire ou le cours de deux des plus importants axes fluviaux du quart nord-ouest de la Gaule, complété par deux potentiels habitats groupés distants de 28 km à 43 km (distance linéaire) les uns des autres pour une moyenne de 35,5 km.
30Enfin, ces cartes mettent en évidence d’importantes zones de vide non couvertes par les territoires théoriques des différents habitats groupés identifiés, qui ont déjà fait l’objet de discussions (cf. supra chap. III, p. 232). Effectivement, dans certains cas, le couvert végétal peut constituer un obstacle à la détection des sites et l’absence d’agglomération peut alors s’expliquer par un état lacunaire de la recherche (pour le sud-est du territoire cénoman et le nord-est du territoire andécave). Pour d’autres secteurs géographiques, elle reflète peut-être la réalité de sols peu fertiles ou de contextes topographiques moins propices à l’implantation humaine – les Montagnes Noires ou l’est de la civitas namnète par exemple.
Le contrôle de la Basse-Loire : où sont les Ambiliates ?
31On a remarqué la situation géographique du Fief-Sauvin, qui semble à l’écart d’un réseau cohérent d’habitats groupés à l’est (autour d’Angers) et d’un autre, à l’ouest (autour de Vue et de Guérande). Le contrôle des peuples sur la Basse-Loire se pose donc pour la fin de l’âge du Fer, alors que le fleuve marque une limite territoriale à partir de l’époque augustéenne entre les Namnètes et les Pictons, ce que confirme le géographe Strabon (Géographie, 4.2.1). Il est nécessaire pour discuter de cette question de revenir sur quelques points précédemment évoqués (cf. supra chap. I, p. 32).
32En 1992, un article sur l’origine et le développement de l’agglomération romaine de Ratiatum, pour laquelle on ne connaît aucun antécédent gaulois24, rappelait l’influence culturelle armoricaine de la partie nord-ouest du territoire picton avant la Conquête25. Les principaux arguments reposaient sur les recherches numismatiques de G. Aubin et de J. Hiernard (cf. supra chap. I, p. 36) et sur la diversité de technologies mises en oeuvre pour la production salicole de la façade atlantique. De fait, on reconnaît une forte concentration de la circulation monétaire présumée pictonne dans le Haut-Poitou, le Niortais et la plaine Vendéenne, qui laisse à l’écart un secteur occidental correspondant au bocage vendéen, au Pay de Retz et aux Mauges26. Or, les monnaies de séries armoricaines (vénètes et namnètes) comblent justement ce vide (fig. 10)27. De plus, l’utilisation du système des fours à grilles pour la production de sel, entre la seconde moitié du ier s. a.C. et le début du ier s. p.C., est reconnu sur une large frange littorale s’étendant de l’embouchure de l’Odet (chez les Vénètes) jusqu’au centre des côtes vendéennes, constituant un faciès sud-armoricain. Au sud de cette bande, ces structures sont remplacées par des fours à piliers trifurqués28. Il existe donc des différences culturelles entre la partie nord-ouest du territoire picton (“mouvance armoricaine”) et le sud-est, avec une limite29 établie au niveau du cours de la rivière du Lay, au nord du marais poitevin, d’après l’étude toponymique de J. Hiernard.
33Toutefois, d’autres indices mettent en évidence des particularités propres au sud de la Loire, qui permettent de distinguer cette zone géographique des territoires du nord de la Loire, sans pour autant désavouer les analogies qui viennent d’être évoquées.
34D’abord et pour revenir sur l’exploitation du sel, si les structures des fours à grilles sont semblables de part et d’autre de l’estuaire de la Loire, certaines formes de structures n’ont été observée qu’au nord (du côté de Guérande). De plus, “des variantes de détails dans les structures internes des fours”, ainsi que des variantes de modules d’augets apparaissent comme spécifiques au Pays de Retz, c’est à dire au sud-ouest de l’actuel département de la Loire-Atlantique où est située l’île fortifiée de Vue30. Aussi, A. Levillayer a mis en exergue de fortes affinités entre le corpus céramique de cette microrégion (et plus particulièrement de la frange littorale), avec celui du Morbihan et du sud Finistère, suggérant des liens forts entre ces territoires31 – pour lesquels les échanges ont dû être facilités par l’Océan32. Les ressemblances observées entre ces corpus sont plus importantes que celles constatées entre un lot céramique du Pays de Retz et un autre provenant d’un site des environs de Nantes (information communiquée par A. Levillayer).
35Par ailleurs, A. Levillayer a identifié un faciès céramique spécifique différent de celui du Pays de Retz ou même de celui d’Angers, à l’aspect très fruste, pour lequel la diffusion est limitée aux Mauges, au Choletais et au Haut Bocage vendéen33. Bien évidemment, il ne s’agit là que de groupes culturels, mais qui annoncent une spécificité (ou plusieurs) du sud de la Loire et plus largement du nord-ouest de la future cité pictonne, qui s’est récemment vue confirmer par une contribution sur la céramique non tournée. En effet, un collectif de chercheurs a récemment montré la particularité culturelle d’une zone géographique au sud de la Loire, étendue aux Mauges, à la Gâtine et au Bocage vendéen, mais excluant le sud de la Loire-Atlantique. Cette région est marquée par la production et la consommation florissante de céramiques non tournées de la fin de l’âge du Fer jusque dans le courant du haut Moyen Âge. La mise en évidence de ce phénomène, à diverses échelles de la société (établissements ruraux puis villae, agglomérations, nécropoles) et sur un temps long, permet aux auteurs de conclure à l’existence d’un “terroir ancien”, dont on devine l’étendue à travers la diffusion de cette vaisselle. Celle-ci est caractérisée par des profils “hérités des répertoires régionaux de la fin du second âge du Fer”, c’est à dire dès les iiie et iie s. a.C.34. Cette séquence chronologique coïncide avec la période d’émission des plus anciens “monnayages armoricains”, les quarts de statères dits “au pontife forgeron”, dont les rares exemplaires connus ont été principalement recueillis dans les Mauges et autour de Cholet (cf. supra chap. I, p. 36). Ajoutons que cette zone correspond également à l’aire de diffusion des monnaies de la série “aux aigrettes”, non attribuée35. Rappelons que G. Aubin et J. Hiernard ont proposé d’attribuer l’émission de ces deux séries monétaires à un peuple indépendant des Namnètes, celui des Ambiliates.
36Enfin, cette zone géographique coïncide avec un important secteur aurifère, qui pourrait avoir suscité l’intérêt des populations dès l’âge du Fer et probablement engendré une nécessité de contrôle au second âge du Fer. C’est pourquoi la position du Fief-Sauvin et l’importance des vestiges mis en évidence autour du “camp de la Ségourie”36 pourraient suggérer que ce site corresponde à un important pôle au sein d’un territoire indépendant de celui des Namnètes, à La Tène moyenne et finale. Ces remarques vont dans le sens de G. Aubin et J. Hiernard qui proposent de placer le territoire Ambiliate autour de la région des Mauges37.
37Reste à attribuer à un peuple la zone au sud de l’estuaire de la Loire. Deux hypothèses peuvent être avancées : soit cette zone appartient à un territoire (des Ambiliates ?) au sud de la Loire compris entre le littoral atlantique à l’ouest, la civitas des Andécaves à l’est et le Bocage vendéen au sud, mais présente des spécificités culturelles en lien avec sa position géographique au contact de l’Océan. Soit, elle appartient au territoire Namnète qui contrôlait alors seul l’embouchure de la Loire et qui a développé des particularités quant à sa production potière, favorisées par leurs relations avec les territoires vénète et osisme. Actuellement, il n’est pas possible de trancher, néanmoins et, en l’état actuel des données (susceptible d’évoluer), la répartition spatiale des sites de Vue, du Pouliguen, de Guérande, de Blain et de Peaule et l’intersection de leurs territoires théoriques orientent davantage vers la deuxième proposition – un estuaire plutôt Namnète donc.
Les rythmes de l’occupation et la continuité avec l’époque romaine : une approche diachronique pour l’analyse spatiale des territoires du quart nord-ouest de la Gaule
Les agglomérations romaines et la question de leurs antécédents
“Et puisque la ville, comme toute production spatiale est affaire de dynamique, c’est nécessairement de manière diachronique que ces domaines doivent être scrutés pour identifier les points de rupture et les mécanismes de transformation à l’œuvre dans la société, susceptibles d’avoir produit ce ‘nouveau type d’unité’38”.
38L’analyse des territoires de la fin de l’âge du Fer dans le quart nord-ouest montre donc de fortes disparités d’une cité à l’autre, avec des réseaux d’agglomérations ouvertes et fortifiées qui, le plus souvent, semblent compléter la position des dix principales agglomérations fortifiées pour lesquelles la dispersion est irrégulière à l’échelle de la zone d’étude. Finalement, seule la civitas des Osismes révèle une hiérarchie spatiale entre une vaste agglomération fortifiée, à peu près centrale et les agglomérations qui se développent autour de celle-ci. Le territoire Diablinte, quant à lui, présente une organisation bipolaire avec Moulay et Jublains au nord et Entrammes au sud. En revanche et en l’état actuel des données, de larges zones géographiques apparaissent en marge des aires d’influence de ces pôles qui concentrent une bonne part de l’activité des cités, notamment le sud et l’ouest du territoire Cénomans et une grande part des territoires Coriosolites et Riedones.
39Il convient donc maintenant de mettre en perspective ces résultats avec l’organisation des cités à l’époque romaine et ainsi de discuter le constat exprimé par O. Buschsenschutz concernant l’évolution des réseaux d’agglomérations : “La structuration de la hiérarchie et du réseau des agglomérations au contraire, persiste globalement jusqu’à nos jours...”39. En effet, pour tenter de dégager des grandes tendances de l’organisation du territoire, les questions de rupture et de continuité de l’occupation constituent une piste majeure. Elles peuvent permettre, d’une certaine manière, de s’affranchir des lacunes du corpus, mais également de s’affranchir des classements typologiques classiques sur l’habitat, qui sont à la fois difficilement dispensables pour l’établissement du corpus, l’enregistrement de l’information et pour établir un premier niveau d’analyse et à la fois restrictifs, puisqu’ils intègrent inévitablement des préjugés sur la nature des occupations.
40L’observation de l’évolution, au cours du temps, de l’ensemble des sites du corpus issu d’un premier niveau d’interprétation, mêlant à la fois des types d’habitats différents et des lieux qui semblent porteurs d’une certaine force symbolique doit éclairer sur le degré de hiérarchisation sociale et la complexité socio-économique des peuples étudiés, de manière à surpasser les difficultés inhérentes au corpus.
41En somme, cette réflexion diachronique doit permettre, d’une part, d’évaluer la part de continuité et de rupture avec la fin de l’âge du Fer et, dans le même temps, de souligner d’éventuelle(s) particularité(s) régionale(s) et/ou locale(s).
L’organisation des territoires du quart nord-ouest de la Gaule de la fin de l’âge du Fer à l’époque romaine
42Le classement primaire des villes romaines, mis en place par M. Monteil dans le cadre de son HDR sur les agglomérations secondaires romaines de Bretagne et de Pays de la Loire, est ici repris pour la présentation des sites. Ils sont classés suivant trois niveaux (agglomération certaine, probable ou potentielle) qui traduisent l’état de connaissance et la qualité de la documentation des centres. Le réseau d’agglomérations romaines et ses antécédents seront présentés cité par cité (fig. 170 et 171).
Fig. 170. Liste des chefs-lieux de cités romains et des sites recensés dans le cadre du PCR sur les agglomérations secondaires romaines de Bretagne et de Pays de la Loire, dirigé par M. Monteil (réal. J. Remy, d’après Monteil 2012, fig. 97 à 99).

Fig. 171. Localisation des agglomérations secondaires romaines du quart N-O de la Gaule et de leurs antécédents (réal. J. Remy, d’après Monteil 2012, 123, fig. 96).

Chez les Riedones
43À l’époque romaine, le réseau urbain de la cité des Riedones rassemble deux agglomérations certaines (Visseiche ; 35), dont le chef-lieu (Rennes, 35), pour lesquelles on ne reconnaît actuellement aucun antécédent gaulois, tout comme pour les trois agglomérations probables (Baguer-Pican, La Chapelle-des-Fougeretz, Combourg, 35). Enfin, quatre agglomérations potentielles ont pu se développer à Breteil, à Feins, à Pacé et à Vieux-Vy-sur-Couesnon (35). À environ 3 km au sud des vestiges romains mis en évidence sur cette dernière commune, s’élève l’agglomération fortifiée présumé d’“Orange”, occupé durant La Tène finale. On peut donc supposer un transfert des populations ayant occupé le site fortifié vers le site de plaine, à condition bien sûr que le statut de ce dernier soit confirmé.
44Finalement, on observe un important décalage entre la fin du second âge du Fer et l’époque romaine qui résulte, au moins en partie, d’un état très certainement lacunaire de la documentation laténienne puisqu’il s’agit du territoire ayant livré le plus faible nombre de sites appartenant aux grandes catégories recensées (sanctuaires et agglomérations ouvertes et fortifiées). Ainsi, cinq agglomérations certaines ou probables sont, semble-t-il, créées ex nihilo, trois autres moins bien documentées n’ont livré aucun indice de la fin du second âge du Fer.
Chez les Coriosolites
45Durant le Haut-Empire romain, la cité des Coriosolites compte quatre agglomérations certaines (Saint-Brandan et Taden, 22 ; Comblessac, 35), dont le chef-lieu localisé à Corseul, dénuées a priori d’antécédents – mis à part peut-être à Comblessac (cf. infra) –, trois villes de statut probable (La Bouillie, 22 ; Saint-Malo et Saint-Méloir-des-Ondes, 35), dont l’une s’est développée sur une ancienne agglomération du ier s. a.C. peut-être fortifiée (Saint-Malo). On recense également neuf potentiels centres urbains (Erquy, Hillion, Languenan, Merdrignac, Plouer-sur-Rance, Saint-Brieuc, 22 ; Iffendic, 35 ; Caro/Missiriac, Guer, 56), dont trois seulement connaissent des antécédents laténiens à proximité, induisant un léger déplacement de la population.
46Le cap d’Erquy, promontoire littoral classé dans les sites fortifiés de rang 2, est cependant trop mal documenté pour pouvoir être désigné comme une agglomération fortifiée de rang supérieur certaine. Toutefois, l’importance de la superficie enclose (35 ha) et la puissance de son rempart principal suggère la présence d’une autorité et d’un centre important, bien qu’aucune activité économique n’ait été reconnue, du fait de l’absence de fouille à l’intérieur du site. À la fin de La Tène finale, l’agglomération de Trégueux est désertée sans doute au profit de Saint-Brieuc, créée 4 km au nord-ouest.
47À proximité de l’établissement rural du “Boisanne” à Plouer-sur-Rance, interprété comme la résidence d’un petit aristocrate – classé au plus petit rang (rang 1) des habitats aristocratiques –, abandonné à la fin du ier s. a.C., se développe une occupation romaine sur environ 8 ha uniquement connue par des prospections de surface. Il n’est actuellement pas possible de trancher quant au statut de cette occupation qui pourrait tout autant correspondre à une villa40. En tout cas, il paraît peu probable que l’établissement gaulois de moins de 1 ha ait donné le jour à une agglomération romaine. On peut plus raisonnablement envisager le déplacement de la résidence d’un propriétaire terrien établi depuis des siècles sur ces terres au contact de la Rance.
48Les antécédents de l’agglomération (certaine) de Comblessac méritent d’être discutés, puisque l’extrémité du promontoire qu’elle occupe est fermée par un rempart – conservé sur 6 m de hauteur. Cette enceinte, d’une superficie de 5,5 ha, est désignée comme le “Camp du Mur” que l’on attribue traditionnellement à l’âge du Fer. Toutefois, aucun vestige ne peut actuellement corroborer cette datation, d’autant que le site est vraisemblablement occupé au Moyen Âge si l’on en croit la présence de deux mottes41.
49Au total, seulement un (Saint-Malo) et peut-être deux (Comblessac) centres urbains coriosolites certains ou probables, sur les sept recensés, est(sont) créé(s) dans le courant du second âge du Fer. Deux agglomérations laténiennes, l’une ouverte (Saint-Brieuc), l’autre fortifiée (Erquy), donnent naissance à de potentielles agglomérations à l’époque romaine. Sept sites – s’ils sont avérés – ne sont visiblement pas créés avant le Haut-Empire et ce, quel que soit leur statut.
Chez les Osismes
50La cité romaine des Osismes compte trois agglomérations certaines, dont la capitale Carhaix créée ex nihilo et deux autres qui héritent d’un passé gaulois. Plounéventer (29) est occupée à La Tène finale qu’il n’est actuellement pas possible de définir. L’agglomération laténienne de “Kergolvez” (Quimper, 29) quant à elle, est déplacée dans le courant du Haut-Empire, 3 km au sud, sur les bords du fleuve côtier de l’Odet.
51Au nord de la cité, le promontoire de Ploulec’h, qui accueille un habitat groupé fortifié dès le iie s. a.C., est occupé sans discontinuité durant toute l’Antiquité puis durant le Moyen Âge.
52La nature des dix autres agglomérations recensées est contestée (Lannion, Brest, Cléden-Cap-Sizun, Douarnenez, Landerneau, Morlaix, Pont-l’Abbé, Quimperlé, Rosporden, Saint-Jean-Trolimon, 29). Trois d’entre elles présentent des vestiges de sanctuaires sous lesquels ont été identifiés des vestiges laténiens qui ne sont pas, ou qu’il est difficile, d’associer à un contexte urbain.
53Sous le temple de Douarnenez (“Trogouzel”), un peu déconnecté de la forte concentration de vestiges romains – qui correspondent soit à un habitat groupé soit à une concentration d’ateliers de production de sauces et de salaisons de poissons42 – a été reconnu un lieu de culte gaulois, dont les vestiges les plus anciens remonteraient à La Tène ancienne ou moyenne. De plus, la découverte de monnaies gauloises sur la commune et sur l’Île Tristan suggère une occupation laténienne plus étendue, mais en l’état actuel des données il est difficile de s’avancer davantage dans l’interprétation de ce site.
54L’édification du sanctuaire de “Tronoën” (Saint-Jean-Trolimon) pourrait, lui, remonter au ve s. a.C. La qualité de la documentation archéologique, issue des fouilles du xixe siècle, ne permet pas de préciser l’environnement du sanctuaire à la fin de l’âge du Fer. En effet, certaines structures mises au jour à la fin du xixe siècle ont été interprétées comme des maisons43. Bien que cette interprétation soit sujette à caution, on ne peut totalement exclure la présence d’un habitat de La Tène finale à “Tronoën”. La densité des vestiges romains pose également la question d’un sanctuaire isolé ou d’un lieu de culte intégré à une agglomération44.
55Le système d’enclos de La Tène finale reconnu sous le temple de “Buzit Bras” à Rosporden s’apparente a priori plus à un établissement agricole si l’on occulte le devenir du site à l’époque romaine. Toutefois, la connaissance encore limitée des aménagements qui pouvaient accompagner les activités rituelles de l’âge du Fer, particulièrement pour le nord-ouest de la Gaule, incite à la prudence (cf. supra chap. II, p. 218, fig. 123).
56Enfin, l’ampleur des vestiges romains de “Trouguer” à Cleden-Cap-Sizun – qui occupent 1 ha – suggère la présence d’un vaste sanctuaire de statut public, dont le contexte n’est là encore pas connu (sanctuaire isolé ou urbain ?). La description des mobiliers recueillis à l’occasion des fouilles (pratiquées au xixe siècle et au milieu du xxe siècle) suggère qu’une partie soit attribuée à l’âge du Fer, mais sans un rééxamen du corpus il n’est pas possible de trancher quant à l’origine du sanctuaire45. On notera également la présence sur la même commune, à environ 1 km au nord-est du temple, d’un étroit promontoire (environ 1,5 ha) barré par trois ensembles de talus et de fossés. Celui-ci a fait l’objet de fouilles par P. du Chatellier, à la fin du xixe siècle, qui dégagea de nombreux bâtiments, ainsi qu’un abondant mobilier, qui n’a pas été réétudié depuis. On suppose que plusieurs occupations se sont succédées de la Préhistoire au Moyen Âge, en passant par la Protohistoire (âge du Bronze ?), mais aucun indice ne permet actuellement de rattacher certains éléments à la fin de l’âge du Fer46. Finalement, la densité des vestiges mis au jour sur la commune de Cleden-Cap-Sizun évoque la présence d’occupations anciennes, qu’il reste à caractériser et à dater précisément.
57Pour résumer, trois agglomérations osismes certaines ou probables (Plounéventer, Quimper, Ploulec’h) sur quatre connaissent des antécédents laténiens correspondant à des habitats groupés certains ou supposés, ouverts ou fortifiés. Deux sites à vocation rituelle (Douarnenez et Saint-Jean-Trolimon) et peut-être trois (avec Cleden-Cap-Sizun), engendrent la mise en place de sanctuaires et peut-être d’habitats agglomérés. Et six autres potentielles villes n’ont livré aucun témoin laténien (Lannion, Brest, Landerneau, Morlaix, Pont-l’Abbé, Quimperlé).
58Enfin, on remarquera que le vaste “Camp d’Artus” à Huelgoat (30 ha), établi sur une hauteur en bordure des Monts d’Arrée, est distant de 17 km de la nouvelle capitale de la cité romaine des Osismes – correspondant à environ une journée de marche, puisque Carhaix (Vorgium) est situé à la limite du territoire théorique (25 km) de Huelgoat –, ce qui ne permet pas, au premier abord, d’établir un lien direct entre les populations qui vivaient à Huelgoat et celles qui viennent s’installer à Carhaix47. Néanmoins, l’emplacement choisi pour le nouveau chef-lieu bénéficie d’une meilleure accessibilité et d’une situation géographique centralisée48, ce qui justifierait, en partie, un éventuel déplacement sur une si longue distance de Huelgoat à Carhaix.
59La mise en évidence d’un réseau routier préromain autour du site de l’habitat aristocratique de Paule (22), dont l’un des tracés rejoint la future capitale pose la question du rôle du propriétaire ou de la famille propriétaire du domaine dans la réorganisation du réseau économique et administratif de la cité. En effet, la distance significative du plus imposant pôle laténien (le “Camp d’Artus”) vers une nouvelle position semble indiquer un changement (politique ?) important au début de notre ère, auquel certains aristocrates gaulois ont pu participer. Cette idée est d’autant plus séduisante que L. Fleuriot a mis en évidence la racine gauloise uergo de Vorgium, Vorganium49, dont la terminaison est latinisée. D’ailleurs, il faut rappeler que l’établissement de “Saint-Symphorien” à Paule est délaissé au changement d’ère. Faut-il y voir un déplacement de la famille qui y réside vers la nouvelle capitale de cité ? Il ne sera sans doute jamais possible de répondre définitivement à cette question, mais l’analyse spatiale des sites, leur analyse hiérarchique et l’évolution de leur connaissance et de celle des réseaux de communication apportent, tout de même, des pistes significatives.
Chez les Vénètes
60Le réseau urbain des Vénètes comprend cinq agglomérations romaines certaines (Bieuzy-les-Eaux/Melrand, Locmariaquer, Plaudren, Rieux, 56), avec le chef-lieu de Vannes. Un habitat groupé de La Tène finale pourrait être à l’origine du développement de la ville de Plaudren si l’on en croit l’ancienneté de la nécropole des “Grandes Routes”. En tout cas, la découverte d’un coin monétaire en bronze suggère l’existence d’un atelier de frappe, impliquant la présence d’une autorité, d’un pouvoir, en charge de l’émission et témoignant de l’importance des lieux avant la Conquête.
61Il faut également noter que la ville de Locmariaquer, qui ne livre pas d’antécédents préromains, est implantée à l’entrée du Golfe du Morbihan, qui est marqué par des occupations humaines dès l’âge du Fer et même dès le Néolithique, d’après les indices (de La Tène finale) mis en évidence sur la pointe de “Pen-Castel” et ceux, à vocation rituelle, découverts au contact du monument mégalithique préhistorique du “Petit Mont”. Bien qu’on ne puisse pas établir de lien évident entre Locmariaquer et l’habitat de Goulvars ou les occupations environnant l’éperon barré de “Beg-en-Aud”, il est possible que les nombreux habitats de la fin de l’âge du Fer, mis en évidence sur la presqu’île de Quiberon, aient été déplacés au changement d’ère sur le continent. Que les populations se soient installées dans un secteur plus facile d’accès et probablement plus propice au commerce, bénéficiant d’un accès direct au golfe, au littoral et à la rivière d’Auray, qui pénètre dans les terres. À Vannes, les vestiges laténiens mis en évidence sous le temple de Bilaire ne permettent pas à eux seuls de pouvoir envisager une origine gauloise à la capitale de cité (cf. annexe 38).
62Aucune occupation laténienne n’a été mise en évidence sous les trois agglomérations romaines potentielles (Allaire, Brech, Pluherlin, 56). La découverte d’un dépôt mixte à Brec’h ne suffit pas pour justifier une origine préromaine de l’agglomération, bien que l’assemblage de mobiliers suggère qu’il corresponde à un prélèvement de sanctuaire.
63En fin de compte seule une agglomération romaine (Plaudren) et peut-être deux sur huit (Locmariaquer ? Brech ?), se développerai(nt) sur des antécédents laténiens. En l’état actuel des données, une rupture assez nette apparaît entre le réseau d’habitat de La Tène finale et celui de l’Antiquité. Les données n’en demeurent pas pour autant figées, comme en témoigne le promontoire de Peaule qui livre quelques éléments de datation de La Tène finale, mais également de l’époque romaine.
Chez les Aulerques Diablintes
64La cité romaine des Aulerques Diablintes est équipée de deux agglomérations certaines, Entrammes et Jublains (53), à laquelle revient le statut de chef-lieu. Les origines laténiennes de ces deux villes ont déjà été largement discutées dans le chapitre précédent.
65Notons que la perduration de l’occupation à Jublains s’inscrit également dans un contexte religieux puisque des antécédents laténiens ont été mis en évidence sous le sanctuaire suburbain de la capitale de cité.
66Les communes d’Ernée et de Saulges (53) regroupent les indices de deux autres agglomérations (potentielles) qui ne sont actuellement associées à aucun vestige laténien.
Chez les Aulerques Cénomans
67L’évolution de l’organisation du territoire cénoman de La Tène à l’époque romaine, développée dans une contribution au colloque de l’AFEAF, organisé à Amiens en 2014, sera ici plus brièvement présentée50.
68Le réseau urbain de la cité cénomane regroupe, à l’époque romaine, quatre agglomérations certaines (Oisseau-le-Petit, Allonnes, Duneau et Vaas, 72), auxquelles on peut ajouter le chef-lieu, Le Mans (72). Seule Vaas n’a livré aucun vestige de La Tène finale. Toutefois, des prospections aériennes réalisées au-dessus de la ville romaine, ont récemment livré de nombreux indices de vestiges fossoyés qui suggèrent l’existence d’antécédents de l’âge du Fer (information orale G. Leroux). Il faut ajouter, cinq agglomérations potentielles qui apparaissent vraisemblablement ex nihilo (Rouez, Neuvy-en-Champagne, Trangé, Vivoin, Sablé-sur-Sarthe 72), une sixième, de nature incertaine et localisée à Aubigné-Racan (72), se distingue par d’importants antécédents protohistoriques. Précisons que l’existence de l’agglomération romaine de Vivoin repose sur la découverte d’une nécropole, datée de la seconde moitié du ier siècle au début du iiie siècle, dans l’environnement de laquelle une concentration d’établissements ruraux et plus généralement d’habitats isolés de La Tène finale ont été identifiés51. L’ampleur des vestiges romains suggère – la nécropole est considérée comme la plus vaste aire funéraire rurale de Bretagne et de Pays de la Loire52 – un espace funéraire dépassant le simple cadre d’une villa ou d’un hameau de fermes. On peut alors envisager qu’une population rurale installée depuis, au moins, la fin de l’âge du Fer ait donné naissance à un petit centre urbain après le changement d’ère.
69Voyons de plus près quels antécédents précèdent le développement des centres urbains romains évoqués. Les vestiges d’Oisseau-le-Petit, mis en évidence aux “Noirâs” et à l’occasion de prospections pédestres et aériennes, ont été interprétés comme les indices d’une agglomération laténienne probable (cf. annexe 41). Celle-ci pourrait d’ailleurs intégrer des espaces rituels sous-entendus par des indices mobiliers et immobiliers (enclos repérés en prospection aérienne) rassemblés à proximité immédiate de plusieurs temples romains.
70Au Mans, les témoins d’activités rituelles53 et artisanale (four de potier) de La Tène finale, identifiés en périphérie du centre urbain antique, ne suffisent actuellement pas pour assurer la présence d’un habitat groupé laténien, mais relancent un vieux débat portant sur l’existence d’un oppidum sur la “butte du Vieux-Mans”54. En tout cas, au sud-ouest de la ville du Mans, se développe à Allonnes un important espace cultuel romain d’origine gauloise. Il est installé sur une éminence, la “butte des Fondues”, qui surplombe l’agglomération secondaire à laquelle il est associé. Dans l’emprise de la ville romaine, qui couvre une cinquantaine d’hectares, une occupation difficile à caractériser, de la fin de La Tène, est avérée par des découvertes anciennes (monnaies gauloises). Au-delà de l’emprise présumée de la ville antique, le Centre Allonnais de Prospection et de Recherches Archéologiques (CAPRA) a recueilli des fragments d’amphores italiques et de céramiques au lieu-dit La Filletière (fig. 172). Des perles en verre (laténiennes) ont également été ramassées sur la même parcelle (information écrite de V. Bernollin). Ces vestiges pourraient être associés à un indice de nécropole gauloise55. Aussi, un récent article sur Allonnes, qui mentionne la découverte de mobilier céramique indiquant une occupation de La Tène C1, suppose la présence d’une agglomération protohistorique56. Ces vestiges, en particulier la céramique et les perles, mériteraient d’être réexaminés, précisément datés, quantifiés et localisés afin de pouvoir appuyer cette hypothèse. Ajoutons pour finir, la présence de plusieurs enclos sur la commune, dont quatre ont fait l’objet d’une opération archéologique et qui attestent d’une occupation rurale dans les alentours de la butte durant la fin de l’âge du Fer. Trois, localisés à environ 2 km au sud-ouest de la “butte des Fondues” sur la “ZAC du Monné”, sont interprétés comme des établissements agricoles de La Tène finale ou comme un enclos à vocation agricole pour l’un d’eux57. Un quatrième, repéré par prospection aérienne au lieu-dit “Le Grand Chêne”, à environ 1 km à l’ouest du sanctuaire, a livré du mobilier de La Tène D1 à l’occasion de sondages58.
Fig. 172. Environnement archéologique du sanctuaire laténien de “la Tour aux fées” à Allonnes dans la Sarthe (réal. J. Remy, d’après Bernier 1998).

71À l’est de la cité, rappelons que l’enceinte non datée de Duneau semble avoir accueili un habitat groupé – une zone d’activité artisanale a été identifié et l’on présume l’existence d’un atelier de production de fibule59.
72Enfin, il faut revenir sur le centre urbain de Vaas (qui pourrait connaître des antécédents laténiens d’après des observations aériennes), puisque celui-ci est localisé à environ 6 km de distance d’un important complexe monumental implanté à Aubigné-Racan – qui comprend un théâtre, un temple, des thermes publics et ce qui pourrait correspondre à une place-marché –, et qui est daté entre le dernier quart du ier s. a.C. et le milieu du iie siècle. En l’état actuel des données, il n’est pas possible d’affirmer si ce complexe fonctionnait avec l’agglomération de Vaas ou s’il appartenait à une agglomération se développant dans la plaine alluviale. En tout cas, aucun indice sérieux ne permet actuellement d’affirmer la présence d’une agglomération laténienne de plaine à Aubigné-Racan, mais une succession d’indices d’activités funéraires et cultuelles, en contrebas du petit site fortifié de la “Butte de Vaux”, s’étalant du Bronze final à l’époque romaine, suggèrerait la présence d’un lieu à forte symbolique religieuse qui se perpétue depuis la Protohistoire, jusque dans le courant du Haut-Empire romain (cf. annexe 34).
73Finalement, sur les cinq agglomérations romaines certaines recensées (Le Mans, Oisseau-le-Petit, Allonnes, Duneau, Vaas), toutes livrent des vestiges de La Tène finale. Ces antécédents laténiens ne sont pas toujours bien caractérisés, mais on notera qu’ils ne correspondent a priori pas systématiquement à des indices d’habitats groupés. La présence de sanctuaires, du moins de lieux à vocation religieuse, semble avoir joué un rôle dans l’implantation de certaines villes romaines. À ce propos, on remarquera que le chef-lieu des Cénomans est localisé à égale distance à vol d’oiseau (soit environ 4,5 km) de deux sanctuaires laténiens, qui perdurent au moins jusqu’au Haut-Empire : Allonnes et Neuville-sur-Sarthe (cf. annexe 34).
Chez les Andécaves
74La cité romaine des Andécaves compte cinq villes certaines (Andard, Chênehutte, Gennes-sur-Loire, Sainte-Gemmes-sur-Loire, 49), dont Angers, le chef-lieu. Ce dernier succède à une agglomération gauloise probablement fortifiée, tandis que l’agglomération romaine de Chênehutte se développe au-delà d’un rempart qui barre un promontoire occupé dès l’âge du Bronze, mais également à la fin de La Tène finale. Sous l’agglomération romaine d’Andard, d’importants vestiges de La Tène finale, au moins en partie de nature cultuelle, ont été appréhendés en plusieurs points de la commune (cf. annexe 35). Par ailleurs, aucun antécédent gaulois n’est connu sous la ville de Gennes-sur-Loire. Enfin, le plateau de Sainte-Gemmes-sur-Loire, formé de la confluence de la Maine et de la Loire, est fermé au nord par une crête rocheuse de schistes ordoviciens, limitant un espace de 360 ha. Celle-ci est renforcée par la présence d’un talus rectiligne doublé d’un fossé, qui a alimenté et alimente encore l’hypothèse d’un site fortifié gaulois. Or, la nature défensive de cet ouvrage n’est pas admise et a même été mise en doute par J.-P. Bouvet à la fin des années 1980. En effet, l’observation stratigraphique de deux coupes pratiquées en deux points disjoints suggère à l’archéologue qu’il s’agit plus vraisemblablement des vestiges d’une ancienne carrière d’extraction de schiste60. Une occupation gauloise est tout de même supposée du fait de la découverte de onze monnaies gauloises, parmi lesquelles on dénombre quatre deniers attribués à La Tène finale, provenant du lieu-dit “les Châteliers” au centre de l’éperon61. Dix monnaies en bronze namnètes du type du “génie hippophore” ont également été mises au jour dans les environs62. S’ajoute à ce corpus provenant de Sainte-Gemmes-sur-Loire, du mobilier métallique principalement attribué au premier âge du Fer : un protomé de griffon (origine grecque ou italo-étrusque) et une palmette (étrusque) en bronze, une applique d’anse de chaudron (daté du ive s. a.C.) et une fibule “à masque” à tête d’oiseau stylisé63. Cette agglomération antique n’est donc pas dépourvue d’antécédents, néanmoins il est actuellement impossible d’en définir sa nature et son cadre chronologique.
75Parmi les trois autres villes andécaves “potentielles recensées” (Beaufort-en-Vallée, Châtelais, Chavagnes-les-Eaux), deux connaissent des antécédents laténiens. La troisième, Chavagnes-les-Eaux, correspond plus certainement à un léger déplacement puisque l’habitat groupé des Alleuds est distant de seulement 2 km (cf. supra chap. II, p. 196). Il faut dorénavant ajouter l’agglomération laténienne d’Allonnes mise au jour en 2019. Sur la zone de 1,5 ha appréhendée par la fouille préventive, l’occupation n’est pas totalement abandonnée au changement d’ère, puisqu’un sanctuaire gaulois est restructuré dans le courant du ier s. p.C. Les activités votives, qui y sont pratiquées, perdureront jusqu’au ive siècle. Si aucune agglomération romaine n’est actuellement identifiée à l’emplacement de la fouille réalisée au lieu-dit du “tertre”, quelques découvertes signalées, dans les années 1980, plus au sud, au niveau du bourg actuel permettent de supposer un léger déplacement de l’habitat de moins d’un kilomètre.
76Finalement, sept agglomérations certaines (Angers, Andard, Chênehutte) ou potentielles (Beaufort-en-Vallée, Châtelais, Allonnes) sur neuf et peut-être huit (Ste-Gemmes-sur-Loire) connaissent des antécédents laténiens. On observe donc une forte corrélation entre les principaux pôles d’occupations laténiens et le réseau urbain romain.
Chez les Namnètes
77Si la Loire marque incontestablement la limite méridionale de la cité Namnète au Haut-Empire, on a vu combien la situation est moins évidente à la fin de l’âge du Fer. Par conséquent et pour faciliter la présentation des antécédents, on retiendra ici le cadre administratif de l’époque romaine.
78La cité des Namnètes compte donc quatre agglomérations secondaires romaines certaines (Blain, Mauves-sur-Loire, Fégréac en Loire-Atlantique et Athée en Mayenne), qui connaissent, pour deux d’entre elles, des antécédents à La Tène finale encore mal caractérisés. Pour rappel, on soupçonne l’existence d’un habitat groupé à Blain, tandis que le sanctuaire de Mauves-sur-Loire a livré des vestiges de La Tène ancienne, mais surtout de La Tène finale.
79Notons que les fouilles – pratiquées au xixe siècle – du temple antique des “provenchères” à Athée ont livré trois statères d’or gaulois mêlés à des monnaies romaines64. Étant donné la faible représentation des numéraires gaulois et parce que celles-ci peuvent circuler jusque dans les années 40 p.C., leur seule présence ne constitue néanmoins pas une preuve de l’existence d’une occupation de la fin de l’âge du Fer à Athée.
80L’agglomération potentielle de “Beaulieu” à Guérande (44) a, quant à elle, révélé une forte occupation de La Tène finale, encore difficile à caractériser. Les vestiges mis au jour sous l’emprise de la probable ville romaine, pourraient correspondre à un habitat groupé de 4 ha à 7 ha de La Tène finale, autour duquel gravitent des établissements ruraux, un enclos à fonction artisanal (artisanat du sel) et d’autres vestiges d’habitats ouverts. Deux autres agglomérations – Petit-Mars (44) et les “Clis” à Guérande –, de nature moins certaine, ne sont a priori pas antérieures à l’époque romaine.
81Les antécédents laténiens de Nantes (Condevicnum), chef-lieu de cité, sont principalement représentés par l’habitat aristocratique du “Bois Hue”, daté de La Tène finale et installé à proximité du cours de l’Erdre, à plus de 5 km au nord-est de la ville antique (cf. annexe 29). Étant donné la superficie relativement modeste de cet établissement, on peut difficilement envisager qu’il ait donné naissance à une agglomération à l’époque romaine. Toutefois, celle-ci mérite qu’on s’y attarde puisque L. Maître y voyait l’emplacement d’un oppidum, du fait de sa situation topographique avantageuse65. En effet, la ville antique est installée en fond d’estuaire, sur un promontoire, peu élevé, formé de la confluence de la Loire et de son affluent l’Erdre. Plusieurs monnaies gauloises sont recensées comme provenant du centre historique de Nantes, mais une seule est véritablement localisée, au Port-Maillard, c’est-à-dire dans les environs de l’actuelle place des Jacobins (fig. 173)6667.
Fig. 173. Localisation de l’enceinte de l’Antiquité tardive de Condevicnum sur fond topographique. Et représentation de la Loire à la fin du ier et début du iie âge du Fer en fonction des données géomorphologiques (DAO J. Remy, d’après Arthuis 2020 : 60, fig. 3).

82De plus, dans le cadre de ce travail de recherche, une enquête a été réalisée afin de recenser tous les mobiliers de l’âge du Fer trouvés en Loire, notamment ceux ramassés à l’occasion de dragages68. Pour la fin de La Tène, aucun mobilier inédit n’a été mis en évidence à hauteur de Nantes. Seules une épée en fer et une partie de fourreau, datées de La Tène C2, sont renseignées69. Les mobiliers de la fin de l’âge du Fer sont donc peu nombreux et l’incertitude quant aux origines gauloises de Condevicnum, encore alimenté au milieu du xxe siècle par P. Jeulin70, trouvait encore récemment peu de contradictions, tant l’archéologie préventive a eu de peine à s’imposer à Nantes71. La création d’un service municipal d’archéologie, en 2009, a donné lieu à une synthèse sur l’histoire urbaine de la ville, qui devrait aboutir à une publication72. Elle offre surtout un nouvel élan à la recherche et un renouvellement des connaissances archéologiques de la ville. Ainsi, la mise en évidence d’un paléosol remanié romain, à l’occasion de plusieurs interventions au nord et au centre de l’enceinte du Bas-Empire, permet d’ores et déjà d’écarter l’hypothèse d’une origine préromaine dans ces secteurs (fig. 174), c’est-à-dire au niveau de l’Hôtel de Ville73, dans la rue des Cordeliers74, 4 ter place Dumoustier75, rue Ogée76, au niveau de l’école des Beaux-Arts77 et 15 rue de Strasbourg (après 2009, observation de C. Le Boulaire).
Fig. 174. Localisation des points d’observation du paléosol remanié romain à l’intérieur de l’enceinte de l’Antiquité tardive de Nantes, sous fond de cadastre actuel : 1/ Hôtel de Ville ; 2/ rue des Cordeliers ; 3/ 4ter place Dumoustier ; 4/ rue Ogée ; 5/ École des Beaux-Arts ; 6/ 15 rue de Strasbourg (réal. C. Le Boulaire, DPARC, DAO J. Remy).

83Sur la rive opposée de l’Erdre, se développe un autre promontoire, limité au sud par la Loire et à l’ouest par la rivière de la Chézine. Ce plateau, qui s’élève d’une quarantaine de mètres au-dessus du fleuve, reste encore à ce jour largement méconnu, bien que densément bâti. Effectivement, il n’est pas impossible que certains secteurs aient échappé à la vigilance des érudits locaux, d’ailleurs, en 2011, M. Monteil déclarait que Nantes constituait l’une “des villes d’origine ancienne parmi les moins bien connues de France”78. En définitive, les premiers indices d’occupations du centre historique de Nantes remontent au plus tôt au début du ier siècle, autour de 20/40 p.C.79
84Finalement, la continuité entre la fin de l’âge du Fer et l’époque romaine est relativement peu marquée chez les Namnètes. Seules deux villes antiques, certaine (Mauves-sur-Loire) ou probable (“Beaulieu” à Guérande), sur huit connaissent des antécédents laténiens, appréhendés de manière trop partielle pour pouvoir être définitivement interprétés.
Chez les Pictons (au nord-ouest du territoire)
85Au sud de la Loire, les agglomérations romaines recensées connaissent rarement des antécédents gaulois. Quatre agglomérations certaines sont connues au nord-ouest de la cité pictonnes : Le Fief-Sauvin, Rezé (qui fait face à la capitale Namnète), Mazières-en-Mauges (44) et Saint-Just-sur-Dive (49). Si l’on présume l’existence d’un habitat groupé au Fief-Sauvin, les trois autres sites n’ont livré aucun vestige laténien. Notons seulement qu’autour de la ville antique de Rezé le paysage rural protohistorique est, depuis peu, mieux perçu, avec notamment la mise au jour à “La Jaguère” d’un établissement de La Tène finale80.
86Sur les cinq centres urbains antiques supposés81, seul celui des Moutiers-en-Retz a livré une occupation de la fin de l’âge du Fer. En effet, cette commune semble avoir accueilli un vaste complexe artisanal puisque des activités salicoles, ont été reconnues au “Moulin des Courtes” (datées des iiie et iie s. a.C.), mais également à 800 m de distance, au lieu-dit “les Noés”, où un four daté des environs de 100 a.C. a été fouillé82. Il est probable que ces activités soient associées à une occupation domestique, dont la nature reste à définir. Il pourrait s’agir de petits habitats ruraux enclos, à moins que les réseaux de fossés appréhendés en fouille sur les sites salicoles du Pays de Retz correspondent plutôt à des systèmes de canaux de pré-évaporation de la saumure comme l’a proposé O. Weller83 ? En l’état actuel des données, il est donc difficile d’envisager la présence d’un habitat groupé laténien aux Moutiers-en-Retz.
87Pour conclure, une agglomération romaine (Le Fief-Sauvin) sur les neuf recensées au nord-ouest du territoire picton se développe sur des antécédents laténiens. Une autre (Les Moutiers-en-Retz), pour laquelle le statut n’est pas assuré, est occupée à la fin de La Tène, mais sans doute pas sous la forme d’un habitat groupé.
Les rythmes de l’occupation : quelles conclusions ?
88À l’échelle de l’ensemble de la zone d’étude, le bilan des agglomérations romaines – 86 recensées – qui connaissent des antécédents laténiens est assez faible. Seulement 26 sites, soit 30 %, se développent sur un substrat laténien, parmi lesquels 9 sont de nature mal définie et 4 correspondent à de légers déplacements de l’habitat (fig. 171). Néanmoins, on remarque de fortes disparités d’une cité à l’autre. Ainsi, le territoire des Andécaves est celui qui s’inscrit le plus dans la continuité avec la fin de l’âge du Fer, suivi de ceux des Diablintes et des Cénomans. Pour prendre le problème dans l’autre sens et si l’on se fie aux données actuelles, les territoires andécave, cénoman et coriosolite sont les seuls à ne connaître aucun habitat groupé laténien qui soit abandonné au Haut-Empire. On remarque donc également une certaine continuité entre l’âge du Fer et l’époque romaine pour le territoire coriosolite.
89L’important décalage, sur le territoire riedone, entre le nombre d’habitat(s) aggloméré(s) de la fin de l’âge du Fer et celui de l’époque romaine permet à nouveau de souligner l’important vide archéologique dans cette zone – correspondant approximativement à l’actuel département d’Ille-et-Vilaine – pour la fin de La Tène, qui, rappelons-le, ne trouve pas de raisons environnementales ou topographiques. On ne peut que conclure à un biais de la recherche, bien que la moitié méridionale de cette cité soit largement couverte par l’activité préventive, qui a d’ailleurs permis la mise au jour de nombreux établissements ruraux (cf. supra chap. III, p. 232 et 239).
90Ce bilan sur l’évolution chronologique des habitats groupés du nord-ouest de la Gaule doit être nuancé par la qualité très disparate de la documentation, tant pour La Tène finale – qui a été maintes fois évoquée – que pour la période romaine. De fait, certaines agglomérations romaines qualifiées de potentielles sont mal documentées et parfois renseignées presque uniquement par de la prospection, comme l’a souligné M. Monteil84. Ces sites sont particulièrement nombreux chez les Riedones et les Coriosolites, ce qui implique inévitablement des conséquences sur la connaissance de leurs antécédents. Cette remarque pourrait expliquer, au moins en partie, l’absence d’habitats groupés en Ille-et-Vilaine.
91À l’issue de son analyse, M. Monteil a procédé à une hiérarchisation des agglomérations secondaires de l’ouest de la Lyonnaise romaine sur la base de critères qualitatifs85 auxquels sont attribués des points. Les antécédents sont pris en compte par cette méthode, mais ce critère est largement compensé par d’autres. Quatre classes sont ainsi définies et quinze sites sont finalement exclus du classement, car trop mal documentés. Si l’on ne retient que les deux premières classes qui réunissent les vingt-sept agglomérations au sommet de la hiérarchie, qualifiées pour la plupart de certaines ou probables et auxquelles on ajoute les huit chefs-lieux, on obtient alors une proportion plus importante de vingt ou vingt-et-une agglomérations sur trente-cinq qui disposent d’antécédents laténiens (clairs ou mal définis), soit environ 60 %.
92Ces questions de rupture et de continuité au changement d’ère apparaissent donc largement tributaires de l’état des connaissances. Mais, quoi qu’il en soit, la péninsule bretonne, mis à part la zone littorale, présente une plus forte concentration d’agglomérations romaines a priori créées ex nihilo. On est alors en mesure de se demander si l’administration de territoires pour lesquels l’occupation s’est principalement polarisée autour des principaux axes fluvio-maritimes avant la Conquête (cf. supra, chap. III, p. 272 et 282), n’a pas entraîné une réorganisation et une densification du réseau viaire terrestre, engendrant ainsi de nouvelles agglomérations secondaires, voire un léger déplacement des centres (fig. 175).
Fig. 175. Carte des agglomérations secondaires romaines du quart N-O de la Gaule et de leurs antécédents, confrontés au réseau routier terrestre antique et préromain – pour les numéros de sites se référer au tableau, fig. 170 (réal. J. Remy, d’après Monteil 2012, 123, fig. 96).

93De fait, pour la région Aquitaine, F. Tassaux et A. Bouet n’ont pas constaté de rupture évidente entre la période gauloise et l’Empire pour les habitats groupés. Cependant trois quarts des agglomérations secondaires n’ont pas d’antécédents gaulois, ce qu’ils expliquent par la mise en place du réseau routier par Agrippa et Auguste. En effet, la majorité de celles créées “au début de l’Empire ont des fonctions routières”86. Ils en concluent que la transformation de la trame urbaine et la densification du réseau ne sont pas “tant due à la conquête césarienne qu’à la création de la nouvelle province, imposant un chef-lieu à la tête de chaque civitas et à l’organisation d’un réseau routier hiérarchisé”87.
94Ces modifications du réseau viaire semblent effectivement constituer un facteur important dans le déplacement de certains pôles comme le rappelle M. Reddé en retenant l’exemple des Éduens88.
95Dans le quart nord-ouest de la Gaule, plusieurs agglomérations potentielles, a priori créées ex nihilo, sont localisées sur le tracé de grands axes de communication, entre Carhaix et Rennes par exemple : Breteil (n° 5 sur la carte), Pacé (n° 7), Iffendic (n° 21) et Merdrignac (n° 18), située au croisement d’une autre voie qui bifurque en direction de Saint-Brieuc (n° 20). Chez les Namnètes, l’agglomération potentielle de Petit-Mars (n° 69) est implantée sur l’axe Blain (n° 65) /Mauves-sur-Loire (n° 66). Les exemples sont multiples, toutefois, les données sur ces agglomérations, souvent qualifiées de potentielles, sont trop lacunaires pour que l’on puisse statuer de leurs fonctions.
96Enfin, la confrontation avec le réseau urbain romain permet d’intégrer à l’analyse spatiale initiée plus haut, quelques sites supplémentaires pour lesquels l’occupation sur le long terme révèle l’importance des lieux pour les populations et suggère, quand ce n’est démontré que pour l’Antiquité, une importante concentration d’activités et de population : à Andard (49) chez les Andécaves, à Douarnenez (29), à Saint-Jean-Trolimon (29) chez les Osismes, à Allonnes, à Aubigné-Racan et peut-être au Mans (72) chez les Cénomans. En effet, le développement d’une agglomération ou d’un grand sanctuaire à la période augustéenne sur ces sites – qui ont livré les indices d’une occupation à La Tène finale, avec pour certains une activité rituelle assurée – rend crédible l’idée selon laquelle ils constituent d’importants pôles d’activités à la fin du second âge du Fer, ou du moins, des marqueurs forts de l’espace ayant pu intervenir dans la structuration des territoires avant le développement de l’armature urbaine à l’époque romaine.
97Le réseau complémentaire des agglomérations fortifiées de rang supérieur et des agglomérations laténiennes non fortifiées (certaines, probables et potentielles), – décrit précédemment – peut donc être augmenté de ces quelques sites, auxquels on propose d’ajouter Comblessac. La datation de la fortification n’est certes pas confirmée, mais son origine gauloise est fortement présumée, du fait de la morphologie du site et du développement d’une agglomération certaine à l’époque romaine, qui est d’ailleurs principalement documentée par des campagnes de prospection89. L’emplacement de cette agglomération fortifiée laténienne potentielle permet de combler une large portion méridionale du territoire coriosolite, qui était, jusqu’ici totalement délaissée par le réseau mis en évidence. Les sites d’Allonnes et d’Aubigné-Racan chez les Cénomans comblent aussi de larges zones vides et offrent une trame plus consistante de ce territoire pour la fin de l’âge du Fer.
98Au contraire, le site de Rosporden, qui a pourtant livré des vestiges de l’âge du Fer sous un sanctuaire romain, n’a pas été retenu pour l’analyse. En effet, la nature de l’occupation laténienne n’est pas clairement établie (habitat rural isolé ou sanctuaire ?) et le contexte urbain du sanctuaire romain n’est pas établi, si bien qu’il pourrait tout autant correspondre à l’espace cultuel d’une villa90.
L’organisation interne des civitates
Les polygones de Thiessen : quelle application pour le quart nord-ouest de la Gaule ?
99L’intérêt des polygones de Thiessen est de pouvoir offrir une image du découpage interne des civitates. Traditionnellement cette méthode est appliquée aux oppida plus nombreux d’autres régions, telles que le nord-est ou le centre de la Gaule91. Chez les Bituriges, par exemple, l’apparition d’une série d’oppida au début de La Tène finale, installée à distance régulière (entre 50 et 60 km) “résulte de la volonté de contrôler l’ensemble du territoire de manière égale en établissant un maillage hiérarchisé”92. En effet, rappelons que l’une des principales contraintes de cette méthode réside dans l’utilisation de sites de même statut, qui jouent théoriquement un rôle identique au sein du territoire. En pratique, la réalité apparaît bien plus contrastée à l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule et parfois au sein même d’un territoire. Certains territoires s’organisent vraisemblablement autour d’un93 ou de deux pôles94, que nous avons choisi de désigner d’agglomérations fortifiées de rang supérieur (au détriment d’oppidum). Aucune agglomération fortifiée de rang supérieur n’est clairement identifiée chez les Cénomans, celle reconnue chez les Vénètes est installée à la frontière avec les Namnètes, tout comme celle de Châtelais qui est localisée à l’extrémité nord-orientale du territoire namnète. Les agglomérations fortifiées de rang supérieur sont donc peu représentées au sein de la zone concernée, c’est pourquoi on peut se demander si de plus petites agglomérations fortifiées et certains habitats groupés ouverts n’ont pas pu exercer un rôle polarisant équivalent. Les lacunes de la documentation constituent alors un frein important à cette démarche, que la confrontation des données avec le réseau d’agglomérations antiques a eu pour vocation de dépasser quelque peu.
100Les polygones sont donc réalisés à partir des différentes agglomérations fortifiées de rang supérieur et des habitats groupés qu’ils soient certains, probables ou potentiels, sélectionnés tout au long de l’analyse. Avant de commenter les résultats de la carte obtenue, quelques précisions doivent être apportées quant au choix des sites.
101Chez les Cénomans, l’agglomération potentielle de Duneau a été retenue ainsi que le couple constitué du petit éperon barré de Gesnes-le-Gandelin et de l’agglomération probable d’Oisseau-le-Petit. À ces deux sites, s’ajoute un autre complexe à l’extrémité méridionale du territoire, qui tient compte à la fois du site potentiel de Vaas, du promontoire fortifié d’Aubigné-Racan et de l’occupation de plaine à vocation rituelle identifiée dans le contrebas. Enfin, au centre de la civitates, seul le sanctuaire d’Allonnes sera retenu95, les antécédents de la capitale romaine du Mans étant encore trop mal perçus.
102Concernant la civitates des Diablintes et comme cela a déjà été exprimé précédemment, on propose d’envisager le couple Jublains/Moulay comme des centres complémentaires et donc une seule entité sera retenue pour la réalisation des polygones de Thiessen.
103Chez les Vénètes, la presqu’île de Quiberon est occupée par l’impressionnante fortification de “Beg-en-Aud”, dont l’ampleur de l’architecture trahit l’implication d’une autorité ou d’un pouvoir à l’origine de sa mise œuvre. Au sud de la presqu’île, un habitat groupé a été mis en évidence à “Goulvars”, tandis que d’autres se répartissent très certainement entre ces deux sites. Par conséquent et dans la perspective de cet exercice, la presqu’île est envisagée comme un seul centre. De même, le développement successif du site du “Clos des Primevères” et de celui du “Port du Salut” à Entrammes permet de ne retenir qu’un site.
104Chez les Namnètes, le promontoire de “Penchâteau” au Pouliguen (44) constitue un point fortifié sur l’océan Atlantique, non loin de l’estuaire de la Loire, distant d’environ 6 km, soit l’équivalent d’un peu plus d’une heure de marche de la commune de Guérande, où l’on soupçonne l’existence d’un habitat groupé à La Tène finale. Quelles que soient les fonctions remplies par ces sites, il est probable qu’ils aient fonctionné conjointement, c’est pourquoi on ne retiendra ici que la position de Guérande, qui voit d’ailleurs et sans doute le développement d’une agglomération secondaire à l’époque romaine.
105Afin de fermer les polygones de Thiessen les principaux sites fortifiés et agglomérations des territoires limitrophes ont été mis à contribution (fig. 176). Au nord, pour les cités des Abrincates et des Ésuviens trois sites peuvent être ajoutés, d’après les travaux de P. Giraud et de C. Marcigny : l’oppidum du Petit Celland (La Manche) d’une part et les sites fortifiés d’Exmes et de La Courbe dans l’Orne96. Tous les autres territoires sont renseignés d’après le récent tour d’horizon des peuples gaulois proposé par S. Fichtl, mais également par la contribution au colloque de Chauvigny sur les habitats fortifiés du Centre-ouest de la France97 : les oppida de Chartres, de Châteaudun (Eure-et-Loir) et d’Orléans (Loiret) pour les Carnutes, ceux d’Amboise, des Fondettes, de Rochecorbon et de Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire) pour les Turons, l’oppidum de Poitiers, l’agglomération fortifiée de Béruges et l’habitat ouvert du Vieux-Poitiers (Vienne) pour les Pictons.
Fig. 176. Liste des “sites centraux” retenus pour l’analyse des territoires du quart N-O de la Gaule via la méthode des polygones de Thiessen (réal. J. Remy).

Les premiers résultats et les limites de la méthode
106De manière générale, les polygones obtenus concordent assez mal avec les limites de cités principalement établies sur la base des contours de diocèses médiévaux, mis à part pour le territoire Diablintes (fig. 177). Le découpage théorique obtenu pour le sud du territoire osisme suit relativement bien le contour des cités, malgré le déséquilibre apparent dans la répartition des sites vénètes, installés au centre et au sud du territoire. Le même constat peut être fait pour le nord du territoire riedone, mais d’autres secteurs posent problème.
Fig. 177. Carte générale représentant l’ensemble des sites utilisés pour la réalisation des polygones de Thiessen (réal. J. Remy).

107L’absence de “site central” au sud de la Vilaine chez les Riedones, a pour conséquence d’abandonner ce secteur aux polygones de Comblessac (35), Châtelais (49) et d’Entrammes (53). Aussi, le polygone de Trégueux (22) englobe la partie nord-orientale du territoire osisme, du fait de sa proximité avec la frontière entre les deux peuples et de l’absence d’un “site central” à l’est de la cité osisme. De même, le polygone de Peaule (56) est à cheval entre les territoires namnètes et vénètes, malgré la présence de Guérande et de Blain (44) plus au sud. Chez les Andécaves, les polygones soulignent un déséquilibre du fait d’une attraction particulière de la Loire. Les zones nord-ouest et nord-est non couvertes par les polygones des trois agglomérations installées sur la rive droite du fleuve, le sont par les sites frontaliers de Châtelais (49) et d’Aubigné-Racan (72).
108Tout le sud de la zone d’étude apparaît perturbé par un important vide documentaire qui occupe le sud de l’actuel département du Maine-et-Loire et du nord des départements de Vendée et des Deux-Sèvres. Par conséquent, les polygones d’Apremont (85), du Fief-Sauvin, des Alleuds et de Chênehutte (49) sont particulièrement distendus.
109Par ailleurs, le polygone de Châtelais, qui occupe une position isolée, aux confins du territoire Andécave ou Namnète, couvre la zone attribuée à l’extrémité nord-est du territoire Namnète, particulièrement intéressant pour ces ressources aurifères (la région des Miaules et l’axe aurifère Anjou-Vay). Les recherches menées par J.-C. Meuret, dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur la marche Anjou-Bretagne, l’a conduit à interpréter la région du craonnais – la commune de Craon est située à environ 8 km au nord de Châtelais – comme un ancien pagus rattaché au territoire Namnète :
“En raison de son poids stratégique, une telle entité minière ne peut avoir laissé les cités gauloises indifférentes, peut-être même suscita-t-elle des conflits frontaliers. Aussi est-il tentant d’expliquer l’excroissance craonnaise du territoire namnète vers le nord-est, par la volonté de cette cité de contrôler tout le gisement98.”
110Précisons que le rattachement de cette région à la cité des Namnètes par J.-C. Meuret s’appuie ici sur des arguments numismatiques et toponymiques sérieux99. Les contours du polygone de Châtelais vont dans le sens de cette proposition, bien que l’on ne puisse amener ici aucun argument tangible supplémentaire. Néanmoins, ces remarques permettent de proposer un rattachement de Châtelais au territoire namnète et non plus aux Andécaves comme cela a été fait dans le chapitre précédent.
111Au sud de la Loire, le polygone du Fief-Sauvin contrôle toute une portion du cours du fleuve, entre la limite de la cité andécave et jusqu’au fond d’estuaire, approximativement à hauteur de Nantes. Le polygone de “l’oppidum de Vue” prend ensuite le relais, “maîtrisant” l’estuaire jusqu’à son embouchure.
112En fin de compte, l’exercice n’est pas inintéressant puisqu’il met en exergue les disparités régionales, déjà discutées, dont on peut supposer qu’elles reflètent au moins partiellement une réalité. Ainsi, l’organisation des territoires apparaît particulièrement conditionnée par le réseau hydrographique. Ces observations ont déjà été maintes fois développées, cependant deux exemples plus particuliers peuvent être rappelés. Chez les Diablintes, les polygones mettent clairement en évidence le contrôle des deux “sites centraux” sur La Mayenne (Entrammes et Moulay), qui se partagent une bonne partie de son cours.
113Comme chez les Turons, on observe une multiplication des pôles le long de la Loire chez les Andécaves100. Cette situation contraste d’ailleurs avec le ou les territoires plus occidentaux puisque seuls deux sites semblent contrôler le cours du fleuve dont l’un, le Fief-Sauvin, en est distant de plus de 15 km. Il faut certainement y voir, là encore, un biais de la recherche. D’ailleurs, rappelons qu’à Mauves-sur-Loire, une occupation laténienne a été mise en évidence sous un temple romain appartenant à l’agglomération secondaire. La nature de l’occupation et son étendue sont trop incertaines, c’est pourquoi il n’a pas été pris en compte dans l’analyse. Toutefois, il est intéressant de voir l’influence de son intégration à l’exercice sur les premiers résultats obtenus101 (fig. 178). À Bouguenais (44), en aval de Nantes, l’éperon de “La Sangle”, fortifié au premier âge du Fer, a également livré des niveaux datés de La Tène finale qui ne suffisent pas encore à caractériser la nature de l’occupation (cf. annexe 9).
Fig. 178. Les polygones de Thiessen des territoires du quart N-O de la Gaule. Pour les noms des sites, se référer au tableau, fig. 176 (réal. J. Remy).

114Finalement, l’enseignement principal que l’on puisse tirer de l’application de cette méthode au quart nord-ouest de la Gaule concerne – une nouvelle fois – le manque d’exhaustivité du corpus. Le déséquilibre observé pour le sud du territoire riedone, par exemple, suggère l’existence d’un ou de deux autres “sites centraux” non encore reconnus. D’ailleurs, des inscriptions sur des bases de statues, datées du iie s. p.C. et en réemploi dans le soubassement du rempart du iiie siècle de Rennes, livrent des informations sur l’organisation politique de la cité des Riedones, indiquant la présence d’au moins trois pagi dont les origines pourraient être plus anciennes102.
115Ce constat sur l’exhaustivité du corpus appelle à développer des programmes d’études sur l’âge du Fer, ayant pour objectif l’acquisition de données archéologiques nouvelles, en particulier pour les secteurs les moins biens documentés tels que la Loire-Atlantique, le sud du Maine-et-Loire ou l’Ille-et-Vilaine103. En outre, deux sites fortifiés bretons, non pris en compte dans cette étude, sont traditionnellement assimilés à des “oppida”. Il s’agit de l’éperon barré du “Poulailler”, qui occupe, sur la commune de Landéan (35), une surface d’environ 20 ha et du promontoire fortifié de “Lescouët” (d’environ 30 ha) à Guégon (56), localisé près de la frontière entre les Vénètes et les Corioslites. Ce dernier a fait l’objet de plusieurs reconnaissances sur le terrain par P. Naas (1997104) ou, plus récemment, par Y. Dufay-Garel qui a réalisé un relevé topographique précis des terrassements (fossés et talus) encore conservés dans le paysage. Malheureusement, aucune déclaration de découverte matérielle ne permet de reconnaître avec certitude une occupation de la fin du second âge du Fer pour l’un ou l’autre de ces sites. Les attributions à La Tène finale reposent uniquement sur des comparaisons morpho-typologiques105. Ce qui explique le parti pris de ne pas les intégrer à cette synthèse.
116Par ailleurs, les remarques suscitées par la réalisation des polygones de Thiessen sont finalement redondantes avec celles qui résultaient de l’analyse des rayons d’influences, à tel point qu’il est permis de se poser la question de la pertinence de l’utilisation de cette méthode des polygones dans l’analyse territoriale des peuples de l’ouest de la Gaule. Effectivement, la démarche proposée pour les rayons d’influence est plus proche d’une supposée réalité archéologique et ne se nourrit pas du concept très discutable de l’existence de “lieux centraux”. L’aire d’influence d’une agglomération à laquelle un homme peut accéder suivant un rythme de marche lié à la contrainte du terrain offre une modélisation de la répartition des aires d’influences des sites plus neutre et certainement plus proche d’une réalité archéologique. Par le biais de cette méthode, les lacunes documentaires apparaissent de manière plus flagrante, puisque des espaces vides se détachent clairement. D’autre part, il est tout aussi aisé d’évaluer le rôle éventuel des autres composantes du territoire (voies de communication, topographie, ...) via la répartition des aires d’influence des pôles choisis qu’à travers les polygones de Thiessen.
117De plus, dans le cadre de l’implication de différents types de sites dans l’analyse de l’organisation des territoires, le système des “zones d’influences” propose une solution plus souple permettant d’envisager des réseau(x) complémentaire(s).
118À ce sujet la place des sanctuaires dans l’organisation des territoires de l’ouest pose une question, à laquelle l’état de la recherche ne permet actuellement pas de répondre. Effectivement, certains sites à vocation rituelle ont, semble-t-il, joué un rôle dans le développement d’une agglomération romaine, dont l’origine remonte parfois à la période laténienne, comme à Allonnes, à Aubigné-Racan, à Douarnenez, à Saint-Jean-Trolimon, mais également à Andard et peut-être sur d’autres sites comme le suggèrent les antécédents mis en évidence sous certains temples romains (cf. supra chap. II, p. 208). Cela soulève la question de la nature et de l’importance du rôle joué par ces lieux à la fin de l’âge du Fer dans la mise en place des territoires (de l’Ouest) et de leur organisation ?
119On peut d’ailleurs aussi s’interroger sur la place et le rôle du sanctuaire de Juvigné au sein du territoire Diablintes. Effectivement, les sites fortifiés de Moulay et d’Entrammes constituent un ensemble cohérent ayant servi à l’application des polygones de Thiessen. Néanmoins, la longévité d’une occupation à vocation religieuse à Juvigné et l’ampleur des vestiges gaulois, matérialisés par une imposante enceinte quadrangulaire, ne sont pas anodines. Le statut public ou privé du sanctuaire romain n’est pas défini, tout comme son environnement. Toutefois, la rareté de ce type de vestiges (notamment mobiliers) pour la fin de l’âge du Fer dans le quart nord-ouest de la Gaule, la présence de monnaies, dont les émissions sont attribuées à sept peuples différents (notamment celui des Diablintes), implique un rayonnement allant bien au-delà du culte privé. Si le sanctuaire ne peut être actuellement associé à aucun habitat groupé laténien ou romain106, il est fort à parier qu’il ait joué un rôle à La Tène finale à l’échelle du territoire diablinte. En tout cas, il reflète indéniablement “un élément de stabilité” au sein du territoire, pour reprendre les termes de S. Fichtl107.
120En effet, Juvigné, comme Allonnes (72), Aubigné-Racan (72), ou Saint-Jean-Trolimon répondent aux critères définis, par M. Vaginay, pour identifier les espaces favorables à l’implantation de lieux de pouvoir : “des marqueurs forts de l’espace à haute charge symbolique [...] qu’ils soient strictement naturels ou d’origine anthropique”108109. Des lieux de pouvoir de nature et de fonction probablement différentes d’un territoire à un autre, puisqu’ils ne donnent pas tous naissance à un habitat groupé. À moins bien sûr, qu’à l’avenir, la documentation archéologique évolue en ce sens. M. Vaginay – qui s’appuie certainement sur les sanctuaires de Gaule belgique mieux renseignés – interprète les sanctuaires comme des “protecteurs de la communauté et garants des relations inter-communautaires”110. Lorsqu’ils sont localisés en limites de territoire, leur situation facilite en effet les regroupements de population, permettant des rassemblements et des pratiques collectives. Si ces concepts restent à démontrer (ou à réfuter) par l’archéologie pour le quart nord-ouest de la Gaule, on peut pour le moins concéder, la présence de lieux à forte valeur symbolique, indices de l’ancrage d’une entité sociale sur un espace donné111.
Le réseau des agglomérations ouvertes et fortifiées : remarques complémentaires
121La carte des aires d’influences des agglomérations fortifiées et ouvertes de l’Ouest a été mise à jour en fonction des apports issus de la confrontation avec les données de la période romaine – le corpus est donc identique à celui utilisé pour les polygones de Thiessen (fig. 179).
Fig. 179. Localisation des entités archéologiques du second âge du Fer par rapport aux aires d’influences des agglomérations fortifiées supérieures certaines et présumées et des autres “sites centraux” retenus. Pour les noms des sites, se référer au tableau, fig. 176 (réal. J. Remy).

122Afin de clore la mise en perspective de ces résultats, a été rajouté à la carte l’ensemble des entités archéologiques attribuées au second âge du Fer et recensées par les services régionaux de l’archéologie de Bretagne et de Pays de la Loire112. Ces entités, qui représentent toutes les catégories de sites, mais principalement l’habitat rural, sont intégrées en grande majorité aux aires d’influences de 25 km, allouées aux sites retenus pour les territoires des Cénomans, des Diablintes et des Andécaves. On en conclut que, depuis l’un de ces sites, tous les points représentés par les entités laténiennes sont accessibles pour un homme à pied, en comptant une bonne demi-journée de marche au maximum. On en déduit une cohérence dans l’implantation des sites principaux et le développement de l’occupation de manière générale à l’intérieur de ces trois cités. Étant donné que ces entités correspondent majoritairement à des habitats ruraux ou à des éléments de parcellaire, on peut avancer l’idée d’un lien important entre le monde rural et les habitats groupés permettant des échanges entre les deux.
123La situation est plus contrastée pour les autres territoires. La correspondance est relativement bonne chez les namnètes mis à part une poignée de sites au nord de la Loire, au nord-est de Nantes et dans les environs d’Ancenis. Précisons que si l’occupation de Mauves-sur-Loire devait se confirmer sous la forme d’un habitat groupé ou d’un sanctuaire, son aire d’influence couvrirait alors ces deux secteurs.
124Les agglomérations et les sites principaux retenus pour l’étude polarisent également une part importante des entités archéologiques de l’ouest de la cité osisme. Au vu de ces résultats, on peut raisonnablement supposer qu’il reste à découvrir des sites, susceptibles de couvrir par leurs aires d’influence les principaux nuages d’entités archéologiques, notamment les habitats ruraux, particulièrement éloignés des agglomérations actuellement identifiées, c’est-à-dire à l’est du territoire osisme et au nord du territoire vénète, au centre du territoire coriosolite, au sud du territoire riedone et au sud du Fief-Sauvin.
125Chez les Riedones, au contraire, presqu’aucune entité archéologique laténienne n’est comprise dans l’aire d’influence de 25 km de Vieux-Vy-sur-Couesnon. Elles se concentrent pour la plupart au sud du territoire, reflétant l’importante activité de prospection (essentiellement aérienne) qui anime le sud du département d’Ille-et-Vilaine. Les données pour cette cité représentent donc davantage un état de la recherche qu’une réalité archéologique.
126Pour finir, notons que plusieurs centres, ponctuellement évoqués durant l’analyse, occupent une place particulière à la frontière de deux territoires. Il s’agit des sites fortifiés de Peaule (56) et de Châtelais (49), de l’agglomération ouverte de Trégueux (22) et de l’ensemble constitué par le site fortifié de la “Butte de Vaux” et l’occupation à vocation rituelle dans la plaine d’Aubigné-Racan (72). Cette situation géographique n’est pas propre à la zone d’étude, on peut citer, par exemple, l’oppidum de Châteaumeillant (18) chez les Bituriges, localisé à la frontière avec les Arvernes et les Lémovices. S. Krausz a interprété la position stratégique de cette agglomération comme un choix, au moins en partie, lié au commerce. Cette implantation a certainement facilité les échanges commerciaux entre les territoires, qu’atteste la présence d’une grande quantité d’amphores gréco-italiques, conservées sur le site113. Dans le cas de Peaule, Châtelais ou Trégueux, on peut également envisager une situation facilitant les échanges avec les territoires voisins, mais les données archéologiques ne sont pas suffisantes pour pouvoir évoquer une fonction de relais économique.
Discussion autour de la structuration territoriale et de l’émergence du réseau urbain
“La territorialité exprime donc la tentative par un individu ou un groupe d’affecter, d’influencer ou de contrôler d’autres personnes, phénomènes ou relations et d’imposer son contrôle sur une aire géographique, appelée territoire114”.
127À l’issue du tableau qui vient d’être dressé de l’organisation des territoires dans le quart nord-ouest de la Gaule, deux points concernant la constitution des civitates et leurs origines méritent d’être retenus.
1281/ Vers la fin du iiie siècle ou au début du iie s. a.C., sont mises en place les premières agglomérations ouvertes. Celles de Quimper (29) et de Trégueux (22), les mieux appréhendées, sont créées en des lieux stratégiques du territoire, favorisant les échanges commerciaux. Leur position privilégiée, mais également l’organisation de ces habitats, témoignent certainement d’un acte de fondation impliquant l’intervention d’une autorité. L’idée d’une “agrégation quasi spontanée et progressive d’artisans et de commerçants dans des lieux stratégiques au plan commercial” ne semble pas, en effet, refléter les données archéologiques115. L’agencement de l’agglomération de Quimper, précédemment évoquée (cf. supra chap. III, p. 284), structurée autour d’un axe de circulation principal et de deux places qui perdurent tout au long de la vie du site, ou bien la présence au sein de l’agglomération de Trégueux, d’un grand bâtiment, interprété comme un espace public (semblable à un ensemble mis au jour sur l’oppidum de Bibracte dans la Nièvre) constituent les indices de l’implication d’une autorité dans le développement de ces habitats. C’est pourquoi on rejoint M. Vaginay qui déclarait en 2012 qu’“il paraît peu probable que dans le contexte de la société du second âge du Fer, de telles agglomérations [ouvertes] aient pu émerger en nombre sans l’accord des autorités politiques et religieuses”116. Aussi, l’analyse des habitats groupés du quart nord-ouest de la Gaule et de l’évolution des différents centres établis jusqu’à la période romaine, paraît contredire la proposition d’O. Buchsenschutz et de Y. Ralston qui opposent les agglomérations ouvertes aux oppida, seuls véritables premiers centres urbains à la fin de La Tène, pour lesquels l’acte de fondation se reflète, selon eux, dans la réalisation du rempart117. En effet, l’important nombre d’habitats groupés de La Tène finale qui donnent naissance à une ville romaine, ou qui connaissent un léger décalage au changement d’ère, semble indiquer, au contraire, que le rempart ne peut pas désigner l’unique mode de fondation au second âge du Fer.
129En parallèle de ces agglomérations ouvertes, qui émergeraient à l’initiative d’une autorité afin de favoriser l’essor économique local, des habitats groupés sont créés au contact de sanctuaires dans le quart nord-ouest de la Gaule. Jublains (53), chez les Diablintes, est l’exemple le mieux documenté. Son origine n’est pas clairement située, mais il semblerait qu’un habitat groupé se mette en place, au plus tard au début du iie s. a.C., en périphérie d’un espace à vocation rituelle – déjà fréquenté au iiie siècle, voire dès le ive s. a.C. –, dont le caractère sacré est conservé jusqu’à l’époque romaine. À cette époque, un temple est édifié à l’emplacement de ces vestiges laténiens, prenant part à la monumentalisation de la ville, érigée au rang de capitale de cité. Ce schéma d’implantation révèle le choix d’un lieu symbolique (de dimension certainement collective) pour la fondation d’une agglomération (probablement ouverte) de la fin de La Tène et donc peut-être de l’intervention d’une autorité religieuse. Cette situation est également pressentie – mais non encore démontrée ni précisément datée – chez les Cénomans avec Allonnes (72) – où un habitat groupé peut être envisagé au pied de la colline, qui accueille le sanctuaire –, à Oisseau-le-Petit (72) où plusieurs temples romains pourraient connaître des antécédents, à Andard (49) chez les Andécaves – où la densité d’indices datés de La Tène finale suggère la présence d’un habitat groupé –, ou encore chez les Osismes (cf. infra).
130Cette démultiplication pressentie d’agglomérations, créées autour d’espaces rituels, illustre clairement l’ancrage des populations au sein de leur territoire. Ces agglomérations sont, en fin de compte – aussi parce que leur développement s’inscrit sur un temps long et perdure après la conquête – le signe d’une stabilisation des territoires, de la territorialisation des peuples. Il semble donc que le domaine religieux ait joué un rôle prédominant dans les mécanismes d’émergence de la ville dans le quart nord-ouest de la Gaule et marque donc une étape dans la constitution des cités118. Les sanctuaires isolés tel que celui de Juvigné (53, chez les Diablintes) – dont la fréquentation remonterait au iiie s. a.C. – participent certainement de cette construction des territoires119, d’autant qu’on a pu remarquer leur situation particulière, souvent à proximité des frontières entre deux peuples.
131En définitive, à l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule, on distingue, au moins, deux moteurs ou véhicules de l’émergence des agglomérations de plaine à la fin de l’âge du Fer : l’économie et le religieux, à l’initiative d’une ou de différentes autorités (politique et/ou religieuse), qu’il est encore difficile d’identifier (cf. supra chap. III, p. 282). Le rôle social (perceptible à travers la présence d’espaces publics ou de lieux à vocation rituelle) et économique de ces habitats groupés témoigne de la mise en place progressive d’un contrôle de l’espace, favorisant finalement “le développement local et régional des relations sociales”120.
132Globalement, ce schéma s’accorde bien avec ce que l’on observe à l’échelle de la Gaule ou même de l’Europe tempérée où l’on voit émerger ces agglomérations ouvertes dans le courant du iiie s. a.C. Certaines connaissent une croissance importante, en particulier celles implantées le long de grands axes de communication fluviaux ou terrestres, qui développent des activités artisanales denses et/ou diversifiées comme à Toulouse121, le long de la Garonne ou à Manching sur le Danube122 – pour cette dernière l’occupation arrive à son apogée avant la construction des remparts. Par ailleurs, d’autres sites plus modestes voient également le jour, tels qu’Acy-Romance le long de l’Aisne dans les Ardennes, Bâle Gasfabrik sur le Rhin123 ou Haselbach en Basse-Autriche124. Des agglomérations pour lesquelles la croissance repose davantage sur le contrôle de l’exploitation des ressources naturelles, telle que la production agricole. Aussi, dans certains cas, la sphère religieuse occupe une place importante, lorsque l’habitat semble se développer autour d’un sanctuaire plus ancien, dont la présence pourrait avoir suscité la fondation de l’agglomération. La question est posée pour Mirebeau-sur-Bèze, Mandeure en Bourgogne-Franche-Comté et Champigny-lès-Langres en région Grand Est125.
133Dans le nord-ouest de la Gaule, les agglomérations de plaine certaines et pressenties présentent une forme de continuité avec la période romaine et ne semblent pas remplacées par des sites de hauteur fortifiés (cf. supra chap. III, p. 307). Toutefois, à La Tène finale, l’émergence de sites fortifiés de quelques hectares à plusieurs dizaines d’hectares s’observe dans ces régions comme dans le reste de l’Europe celtique et ce pour la majorité des cités étudiées. En effet, à partir de la seconde moitié du iie s. a.C., une seconde vague d’urbanisation pour le second âge du Fer est largement dominée par la création de sites défensifs, d’oppida126. Moulay, sans conteste le site le mieux étudié de la zone d’étude, en est l’exemple le plus frappant.
1342/ Les exercices d’analyses spatiales effectués précédemment et la confrontation de la distribution du corpus avec les autres composantes du territoire ont permis de dégager des organisations territoriales diverses au sein de la zone d’étude qui témoignent de processus sociaux et politiques propres à chaque cité à la fin de l’âge du Fer.
135Les territoires des Andécaves et des Diablintes apparaissent comme les mieux organisés autour d’un ou de deux pôles principaux. Chez les Andécaves, plusieurs agglomérations de plaine émergent dans le courant de La Tène moyenne en bord de Loire ou plus en retrait (Les Alleuds, 49), suivies d’une occupation de hauteur qui se développe sur le promontoire d’Angers (49) – sur près de 10 ha – au début de La Tène finale (seconde moitié du iie s. a.C.). La présomption d’une fortification ceinturant le site, sa position géographique et topographique, ainsi que son rôle de capitale au Haut-Empire suggèrent un rôle centralisateur dès l’époque gauloise. L’organisation de cette cité est proche de celle limitrophe des Turons, pour laquelle les pôles se développent principalement le long de la Loire, probablement sous le contrôle d’Amboise (37), oppidum principal de ce peuple127. Chez les Diablintes, le territoire semble être réparti autour de deux grands pôles, Entrammes (53) au sud et le binôme Moulay/Jublains (53) –, dont le fonctionnement complémentaire ou concurrentiel constitue un problème qu’il reste à résoudre – également au sud.
136Le fonctionnement de la civitates des Cénomans à la fin de l’âge du Fer dépend du statut du Mans (72) à cette période. Capitale de cité à l’époque romaine, elle a récemment livré ses premiers vestiges de La Tène finale, qui ne suffisent cependant pas à confirmer l’existence d’une agglomération (fortifiée) sur les hauteurs du Vieux-Mans. Néanmoins, l’important développement du sanctuaire d’Allonnes (72) au pied duquel quelques indices d’une occupation datée de la fin du second âge du Fer ont été mis au jour, permet d’envisager un centre important autour de ces deux villes à La Tène finale. Au moins deux pôles seraient établis aux confins du territoire dès La Tène moyenne. Au nord, un pôle économique et peut-être politique est constitué par les sites de Gesnes-le-Gandelin (72) et d’Oisseau-le-Petit (72), tandis qu’au sud, la fortification de la “Butte de Vaux” et le sanctuaire de plaine d’Aubigné-Racan (72) devaient couvrir des fonctions religieuses et peut-être également politiques. Précisons que les phases d’occupation les plus anciennes du sanctuaire d’Allonnes remontent à la fin du ve s. a.C., date à partir de laquelle on peut placer le début du développement social de la cité, qui se renforcerait dans le courant de La Tène moyenne avec la mise en place des deux autres centres. À La Tène finale, au moins un autre habitat groupé à vocation artisanal (possiblement fortifié) est établi à Duneau (72), le long des rives de l’Huisne, sous-affluent de la Loire.
137Il n’est certainement pas anodin de constater que ces trois civitates, pour lesquelles l’organisation politique apparaît centralisée autour d’un ou de deux pôles128– comme chez les Éduens, les Bituriges, ou les Séquanes129 – correspondent justement à celles pour lesquelles on reconnaît la continuité la plus évidente entre la fin de l’âge du Fer et l’époque romaine.
138Pour les autres territoires, la lecture de l’organisation politique est moins évidente. On a peine à croire qu’un seul habitat groupé se soit développé chez les Riedones, d’autant que six agglomérations romaines (dont Rennes est le chef-lieu) voient le jour à la période romaine. La seule présence de “l’oppidum d’Orange” à Vieux-Vy-sur-Couesnon (35), lui confère automatiquement le statut de centre principal, de capitale de cité à la fin de l’âge du Fer, même si les données disponibles pour ce site ne sont pas suffisantes pour éclairer son fonctionnement.
139Chez les Coriosolites, l’étude des habitats groupés ouvert – Trégueux (22) – ou enclos – Erquy (22), Saint-Malo (35) – qui jalonnent le littoral de la Manche ne permet pas vraiment de distinguer un site prédominant. La forte activité économique perçue à Saint-Malo se confronte à l’importance de la superficie enclose à Erquy (l’occupation interne n’est pas connue), ou de la monumentalité de certaines architectures à Trégueux (enceinte quadrangulaire et grand bâtiment à quatre ailes). On en retiendra le caractère multipolaire de ce territoire et plus particulièrement de son littoral (puisque le reste de la cité n’a livré que des habitats ruraux isolés). La centralisation du pouvoir est a priori moins aboutie que chez les Andécaves. Ce type d’organisation n’est pas exclusif aux Coriosolites puisque chez les Ségusiaves, on reconnaît également une série d’oppida et d’agglomérations ouvertes dispersés le long de la Loire, parmi lesquel(le)s aucun(e) n’apparaît hiérarchiquement supérieur(e) aux autres130. Ces territoires, qui rencontrent une centralisation plus aboutie lors de l’administration des cités sous Auguste, se rapprochent d’“un schéma de type fédéral où fonctionnent encore pleinement, [...] les jeux d’alliances entre communautés réunies par des intérêts communs, voire une histoire commune”131.
140Chez les Namnètes, aucun site, non plus, ne semble pouvoir être considéré comme le chef-lieu à la fin de l’âge du Fer. À moins que Vue (44), installé en rive gauche de la Loire, n’appartienne au territoire Namnète comme cela a été suggéré (cf. supra chap. III, p. 305). Dans le cas contraire, il faudra envisager un schéma politique moins avancé, où plusieurs autorités probablement indépendantes se répartissent des entités territoriales plus limitées comme Guérande (44) ?, Blain (44) ?, ou encore Châtelais (49) ? Mais, il semble que les données pour cette cité soient encore trop partielles – la présence des habitats groupés est d’ailleurs souvent loin d’être assurée – pour avancer des réponses définitives quant à son organisation.
141Chez les Vénètes, le site le plus imposant est celui de Peaule (56), pour lequel on ne connaît presque rien, mis à part sa superficie (plus de 20 ha) et son implantation géographique avantageuse. Néanmoins, sa position – à la frontière entre les Vénètes et les Namnètes – interdit d’y reconnaître une capitale de cité. On doit là encore envisager l’émergence, à La Tène finale, de plusieurs centres qui contrôlent des secteurs limités de la civitates.
142Enfin, si l’on met en perspective l’ensemble des données traitées précédemment chez les Osismes, la situation politique apparaît plus complexe. C’est, en effet, le peuple qui regroupe actuellement le plus de pôles de formes différentes. On y reconnaît l’agglomération ouverte de Quimper (29), mais également des habitats groupés fortifiés littoraux, tels que Ploulec’h (22) et Landunvez (29), pour lesquels les fonctions économiques ont été soulignées (cf. supra chap. III, p. 272). En parallèle, des centres religieux s’implantent non loin de la côte, certainement dès le ve s. a.C. (La Tène ancienne) pour Saint-Jean-Trolimon (29), assurément à La Tène finale et peut-être dès le début du second âge du Fer pour Douarnenez (29 ; du mobilier atteste au moins d’une fréquentation durant La Tène ancienne ou moyenne). Ces lieux, occupés sur le long terme (encore pendant la période romaine) et d’une importance symbolique évidente, se caractérisent eux aussi par une position géographique intéressante sur le littoral, c’est-à-dire potentiellement le long d’une voie commerciale, qui pourrait avoir stimulé la fondation d’habitats groupés dès la fin de l’âge du Fer puis à l’époque romaine. Si le développement d’habitats groupés à l’emplacement de ces sites se confirmait, alors l’intervention d’une autorité politique et/ou religieuse dans ce processus serait difficilement contestable.
143La bande côtière osisme se dote donc progressivement d’une multitude de pôles économiques, religieux et/ou politique dès le ve s. a.C., mais surtout à partir de la fin du iiie s. a.C., que l’on peut associer à l’émergence d’entités politiques se répartissant le territoire.
144À l’intérieur des terres, le promontoire de Huelgoat (29) est fortifié à La Tène finale – bien que l’origine et la durée de fonctionnement du site ne soient pas assurées. Même si l’on ne connaît rien de son occupation interne, la monumentalité des fortifications (et leur complexité architecturale), ainsi que la superficie enclose, d’une trentaine d’hectares, confère au site un statut politique certain. Sa position géographique, légèrement décentrée vers le nord-ouest, lui donne tout de même une place particulière au sein du territoire osisme qui autorise à envisager son statut de pôle principal. Certains chercheurs ont suggéré qu’il ait partagé ce rôle avec l’établissement aristocratique de Paule (22), également fortifié entre le iie et le ier s. a.C.132. Cette hypothèse se justifiait particulièrement par l’identification d’une grande enceinte et surtout par la superficie initialement estimée à 30 ha. Cependant, cette estimation haute a récemment été révisée à une quinzaine d’hectares maximum, une surface tout de même supérieure à celles généralement couvertes par les habitats aristocratiques de ces régions133. Bien que l’on ne rallie pas ici l’idée que Paule détienne à La Tène finale le statut d’oppidum, l’autorité politique, voire économique (dont témoigne la quantité d’amphores mises au jour) du (ou des) propriétaire(s) des lieux paraît indéniable pour les raisons évoquées à plusieurs reprises (cf. supra chap. II, p. 177 et chap. III, p. 285). La position géographique privilégiée du site est un indice pour justifier son rôle politique au sein du territoire. En effet, le réseau de voies terrestres antiques et supposées pré-romaines dessert ou relie, en l’état actuel des données, un plus grand nombre de pôles osismes (mais également coriosolites et vénètes) via le site de Paule que via le promontoire de Huelgoat (fig. 180). La question est là encore de savoir si l’autorité perçue à travers l’habitat de Paule était en concurrence ou fonctionnait parallèlement avec celle de Huelgoat ? On revient finalement à des interrogations sur l’évolution de la société à la fin de l’âge du Fer et sur la possibilité d’une mise en compétition, à La Tène finale, de l’élite foncière avec peut-être de nouveaux groupes sociaux à mettre en lien avec le développement des agglomérations (commerçants et artisans). Ce vaste débat ayant déjà été abordé, il reste ouvert dans l’attente de nouvelles fouilles sur “Le Camp d’Artus” à Huelgoat.
Fig. 180. Le réseau des agglomérations fortifiées supérieures et des sites centraux avec l’emplacement de la résidence de Paule (réal. J. Remy).

145Finalement, il faut remarquer que l’hégémonie, relatée par César134, du peuple vénètes sur ses voisins n’est pas perceptible à travers les vestiges archéologiques. En l’état actuel des données, on aurait même plutôt tendance à l’attribuer aux Osismes, ce peuple qui fait le lien entre l’Océan Atlantique et la Manche et dont on vient de montrer le fort ancrage territorial, perceptible dès le début du second âge du Fer. Cette conclusion rejoint d’ailleurs l’avis de bon nombre de chercheurs, historiens, archéologues et numismates135, qui conviennent aujourd’hui d’une éventuelle autorité commerciale des Vénètes mais en aucun cas de leur suprématie politique ou militaire.
146En conclusion, les données archéologiques, bien que souvent lacunaires, témoignent d’un paysage politique et social contrasté d’un territoire à l’autre et d’une organisation politique plus ou moins avancée, les trois cités de la frange orientale de la zone d’étude étant a priori les mieux structurées et les plus proches du cadre administratif mis en place par la suite, au Haut-Empire. Leurs organisations s’apparentent davantage à ce que l’on observe pour le centre de la Gaule, bien que dans le détail, les situations ne soient pas vraiment comparables. La cité des Carnutes, par exemple, est presque uniquement structurée autour d’agglomérations fortifiées qui apparaissent très régulièrement réparties sur l’ensemble du territoire, émergeant à La Tène finale rompant avec une société qui était exclusivement rurale aux ive et iiie s. a.C. Levroux est la seule agglomération de plaine qui s’y développe dès La Tène C1/C2136. La répartition très régulière des oppida, tous les 50 à 60 km, structurent fortement la cité, dominant un paysage exclusivement ruralisé en dehors de ces pôles. À ce stade, la situation apparaît bien plus contrastée chez les Andécaves, les Cénomans ou les Diablintes, mais l’état des connaissances actuelles en sont, sans doute, en partie la cause, interdisant d’aller au-delà de ces premières conclusions.
Fonction(s) et origine(s) des agglomérations ouvertes d’Europe celtique : quelles perspectives de recherche ?
147Si l’on envisage, bien souvent, l’activité artisanale comme le principal moteur de l’essor des agglomérations ouvertes, leur implication dans des réseaux d’échanges à longue distance est moins évidente à démontrer d’un point de vue archéologique. En effet, la fonction commerciale de ces pôles se déduit indirectement de leur dimension artisanale, de leurs situations géographiques avantageuses, mais également, dans certains cas, de la présence de monnaies137. Afin de mieux percevoir, à l’avenir, le(s) rôle(s) de ces agglomérations, il apparaît primordial d’examiner plus précisément les critères d’implantation topographique et environnementale de ces sites. En particulier, la question des sites portuaires, voire des éventuels aménagements (ou équipements) portuaires présents entre Manche et Atlantique se pose, d’autant plus si l’on considère le lien, souvent étroit, qu’il existe entre agglomérations et voies fluviales à l’échelle de l’Europe, et ce dès le iiie s. a.C.138.
148Pour l’époque romaine, l’importance du rôle des voies navigables dans le développement de l’économie des villes et indirectement du développement urbain n’est plus à démontrer. On considère d’ailleurs que les espaces portuaires, qui favorisent les échanges et la redistribution, constituent de véritables points d’accroches des routes commerciales. Pour la fin de l’âge du Fer et plus généralement pour la Protohistoire, ce champ d’étude demeure encore très peu exploré, comme en témoigne le 37e colloque de l’AFEAF, consacré à l’eau et à sa gestion durant tout l’âge du Fer. À cette occasion, les données archéologiques concernant les espaces portuaires se sont limitées à la présentation d’occupations domestiques et artisanales littorales, ou situées au contact d’un cours d’eau. Aucune transformation d’un site naturel – anse, baie, crique – en un site portuaire et aucun aménagement spécifique n’ont été mentionnés, que ce soit pour l’espace fluvial ou maritime139.
149Les rares espaces portuaires protohistoriques, au sens large, quelque peu renseignés à ce jour en France correspondent aux sites d’Urville-Nacqueville pour le littoral de la Manche140 de Vix, de Besançon et de Chelles en Seine-et-Marne pour les eaux intérieures – ce dernier datant de la transition avec l’époque romaine141. Au contraire, la recherche sur les ports romains progresse significativement depuis une quinzaine d’année – fouilles de Rezé en Loire-Atlantique, d’Aizier dans l’Eure142, de Bordeaux en Gironde143, de Lyon dans le Rhône144 ou encore de Tours en Indre-et-Loire145 – et se structure avec, notamment, de nombreuses rencontres scientifiques. On peut, par exemple, évoquer la Journée d’étude de La Rochelle en 2008 sur Les Structures portuaires de l’Arc Atlantique dans l’Antiquité, le colloque de Montpellier en 2014 sur Narbonne et les systèmes portuaires fluvio-lagunaires, le colloque international de Kiel (Allemagne) en 2015 sur Harbours from the Roman Period to the Middle Ages, les journées d’étude de Dijon en 2016 sur Les ports de navigation intérieure en Europe Centrale : relais entre l’Europe du nord et la méditerranée, ou encore le colloque international d’archéologie portuaire de Nantes, en 2018, sur Les ports romains dans l’arc atlantique et les eaux intérieures146. Des rencontres qui permettent de réfléchir aujourd’hui à la fois sur des questions de fond propres à l’archéologie portuaire (conditions d’implantation, degrés d’artificialisation des berges et des rives, exploitation et maîtrise des chenaux de navigation ou des accès au port, etc.), mais aussi sur des aspects méthodologiques nécessaires à la pratique d’une archéologie portuaire dynamique et reconnue comme réel champ d’étude147 : amélioration des outils de détection, choix des modes d’interventions, politique d’échantillonnage adaptée à des contextes très souvent humides et anaérobie, etc. Au final, la mise en place de l’ensemble de ces travaux (depuis une vingtaine d’années environ), notamment pour l’Antiquité et en contexte d’eaux intérieures, doit également profiter aux périodes attenantes et nourrir toute une réflexion future sur la recherche des ports protohistoriques.
150En effet, les exemples d’agglomérations protohistoriques qu’on suppose associées à des espaces portuaires ne manquent pas (Nanterre en Île de France, Orléans et Bourges en Centre-Val de Loire, Quimper-Kergolvez en Bretagne, Varennes-sur-Allier en Auvergne-Rhône-Alpes, Toulouse Saint-Roch en Occitanie, ou Vix pour la fin du premier âge du Fer, etc.) (fig. 181).
Fig. 181. État des connaissances sur les espaces portuaires en Gaule et dans ses environs proches (réal. J. Remy).

151Par ailleurs, la récente publication d’une journée d’étude, tenue à Paris en 2013, intitulée Inventorier et décrire les constructions de l’eau. Le vocabulaire des ports en milieu fluvial et estuariens148, participe de cet élan qui contribue à faire émerger pour l’Arc atlantique un champ d’étude longtemps limité à l’espace nautique méditerranéen. Organisée par V. Serna, celle-ci avait pour vocation d’échanger sur les termes employés par les historiens et les chercheurs des périodes historiques, afin de s’accorder sur la définition et les caractéristiques des sites portuaires et de leurs éventuels équipements en milieu fluvial et estuarien à l’échelle nationale. Il y a été aussi question d’étendre cette recherche aux périodes plus anciennes et de faciliter ainsi – de manière diachronique – la détection, la reconnaissance et l’étude d’un site portuaire et de ses éléments constitutifs, peu importe la période concernée.
152C’est pourquoi, il est aujourd’hui temps d’intégrer ces questions des voies navigables, des sites et des infrastructures portuaires à la recherche sur l’urbanisation à l’âge du Fer. Il s’agira, à l’avenir, de porter une attention particulière aux choix d’implantation de certaines agglomérations de l’âge du Fer, qui apparaissent dépendantes du réseau hydrographique, mais surtout de progresser quant à la connaissance des formes et configurations portuaires durant la Protohistoire. Un travail qui devra aboutir plus précisément sur la reconnaissance et la compréhension de l’organisation tripartite d’un site portuaire, qui se structure, quel que soit sa période, autour d’un espace navigable, d’un espace de (dé)chargement et d’un espace de stockage149.
153Comme cela a été fait et démontré pour les périodes plus récentes (dans l’estuaire de la Seine ou de la Loire), la détection des espaces naturels, ayant été utilisés à des fins portuaires, sera primordiale, avant même de s’intéresser à d’éventuels équipements portuaires. Ainsi, les grèves et plages d’atterrissement – souvent liées à des accumulations de dépôts – tout comme les zones incisées (fosse, gouffre, anse, baie, crique...), devront être ciblées et interrogées au moyen d’outils spécifiques (prospections aériennes, géophysiques, carottages mécaniques pour des études paléoenvironnementales et géomorphologiques, etc.). Finalement, il s’agit d’identifier les conditions naturelles d’implantation, qui préfigurent des opportunités portuaires.
Notes de bas de page
1 Gentelle 1995.
2 Djindjian 1991, 201-230 ; Leveau 2002 ; Féliu 2008, 210-211 ; Brun 2010 ; 2012 ; Garmy 2012, 183-191.
3 Robic 1982.
4 Pumain 2014.
5 Chorley & Haggett 1967.
6 Clarke 1972.
7 Vita-Finzi & Higgs 1970 ; Hodder & Orton 1976 ; Clarke 1977.
8 Van der Leeuw 1990.
9 Batardy et al. 2001 ; Zadora-Rio, dir. 2014.
10 Berger et al. 2005.
11 Rodier 2011.
12 Gruel & Lejars 2015b, 284.
13 Garmy 2012, 199-231 ; Monteil 2012, 325-334.
14 Fichtl 2012a, 152.
15 C. Féliu a proposé dans sa thèse d’attribuer aux oppida et aux agglomérations ouvertes des Leuques et des Médiomatriques des territoires théoriques circulaires dont le diamètre est calculé à partir de la moyenne des distances (linéaire) au plus proche voisin de chacun des sites retenus (Féliu 2008, chap. 4, § 3.). Afin de confronter les habitats gaulois de Provence et du Bade-Wurtemberg, L. Bernard (2003) a appliqué des territoires théoriques circulaires de rayons prédéfinis. L’un de 5 à 7 km pour environ une heure de marche correspond au territoire agricole, le second, de 20 à 30 km restitue les réseaux commerciaux. Une méthode similaire a été proposée en 2008 par l’équipe de K. Gruel pour définir l’attraction des différents grands pôles religieux de la cité des Cénomans à l’époque romaine (Gruel et al. 2008, 40).
La même démarche, tenant compte de la topographie et donc de la contrainte du terrain pour un marcheur, a été proposée dans le cadre de collaborations en 2010 (C. Batardy, T. Lorho, M. Monteil et S. Quevillon), puis en 2012 (dans le cadre de l’HDR de M. Monteil) pour le nord-ouest de la Gaule. L’objectif était d’estimer l’emprise des agglomérations secondaires romaines et des chefs-lieux de cités sur leurs territoires (Batardy et al. 2013, 149-150 ; Monteil 2012, 321).
16 C = 0,031p² - 0,025p + 1 (p correspond à la pente en degrés).
17 Djindjian 1991, 216.
18 Fichtl 2012, 47.
19 S’il a été volontairement décidé de ne pas regrouper les sites fortifiés de la zone d’étude, placés au sommet de la hiérarchie, autour du terme d’oppidum du fait de la disparité du corpus, notons que les deux sites les mieux fouillés, Vue (44) et Moulay (53) mériteraient tout de même ce qualificatif. En effet, ils sont fortifiés par des systèmes défensifs complexes à La Tène finale et s’étendent sur plus de 15 ha. Les opérations archéologiques menées sur ces sites ont montré que des activités artisanales diversifiées et/ou peu répandues s’y sont développées et que ces sites participaient à des échanges commerciaux extrarégionaux. Enfin, il a été démontré que leur occupation interne est structurée. Ainsi, seules des fouilles extensives permettent de réunir des indices suffisamment sérieux pour rapprocher un site fortifié de la définition actuelle d’oppidum (Fichtl 2005).
20 Maitay 2009, 379.
21 Levillayer 2009.
22 Les découvertes réalisées lors de la construction des bassins de Penhouët (entre 1875 et 1876) attisent alors l’intérêt de R. Kerviler, l’ingénieur qui dirige les travaux de terrassements. Il met en évidence une succession de couches, datées de l’âge du Bronze à l’époque romaine, qu’il associe à une activité portuaire ancienne (Vieau 1982 ; Noblet 1999).
23 On doit ces découvertes aux travaux de recherches et de prospections de M. Tessier (Tessier 2001, 316 ; Tessier 2004).
24 Des établissements ruraux ont tout de même été reconnus en périphérie de l’agglomération romaine.
25 Pascal et al. 1992.
26 Hiernard 1986, 117, pl. II, III.
27 Aubin 2010.
28 Rouzeau 1985 ; 1986.
29 Rappelons qu’elle correspond à la limite basse matérialisée par des pointillés sur les cartes.
30 Tessier 2004, 7.
31 Levillayer 2007.
32 Levillayer 2018 ; Cornec et al. 2018.
33 Levillayer 2003.
34 Guitton et al. 2015, 114-116.
35 Aubin 2010.
36 Bouvet & Levillayer 2010, 45.
37 Aubin & Hiernard 2002 ; Aubin 2010.
38 Vaginay 2012, 372.
39 Buchsenschutz 2007, 250.
40 Monteil 2012, 154-155 ; Driard 2011, 54, 239.
41 Leroux & Provost 1990, 140-141.
42 Monteil 2012, 146.
43 Du Chatellier 1896.
44 Galliou 2010, 419-422.
45 Ibid., p. 159-160.
46 Ibid., p. 158.
47 Pour rappel, les déplacements observés d’un habitat groupé laténien vers une ville romaine, ont été qualifiés de légers lorsqu’ils correspondent à une distance (euclidienne) de moins de 4 km (cf. supra chap. II, p. 186).
48 Les critères qui ont, sans doute, présidés au choix d’implantation de la nouvelle ville romaine ont été discutés par J.‑Y. Éveillard (Éveillard 2002, 60-64) : le contexte hydrographique à savoir la proximité du site avec l’Hyères, affluent de l’Aulne ; le contexte topographique à savoir un plateau allongé de 3 km de long “qui convenait pleinement aux règles de la castramétration romaine” (Ibid., p. 61) ; sa position géographique encline au raccordement à un réseau viaire préexistant.
49 Qu’il propose d’interpréter comme “ouvrage défensif” (Fleuriot 1964, 189).
50 Remy 2016.
51 Morzadec 1999, 89.
52 Monteil 2004.
53 Des dépôts d’objets de La Tène finale ont été mis en évidence sous un sanctuaire des eaux romain.
54 Chevet et al. 2014.
55 Carpentier & Sehier 2012, 38.
56 Legeard-Hervé 2012, 90.
57 Carpentier & Sehier ibid. ; Carpentier & Lefort 2012 ; David & Loiseau 2018.
58 David & Loiseau ibid., 69.
59 Guillier 2007.
60 Bouvet 1988, 9.
61 Provost 1988b, 69-74.
62 Aubin 1984b, 65.
63 Santrot et al. 1999, 81, 84.
64 Naveau 1992, 98.
65 Maître 1893, 376-378.
66 Provost 1988a, 103.
67 Notons que l’un des statères d’or namnète (P. de Lisle du Dreneuc, Catalogue, 1903, 218, n° 541), cité dans la Carte Archéologique de la Gaule (44) comme ayant été découvert à Nantes, provient en fait du trésor de Challain-la-Potherie (Aubin 1984b, 94).
68 Deux bases ont été consultées : la base documentaire excel de Dobrée “collections_SRA_dépôts” et la base Micromusée.
69 Santrot et al. 1999, 117.
70 Jeulin 1964.
71 Monteil 2011b.
72 Le Boulaire 2012.
73 Aubin 1982.
74 Mercier 2013.
75 Nadeau & Verliac 2010.
76 Le Boulaire & Remy 2017.
77 Rouzeau et al. 1985.
78 Monteil 2011b, 51.
79 Rappelons qu’une ferme aristocratique a été appréhendée, le long de l’Erdre, plus au nord, à environ 6 km de distance du centre de Nantes (cf. annexe 29).
80 Doyen 2012.
81 Les Moutiers-en-Retz, Saint-Julien-de-Concelles, Saint-Même-le-Tenu, Saint-Père-en-Retz et Vieillevigne en Loire-Atlantique.
82 Levillayer 2007 ; Chalm 1993.
83 Weller 1993.
84 Monteil 2012, 153.
85 Les critères retenus sont : la superficie, les antécédents (sous la forme d’habitat aggloméré ou de sanctuaire) ; la pérennité (possible ou assurée) ; le schéma urbain (limité ou ample) ; la présence de sanctuaire(s) (moyen, modeste ou public), d’édifice(s) de spectacle, de thermes, d’inscription et d’équipement(s) particulier(s) tel qu’un aqueduc, un port ou des entrepôts (Monteil 2012, 326).
86 Bouet & Tassaux 2005, 272.
87 Ibid.
88 Reddé 2015, 6.
89 Monteil 2012, 198.
90 Monteil 2012, 171.
91 Fichtl 2012, 85-87.
92 Augier & Krausz 2012, 177.
93 Les Osismes, les Andécaves, les Riedones.
94 Les Coriosolites et les Diablintes.
95 Rappelons que du mobilier de la fin de La Tène moyenne dans le contrebas de la colline de La Forêterie permet d’envisager une occupation (habitat groupé ou autre ?) étendue dans les environs directs du sanctuaire (cf. supra chap. III, p. 315.).
96 Giraud et al. 2011.
97 Fichtl 2012, 209-211, 233-236 ; Maitay 2009.
98 Meuret 1993, 258.
99 Ibid., p. 257-258.
100 Laruaz 2009b.
101 À ce propos, des fouilles archéologiques sont prévues prochainement (courant 2017 ou en 2018) sur le promontoire de Mauves-sur-Loire au niveau des lieux-dits de “Pontreau” et de “la Piletière”, qui devraient être pris en charge par Nantes Métropole et apporter des éléments nouveaux.
102 Leroux & Provost 1990, 27-28.
103 Les recherches de terrains (prospections et sondages) engagées par Y. Dufay-Garel (dans le cadre de mémoires de Master) et l’association du Céram (Centre d’Etude et de Recherches Archéologiques du Morbihan) sur les sites fortifiés du Morbihan participent progressivement à un renouvellement des données sur le territoire vénète.
104 Naas 1997.
105 Leroux & Provost 1990, 97 ; Daré & Dufay-Garel 2013, 112.
106 À 6,5 km du temple, des vestiges de l’époque romaine reconnus sur la commune d’Ernée permettent de supposée l’existence d’une agglomération secondaire (Monteil 2012, 164).
107 Fichtl 2012, 153.
108 Vaginay 2012, 370.
109 Ces remarques sont empruntées à une réflexion menée pour le territoire cénoman, dans le cadre du colloque de l’AFEAF d’Amiens (Remy 2016, 56).
110 Ibid., p. 377.
111 On rejoint ici les notions d’appropriation et d’identité que recouvre la dimension idéelle du territoire, telles que les géographes les ont définies (cf. supra chap. I, p. 39).
112 Ces données sont issues des bases PATRIARCHE des deux services. La période de La Tène constitue l’échelle chronologique la plus précise qu’il est possible d’obtenir, se rapportant au cadre de l’étude.
113 Krausz 2007b, 36.
114 Kourtessi-Philippakis 2011, 8.
115 Vaginay 2012, 376.
116 Ibid.
117 Buchsenschtuz & Ralston 2012.
118 À l’échelle de la Gaule, M. Vaginay a argumenté de la place des sanctuaires gaulois dans ces phénomènes via le recours aux points de vue des historiens, anthropologues et sociologues. Il en vient à la conclusion que le “domaine cultuel” a été le principal facteur ayant conduit aux changements qui s’opèrent à la fin de l’âge du Fer, c’est-à-dire la dynamique économique qui se met en place et les nouveaux fonctionnements politiques qui engendrent un “nouvel espace social” que sont la ville et la cité (Vaginay 2012, 382).
119 La plupart des chercheurs, qui ont abordé ces questions, s’accordent sur cette idée. On ne retiendra que quelques références : Brunaux 1986, 115-118 ; Gruel et al. 2008 ; Van Andriga 2009 ; Vaginay 2012 ; Fichtl 2012, 153, 164 ; Maniquet 2015, 18.
120 Brun et al. 2000, 83.
121 Verrier 2019.
122 Sievers 2019.
123 Jud 2007.
124 Fichtl & Barral 2019, 445.
125 Barral et al. 2014; Barral 2015b.
126 Collis 2012.
127 Laruaz 2009.
128 Et dont on peut supposer que les pouvoirs en place sont plus proches d’oligarchies que de royautés ?
129 Barral et al. 2002, 271-296 ; Krausz 2016 ; Barral et al. 2011.
130 Fichtl 2012, 227.
131 Vaginay 2012, 383.
132 Éveillard 2002, 60-61 ; Fichtl 2012, 162 ; Vaginay 2012, 379.
133 Menez, à paraître.
134 À propos du soulèvement des Vénètes César écrit : “Ce peuple est de beaucoup le plus puissant de toute cette côte maritime : c’est lui qui possède le plus grand nombre de navire, [...] ; il est supérieur aux autres par sa science et son expérience de la navigation ; [...] une côte où il n’y a que quelques ports, dont ils sont les maîtres, presque tous ceux qui naviguent habituellement dans ces eaux sont leurs tributaires (Gal., 3.8)”.
135 Les arguments avancés par S. Fichtl, P. Thollard ou L.-P. Delestrée à ce sujet ont été présentés dans le premier chapitre (cf. p. 32).
136 Krausz 2016, 287.
137 Hiriart 2019.
138 Fichtl & Barral 2019, 444.
139 Olmer & Roure 2015.
140 Lefort & Marcigny 2009.
141 Charamont 2008.
142 Arthuis et al. 2010.
143 Gerber 2010.
144 Ayala, dir. 2013.
145 Communication de Nicolas Fouillet en 2014 : “2000 ans d’évolution des bords de Loire à Tours : les fouilles archéologiques de la clinique des Dames Blanches”, Les salons de Choiseul, 3e rencontres historiques [(R)évolution], Nov. 2014, Tours.
146 Mouchard & Guitton, dir. 2020.
147 Mouchard 2019.
148 Serna, dir. 2015.
149 Mouchard 2020.
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